bETISEs

 

de Nervien

 

 

 

   Bienvenue à vous

 

Il ne s'agit que d'essayer, modestement et sans prétention, de vous offrir de petits instants de détente.

 

(samedi et dimanche)

 

NON A LA FERMETURE DE LA SUCRERIE D'ESCAUDOEUVRES !

 

 

Dédicace

 

Avant toute chose, je voulais parler d'elle. Je me suis saisi d'un grand et beau morceau de vélin mais ma plume ne put rien y coucher.

 
Elle est plus resplendissante et enivrante que les roses de Corfou, plus fine et précieuse qu'une perle d'Ispahan, plus belle et envoûtante que la princesse Elyssa de Carthage.


Pour elle, il faudrait les milles vers d'un poème écrit avec les étoiles cueillies au ciel d'un rêve.


 

Préface

 

Plutarque affirmait catégoriquement et parfaitement à jeun que, de tous les Gaulois, les Nerviens étaient les plus sauvages. Les plus sauvages des Gaulois, les Nerviens ? Les Nerviens dont les personnages emblématiques sont Martin et Martine, un attendrissant couple d'amoureux, les Nerviens dont la spécialité est de fabriquer un savoureux bonbon auquel ils ont humblement donné le nom de bêtise, les Nerviens dont l'hymne est « Min tcho quinquin», une innocente et affectueuse berceuse.

 

Plutarque, vins al mason, comme cha ech' 15 d'août in ira minger des frites al ducasse (Plutarque, viens à la maison, comme ça le 15 août on ira manger des frites à la fête foraine).

 

 

1- Samedi 22 novembre 2014

 

Chapitre I : être un homme libéré tu sais c'est pas si facile

 

Bien qu'il n'ait rien contre le fait que son épouse prie le Très Haut de leur donner chaque jour leur pain quotidien, il trouvait tout de même plus pratique et plus simple de soumettre ce type de demande au boulanger de son quartier. Comme d'habitude, en sortant de l'échoppe de cet honorable artisan, il se fit un devoir de respecter l'ancestrale tradition commandant de tenir fermement sa baguette sous le bras. Au moment où, très précisément, il achevait d'accomplir fièrement ce geste plein de noblesse, il fut abordé par une charmante jeune femme qui lui demanda:

 

- « Excusez-moi, monsieur, pourriez-vous me dire où je pourrais acheter des timbres, s'il vous plaît. »

 

- « Ben oui, répondit-il un peu étonné, à la Poste, sur le trottoir d'en face, juste derrière vous, madame. »

 

- « C'est fou! Vous n'allez pas me croire, mais je n'y avais pas pensé et je n'avais pas remarqué qu'il y avait un établissement postal à proximité.Vous allez souvent dans cette boulangerie?»

 

- « Ma foi, madame, je m'y rends à chaque fois que le besoin de croûte et de mie bien fraîches se fait sentir.»

 

- « Moi aussi je me fournis toujours chez ce commerçant. C'est drôle que nous ne nous soyons jamais rencontrés auparavant.Vous venez toujours seul, personne ne vous accompagne jamais? »

 

Ma parole, réalisa-t-il soudain, cette joyeuse contribuable est, sans autre forme de procès, en train de me faire du plat! Alors, en prenant l'air le plus sérieux du monde, il expliqua:

 

- « Oui, madame, depuis que ma femme m'a quitté, je suis malheureusement obligé d'effectuer mes courses en solitaire. Ma conjointe m'a abandonné comme ça, du jour au lendemain, d'un seul coup, à cause d'une ridicule histoire de susceptibilité mal placée. Elle s'est sottement vexée parce que j'ai tenté de l'étrangler afin de pouvoir vivre librement une grande histoire d'amour en faisant ménage à trois avec sa mère et sa soeur. Cela fera aujourd'hui quinze jours que je suis sorti de prison. Si vous me le permettez, quand vous en aurez effectué l'emplette, je me ferai un plaisir de vous aider à porter vos timbres jusque chez vous.»

 

Il la vit blêmir sous son maquillage et sans demander son reste elle s'en alla aussi rapidement que le lui permettaient ses élégantes chaussures à talons aiguilles.

 

Quelle époque, pensa-t-il exaspéré. Un innocent père de famille sans défense ne peut plus sortir seul dans la rue sans être harcelé par les dragueuses en maraude.

 

 

2 - Dimanche 23 novembre 2014

 

Conscience professionnelle

 

L'hétérométrie est la seule passion et l'unique loisir de ce garçon plutôt solitaire, très discret, fort méticuleux, silencieux et d'une gentillesse quasi maladive. Toutes les femmes, tous les hommes qui le côtoient lui vouent une grande estime et les enfants l'adorent.

Il est d'une intransigeance obsessionnelle sur le respect des règles de travail. Malgré une relation de plus de vingt ans, Roland, son meilleur ami, ignore toujours en quoi consiste exactement son activé. Il n' a jamais voulu le lui expliquer afin de ne pas trahir le secret professionnel auquel il est astreint. Il y tient comme si sa vie en dépendait.

Des vagues informations qu'il a été possible de lui soutirer, il ressort que, pour des raisons de confidentialité, son métier l'obligerait à utiliser un pseudonyme, à ne passer que des contrats oraux, à être toujours payé en espèces avec des billets usagés de séries différentes et à n'avoir jamais de contacts directs avec ses clients. Un jour, des proches l'ont fortuitement entendu parler au téléphone de FRF-2 et d'ultima ratio. Ils pensent qu'il s'agit certainement d'outils très spécialisés seulement connus des professionnels qui en ont l'usage

 

Pour sa part, Roland est convaincu que son ami de vingt ans est négociant free-lance en lingerie fine sacerdotale.

 

 

3- Samedi 29 novembre 2014

 

Film d'épouvante

 

Pour du beau bestiau, c'était du beau bestiau: 95 kg de muscles saillants et durs comme le granit, le cheveu blond et ras comme la steppe, le regard bleu et froid comme l'acier. Et il était là, les mains collées sur ses joues, poussant des cris stridents de petite fille affolée, paralysé de peur devant une minuscule araignée.

 

Son épouse arriva sans se presser. D'un coup de savate, sec et précis, elle éclata la tête de l'infinitésimal arachnide. Puis elle se retourna vers son mari et levant les yeux au ciel, elle soupira: « Ah, la, la... Mon pauvre Helmut, franchement, je me demande bien ce qu'ils vous apprennent à la Légion. »

 

 

4 - Dimanche 30 novembre 2014

 

Amour courtois

 

Palsambleu! Combien il est affligeant de voir à quel point la galanterie française se meurt. Ce cuistre sans vergogne laisse à l'élue de son coeur l'ingrate tâche d'aller acheter les croissants dominicaux. Ah! Ça, monsieur! Vous mériteriez d'être sauvagement souffleté pour un tel manquement à vos devoirs de chevalier servant. C'est à vous de quérir des viennoiseries pour votre Princesse et non l'inverse.


Au lieu de vous complaire sous votre couette comme un matou satisfait dans son couche-couche-panier, vous auriez dû, sans éveiller la Belle, quitter gaillardement et à pieds joints votre lit, ceindre votre pourpoint bleu des mers du sud, enfiler votre bas-de-chausses jaune de Damas, chausser vos cuissardes en cuir de Cordoue, (gracieusement offertes par monsieur Francis Lalanne). Puis, après un silencieux et doux baiser envoyé du bout de vos doigts tremblant d'amour, sourire aux lèvres, cheveux au vent, vous vous seriez jeté du haut de votre balcon afin de vous laisser légèrement et gracieusement choir sur la selle de votre blanc destrier.

 

A peine retardé en chemin par la ludique nécessité d'occire quelques dragons chafouins et gobelins querelleurs, vous seriez revenu de votre quête, fier, vainqueur et plein d'une glorieuse sueur. Alors, dans l'aurore naissante, nimbé des premiers rayons du soleil, le genou en terre, tête baissée, à votre Aimée vous auriez humblement offert un croissant mais aussi et surtout, une rose.

 

5 - Samedi 06 décembre 2014

 

Bricolage

 

Cher et cordial voisin, il se trouve qu'un mien ami est adepte des émotions dites fortes. Dernièrement, il s'est subrepticement glissé dans une église afin d'y vivre une de ces expériences extrêmes qu'il affectionne tant.

Il a été comblé au-delà de ses rêves les plus fous mais la dernière fois que je lui ai parlé, il m'a juré ses grands dieux qu'il ne recommencerait plus jamais.

Il me faut maintenant retourner le voir au plus tôt et c'est là où j'en viens à l'objet de ma visite. Auriez-vous, s'il vous plaît, l'obligeance de me prêter une paire de tenailles afin que je puisse aller déclouer cet imbécile qui voulait savoir "quel effet ça fait" d'être crucifié.

6 - Dimanche 07 décembre 2014

 

Ecologique

 

Il a frôlé la crise de nerfs en voulant sortir de leur emballage plastique têtu et sournois la paire de cintres qu'il avait fièrement ramenée de son supermarché favori.


En toute charité chrétienne et très poliment, il faut bien dire que c'est bien fait pour sa g... à cette espèce de sous dégénéré primé au concours olympique du plus beau taré de sa race!

Si au lieu de s'approvisionner en cintres issus de l'agriculture intensive, il se rendait au marché du coin afin de faire provision de cintres bios vendus en vrac après avoir été élevés sous la mère puis au grain et en plein air, il n'aurait pas connu ce genre de mésaventure énervogène.

Certes, passer au cintre bio demande de consentir à quelques efforts et sacrifices. Il ne faut pas se cacher que cela oblige à se taper la causette avec de petits producteurs chevelus et mal rasés qui sentent fort le fromage de chèvre, et à se mêler aux tas de péquenots sortant une fois par semaine de leur cambrousse pour refaire leur provision de saindoux et de kils de rouge. Sans compter que l'on est, en plus, obligé d'abattre, de plumer et d'éviscérer ses cintres soi-même.


7 - Samedi 13 décembre 2014

 

Question de bon sens

 

Chaque matin, au petit déjeuner, il déguste une choucroute royale arrosée d'un café au lait bien serré et se contraint avec application à des exercices de diction.

 

S'essayer ainsi quotidiennement à prononcer correctement « les chaussettes de l'archiduchesse sont-elles sèches, archi-sèches ? » , la bouche pleine de chou chaud et de charcuterie brûlante, représente une épreuve confinant au martyr. Aussi, a-t-il fini par avoir la lumineuse idée de changer de méthode. Désormais, il accomplit ses entrainements articulatoires matinaux par écrit.

 

8 - Dimanche 14 décembre 2014

 

Epistolier

A l'approche des fêtes de Noël, ce quadragénaire passionné de littérature décida d'envoyer un courrier à son écrivain préféré.

 

Monsieur,

 

J'abuse sans doute de votre impensable bonté et je m'autoflagelle furieusement pour me punir d'une telle outrecuidante effronterie, mais je vous serais cependant et avant tout follement reconnaissant d'avoir l'extrême obligeance de bien vouloir user de vos talents de plume afin d'écrire pour moi ma lettre au Père Noël.

 

Je sollicite également de votre mamouthesque bienveillance d'avoir la sidérale amabilité de respectueusement lui suggérer d'éviter de mélanger les listes qui lui sont adressées. A cause de ce désordre, tous les ans, je reçois des présents ne correspondant aucunement à mes demandes. En plus, à chaque fois, ils ne servent à rien et sont moches. Vous allez sans doute me trouver bien puéril, mais j'en viens parfois jusqu'à douter de l'existence du Père Noël et à imaginer que ce sont mes parents et amis qui m'offrent secrètement tous ces cadeaux dont je n'ai que faire.

 

Je vous remercie frénétiquement et soyez béni jusqu'à la trente-sixième génération de votre descendance que je vous souhaite prolifique et vigoureuse

(si vous le permettez et sans vouloir abuser, s'ils sont propres, je vous embrasserais bien les pieds, aussi).

 

 

9 - Samedi 20 décembre 2014

 

Ecce homo

A un habitué des messes de saint-Nicolas-du-Chardonnet dont l'étalage ostentatoire de la foi confinait à l'exhibitionnisme, il fit la remarque suivante:

 

« Monsieur, le Christ n'est peut-être pas aussi Catholique que vous le croyez. En effet, il semblerait que les Protestants, les Orthodoxes, les Maronites, les Coptes, se réclament également de Lui. Et si je ne m'abuse, Il est également évoqué dans les pages du Coran et du Talmud.

 

Jésus est libre de tout copyright. Personne ne peut se prévaloir d'être propriétaire de sa parole. Et de toutes celles qu'Il a pu prononcer, n'oubliez surtout pas celles qu'Il lança sur la croix:

 

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi M'as-Tu abandonné? »

 

Elles prouvent que, même Lui, a été en proie au doute. Suivez donc son exemple: ayez l'humilité de toujours garder en vous une part d'incertitude. Sans elle, il n'est pas de tolérance possible et d'espoir de pouvoir, un jour, nous aimer les uns les autres, mon frère.»

 

 

10 - Dimanche 21 décembre 2014

 

Démasqué

 

« Mais, tu es le Père Noël!»

 

Lui, le Père Noël? Bon, d'accord, sa barbe prenait des teintes de plus en plus neigeuses. En revanche, sa chevelure gardait encore, pour l'essentiel, sa couleur d'origine et son tour de taille restait des plus raisonnables. De plus, sans vouloir sombrer dans la coquetterie, le rouge ne lui allait pas du tout. Enfin, avait-on jamais vu le Père Noël en train de se promener sur une plage, en maillot de bain, avec des lunettes de soleil, au beau milieu du mois de juillet?


«Voyons, Léa... dit le papa confus.»

 

 Lui, il fit signe de s'approcher à cette mignonne petite brunette de cinq ou six ans, dorée comme un pain d'épices. Il s'accroupit et lui murmura à l'oreille:

 

« Tu as raison, je suis bien le Père Noël. Mais c'est un secret entre toi et moi. Il ne faut en parler à personne  d'autre ».


Sans un mot et avec le plus adorable des airs de petite conspiratrice, elle reprit son père par la main. Avant de s'éloigner, elle se retourna pour dire:

 

« Au revoir, Père... Heu...non... Au revoir, monsieur.»

 

Et elle jeta un regard plein de malice et de tendresse à son papa qui lui souriait.

 

 

11 - Samedi 27 décembre 2014

 

Grosse brute

 

Rustique et bel ami, vous êtes plus imperméable au romantisme que ne l'est la plume du canard à l'eau verte du marais. J'en éprouve pour vous un insondable chagrin. Je suis vraiment au désespoir de vous savoir en ce misérable état.

 

J'aimerais tant, qu'un jour, tous deux vêtus d'une blanche chemise Bernard-Henri Levy, nous allions ensemble suivre les traces de Victor Hugo sur les falaises de Guernesey et, face à l'océan déchaîné, le visage fouetté par une pluie rageuse, le cheveu rendu fou par le vent hurlant, le poitrail offert à l'écume salée des vagues en furie, d'une voix de Stentor nous déclamerions à l'unisson du Barbara Cartland !

 

 

12 - Dimanche 28 décembre 2014

 

Gentilshommes

 

Afin de pleinement apprécier le talent de monsieur Marcel Amont, il faut toujours et impérativement l'écouter chanter en aval.

Commentaire:

A moi, monsieur Nervien, deux mots! Vous avez suscité en mon coeur un bien fâcheux courroux. Votre lamentable calembour est une offense à l'humour qui ne saurait être supporté d'aucun gentilhomme digne de ce nom. Je vous méprise.

 Aussi, est-ce avec le plus grand des dédains que je vous jette mon gant à la figure. Je vous envoie mes témoins et j'attends les vôtres. Demain, 6h00, me paraît un excellent rendez-vous et le Pré-aux-Clercs un endroit des plus indiqués. Qu'en pensez-vous? N'oubliez surtout pas votre rapière et le Mercurochrome.

d'Artagnan

Monsieur d'Artagnan, le respect que je professe à votre égard n'ayant d'égal que l'admiration que je vous voue, ce sera pour moi un grand honneur que de vous rencontrer et d'avoir l'amicale et charmante occasion de mutuellement nous estropier. Néanmoins, pour de basses raisons d'instinct de conservation, je ne compte pas vous laisser le loisir de me causer un quelconques dommage physique. Je m'excuse donc, par avance, de la résistance acharnée que je ne manquerai pas de vous opposer et d'avoir l'inélégance de vous priver de l'insigne plaisir de proprement et sauvagement m'étriller la couenne

Nervien

13 - Samedi 3 janvier 2015

Hommage au sergent Chesterfiel et au caporal Blutch

- « Certes caporal, il n'est pas faux d'affirmer, comme vous le faites, que le poids d'un char d'assaut Leclerc est de 57,4 tonnes, mais vous devriez cependant préciser, d 'une part, que vous parlez en terme de masse de combat et, d'autre part, qu'il s'agit de la version 3, puisqu'en version un, le Leclerc pèse 54,4 tonnes, en version deux, 56,3 tonnes et en version tropicalisée, 57 tonnes.»

 

- « Avec tout le respect et l'affection passionnée que je vous dois sergent, pensez-vous réellement que ces différences pondérales soient à ce point significatives que vous puissiez objectivement faire la différence entre un version un, deux, trois ou tropicalisée, le jour où l'un de ces sympathiques engins ferrigineux roulera nonchalamment sur vos petits orteils grassouillets? ».

 

 

14 - Dimanche 4 janvier 2015

 

Orientation professionnelle

 

Ayant splendidement terminé ses longues et brillantes études universitaires, il devait maintenant faire son choix entre les différentes et prometteuses carrières qui s'offraient à lui:


danseur étoile de tango argentin dans une crèperie-laverie automatique bretonne,


dépeceur à vif d'escalopes de veau panées dans un couvent de Bénédictines alternatives,

trafiquant clandestin et mafieux de cotons-tiges O.G.M d'occasion,

génie des mille et une nuits intérimaire au rayon mixte produits wc et plats régionaux du marché de Brive-la-Gaillarde,


première dauphine de miss calibre 12 au festival international de Bayreuth des amis de la chasse au putois et de la broderie aux points de croix,


joueur soliste de trompe tibétaine électrique au London Symphony Orchestra,


ressemeleur à l'ancienne de rangers à talons aiguilles au 5e régiment de majorettes aéroportées d'Indianapolis


repasseuse autodidacte de cottes de mailles pour chevaliers teutoniques en stand bail,


pilote d'essai par correspondance spécialisé dans les crashes tests des sièges éjectables pour poussettes de bébé,

fabricant franchisé de bigoudis chauffants destinés au catcheurs bimbo de moins de 50 ans,

ethnologue agoraphobe étudiant les techniques d'épilation au chalumeau chez les phacochères punks de Dobroudja subcarpatique,

Zorro qui surgit du fond de la nuit, part vers l'aventure au galop, du lundi au vendredi, de 9h30 à 11h00 (pour les week-ends et jours fériés, de 11h00 à midi, la permanence est assurée par le chevalier de Lagardère).

 

 

15 - Samedi 10 janvier 2015

 

Histoire de l'art

 

Historien et esthète* avertis aussi bien que scrupuleux, en son âme et conscience, il se posait depuis des années la problématique épistémologique majeure suivante:

 

à quelle date et à quelle heure précises l'art moderne deviendra-t-il ancien?

 

*Monsieur Bobby Lapointe vous serait très reconnaissant de bien vouloir ajouter : " de cheval".

 

 

16 - Dimanche 11 janvier 2015

 

Haute technologie

 

Cher et munificent client, c'est avec la plus profonde des commisérations que je compatis à vos matinales souffrances. Je comprends, en effet, combien il doit être éprouvant pour vous de voir, chaque jour, votre joie de vous lever dès l'aurore gâchée par la tintinnabulante et discordante sonnerie de votre réveil-matin.

 

Toutefois, sans avoir l'ombre de la plus infime fugace pensée critique, je pense, qu'en vivant un peu plus avec votre temps, vous pourriez vous éviter ce matutinal supplice quotidien.

Il vous suffit pour cela de jeter avec rage et mépris votre antique horlogerie dans la première poubelle venue puis de la remplacer par une mécanique chronométrante plus contemporaine appelée: radio-réveil. Produit que je peux, vous céder à un prix pour lequel le terme de dérisoire est encore trop excessif.

 

L'appareil n'étant apparu qu'en 1968, sa modernité fera sans doute naître en vous les angoisses que chacun ressent face à la nouveauté. Mais soyez rassuré, pour être follement novatrice, cette machine n'en est pas moins d'une ébahissante facilité d'utilisation.

 

Sachez également que son principe a été décliné sous différentes formes. Je vous donnerai un exemple parmi tant d'autres. Ainsi, certains modèles possèdent des fonctions ornithologiques qui leur permettent de vous tirer gaiement de votre sommeil en émettant de mélodieux chants d'oiseaux, comme celui de l'hirunidinette ponctuée à crête molle ou de l'archidéichon mélanocéphale à bagouinces variables.

 

Ah! Choyé et chanceux chaland! Je me réjouis fébrilement à l'idée que tous vos lendemains connaîtront bientôt des aubes radieuses.

 

 

17 - Samedi 17 janvier 2014

 

Proverbe arabe


«N'ouvre la bouche que si tu es sûr que ce que tu vas dire est plus beau que le silence.»

Bon, ben...

 

18 - Dimanche 18 janvier 2015

 

Hommes de lettres

 

Parce qu'il était auteur d'un obscur site internet dont la banalité des propos n'avait d'égale que la prétention, il se prenait pour un écrivain et était en train de bassiner tout le monde avec le récit de ses angoisses de la page blanche, tant et si bien qu'un ironique « lui tint à peu près ce langage»:

 

« Mon cher, il est des coïncidences dont l’improbabilité dépasse le mur du son de l'à peine croyable.

 

Pas plus tard que dimanche dernier, en attendant que les braises du barbecue soient chauffées à blanc, je buvais une petite bière avec un vieux copain et, entre deux gorgées de jus de houblon bien frais, machinalement nous devisions sans prétention. Eh bien, figurez-vous que ce compère m'a tenu des propos en tous points pareils aux vôtres. Etonnant non?

 

Mais ce qui est encore plus stupéfiant, c'est qu'ils aient été proférés par mon ami. Que d'aussi admirables considérations puissent sortir de la bouche d'un prosateur aussi considérable que vous ne surprendra personne. Par contre, qu'elles soient développées par mon compagnon de merguez, est des plus inattendus. En effet, ce n'est point lui faire injure que de dire à quel point il est ahurissant que mon pote Victor Hugo ait pu, même par hasard, se hisser à votre niveau.

 

Je ne veux pas casser du sucre sur le dos de ce bon vieux Victor, pourtant il faut bien reconnaître qu'il se fait beaucoup trop d'illusions. D'ailleurs, je n'arrête pas de le lui répéter: laisse tomber, mon grand! Tu n'as aucun avenir dans la littérature. Abandonne ça à ceux qui savent écrire. Tu fais super bien les frites alors lance-toi plutôt là-dedans, sinon tu vas finir misérable.»

 

 

19 - Samedi 24 janvier 2015

 

 

Vedette internationale

 

En parcourant « Le dictionnaire des comédiens français » d'Henry Lyonnet, il a incidemment appris, qu'après l'arrêt de sa série télévisée en France, son acteur préféré, Saturnin le petit canard, s'en était allé à Hollywood afin de répondre à la pressante demande de monsieur Francis Ford Coppola qui souhaitait lui faire interpréter le rôle du commissaire Magret.

 

Commentaire:

Avé Nervien ! J'en ai fait punaiser sur deux bouts de bois pour moins que ça, tu sais.

 

PONTIUS PILATUS

 

 

20 - Dimanche 25 janvier 2015

 

Faut pas confondre

 

Un public de plus en plus nombreux s'interroge sur un fait des plus singuliers. Pourquoi diantre messieurs les Apaches n'ont-ils jamais fait montre de la moindre envie de vouloir s'installer dans les Montagnes Rocheuses, la Sierra Nevada ou à Megève.

 La réponse à cette préoccupante question est des plus simples pour l'érudit distingué un tant soit peu sérieusement versé dans les sciences ethnologiques. En effet, nos amis Apaches ont toujours eu pour ancestrale et touchante coutume d'adopter aveuglément les goûts et préférences de leur grand chef. Or, monsieur Géronimo n'aimait ni le ski, ni la luge.

 A ses interlocuteurs qui lui demandaient la raison de cette surprenante désaffection, il répondait fort à propos et très justement:

 

                                                      «Moi, j'suis Indien, pas chasseur alpin.»

 

 

21- Samedi 31 janvier 2015

 

«Les damnés de la terre»

 

Bien peu s'en émeuve et pourtant les patrons, eux aussi, peuvent être victimes de leur dur labeur.

 

Comme le dernier des manutentionnaires, ils sont impitoyablement guettés par le trouble musculo-squelettique professionnel. En effet, plus leurs cigares se consument, plus ces malheureux sont contraints à d'épuisant et traumatisants efforts pour allonger le bras afin de pouvoir atteindre leur cendrier en cristal de roche massif.

 

 

22 - Dimanche 01 février 2015

 

Des êtres merveilleux

 

Mondanités familiales obligent, ce soir-là, il goûtait au fin plaisir d'avoir à sa table un échantillon des plus beaux spécimens mâles de sa parenté par alliance. Comme d'habitude, la conversation de ces individus d'élite tournait autour du seul sujet qu'ils connaissaient et qui les passionnaient, à savoir leur unique et précieuse personne. Soucieux de susciter l'admiration due aux personnalités d'exception qu'ils étaient, chacun d'eux s'employait à épater la tablée en dévoilant la plus prodigieuse de ses innombrables et remarquables qualités.

 

Celui-ci raconta, fièrement, que ses dépenses mensuelles en chaussures et vêtements de marque dépassaient deux fois et demi le budget annuel de l'ensemble des Etats d'Afrique équatoriale. Le deuxième confia, sous le sceau du secret, qu'il était le premier type à avoir fait une rencontre du troisième type.


Mais seule la déclaration du dernier de ces éloquents convives fut accueillie par une incrédulité générale doublée d'un silence stupéfait. Il prétendit, avec un culot phénoménal, être socialiste et de gauche.

 

23 - Lundi 02 février 2015

 

Amélie

 

Aujourd'hui, plus que jamais, tu es la plus jolie et la plus merveilleuse des princesses et depuis que tes beaux yeux se sont ouverts sur ce monde, tu règnes et régneras toujours sur le royaume de mon cœur.

 

 

24 - Samedi 7 février 2015

 

Requête

 

Monsieur l'auteur littéraire, cela vous semblera sans doute bien présomptueux de ma part et vos voisins de palier seront certainement choqués de ma prétention, mais si vous envisagez prochainement de publier un livre sur les idiots, je sollicite fougueusement l'honneur d'en être le personnage principal.

 

 

25 - Dimanche 8 février 2015

 

Journalisme d'investigation

 

Monsieur le général Bucéphale de la Rossinante, commandant l'École de cavalerie de Saumur, dément formellement et sincèrement avoir rencontré monsieur Ulysse d'Ithaque afin de lui acheter son cheval de Troie.

 

Contactée par la presse, madame Pénélope, légitime et fidèle épouse de monsieur Ulysse d'Ithaque, a déclaré:

 

« Je ne suis absolument pas au courant de cette histoire d'équidé ligneux. Je ne sais pas du tout où se trouve actuellement mon mari. Il a été obligé de partir précipitamment en opération militaire à Troie au moment où, comme par hasard, il fallait tondre la pelouse et changer le papier peint du salon. Depuis, il n'a donné aucune nouvelle, pas un coup de fil ou même une carte postale.

 

Si vous voulez le fond de ma pensée, la guerre de Troie, c'est du pipeau, de la flute de pan. Je pense que mon époux et ses bons à rien de copains ont en réalité fait la tournée de tous les bistrots des ports de la mer Ionienne et maintenant monsieur Ulysse est tellement cuit à point qu'il n'est plus fichu de retrouver le chemin de la maison.

 

Ah! J'aurais dû écouter ma mère et épouser Achille. Au moins, lui, quand vous lui demandez quelque chose c'est pas le genre de gars à tourner les talons».

 

 

26 - Samedi 14 février 2015

 

Saint Valentin

 

Etre ému au plus profond de soi-même par la grâce et la légèreté d'une mèche de ses cheveux jouant avec le vent.

Se sentir plus heureux et désarmé qu'un enfant devant le charme et la douceur de son sourire.

S'émerveiller de la beauté et de l'éclat de ses yeux à n'en plus vouloir qu'eux comme ciel et lumière de sa vie.

Ne pouvoir contenir son cœur et, osant à peine lui prendre la main, la gorge serrée, lui murmurer: je t'aime.

 

27 - Dimanche 15 février 2015


Canonisable

 

En écoutant le Engelsgleich Chor interpréter "I will follow him"1 cet incurable mécréant se sentit soudainement et formellement touché entre les deux yeux par la Grâce Divine. Il décida alors, en toute simplicité, de devenir un saint.

Tonsuré de frais, oint d'eau bénite jusque sous les aisselles, tout de brune et rude bure vêtu, le pied plus nu qu’un ver de terre naturiste, il s'en fut par monts et par vaux, rugissant à la face des cieux tourmentés la litanie de ses repentances éplorées, se flagellant frénétiquement le râble à grands coups de tapette à mouches, de matines à complies et de complies à matines.

Sa mystique quête le conduisit miraculeusement vers une pieuse communauté pratiquant le forage clandestin de gaz de schiste sur les bords de la route départementale 940, à l’entrée de la banlieue nord de Lourdes. Il comprit immédiatement que la providence l’avait amené en ce lieu sacré afin d'y accomplir en paix son dernier acte de contrition. Humblement, il se plia à ce céleste commandement. Plein de repentir, il aida courageusement ses frères hydraucarburés à accomplir leur difficile tâche. Il endura stoïquement cette sévère pénitence pendant plus de douze minutes, dix secondes et sept dixièmes. Puis, il reprit son bâton de pèlerin, direction l'auréole qui va bien!

Et voilà pourquoi, en ce début du mois d‘octobre, une assistance médusée pouvait le contempler à Munich sous une tente de l'oktobertfest, enfoncé jusqu'à mi-cuisse dans la choucroute, essayant avec rage et obstination de multiplier les saucisses de Francfort.

 

1: https://www.youtube.com/watch?v=ViWOiEsgNCc

 

28 - Samedi 21 février 2015

 

Chères disparues

 

A l'enterrement d'une feuille morte
Deux escargots s'en vont
Ils ont la coquille noire
Du crêpe autour des cornes
Ils s'en vont dans le soir
Un très beau soir d'automne

 

Ces quelques vers de monsieur Jacques Pévert l'avaient profondément ému et depuis qu'il les avait lus, chaque automne, les yeux embués de larmes, il envoyait ses sincères condoléances à tous les platanes de son quartier.

 

 

29- Dimanche 22 février 2015

Complètement flambé

 

Bien que n'ayant jamais pétuné de sa vie, il s'enorgueillissait d'être l'heureux détenteur d'un magnifique Zippo.

 

Il l'avait mercantilement acquis après avoir fait affaire avec un aimable et dynamique commerçant à la sauvette exerçant son lucratif négoce sur les quais du métropolitain parisien. Le briquet, qu'il lui céda contre espèces sonnantes et trébuchantes, était un modèle d'appellation d'origine contrôlée, issu des meilleurs terroirs. Son authenticité était attestée par un certificat officiel daté du 31 septembre 2012 et signé par George G. Blaisdell en personne.

 

L'objet fonctionne grâce à un mélange de gaz propane et de napalm contenu dans deux réservoirs se portant sur le dos et dont la capacité est de 7,5 litres chacun. Une lance munie de deux gâchettes délivre une flamme d'environ 800 degrés centigrades et d'une longueur atteignant une vingtaine de mètres .

 

Bien qu'il jugeât son comportement infantile, à chaque fois qu'il utilisait cet élégant article pyrotechnique, il ne pouvait s'empêcher de se sentir tout feu tout flamme.

 

 

30 - Jeudi 26 février 2015

 

Clémence

 

Jusqu'à mon dernier souffle, je me souviendrai de ton tout premier regard. Il a allumé en mon cœur débordant de bonheur un amour qui ne s'éteindra jamais.

 

31 - Samedi 28 février 2015

Chasse neige

Lorsque les blancs flocons, fils des nues frissonnantes, cessent de danser leur léger et gracieux ballet, dare-dare, il revêt prestement sa tenue en fourrure d'iguane de la pampa du Schleswig-Holstein, son bonnet en écailles de yack du Burundi, ses gants en peau de chorizo sauvage des Iles Aléoutiennes et enfile à la volée ses bottes en caoutchouc de ... son voisin Maurice qui les lui a données parce qu'il ne se sentait pas à son aise dedans.

 

Puis, le naseau fumant d'exaspération, il se rue sauvagement au-dehors et, pendant au moins deux heures, dans le froid glacial et la bise hostile, à grands coups de pelle rageurs, il s'attaque avec hargne aux congères qui obstruent teigneusement le chemin menant à son humble demeure.

 

Lui, pour sûr, la neige, il la trouve poétique quand elle est carbonique et bien enfermée dans un extincteur!

 


32 - Dimanche 01 mars 2015

 

Tcho Ch'ti

 

Tout comme l'avaient été avant lui son père et son grand-père, il était lui aussi Cambrésien. Tout comme l'avaient été avant lui son père et son grand-père, il était lui aussi cheminot.

 

Dans sa prime jeunesse, il avait souvent pris le train afin d'aller rendre visite à des cousins qu'un sort cruel avait exilés à Paris. Arrivé gare du Nord, il voyait son père saluer et discuter avec des collègues nordistes y travaillant.

 

Dans sa chère petite tête blonde, il en avait très logiquement déduit que seuls les natifs de son département possédaient le droit inaliénable d'exercer une activité au 112 rue de Maubeuge. Pour la même raison, il était intimement persuadé que pour faire partie du personnel de la gare de Lyon, il fallait forcément être originaire de Bellecour, des Terreaux, de la Croix-Rousse, de Fourvière et de leurs environs.

 

Paradoxalement, il n'a jamais imaginé un seul instant que les employés de la Gare Saint-Lazare devaient obligatoirement produire un certificat médical comportant la mention « ressuscité ».

 

 

 

33 - Samedi 07 mars 2015

 

Formicidés

 

Autodidacte raffiné d'une insatiable curiosité intellectuelle, il brûlait de l'ardent désir de savoir de quoi peuvent bien discuter les fourmis quand elles rentrent du boulot.

 

Cette fondamentale et émouvante quête de la connaissance avec un grand C ne pouvant décemment rester plus longtemps sans écho, le professeur Apronius Hispon, entomologiste ambulant au service d'inspection vétérinaire et phytosanitaire de La Vache qui rit, a aimablement accepté d'apporter la réponse scientifique suivante:

 

«Monsieur, cela ne vous regarde pas!».

 

 

34 - Dimanche 08 mars 2015

 

Journée internationale de la Femme

 

Messieurs, afin de montrer à quel point nous accordons une importance toute particulière à ce jour essentiel entre tous, je vous propose que nous nous mettions au tricot dès aujourd'hui. Que ceux qui sont au bord de l'évanouissement se tranquillisent, tricoter n'est pas aussi compliqué qu'il y paraît. Pour vous en convaincre, si vous me le permettez, je vais de ce pas vous initier à cet art laineux.

 

Asseyez-vous confortablement, je vous prie. Nous allons d'abord apprendre à monter les mailles.

 

- Pour commencer prenez gentiment, s'il vous plaît, une pelote de fil à tricoter et des aiguilles n° 4,5.

 

- Saisissez délicatement le fil à l'intérieur de l'innocente pelote et déroulez en langoureusement 30 cm. C'est avec ce coquin bout de fil que vous allez cavalièrement monter vos premières mailles. C'est émouvant, n'est-ce pas?

 

- Prenez, avec bienveillance, une aiguille sous le bras. Non, pas comme cela, comme ceci, voilà, c'est mieux. Maintenant, empoignez résolument vos 30 cm de fil et réalisez avec amour un joli noeud sur l'aiguille.

 

- Faites une boucle autour de votre index accusateur

 

- Piquez, sans état d'âme, l'aiguille dans la boucle.

 

- Passez subrepticement le fil venant de la pelote autour de l'aiguille.

 

- Piquez, sans haine, l'aiguille dans la boucle. Pour ce faire, vous n'avez besoin de l'avis ni de l'un, ni de l'autre.

 

- Passez la boucle devant la pointe, en veillant à ne pas vexer cette dernière, et lorsqu'elle est sous l'aiguille enlever malicieusement l'index.

 

- Tirez non pas à blanc mais légèrement sur les deux fils afin de former la maille.

 

- Répétez joyeusement toutes ces divertissantes opérations pour donner naissance à de nouvelles mailles. N'oubliez pas, c'est très important, de toujours tirer sur les fils de manière à obtenir un montage régulier.

 

Voilà, messieurs, vous pouvez maintenant rugir en vous tambourinant mâlement le torse avec fierté car vous êtes à présent l'heureux père d'un rang de mailles. Dans notre prochaine leçon nous découvrirons les célèbres mailles à l'endroit et mailles à l'envers. Ensuite, nous verrons la manière de faire des augmentations ou des diminutions et nous terminerons, bien sûr, par la fermeture les mailles.

 

Prodigieusement doué comme vous l'êtes, il ne vous faudra pas longtemps pour acquérir ces modestes bases. Je gage que dans moins d'une semaine vous serez capable de tricoter de concert avec ces dames. J'ajouterai une dernière recommandation. Pour cette occasion, ne forcez tout même pas trop sur le rouge à lèvres.

 

Commentaire:

Monsieur Nervien, hier soir, lors de notre partie hebdomadaire de "tu me tiens, je te tiens par la barbichette" avec mesdames la comtesse de Ségur, Henriette Puig-Roget et Ma Baker, je glissai dans la conversation à quel point j'avais été médusée de découvrir que des hommes osaient se lancer dans l'apprentissage tricotechnique. Mes partenaires de jeu s'exclamèrent alors en choeur :

 

«Ah! Le tricot! Le tricot! Les bonshommes, ils s'en font toute une montagne! Mais en fait... Le tricot, c'est pas plus compliqué que la physique quantique!»

Marie Curie

 

 

35 - Samedi 14 mars 2015

 

A deux beaux yeux

J'aurais tant aimé écrire cela pour toi:


Vous avez un regard singulier et charmant;
Comme la lune au fond du lac qui la reflète,
Votre prunelle, où brille une humide paillette,
Au coin de vos doux yeux roule languissamment;

Ils semblent avoir pris ses feux au diamant;
Ils sont de plus belle eau qu'une perle parfaite,
Et vos grands cils émus, de leur aile inquiète,
Ne voilent qu'à demi leur vif rayonnement.

Mille petits amours, à leur miroir de flamme,
Se viennent regarder et s'y trouvent plus beaux,
Et les désirs y vont rallumer leurs flambeaux.

Ils sont si transparents, qu'ils laissent voir votre âme,
Comme une fleur céleste au calice idéal
Que l'on apercevrait à travers un cristal.


Monsieur Théophile Gautier

 

36- Dimanche 15 mars 2015

 

Bon appétit

 

Cher ami et disciple inconditionnel de monsieur Périco Légasse, sans vouloir porter atteinte à la mémoire de feue votre aïeule, dont je ne doute pas un instant qu'elle fût une sainte femme, nous devons à la vérité historique de dire que votre brave mémé n'avait strictement rien compris aux merveilleuses subtilités de la gastronomie contemporaine.

 

Pendant des années, elle s'est évertuée, sans grand succès semble-t-il, à vouloir libérer de leur film plastique les plats préalablement mijotés sur les fourneaux des grandes entreprises agroalimentaires. En agissant de la sorte, votre vénérable ancêtre ne faisait rien moins que de commettre la pire des hérésies gustatives.

 

Le gourmet intransigeant et expérimenté vous le dira sans détours. L'attention et l'amour auxquels ont droit vos délicates papilles exigent fermement que les mets industriels soient obligatoirement dégustés avec leur emballage. Sinon, ils n'ont aucun goût.

 

37 - Samedi 21 mars 2015

 

« Ah! qu'en termes galants ces choses-là sont mises! »

 

Ayant lu l'article journalistique d'un petit godelureau croyant spirituel de brocarder nos Anciens, monsieur Mathusalem confia aux bons soins des services postaux de transmettre au juvénile plumitif les réflexions philosophiques que lui avait inspirées son papier.

 

« Jeune homme, je ne considère nullement que mon âge respectable puisse m'accorder un quelconque droit de vous donner des leçons. Toutefois, permettez-moi, je vous prie, de vous offrir un amical et bon conseil. Rassurez-vous, je serais des plus brefs. Je vous engage aimablement à déguiser votre gauche et insipide épître en un joli et ogival suppositoire mentholé.

 

Vous sachant d'une intelligence vive et supérieure, je ne vous ferais pas l'affront d'aller plus avant afin de vous expliquer l'usage que vous pourrez ensuite en faire ».

 

 

38 - Dimanche 22 mars 2015

 

De sources bien informées

 

Selon monsieur Ronsard, monsieur Blaise de Monluc serait irréfutablement redevable d’une indéfectible et illimitée reconnaissance à l’égard d’un représentant exemplaire des métiers de bouche.

 

D’après monsieur Ronsard, la phrase qui assura le succès et la postérité littéraire de monsieur Blaise de Monluc lui aurait été inspirée par la succulence d’un des délicieux articles achetés à l’étal de son boucher charcutier attitré.

 

En effet, c’est en se félicitant de la qualité du produit utilisé par cet admirable artisan pour confectionner son exquis et délectable boudin que monsieur Blaise de Monluc aurait eu cette mythique pensée:

 

« Un bon sang ne saurait mentir »

 

 

 

Commentaire

Monsieur Blaise de Monluc, l'amateur éclairé en hématologie que je suis, a été positivement enthousiasmé par votre axiome sanguino-généalogique

 

J'aimerais beaucoup avoir le plaisir de vous rencontrer. Je vous prie donc de bien vouloir m'accorder la grâce d'accepter d'être mon hôte.

 

Je vous attends avec impatience, le week-end prochain, dans mon grand château, à Bistrița, en Transylvanie.

 

Comte Dracula

 

 

39 - Samedi 28 mars 2015

 

Cinéma muet

 

Lorsqu'il lui fut demandé d'apporter son aide pour l'établissement d'une liste des films dont les dialogues étaient superfétatoires, il fut au grand regret d'avouer que ses compétences cinéphiliques étant des plus modestes, il ne pouvait être d'une quelconque utilité dans l'accomplissement de cette estimable tâche.

 

Cependant, il en allait de son honneur de ne pas laisser dramatiquement sans réponse cette requête statistiquo-cinématographique. Aussi sollicita-t-il l'avis éclairé de Tiburce,son ami Buisantin, chasseur à mains nues de grizzlies adultes décoiffés* et grand amateur de cinématographe. Entre deux pintes de Beaujolais (une pinte = 1,1365225 litre) ce dernier eut la grande amabilité de lui apporter cette information nette et précise:

« Le premier des films auxquels on devrait couper la parole ? Pour moi , il n'y a pas photo. Cherche pas mon gars, j'ai ça en magasin, en tête de gondole même! Alors, je te préviens, c'est pas de l'article dernier cri. Il date de 1960. Une heure et cinquante deux minutes de bla bla bla et encore bla bla bla, entre deux bonnes femmes.Tu vois ce que je veux dire, mec... Le dialogue des carmélites qui s'appelle le machin en question ».

 

*La viande de grizzly adulte décoiffé entre dans la composition du hamburger aux haricots sautés en infusion de Brouilly.

Commentaires:

Monsieur Nervien, afin d'éviter à mes camarades et à moi-même d'user à votre endroit d'arguments frappants et contondants, je ne saurais trop vous recommander d'envisager, très sérieusement, un rapide et définitif exil dans la plus profonde des forêts des monts du Haut Beaujolais. Quant à Monsieur Tiburce il serait bien inspiré de vous y rejoindre au plus tôt.

 

Olympe de Gouges présidente de l'Association Féminisme et Poliorcétique

 

Madame de Gouges, je vous assure vous et vos avenantes amies de mon entière sympathie et m'empresse solennellement de déclarer que, très, très, honnêtement, je ne saurais être tenu pour responsable des propos proférés par monsieur Tiburce dont je condamne sincèrement et sans appel les propos avec la dernière des énergies.

Nervien

 

 

 

40 - Dimanche 29 mars 2015

 

Petite nature

 

Monsieur Furald Burchard, dentelière bigoudène au service du courrier du coeur de la centrale nucléaire de Fessenheim, confesse franchement et en rougissant quelque peu de confusion:


«Personnellement, je n'ai jamais été capable de regarder La Petite maison dans la prairie plus de cinq minutes, générique compris, parce que je suis par nature et de père en fils d'une sensibilité à fleur de peau. Aussi mes goûts me portent-ils davantage vers des œuvres plus légères, poétiques, romantiques, rêveuses, tout en nuances et en délicatesse, du style Mad Max ou Massacre à la tronçonneuse ».

 

Commentaire:

Mesdames, mesdemoiselles et messieurs les défenseurs officiels des dentelières, des Bigoudènes, des services du courrier du cœur, des centrales nucléaires, de la ville de Fessenheim, de La Petite maison dans la prairie, de la poésie, du romantisme, des nuances, de la délicatesse, du rêve, de Mad Max et de Massacre à la tronçonneuse, je vous assure, individuellement et en groupe, de mon entière sympathie et m'empresse solennellement de déclarer que, très, très, honnêtement, je ne saurais être tenu pour responsable des propos proférés par monsieur Furald Burchard dont je condamne sincèrement et sans appel les propos avec la dernière des énergies.

Nervien

 

 

 

41 - Samedi 04 avril 2015

 

Question de flair

 

Monsieur Godelin Collemède, artiste charcutier abstrait, pensionnaire perpétuel de l'académie des beaux-arts du centre de tri des ordures ménagères de l'étang de Berg, déclare en fronçant ostensiblement le nez :


« Il est de belles et bonnes personnes possédant de luxueuses salles de bains, usant sans compter de coûteuses savonnettes, s'aspergeant généreusement d'onéreux parfums et que pourtant personne ne peut sentir ».

 

Commentaire:

S'il est des charcutiers, des artistes, des académiciens, des savonettes ou autres, de l'étang de Berg et d'ailleurs désirant faire part de leurs sentiments au sujet des affirmations de monsieur Collemède, ils sont courtoisement invités a directement s'adresser au susdit monsieur Collemède, parce que, très, très, honnêtement, je ne saurais être tenu pour responsable des propos proférés par monsieur Collemède, etc... etc...

Nervien

 

 

 

42 - Dimanche 05 avril 2015

 

Avertissement: ce texte comporte certains passages pouvant heurter la sensibilité des lecteurs.

 

Ce n'est pas dans le train qui le menait de NewYork à Los Angeles que monsieur Walt Disney eut l'idée du personnage de Mickey. En réalité, le plus célèbre des rongeurs est né dans le studio californien où monsieur Disney et monsieur Ub Iwerks, son associé, s'étaient réunis afin de trouver un nouveau héros anthropomorphique pour leurs dessins animés.

 

Cette histoire de muridé rouvrit en lui la pire des blessures qu'il eut à endurer suite à la plus dramatique des épreuves qui soit. Baigné de larmes de désespoir et secoué de spasmes de douleur, il narra la terrible tragédie à son ami compatissant.

 

« Lorsque j'eus atteint ma dix-huitième année, c'est-à-dire mercredi dernier, mon père me posa virilement la main sur l'épaule et me regardant bien droit dans les yeux me dit la voix tremblante d'émotion: fiston, à ton âge, il y a maintenant des choses qu'un garçon doit savoir. Tu sais, elle n'existe pas, la petite souris ».

 

 

43 - Samedi 11 avril 2015

 

Sagesse militaire

- Mieux vaut fermer sa bouche et passer pour un imbécile que de l'ouvrir et ne laisser ainsi aucun doute à ce sujet.

 

- Ne vous étonnez jamais de rien. Quoi que l'on vous annonce dites toujours que vous le saviez déjà, y compris et surtout ce que l'on n'aurait jamais dû vous dire parce qu'en aucun cas vous n'êtes accrédité pour le savoir.

 

- Un bon ordre n'engage que celui qui le reçoit

 

- Un subordonné ne doit jamais se laisser aller à exécuter un ordre du premier coup au risque de donner la fâcheuse impression qu'il est capable de comprendre plus vite que le supérieur qui le lui a donné.

 

- Il faut savoir faire preuve d'initiative à condition quelle ne diffère en rien de la routine et des ordres reçus, sans quoi vous passeriez pour un dangereux idéaliste.

 

- Au combat, il y a toujours deux solutions: celle de l'Ecole de Guerre et la bonne.

 

- Il ne faut jamais désespérer. Les choses finissent toujours par s'arranger. Dans toute l'Histoire des armées, il n'est pas d'exemple qu'une situation militaire aussi désespérée soit-elle ne puisse être remplacée par une autre situation militaire... plus désespérée encore.

 

- « Il n'y a pas de mauvais soldats, il n'y a que de mauvais chefs » - Napoléon Bonaparte

 

44 - Dimanche 12 avril 2015

 

«beauté, luxe, calme et volupté»

Il habite une ravissante vieille maisonette fleurie dans un joli petit coin de campagne perdu au milieu des bois. Là-bas, vous voyez ? Tout au fond, à main gauche, après le pré du père Cornette.

Chacun de ses automnes et de ses hivers est doucement et délicatement bercé par les lugubres hurlements des chiens de chasse, l'angoissant fracas des coups de feu de leurs sanglants maîtres et les plaintes déchirantes des bêtes traquées et agonisantes.

 

Au printemps et durant tout l'été, ce n'est pas sans une émotion et une tendresse toutes particulières qu'il voit débouler de grands dépendeurs d'andouilles venant s'adonner à de crétineuses cavalcades mécaniques sur de pétaradants et fumants cycles motorisés à deux ou quatre roues

Casqués, bottés, ridiculement boudinés dans des cuirs criardement multicolorés à en faire vomir un caméléon, ils défoncent les sentiers, empuantissent l'air, font un vacarme insupportable et terrorisent sans vergogne animaux et promeneurs.

 

Alors, bien sûr, « nous sommes tous frères» et « aimez-vous les uns les autres », il voulait toujours continuer d'y croire, mais il faut bien reconnaître que parfois il a quand même un peu de mal.

 

 

45- Samedi 18 avril 2015

 

L'amour de son prochain

 

Loin de lui l'idée de nier qu'il faut savoir faire montre de modération en toute chose et que l'altruisme lui-même ne saurait faire exception à ce sage principe.

 

Pourtant, il ne pouvait s'empêcher de se réjouir à l'idée que sa mort puisse un jour faire plaisir à quelqu'un.

 

 

46 - Dimanche 19 avril 2015

 

Fiat voluntas Dei

 

Selon les règles de la galanterie française, ce que femme veut, Dieu le veut. Messieurs les misogynes du genre impitoyables et pétaradants, de grâce, ne répondez pas avec humeur:

« La galanterie française! La galanterie française ! Tu sais ce que je lui dis, moi, à la galanterie française ? ».


Or donc, si d'une voix harmonieuse et angélique votre conjointe s'adresse aimablement à vous en laissant tendrement échapper de ses délicates et ravissantes lèvres ces quelques mots remplis d'amour:

 

« Eh bien, Charles-Hubert si c'était pour faire ça, vous auriez mieux fait de rester couché, mon pauvre ami »,

 

ne sombrez pas atrabilairement dans l'acrimonie et pliez-vous plutôt et de bonne grâce à cette affectueuse injonction.

 

Sans attendre, refaites soigneusement votre lit, arrangez précautionneusement votre traversin puis votre oreiller, et hop ! Débordant d'abnégation et de courage, lancez-vous religieusement dans un dodo gargantuesque.

Quand il en va tout à la fois du respect de la volonté de la Maîtresse de votre cœur et du Maître de votre âme, il n'est pas d'échappatoire possible, il faut hardiment consentir au sacrifice, aussi grand et pénible soit-il.

 

 

 

47 - Samedi 25 avril 2015

 

La valeur travail

 

Joyeux et sifflotant, cet ouvrier se consacrait à sa tâche avec bonheur et délectation. Un prolétaire heureux de sa condition, le fait méritait d'être relevé tant il devient de plus en plus rare.

 

A n'en pas douter, un tel entrain à l'ouvrage ne pourrait que pleinement satisfaire celui pour qui ce zélé salarié n'épargnait ni sa peine, ni sa sueur. Ce jovial travailleur était fossoyeur de son état et pour l'heure il oeuvrait à la dernière demeure d'un jeune employé qui avait été tué dans un accident du travail, la veille de ses premiers congés payés.

 

 

48 - Dimanche 26 avril 2015

 

Fils de pub

 

Les publicitaires, ces inénarrables et navrants bipèdes apparentés à la famille du ténia des basses-cours, se piquent de créativité congénitale. Pourtant lorsqu'il s'agit d'adjoindre quelques notes à leurs débilitants et envahissants messages télévisuels ou radiophoniques, ils n'ont souvent pour tout art que celui de piller sans scrupules notre patrimoine musical.


Grâce à ces surdoués du bourrage de crâne commercial, il est devenu impossible d'entendre sa chansonnette préférée sans immédiatement être assaillie par la vision d'un ballet de saucisses de la marque machin chouette ou d'écouter le divin Mozart sans avoir l'esprit pollué par l'image du rouleau de papier toilette trucmuche.

 

Pour montrer un tel manque de respect envers le talent, voir le génie, des compositeurs, des auteurs, des musiciens, des chanteurs, contemporains ou passés, les marchands de réclame doivent certainement posséder une mentalité de hyène dysentérique en phase terminale et une sensibilité culturelle et artistique se situant nettement en dessous de celle de la betterave fourragère transgénique surgelée.

 

 

49 - Samedi 02 mai 2014

 

Bien vu

Monsieur Clodion Matefroid, ophtalmologiste lépidoptériste débonnaire et lacanien, a récemment complètement et sauvagement chambardé les bases universelles de l'univers scintillant des sciences fondamentales modernes ainsi que les convictions philosophico-footbalistiques de sa belle-mère. Après maintes années de savantes recherches, il a fait une stupéfiante et prodigieuse découverte.

Il a mis en évidence que les papillons portent des lunettes à verres unifocaux et ce dès leur adolescence.

En effet, la modestie de l'espérance de vie de ces virevoltants et poétiques animaux ne leur offrant guère la possibilité d'atteindre l'enviable âge de la quarantaine, ils doivent s'y prendre à l'avance afin de pouvoir connaître les joies de la presbytie.

 

50 - Dimanche 03 mai 2015

 

« L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature; mais c'est un roseau pensant »

 

Tout en remplissant bravement son devoir, Erluin Bulcourt, zouave pontifical furtif affecté à la protection rapprochée du Penseur de Rodin, laissait vagabonder son esprit vers la grande question existentielle qui trouble tous ceux qui ont atteint cette étape de la vie où le chemin qu'il vous reste à parcourir est bien plus court que celui que vous avez laissé derrière vous.

 

« Quid est veritas, soliloquait-il, homme ou dieu, qui pourra enfin m'apporter la lumière? Devrais-je donc quitter un jour ce bas monde sans jamais avoir su si le boeuf mode était un style vestimentaire créé par une maison de haute couture charolaise ou une manière un peu vache de se vêtir quand tout part à "veau-l'eau" ? ».

 

Commentaire

Monsieur Nervien, après avoir été fortuitement et malencontreusement mis en présence de vos dernières divagations, ce serait pour moi un grand plaisir que de vous faire, personnellement, profiter de la plus célèbre de mes inventions. Juste le temps d'aller chercher quelques allumettes et je suis à vous dans à peine moins d'un instant.

 

Alfred Nobel

 

 

51 - Samedi 09 mai 2015

 

R.A.S

 

Lorsqu'elle lui demanda pour quelles raisons il avait reçu des médailles, il lui a simplement montré les décrets officiels portant les mentions « pour services particulièrement honorables ».

 

Il aurait aimé lui expliquer.

 

Mais aucun mot ne pouvait décrire le bruit hideux d'une balle, d'une lame, s'enfonçant dans le corps d'un homme, l'écoeurante odeur du sang, les insupportables hurlements d'effroi, de douleur.

 

Et comment lui dire ce qui se passe après: la furieuse et féroce euphorie que vous ne pouvez vous empêcher de ressentir.

 

Il aurait tant voulu pouvoir lui avouer cette blessure à jamais ouverte au plus profond de lui-même et la terrible certitude que s'il devait recommencer, il le referait, sans l'ombre d'une hésitation.

 

 

 

52 - Dimanche 10 mai 2015

 

Oh! Que c'est laie !

Ce mois-ci, la revue de référence mondiale « American Journal of Scientific Research » a publié un large extrait d'un très bel ouvrage intitulé: « Histoire cochonne, étude sponsorisée et sociologico-psychanalique des porcins, de l'édit de Villers-Cotterêts à hier matin », publié par monsieur Louis de Fontaine au Pire, directeur du CNRS (Centre National de Recherche sur les Suidés) d'Escaudoeuvres.

 

Dans le passage qui nous est proposé, cet éminent spécialiste écrit:

 

« Avec ce courage à nul autre pareil qui était le sien, monsieur Pierre Desproge n'avait pas hésité à publiquement qualifier le sanglier de chafouin. Les judicieuses observations, que j'ai rondement menées avec une enviable sagacité et une indiscutable intégrité, démontrent sans aucune contestation possible que cet immense et regretté penseur était dans le vrai de manière confondante et décisive.

 

Voici un exemple, parmi tant d'autres, de la captieuse personnalité de ces tendancieux omnivores. Les sangliers se parent illégalement des pimpants gilets fluorescents en tissu synthétique jonquille qui sont normalement destinés aux chasseurs. Il ne s'agit nullement pour ces insidieuses bêtes de faire assaut d'élégance. Ces sournois verrats des bois se moquent des canons de la mode comme de leur première châtaigne. Leur but est de traitreusement semer une terrible confusion parmi les pratiquants de l'art cynégétique. A cause de ce déloyal subterfuge, les détenteurs du permis de chasse ne sont plus en capacité de faire la différence entre leurs condisciples et l'hypocrite cétartiodactyle.

 

En conséquence de quoi, les amateurs de venaison en sont réduit à faire usage de leurs armes sans jamais plus savoir s'ils ont en ligne de mire un de leurs congénères ou un de ces fallacieux pourceaux sans foi ni loi. Heureusement, leur compétence et leur professionnalisme permettent quand même aux tireurs de déterminer à coup sûr la nature exacte de la cible, une fois celle-ci abattue. Cela est très important pour eux afin de décider s'ils doivent prévenir bobonne de faire de la place dans le frigo ou le gardien de la morgue d'en faire dans les siens ».

 

Commentaire

Ils sont fous ces sangliers!

 

Obelix

 

 

 

53 - Samedi 16 mai 2014

 

Humeur de rimeur

 

Assis dans l'herbe du jardin, le dos nonchalamment appuyé au tronc d'un tilleul, serein, il attend que sa muse lui apporte l'inspiration. Il entend composer et offrir au monde une ode à la gloire de la nature. L'oeuvre sera grandiose et immortelle.

 

Alangui par le parfum délicat des jolies petites fleurs, bercé par le chant léger des gracieux petits oiseaux, caressé par la douce chaleur des petits rayons de soleil, il sent son irrépressible passion pour la poésie dangeureusement ébranlée par son gros penchant naturel pour la sieste.

Mais tout soudain, sans aucune sommation et sans crier gare, voilà qu'éclate l'orage du siècle. Il est obligé de piquer un sprint dont la vélocité stupéfie les gentils petits lapins tapis dans les verdoyantes petites touffes de serpolet.

 

Une fois sous son toit, il constate avec dépit qu'il est trempé jusqu'aux os. Son chapeau et ses vêtements flétris par l'averse lui donnent la piteuse allure d'une vieille laitue défraîchie. Et là, allez savoir pourquoi, il se sentit alors, mutatis mutandis, bien moins proche de Raymond Queneau que de Pierre Jacques Étienne Cambronne.

 

 

 

54- Dimanche 17 mai 2015

 

Incorruptible

 

Il se voulait le plus solitaire, le plus authentique, le plus maudit, le plus rustique, le plus artisanal, le plus bio, des écrivains. Aussi se faisait-il un point d'honneur de se montrer d'une intransigeance implacable sur le choix de ses outils de graphie. Sur son écritoire, au grand jamais, ne serait posé un stylographe et encore moins installé le clavier d'un ordinateur.

 

Il n'acceptait que la plume d'anatidé. C'est pourquoi, il pourchassait les oies sauvages dans les marais, du côté de Proville. Il passait des journées entières à ahaner et à patauger dans les eaux bourbeuses avant d'arriver à plaquer dans la vase une de ces volailles afin de méticuleusement lui dégarnir le croupion.

 

Fièrement moulé dans un hermoso habit de lumières acheté à grands frais dans una tienda de ropa de Lille, il toréait de la Rouge du Nord dans les pâtures de Ramillies, a las cinco de la tarde. Il appréciait tout particulièrement ce bovidé septentrional pour sa sportive et généreuse corne si propice à la confection d'encriers aussi robustes que coquets.

 

Quelle que soit la température, la force et la salinité de la houle, simplement et uniquement vêtu d'une paire de palmes en papyrus, il plongeait au plus profond des abysses au large des plages de Bray-Dunes. De marée haute à marée basse et vice-versa, il y chassait artistiquement et à dent nue la seiche dont il exprimait et récoltait l'encre.

 

Tout cela était juste et bon, à ceci près que ces splendides itératives activités ne lui laissaient guère la possibilité d'avoir le temps d'écrire.

 

 

55 - Samedi 23 mai 2015

 

Les conseils de Chewbacca Futé

 

Le x-wing, même si ça manque un peu de chromes, c'est de la belle mécanique qui en a sous le capot, on peut pas dire le contraire, c'est sûr.

 

Maintenant, faut pas croire, pour que ça tourne rond et au quart de poil, ça demande de l'entretien comme n'importe quelle autre caisse. Par exemple, vous pouvez être certain que les propulseurs s'encrassent tranquilles et à la vitesse du son si vous ne faites pas correctement la vidange toutes les 15 000 années-lumières.

 

Et puis pour les tuiles, c'est pareil, ne vous croyez pas à l'abri parce que c'est avec un x-wing que vous allez tracter jusqu'à Coruscant, maman, les mômes et votre caravane. Vous pouvez très bien crever un pneu en cours de route. Elle a beau être bien entretenue, il peut toujours y avoir un méchant vieux clou qui trainasse sur la voie lactée.

 

 

56 - Dimanche 24 mai 2015

 

Rédhibitoire

 

A l'instar de messieurs les chevaliers Jedi, la défense de l'univers et de sa proche banlieue était l'une de ses préoccupations majeures. Pourtant, il n'avait jamais postulé pour devenir compagnon d'armes de monsieur Luke Skywalker.

 

Cette réticence à marcher au pas aux côtés de l'élève de maître Yoda n'avait rien à voir avec le fait qu'il fût fantassin et que les pilotes de x-wing1 se montrassent incapables de comprendre le mode d'emploi et l'indispensabilité d'une paire de rangers bien cirées. Elle n'était pas non plus imputable à sa perplexité face à certaines pratiques. Etre à l'époque du FAMAS et voir des gars continuer à se rentrer dans le chou à grands coups de sabres, fussent-ils laser, le consternait au plus au point.

La vérité sur son renoncement était ailleurs. S'il n'avait jamais été vraiment très, très, chaud pour s'enrôler dans les forces armées de la République galactique c'est que, dans l'ensemble, il n'était pas des plus emballés par l'idée de se retrouver avec la coupe de cheveux d'un enfant de choeur, de porter un genre de pyjama sous une espèce peignoir, et d'avoir à se balader en bottes de majorettes.

 

En résumé et sans paralipse, il ne voyait pas d'inconvénient majeur à aller sauvagement massacrer du Sith de manière sanguinaire et barbare, mais il était absolument rédhibidoire qu'il eût à le faire sans qu'on lui assurât un minimum d'élégance.

 

1: Le x-wing, même s'il manque un peu de chromes, est une belle mécanique qui en a sous le capot.

 

Commentaire

Ce charmant jeune homme a bien raison et je l'assure de toute ma sympathie, parce qu'en plus il faut savoir que les tenues de chevalier Jedi ne sont pas lavables à 30 degrés, qu'elles mettent un temps fou à sécher et question repassage, je vous raconte même pas!

Padmé Amidala

 

 

57 - Samedi 30 mai 2015

 

Tiré par les cheveux

Confortablement assis dans le compartiment qui lui était réservé, monsieur Pantélius Martinservilichtjakesnaïevyskidupont, joueur de cabrette électronique au restaurant de la voiture gril express du Paris /Vintimille de 20h25, se demandait avec anxiété et insistance où en était la science dans le domaine du traitement de l'alopécie chez les chauves-souris.

Commentaire

Monsieur Nervien, qu'il s'agisse d'explosion nucléaire ou d'humour, j'veux bien que tout soit relatif, mais là, quand même, faut pas pousser!

Albert Einstein

 

 

58 - Dimanche 31 mai 2015

 

Tout est parfaitement claire, Claire?

Il y a à peine cinq minutes, Sextus Empiricus me disait encore que dans une vision pyrrhonesque des choses « le scepticisme est indubitablement la faculté de mettre face à face les choses qui apparaissent aussi bien que celles qui sont pensées, de quelque manière que ce soit, capacité par laquelle, du fait de la force égale qu'il y a dans les objets et les raisonnements opposés, nous arriverons d'abord à la suspension de l'assentiment, et après cela à la tranquillité ».

« Je n'en veux pour preuve, renchérit-il, qu'en mécanique quantique, le principe d'incertitude ou d'indétermination d'Heisenberg postule que l'on ne peut pas connaître à la fois la position et la vitesse d'une particule, parce que tout système de mesures interfère avec la particule (alors que dans le monde macroscopique, cette interférence est négligeable). Le déterminisme n'est donc pas universel et la célèbre affirmation de Laplace n'est par conséquent plus soutenable. L'incertitude est indubitablement inhérente au monde subatomique. Il existe donc dans la texture même de l'univers un hasard objectif ».

Et voilà le travail! En quelques phrases simples et sidérantes de limpidité tout est dit. Merci Sextus, inutile d'ajouter quoi que ce soit, si ce n'est: et réciproquement; bien sûr.

 

 

59 - Samedi 06 juin 2015

 

Souviens-toi

 

Il attendait patiemment le train qui devait le ramener chez lui. Pendant un instant, son attention fut attirée par un quadragénaire qui fixait d'une manière un peu trop appuyée les jambes d'une jolie demoiselle qui traversait la salle des pas perdus.

 

En cette journée de juin, plus que d'habitude encore, son esprit était ailleurs. Il baissa lentement la tête et se retrouva dans l'aube grise de ce matin-là.

 

Paul et lui ont à peine dix-neuf ans. Ils sont transis dans leurs vêtements mouillés qui leur collent à la peau. Côte à côte, ils courent à perdre haleine sur cette plage qui leur semble sans fin. Le bruit de leurs souffles et de leur course raisonne dans leurs crânes. Soudain, il sent son visage éclaboussé par du sang. Il laisse tomber son fusil, s'écroule à genoux et il pleure comme un gosse, comme le gosse qu'il est encore.

 

A travers ses larmes, il distingue à peine son sergent qui court vers lui. Le sergent ramasse son Garand, l'attrape par le col de sa veste de combat et lui crie d'une voix désespérée: « Allez viens! Il faut le laisser! On ne peut plus rien pour lui. Faut pas que tu restes là! Faut pas rester là! Allez viens! Viens, on s'en va! Allez, on y va! ».

 

En levant les yeux, il aperçut le quadragénaire qui le dévisageait d'un air goguenard. Il haussa imperceptiblement les épaules avant que son regard ne se perde à nouveau dans le vide.

 

Il revoit Paul couché sur le sable, son camarade Paul du 16e régiment d'infanterie de l'Armée des Etats-Unis.

 

 

60 - Dimanche 07 juin 2015

 

Excellente question


Poème à mon frère blanc

 

Cher frère blanc,
Quand je suis né, j'étais noir,
Quand j'ai grandi, j'étais noir,
Quand je suis au soleil, je suis noir,
Quand je suis malade, je suis noir,
Quand je mourrai, je serai noir.

Tandis que toi, homme blanc,
Quand tu es né, tu étais rose,
Quand tu as grandi, tu étais blanc,
Quand tu vas au soleil, tu es rouge,
Quand tu as froid, tu es bleu,
Quand tu as peur, tu es vert,
Quand tu es malade, tu es jaune,
Quand tu mourras, tu seras gris.

Alors, de nous deux,
Qui est l'homme de couleur ?

 

Monsieur LEOPPOLD SEDAR SENGHOR

 

61 - Samedi 13 juin 2015

 

 

Organologie

 

Il virevoltait dans le monde de la musique comme la truite1 dans l'onde chantante et dansante de la rivière.

 

Il n'en était pas moins resté humble et abordable. Aussi est-ce en toute simplicité qu'il accepta de joindre sa mélodieuse voix au choeur des mélomanes psalmodiant sur tous les tons que l'interprétation de « La mer » de monsieur Claude Debussy finit fatalement par un naufrage si elle n'est pas interprétée sur un piano aqueux.

 

1: de Schubert

 

Commentaire

Monsieur Nervien, si vous tenez à conserver l'estime de vos contemporains et vous assurer celle des générations futures, empêchez qu'ils aient le loisir de lire ce genre d'élucubrations que je veux croire indépendant de votre volonté.

Ignace Joseph Pleyel

 

 

62 - Dimanche 14 juin 2015

 

Protocole médical

 

La grand-mère de sa grand-mère affirmait tenir de sa grand-mère un remède de grand-mère contre la migraine.

Cette ancestrale thaumaturge prescrivait un topique dont l'unique composant était un saucisson pur porc de 125 grammes. Cette succincte mais néanmoins appétissante pièce de cochonnaille était soigneusement découpée en quinze rondelles d'épaisseurs strictement égales. La quinzaine de lamelles de salaison ainsi obtenues devaient ensuite être délicatement saisies, une à une, de la main gauche, entre le pouce et le majeur, préalablement désinfectés, puis, dans un silence absolu et religieux, disposées en cinq colonnes de trois sur le front de l'égrotant. Enfin, il était enjoint au valétudinaire de se couvrir la tête d'une serviette en coton à carreaux bleus et d'inhaler profondément pendant un quart d'heure.

Honnêtement, la grand-mère de sa grand-mère de sa grand-mère n'a jamais établi de tableaux statistiques afin de vérifier le taux d'efficacité de sa thérapeutique. En revanche, tous les charcutiers lui ont assuré que l'intégralité des cochons saucissonifiés ne se plaignait plus jamais de céphalées.

 

 

63 - Samedi 20 juin 2015

 

Attention aux rails

 

Monsieur Panturle Maufilatre, sherpa chionophobe de l'École des Guides de Haute Montagne du Mont de Piété, conseille fraternellement à tous les alpestrophiles débutants de ne jamais s'adonner à la consommation de cocaïne.

 

Outre son caractère illégal, ce produit stupéfiant représente une menace toute particulière pour les amoureux des cimes. Aussi doivent-ils être parfaitement informés de ses dangers s'ils veulent pratiquer leur activité préférée en toute sécurité.

 

En effet, il faut savoir que l'alpiniste qui tombe dans la neige éprouve ensuite énormément de mal à remonter la pente.

 

Commentaire

Monsieur Nervien, après ce sommet d'approximation, j'ose espérer que vous n'aurez pas la prétention d'attendre une avalanche de compliments.

Roger Frison-Roche

 

 

 

64 - Dimanche 21 juin 2015

 

Pour un monde meilleur

 

- Dimanche 21 juin 2015

- 10h48

- Quelque part en France

 

Sa décision était irrévocable. Cela n'avait que trop duré. Il fallait que les choses changent, et vite. Dès qu'il aurait avalé l'ultime bouchée de son cinquième croissant pur beurre et lampé la dernière goutte de son grand bol de café pur arabica, il se lancerait à corps perdu dans l'action révolutionnaire. A partir de cet instant précis, c'en serait bien fini de rester planté les bras croisés à se contenter de n'être que le témoin indifférent et passif de l'inacceptable.

 

Il était farouchement déterminé à fougueusement prendre la relève de l'Incorruptible et de Vladimir Ilitch Oulianov. Rien ne pourrait l'empêcher d'inscrire son nom en lettres de feu et de sang dans le marbre éternel du fronton de l'Histoire.

 

Il n'y avait pas « de haine, de roi, ni dieu, ni chaîne », qu'il ne fût prêt à combattre. Il n'hésiterait pas un seul instant à irrémédiablement et impétueusement déchaîner les vents tempétueux de la révolte. Ebouriffant de témérité, il allait envoyer un courrier anonyme afin de dénoncer son voisin qui avait trouvé un truc pour prendre un chariot au supermarché sans y mettre de pièce.

 

65- Samedi 27 juin 2015

 

« Elle respirait l'honnêteté... Seulement elle avait la respiration plutôt courte »

 

- « Ah! Mademoiselle, si Erato m'avait dévolu la grâce de posséder le talent de monsieur Paul Eluard, en déposant passionnément mon cœur à vos pieds, je vous aurais déclaré:

 

La courbe de vos yeux fait le tour de mon coeur,
Un rond de danse et de douceur,
Auréole du temps, berceau nocturne et sûr,
Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu
C’est que vos yeux ne m’ont pas toujours vu.

Feuilles de jour et mousse de rosée,
Roseaux du vent, sourires parfumés,
Ailes couvrant le monde de lumière,
Bateaux chargés du ciel et de la mer,
Chasseurs des bruits et sources des couleurs,

Parfums éclos d’une couvée d’aurores
Qui gît toujours sur la paille des astres,
Comme le jour dépend de l’innocence
Le monde entier dépend de vos yeux purs
Et tout mon sang coule dans leurs regards.
»

 

- « Merci, c'est sympa … Sinon, votre monsieur Eluard, qu'est-ce qu'il a comme voiture? Et est-ce qu'elle est décapotable?»

 


66 - Dimanche 28 juin 2015

Héros à l'ancienne

 

Sans vouloir être laudator temporis acti, la qualité des héros n'est vraiment plus ce qu'elle était. Elle souffre d'une constante et dramatique décadence. Il suffit de constater comment va notre monde pour s'en convaincre. Absit reverentia vero, de nos jours, les héros ne se montrent vraiment plus à la hauteur.

 

Autrefois, ils repoussaient toujours plus loin les hostiles limites des périlleuses frontières de l'exploit. Par exemple, prenez un gars comme Zorro, eh bien figurez-vous qu'il piquait lui-même à la machine pour coudre ses masques! Il reprisait ses chaussettes noires sans l'aide de monsieur Eddy Mitchell! Tous les jours, y compris fériés, il donnait son bain moussant aux huiles essentielles d'aloe vera à Tornado et une fois par semaine il s'occupait de la mise en plis de cet équidé, ma foi fort coquet, il faut bien le reconnaître.

Le premier à chaudement se féliciter de ces prodigieuses prouesses était Bernardo. Elles permettaient d'alléger sa besogne de façon appréciable et lui évitaient ainsi d'être obligé d'effectuer des heures supplémentaires pour écrire les aventures de son maître en langage des signes castillans avec sous-titrage en français et yupik provençal.


Commentaire

Un serviteur, qui surgit hors de l'office

Court vers l'aventure au galop

Son nom, il le signe à la pointe du plumeau
D'un B qui veut dire Bernardo

Bernardo, Bernardo,
Carpe muette qui fait sa loi
Bernardo, Bernardo,
Vainqueur, tu l'es à chaque fois

Bernardo !
Bernardo !

Bernardo !

Bernardo !

Non... Finalement, ils ont bien fait de prendre Zorro comme héros principal.

 

Pierre Alexis de Ponson du Terrail

 

 

67 - Samedi 04 juillet 2015

 

Minuteur

 

Il est depuis toujours outrageusement horripilé par le perpétuel manque de ponctualité de son ami. Dernièrement encore, on le vit des heures durant errer avec opiniâtreté sur les quais d'une gare, le regard hagard, à la recherche d'un train parti depuis plus de deux jours.

 

Lui, Dieu merci, ne saurait être la pitoyable victime d'une aussi calamiteuse mésaventure. Avec lui, avant l'heure, c'est pas l'heure. Après l'heure, c'est plus l'heure. L'heure, c'est l'heure, et puis c'est tout!

 

Aucun risque qu'un jour il ne soit en retard et rate son train. Bon, aussi, en même temps, faut dire qu'il ne prend jamais le train parce que dans son bled pourri et paumé il n'y a pas de gare.

 

Commentaire

Etre à l'heure... Oui... Bien sûr... OK... Mais encore faut-il s'entendre sur l'heure: heure solaire, heure zoulou, heure bravo, heure GMT, heure UTC, heure atomique? Il y a également la question du fuseau horaire et le fait que chacun voit midi à sa porte.

Chronos

 

 

68 - Dimanche 5 juillet 2014

 

En toute bonne foi

 

Vous n'allez pas le croire. Figurez-vous que j'ai été à l'improviste impérativement requis pour une campagne en solitaire de fouilles préventives dans une ancienne mine de maroilles mycénienne du grand rift de la haute vallée de la Thiérache.

 

Bien qu'il s'occupe également d'égyptologie, le service historique qui m'a formellement mandé n'a nullement les moyens de se lancer dans des dépenses pharaoniques. Aussi le pécule qu'il m'a alloué a-t-il seulement permis de chichement financer le port d'un bagage contenant exclusivement un marteau-piqueur et une demi-brosse à dents. Le poids des contingences financières ne permettant donc pas que celui d'un téléphone mobile vienne alourdir ma valise, j'en ai été réduit à voler un crayon et du papier aux autochtones afin de vous écrire « une lettre que vous lirez, peut-être, si vous avez le temps».

 

Je conçois l'étonnement monumental qui doit être le vôtre car vous ne me saviez pas archéologue; moi non plus du reste. Mais là n'est pas la question. Ce qui importe c'est qu'à mon immense et inconsolable regret, cette situation aussi soudaine qu'inopinée me met malheureusement dans l'obligation d'annuler notre rendez-vous et me frustre ainsi cruellement de la joie festive et du délice extatique de me faire arracher l'antépénultième molaire sise dans ma mandibule gauche.

Soyez cependant rassuré, docteur, je m'en remettrai de nouveau à vos bons soins dès qu'il me sera loisible de me libérer. Maintenant, pour être franc avec vous, je ne vous cacherai pas que, malgré mon immense bonne volonté, je risque vivement d'être occupé pendant quelque temps parce qu'il me faut dégager 112 km de galeries souterraines à la pince à sucre.

 

 

69 - Samedi 11 juillet 2015

 

Orthophonie romantique

 

Eyjafjallajökull n'est pas plus ardu à prononcer que otorhynalararhyngologiste ou hématolymphopoiétique; sauf, bien entendu, si vous avez la discutable habitude de parler avec la bouche sertie de cotons salivaires.

 

Quelle que que soit la langue, les mots les plus difficiles à dire, mais aussi les plus beaux, sont: « je t'aime».

 

Commentaire

Non mais dis donc, Nervien, c'est quoi cette bluette de midinette à deux balles?!

Joe Dalton

 

Monsieur Dalton, si vous n'entendez rien au romantisme, du moins n'en dégouttez pas les autres!

Alfred de Musset

 

Ah! Ben ça, c'est ben vrai, min tcho Alfred!

Marceline Desborde valmore

 

70 - Dimanche 12 juillet 2015

Malbouffe

 

Monsieur Nicogénès Pourchelet, émérite chef cuisinier émétique, a récemment et urbainement accordé un entretien au magazine « Lucius Licinius Lucullus & François Vatel hebdo». Grâce à nos amicales intimes relations avec les grands de ce monde, et à un confortable dessous-de-table, nous sommes fièrement et jovialement en mesure de vous en livrer la teneur en exclusivité mondiale:

 

- « Cher et talentueux maître queux, vous êtes l'égérie suprême et désirable, le fer de lance étincelant et aiguisé, de la remise à l'honneur et de la défense des pratiques alimentaires injustement et lâchement jetées dans le noir et profond puits l'oubli. Parmi ces poignantes victimes de ce que j'appellerai, si vous le permettez, l'Alzheimer du goût et de la bonne chère, il en est une qui vous tient spécialement à cœur, n'est-il pas? »

 

- « Tout à fait, je milite particulièrement et avec ardeur pour le retour, sur les tables et dans les assiettes de notre beau et fier pays, d'une tradition gastronomique tombée en désuétude depuis fort longtemps: le cannibalisme.

 

Sans vouloir me lancer dans l'uchronie, j'affirmerai cependant que la cuisine cannibale serait encore aujourd'hui en bonne place sur nos menus si elle n'avait été pénalisée par certaines tares inhérentes à l'évolution de notre société.

 

En premier lieu, tout a été fait pour sournoisement détourner les Français du plaisir sain et athlétique de la chasse au bourgeois replet ou au voisin dodu.

 

Ensuite, les industriels n'ont jamais fait l'effort de développer des gammes de produits capables de répondre aux besoins. Allez donc essayer de trouver un réfrigérateur, un four à micro-ondes ou un robot ménager, adaptés à la pratique de l'anthropophagie!

 

Enfin, non seulement la publicité n'a jamais promu ce type de cuisine mais en outre elle pousse scandaleusement le consommateur à adopter des comportements nutritionnels de peu d'intérêt en la gavant de slogans du style: « Les produits laitiers sont nos amis pour la vie » ou «Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour ».

 

 

 

71 - Samedi 18 juillet 2015

 

 

Si tu veux frôler la perfection, effleure-moi

 

Sigisbert Opisthodome, styliste auto-entrepreneur fabricant d'étagères baroques en béton armé pour pacifistes pyrothécophiles, ne se lassait pas de s'extasier dithyrambiquement sur la séduisante perfection de sa beauté, sur l'attirant magnétisme de sa personnalité, sur l'intense puissance de son intellect. Chaque tête-à-tête avec son miroir était pour lui une source inépuisable d'émerveillement. Sa vie était un grand livre sans fin et doré sur tranche dont les pages enluminées célébraient amoureusement l'unique idole de sa vie: lui.

Aussi, tel le grêlon kamikaze, tomba-t-il brutalement des nues et s'étrangla-t-il hystériquement de stupéfaction et d'indignation lorsqu'il apprit qu'une odieuse rumeur faisait bassement courir le bruit que ce n'était pas lui qui était né entre le boeuf et l'âne, dans une crèche de Bethléem, un certain 25 décembre.

 

 

72 - Dimanche 19 juillet 2015

 

Notre amie la peur

 

La peur, leur avait expliqué l'instructeur, vous ne pourrez pas y échapper. Elle est aussi naturelle et inscrite en chacun de nous que le sont la faim ou la soif. Aussi désagréables soient-elles, ces sensations sont vitales. La faim et la soif indiquent à notre corps le moment où il devient nécessaire de s'alimenter et de s'hydrater. La peur le prévient qu'il lui faut parer à une menace.

 

Votre taux d'adrénaline monte alors en flèche. Votre flux sanguin se concentre en priorité dans vos membres supérieurs et inférieurs afin d'en augmenter la force. De ce fait, certaines zones corporelles ou organes sont moins bien alimentés en sang, comme par exemple l'estomac, ce qui crée le phénomène bien connu de « la boule au ventre ». En cas de blessure, la coagulation et la cicatrisation sont plus rapides et efficaces.Vos aptitudes visuelles, auditives, la rapidité de vos réflexes, sont amplifiées. Vous devenez moins sensible à la douleur.

Ensuite, pour retrouver son état normal, l'organisme doit produire des endorphines, molécules dont les effets sont comparables à ceux de la morphine. L'euphorie qu'elles créent et l'expérience de la modification des capacités sensorielles et physiques peuvent conduire à une véritable addiction qui pousse à rechercher le danger, au mépris de votre vie et de celles de vos camarades. Si cela vous arrive, rendez compte immédiatement.

Dominez votre peur et elle sera votre meilleure amie, laissez la vous dominer et elle sera votre pire ennemie.

Mais l'instructeur ne leur avait pas parlé de toutes ces nuits où elle revient pour vous réveiller en sursaut puis vous laisse assis pendant d'interminables minutes, les poings crispés, le souffle court, la gorge sèche, avec le regard affolé fouillant les ténèbres.


73 - Samedi 25 juillet 2015

 

Symposium

 

Six célèbres personnalités de l'intelligentsia, parmi les plus en vue dans le gotha de la pensée universelle et impérissable, ont tenu leur dernier séminaire au Centre Universitaire de Cambrai La Forêt.

Voici la quintessence de « la substantifique moelle » des sublimes échanges auxquels ont donné lieu leurs intellectuels travaux:

 

- Lamartine: « Objets inanimés, avez-vous donc une âme ? »

 

- Cafougnette: « Ben moi, je vous dirais que je connais un autocar qui se vexe comme un pou à chaque fois que quelqu'un le prend pour un autobus. »

 

- L' Ecclésiaste: « Vanitas vanitatum, omnia vanitas! »

- Dac: « Certes, cependant, celui qui dans la vie, est parti de zéro pour n'arriver à rien dans l'existence n'a de merci à dire à personne. »

 

- Fénelon: « C'est une perfection de n'aspirer point à être parfait. »

 

- Allen: « La réponse est oui. Mais quelle était la question ? »

 

 

 

74 - Dimanche 26 juillet 2015

 

 

Le chemin vers l'enfer est pavé de bonnes intentions

 

Comme il vaut toujours mieux s'adresser à Dieu qu'a ses saints et parce que, pour d'incompréhensibles et obscures raisons qui leur appartiennent, les différents dicastères et autres organismes chargés de vous assister dans votre pieuse mission n'ont pas cru bon de répondre et donner suite à mon précédent courrier, je me prosterne devant vos blancs souliers plus bas que les dernières couches de la lithosphère et plein d'une incandescente ferveur je me permets de vous adresser directement, Très Saint-Père, cette missive en recommandé avec accusé de réception afin de vous soumettre ma super-chouette idée que je suis sûr et certain qu'elle est vachement trop top.

Je suis intimement, profondément et énergiquement convaincu qu'il serait de bon alois de faire renaître de ses cendres la flamboyante tradition de la mise au bûcher des hérétiques antiphatiques et autres mécréants agaçants. Outre son caractère édifiant et salutaire, cette pratique présente l'avantage d'offrir à la population un spectacle familial bon enfant, distrayant, mais néanmoins intelligent, et de plus gratuit, ce qui, en ces temps de crise, n'est pas à négliger.

 

La remise à l'honneur de cette pyromanesque coutume ne pourra évidemment se faire sans le souci du respect de la gestion durable des forêts, de l'économie des sources d'énergie et de la stricte application de la réglementation sur les émissions de Co2.

 

 

J'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect, de votre Sainteté, le très humble et dévoué serviteur.

 

 

 

75 - Samedi 01 août 2015

 

O tempora! O mores!

 

Messire Arhur, pour être chevalier de la table ronde, on en est pas moins homme de son temps. Aussi, vous avouerai-je, sans détour, que face à un dragon psychopathe furibard, je n'emploie que très rarement ma rutilante knightly sword et suis davantage enclin à user sans remords du lance-grenades M203 de mon fusil d'assaut de la Manufacture d'Armes de Saint-Etienne.

 

D'ailleurs, je me suis laissé dire, qu'à ses moments perdus, mon collègue et néanmoins ami Lancelot ne dédaignait pas de jouer du canon de 105 sans recul (version tropicalisée bien entendu), sans pour autant considérer faire entorse à la pureté de nos principes déontologiques.

 

Certes, je vous concède bien volontiers que le combat chevaleresque y perd beaucoup en élégance, mais d'un autre côté il est certain qu'il y gagne puissammant en efficacité. Sans vouloir tomber dans de basses considérations matérielles, songez également et tout de même que ces méthodes modernes de pugilat nous permettent aussi d'éviter les frais de pharmacie et d'hospitalisation consécutifs aux modes de castagne plus traditionels.

 

 

76 - Dimanche 02 août 2015

 

Trucs d'écrivains

 

Il voulait mettre à l'épreuve les méthodes de mise en train rédactionnelle utilisées par messieurs Stéphane Mallarmé et Edgar Allan Poe. Son épouse ayant lâchement refusé de jouer le rôle de cobaye, force lui fut d'effectuer le test sur son inestimable et irremplaçable personne.

 

Il commença son expérience en allumant un impressionnant Navarre Double Corona. Son ignorance des règles de cet art étant plus crasse que celle du dernier des tabacophobiques, la manière dont il opéra aurait sans nul doute provoqué les hurlements scandalisés et horifiés du premier cigarophile venu. Ensuite, il tira sur la tête à en avaler la tripe puis expira un nuage de fumée qui donna aussitôt des complexes d'infériorité à une Pacific 231 qui passait par là par hasard. A l'instant, ses yeux s'embuèrent misérablement de larmes et il fut pris d'homériques quintes toux.

 

Au bord de l'asphyxie et de l'évanouissement, il avala, cul sec, un grand bock de genièvre Claeyssens de Wambrechies. L'ingestion sans modération et pour le moins brutale de cet exceptionnel nectar, d'une part, ne lui permit pas d'en apprécier le délectable arôme et, d'autre part, eut de funestes répercussions. Les principes de la verticalité qui siéent au bipède qu'il était lui parurent soudainement des plus vagues. Tout ce qu'il était désormais en mesure de dire pour exprimer le fond de sa pensée ou demander l'heure était: « Bon, mais non, pace que si, et pis finalement, ouais ». Et quant à savoir où étaient passés le nord, les sud, le haut, le bas, alors là... En résumé, il était à deux doigts de l'aboulie ou pour parler plus simplement, aucun mec ne s'était mis aussi minable depuis que l'homme s'était affranchi de ses sauvages atavismes préhistoriques.

 

Il n'avait plus rien d'humain, ni même d'animal d'ailleurs, quand il rampa pitoyablement pour aller lamentablement s'affaler sur son lit où il dut demeurer au repos complet pendant plusieurs heures avant de recouvrer son intégrité physique et mentale.

 

Lorsqu'il fut de nouveau sur pied et qu'il eut retrouvé toute sa dignité, « honteux et confus, il jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y reprendrait plus » et se promit de reprendre et conserver les paisibles habitudes qui étaient siennes, c'est-à-dire la consommation pondérée de sirop d'orgeat et la pratique occasionnelle de la pipe à bulles.

 

 

77 - Samedi 08 août 2015

 

Qu'est-ce à dire?

 

Cher et volubile ami, vous d'habitude si disert, aujourd'hui, vous voilà plutôt sibyllin. Dès que vous me vites, vous n'eûtes que ce mot: pfffffff........... . Mais, fichtre! Qu'entendez-vous précisément par là ?

Utilisez-vous cette onomatopée dans le sens pneumatique du terme afin d'exprimer que vous êtes physiquement à plat, voire crevé?

 
Ou bien, l'employez-vous dans son acception éolienne pour décrire un vent de lassitude intellectuelle venant souffler dans le gracieux entrelacs de vos folles bouclettes de cheveux d'un noir de geai?

 
A moins, mais la chose me semble parfaitement inconcevable, que vous ne lui donniez sa signification ras-le-bolesque dans le but de discrètement suggérer que ma présence vous est intrusive et inopportune, ou autrement dit que je vous pompe l'air.

 

 

 

78 - Dimanche 09 août 2015

 

« Embrasse-la, idiot, c'est beaucoup mieux que des mots »

 

Quand elle est descendue du bus, il a tout de suite reconnu dans cette ravissante jeune femme la jolie petite fille avec qui il jouait quand il passait ses vacances chez ses grands-parents.


Eté après après été, ils se retrouvaient toujours avec le même bonheur. Et puis l'année de ses seize ans, il avait fallu déménager, loin des grands-parents, loin d'elle, sans même pouvoir lui dire au revoir. Il ne l'avait jamais revue depuis.


Avec la même émotion et la même joie qu'autrefois, il s'exclama: Marie! Elle releva doucement la tête et un merveilleux sourire éclaira son visage.

 
-« Marie, après toutes ces années, c'est incroyable ! Tu te rappelles tous ces moments que nous avons passés ensemble. Tu sais, j'étais...».

 

Mais il n'osa pas terminer sa phrase.

 

- « Moi aussi , murmura-t-elle»

 

Il en resta sans voix, la bouche bêtement ouverte.


- « Ah! Voilà mon bus, il faut que j'y aille, Marie. A bientôt, jespère.»


Les portes du véhicule à peine refermées, il pesta contre lui-même. Mais pourquoi ne suis-je pas resté auprès d'elle? Pourquoi n'ai-je pas été capable de lui dire simplement que j'étais amoureux d'elle ? Et pourquoi j'étais, au lieu de : je suis?

 

 

79 - Samedi 15 août 2015

 

Enigme historique

 

Son incomparable don pour la callisthénie et sa prodigieuse compétence en heuristique faisaient l'admiration de tous et de sa maman.

Fort de ces deux enviables qualités, après quatre-vingt-douze minutes de mûre et sage réflexion, le vendredi 14 août 2015, à 16h28, il avait imparablement défini avec précision et clarté les tenants et le aboutissants de la quête scientifique dans laquelle il avait décidé de se jeter à corps perdu.

Profondément dubitatif et noyé dans un flot de conjectures, il était irréversiblement déterminé à découvrir pourquoi, depuis leur invention en 1797, les machines à laver le linge ont fait l'objet d'incessantes et remarquables innovations alors que les tartines de pain n'ont jamais bénéficié d'aucune amélioration afin d'éviter qu'elles ne tombent systématiquement sur le côté que vous avez soigneusement beurré et confituré.


80 - Dimanche 16 août 2015

 

Ne nous emballons pas trop vite

 

Illustre et poétique ami, Dieu m'en soit témoin, il n'est nullement dans mes intentions de heurter votre sensibilité saint-sulpicienne et d'assombrir votre coutumière alacrité, cependant il me faut vous avouer que pour aussi fulgurante qu'elle puisse paraître votre idée me semble des plus hasardeuses pour ne pas dire déraisonnable. Croyez-moi, votre projet de faire le tour de la Belle Province, du 20 décembre au 12 février prochains, en aboyant comme un teckel et en rampant sur le ventre comme un phoque, est par trop avant-gardiste.

 

Pour vous dire ouvertement le fond de ma pensée, un tel dessein ne peut être que le fruit des errements d'un esprit perturbé par les contrecoups de comportements pouvant entrainer une attrition voire une altération des capacités cérébrales.


Or donc, avant de prendre une telle décision, soit vous avez souhaité vérifier la justesse de la théorie des vases communicants et ce faisant vous avez trop généreusement absorbé diverses boissons alcoolisées, soit, au mépris des lois et des bonnes mœurs, vous avez inhalé d'illicites substances fumigènes hallucinogènes, soit vous vous êtes adonné au naturisme sous un soleil de plomb, sans l'élémentaire et bénéfique protection d'un couvre-chef.


Dans le premier cas, nous vous conseillons, amicalement, de modérer votre enthousiasme scientifique et le nombre de vos expérimentions. Dans le deuxième, nous vous recommandons, impérativement, de retrouver, au plus tôt, le droit chemin et d'aller honnêtement vous repentir en l'abbaye du Mont des Cats. Dans le troisième, nous vous invitons, instamment, à faire, de toute urgence, la somptueuse acquisition de ce distingué et fringant chapeau de toile communément appelé bob (si en plus, vous avez pris un coup de soleil sur le postérieur, une copieuse application de beurre breton demi-sel est souverainement et délicieusement bienfaisante).

 

81 - Samedi 22 août 2015

 

Râteau

 

- « Ah! Mademoiselle, vous êtes plus jolie et délicate que la timide violette aux pétales de velours légèrement perlés des fines larmes de joie de la rosée du printemps.Vous bouleversez mon coeur et du monde je ne sais plus éperdument que vous.»

 

- « Monsieur, l'on s'accorde généralement à me reconnaître quelques qualités parmi lesquelles se trouvent celles ne n'être point ombrageuse et encore moins pimbêche. Cependant le choix de la fleur à laquelle vous avez bien voulu me comparer ne laisse pas de me heurter.

S'il peut être flatteur pour moi de se rappeler que monsieur Vincent Scotto a eu naguère l'heureuse idée d'utiliser le nom de cette violaceae dans le titre d'une des ses créations musicales, je n'en saurais pas moins oublier qu'il est de tradition en cuisine et charcuterie de farcir volailles et pâtés de cette fleurette, mais aussi qu'elle était jadis prescrite contre l'acné ou les infections de la peau et appréciée pour ses vertus purgatives.»

- « Euh... Sinon, vous habitez chez vos parents? »

 

 

82 - Dimanche 23 août 2015

 

« Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis »

 

Son génie créatif l'avait irrépressiblement poussé à jeter son dévolu sur le jeu du mikado afin qu'il revisite ce divertissement millénaire pour révéler toute son incroyable modernité en le projetant dans une nouvelle dimension capable de l'inscrire dans un cadre dépassant le carcan trop étriqué du continuum culturel contemporain. Et c'est ainsi que lui vint une vision renversante. De sa main gauche, il faisait impitoyablement table rase des baguettes de bois et, de la droite, dans un geste d'une antique beauté, il les remplaçait par une poignée d'asperges cuites à la vapeur...Wahoo ! Trop top, le truc!

Le lendemain, il convia ses amis chez lui afin qu'ils fussent les premiers à inaugurer cette avancée majeure dans l'Histoire du XXe siècle. Si ceux-ci ne manquèrent pas de triomphalement le congratuler et de souligner le bien-fondé et l'exceptionnalité de son œuvre, par contre ils déclinèrent poliment mais fermement son invitation à jouer, en prétextant qu'ils ne pouvaient malheureusement pas transgresser les préceptes éducatifs de leurs parents leur prescrivant de ne pas s'amuser avec de la nourriture.

Voulant éviter que la soirée ne sombrât dans l'ennui et la morosité, il sortit alors du tiroir du guéridon du salon un superbe Manurhin MR 38 et proposa joyeusement à ses invités de se faire, à la bonne franquette, une petite partie de roulette russe. Précipitamment et avec un ensemble parfait, ils réprouvèrent alors sévèrement l'inanité des préjugés alimentaro-récréatifs de leurs géniteurs et réclamèrent bruyamment un mikado en déclarant bien haut que seuls les obscurantistes et les incultes ignoraient à quel point l'asperge cuite à la vapeur possédait intrinsèquement d'indéniables et inégalables qualités ludiques.

 

83 - Samedi 29 août 2015

 

Sur le livre d'or

 

Monsieur Nervien, tout comme vous, me voici arrivé, depuis peu, au sortir de l'adolescence. Il me faut donc maintenant me mettre en quête d'une compagne que je veux neuve, bien faite de sa personne, en bonne santé, travailleuse, soumise, s'intéressant aux résultats sportifs et qui ne me coutera pas trop cher à l'achat et en entretien.

 

Mes amis affirment sereinement et avec certitude qu'une telle créature de rêve relève de la plus délirante des utopies. Vous à qui appartiennent la puissance, la gloire et le savoir pour les siècles des siècles, pensez-vous qu'il ne puisse vraiment pas exister un modèle féminin de série équipé de toutes les options que je souhaiterais avoir?

 

Tiburce Monstrelin

 

Cher monsieur Monstrelin puisque vous me faite l'honneur de solliciter mon humble avis, je vous répondrai spontanément et avec toute ma considération distinguée que j'ai inexplicablement senti dans vos propos un je-ne-sais-quoi de pratiquement imperceptible qui me donne le pressentiment que les personnes du beau sexe risquent d'être quelque peu rebutées par votre touchante et très personnelle conception des relations amoureuses. Aussi est-il préférable que vous abandonniez à perpétuité tout projet matrimonial pour vous tourner résolument vers la vermicultur

Nervien

 

 

84 - Dimanche 30 août2015

 

La preuve par neuf

 

Il y a quelques années de cela, une des grandes écoles de l'Armée française proposait un programme facultatif d'enseignement religieux. Il eut été profondément injuste d'affirmer que les élèves de ce spartiate établissement se désintéressaient du salut de leurs âmes, mais il n'en restait pas moins vrai qu'à l'étude des Saintes Ecritures ils préféraient les joies du quartier libre. Aussi fallait-il recourir à la bonne vieille tradition des désignés volontaires afin de ne pas laisser l'aumônier seul devant des bancs vides. Un beau jour, les jeunes militaires décidèrent de se libérer de cette contrainte. Ils tirèrent au sort celui qui serait chargé de cette périlleuse mission. L'heure H arrivée, après que le padre eut donné à tous la permission de s'asseoir, celui que la destinée avait choisi se leva et avec courage déclara martialement:

- « Mon père, au nom de mes camarades, je souhaite vous informer que nous ne désirons plus suivre vos cours.»

 

- « Dans ces conditions, répliqua calmement l'aumônier, je vais demander à un supérieur l'autorisation de vous libérer sans plus attendre. »

 

Quelques minutes plus tard, il revint accompagné d'un lieutenant-colonel. S'adressant au hasard à l'un des réfractaires, l'officier demanda:

 

- « Si j'ai bien compris, tous ces dynamiques jeunes gens qui vous entourent et vous-même avaient fermement émis le souhait de ne plus avoir à user les semelles de vos élégantes rangers sur le parquet bien ciré de cette accueillante salle de classe, gracieusement mise à votre disposition par l'Armée de Terre de la République? »

- « Affirmatif, mon colonel! »

 

- « Et sans vouloir me montrer indiscret, puis-je me permettre de vous demander pourquoi? »

 

Pris au dépourvu par la question, l'interpelé répliqua sans réfléchir:

 

- « Nous ne croyons pas que Dieu existe, mon colonel.»

 

- « Au risque de vous paraître une nouvelle fois un tantinet curieux, j'aimerais énormément connaître la raison de cette foncière incrédulité.»

 

Ne sachant trop que dire, l'interrogé répondit:

 

- « Parce que Dieu, nous ne l'avons jamais vu, mon colonel.»

 

-« Ah, bon? Et ces deux choses qui font que mes neveux m'appellent mon oncle et non pas ma tante, vous les avez déjà vues? Non bien sûr, pourtant vous n'oseriez pas prétendre qu'elles n'existent pas? »

 

-« Affirmatif, mon colonel! »

 

-« Eh bien, pour Dieu c'est pareil! Reçu?»

 

-« Reçu, mon colonel!»

 

 

85 - Samedi 05 septembre 2015

 

 

Lawrence d'Arabie n'aurait pas pu mieux dire

 

Monsieur Steven-Raoul Doebreuck, guide saharien freelance dans les dunes subméridionales de Leffrinckoucke, souhaite aimablement et gratuitement nous faire profiter de son expérience profesionnelle et de son expertise technique.

Selon monsieur Doebreuck, pour traverser sérieusement et paisiblement le désert, le méhara est un mode de transport beaucoup plus couleur locale et surtout bien plus sûr que l'hélicoptère.
Si d'aventure, la bête vient à choir, les conséquences pour son passager sont de peu d'importance et offre à l'entourage un moment de franche rigolade.

Par contre, ce n'est pas du tout le même genre de chanson quand un hélico se prend une belle gamelle. S'il le pouvait encore, ce pauvre monsieur Balavoine vous le confirmerait.

Monsieur Doebreuck précise également que pour transiter à travers l'erg, la marche est aussi un moyen de déplacement parfaitement envisageable car, explique-t-il:

« Les crashes de babouches sont extrêmement rares.»


86 - Dimanche 06 septembre 2015

 

Apparté linguistico-technico-sociologico-historico-philosophico-évangélistique

 

Tout en s'acharnant sur son parapluie qui restait obstinément bloqué et indifférent aux torrents de pluie se déversant sur la ville, il marmonnait.

 

Se marrer comme une baleine... Tu parles! On devrait plutôt dire, être têtue comme une baleine. En définitive, la vie de l'homme était bien plus agréable et chaleureuse avant l'apparition de cet instrument de malheur soit-disant pluvioprotecteur. A l'époque de la préhistoire, aucun gars n'avait à sa disposition cette engeance de toile emmanchée censée vous préserver des intempéries. Quand il tombait des cordes, pas question d'aller taquiner le mammouth. Il restait bien gentiment, au chaud et au sec, dans sa grotte eyzicoise avec vue sur la Vézère. Il pouvait même en profiter pour taper une petite belote avec ses potes.

 

D'un autre côté et pour être juste, ce qui est en train de m'arriver est bien fait pour moi. J'aurais dû sagement suivre l'exemple avisé de nos lointains ancêtres cavernicoles. Si je ne voulais pas gagner le trophée du plus beau spécimen de piéton dégoulinant de l'année, il me suffisait simplement de ne pas mettre mon grand nez d'ahuri dehors au moment où les éléments s'y déchaînent.

 

Mon vieux, tu ne mérites pas l'ombre de la moindre pitié. Tu dois avoir le courage et la dignité d'assumer les conséquences de tes actes. Comme le disait souvent Saint Marc, avant de l'écrire noir sur blanc dans son Evangile (chapitre IV, verset 11):

 

« N'a à s'en prendre qu'à lui-même, celui qui se retrouve éclaté façon pastèque trop mûre parce qu'il a eu la bonne idée d'aller jouer à la marelle dans un champ de mines ».

 

87 - Samedi 12 septembre 2015

 

L'Indochine

 

Ce soir-là, un couple BCBG pur race avait daigné faire l'honneur de sa hautaine présence à l'une des délectables tables de L'Indochine.

 

- « Les fautes commises par ces serveurs lorsqu'ils s'essaient à parler le français sont insupportables.»

 

- «Vous avez parfaitement raison et vous êtes bien bonne, ma chère, de ne pas souligner à quel point leur prononciation est détestable. »

 

Dans la rangée voisine, un vieil habitué solitaire du lieu était tranquillement atablée. Il se pencha poliment vers eux.

 

- « Je m'excuse de me mêler à votre conversation, mais malgré moi j'ai entendu votre échange verbal que j'ai trouvé des plus intéressants. Je ne doute pas un instant que vous soyez en mesure de vous exprimer dans la langue de Nguyên Du avec une qualité de syntaxe et d'accent que les natifs de la baie d'Along doivent certainement vous envier. Néanmoins, des gens à qui nous devons l'une des plus belles raclées militaires de notre Histoire, n'ont pas à recevoir de leçon de linguistique, ou autres, de quidams dont le seul et grotesque titre de gloire est la haute opinion qu'ils ont d'eux-mêmes. »

 

 

88 - Dimanche 13 septembre 2015

 

A l'intention des apprentis comte de Monte-Cristo

 

Cher et adulé professeur, vos thèses sont toujours remarquablement pertinentes et adéquates. Elles nous guident judicieusement sur les chemins d'une médiation méditative intime qui nous rend à chaque fois tellement meilleurs. D'une part, nous voudrions vous en remercier en gros et en détail et, d'autre part, nous vous acclamons tous en choeur, sans condition et avec effet rétroactif.

 

Vous êtes l'infatigable mineur de fond de la raison pure qui remonte à la lumière du jour les plus belles pépites des féconds filons de la sagesse. Aussi le misérable acéphale que je suis comparé à l'argentinosaurus de la pensée que vous êtes, ne peut-il que boire goulument vos paroles lorsque vous nous donnez le privilège de partager vos incandescentes réflexions sur le juste niveau thermique de la vengeance.

Vous soutenez, avec conviction et génie, qu'elle n'est pas intrinsèquement un plat qui se mange froid et que l'on se doit de laisser aux uns et aux autres le libre choix de sa température afin de respecter les goûts de chacun. Vous avez également prodigieusement mis en évidence que la vengeance est un plat qui ne peut se concevoir sans force châtaignes, pains, marrons, pêches, sang, chairs et tripes généreusement tailladées. A ceux qui souhaiteraient ajouter sur le dessus un peu de mayonnaise et une tomate cerise, pour faire joli, sans ambages et en toute simplicité vous répondez: pourquoi pas...

 

89 - Samedi 19 septembre 2015

Le sens de la vie

 

Dès son arrivée, il fit l'objet d'une prise de corps musclée puis, nonobstant ses véhémentes protestations, sans ménagement, fut placé sous écrous entre les murs de l'enclos des chimpanzés.

 

Il faut dire à la décharge des zélés gardiens que leur regrettable méprise était parfaitement excusable tant il était velu et aurait donc dû consciencieusement s'épiler avant de se présenter au portail d'entrée du zoo municipal.

 

Mais comme à toute chose malheur est bon, cette singulière aventure lui permit d'apprécier l'accueil fort courtois et attentionné des singes ainsi que leur art consommé de la conversation et de l'épouillage.

 

Cependant et sans vouloir se commettre avec les activistes de la discrimination sociale, il n'en considéra pas moins que ces primates et lui ne faisaient pas partie du même monde. Ils n'entendaient rien au bozon de Higgs et à l'ontologie. En outre, ils refusaient catégoriquement d'admettre, et c'était bien là le pire, qu'ils ne progresseraient jamais sur l'échelle de l'évolution s'ils ne faisaient pas l'effort de conceptualiser l'importance vitale d'avoir pour idéal dans l'existence de rouler en Mercedes avec une Rolex au poignet.

 

 

90 - Dimanche 20 septembre 2015

 

Mens sana in corpore sano

 

S'il ne rechignait pas à l'exercice physique, par contre il était rétif à sa pratique compétitive.

 

C'est sans doute pourquoi ses connaissances des us et coutumes footbalistiques étaient d'une désespérante indigence. Ses lacunes étaient si vertigineuses que les données les plus basiques de cette discipline sportive échappaient totalement au champ de sa compréhension.

 

Aussi n'arrivait-il pas à saisir pour quelle raison certains se gaussaient du supposé faible bagage culturel des poursuiveurs professionnels de ballons ronds, alors qu'il ne venait à l'esprit de personne de railler les membres de l'Académie française parce qu'ils seraient bien en peine d'évoluer pendant quatre-vingt-dix minutes sur un terrain de football.

 

Il était aussi sidéré par le fait que l'affrontement entre footballeurs n'implique pas qu'ils aient à se neutraliser de manière totale et définitive. Pour lui, ce genre de comportement était impensable parce que complètement contraire aux sages principes qui lui avaient été inculqués:

 

« Messieurs, face à un adversaire animé d'inamicales intentions létales, il n'y a qu'une seule méthode. Vous oubliez la poésie et vous utilisez tous les moyens disponibles pour lui éclater la tête bien comme il faut, une bonne fois pour toutes. Questions, remarques, états d'âme? Non? Alors, rompez!»

 

 

 

91 - Samedi 26 septembre 2015

 

L'art de recevoir

 

Selon le petit-fils du grand-oncle de son plombier zingueur patenté, lorsqu'il invite une demoiselle à partager son bœuf miroton, il n'est nullement à craindre qu'il l'a prie de faire sa vaisselle des quinze derniers jours ou de recoudre les multiples boutons ayant pris congé de ses chemises, car il n'a d 'autre dessein que de l'entretenir de son fol amour pour la poésie.

 

Avant la venue de son invitée, il crée subtilement une ambiance propice. Il s'arrose à gros bouillons de sent-bon, se crépit les crins d'une couche frangipanesque de brillantine, met des chaussettes propres. Il pare sa table d'une blanche nappe en dentelle de Cambrai sur laquelle il dispose de délicates assiettes en précieuse porcelaine de Chine et sous celle de sa commensale, discrètement, il glisse le « Theorie und Konstruktion eines rationellen Wärmemotors zum Ersatz der Dampfmaschinen und der heute bekannten Verbrennungsmotoren » de monsieur Rudolf Diesel, format in quarto et en onze volumes.

 

 

92 - Dimanche 27 septembre 2015

 

L'art de recevoir, suite et fin

 

- « Oh! Charles-Euzèbe, le « Theorie und Konstruktion eines rationellen Wärmemotors zum Ersatz der Dampfmaschinen und der heute bekannten Verbrennungsmotoren » de monsieur Rudolf Diesel, format in quarto et en onze volumes, quelle charmante et attendrissante attention.

 

Ainsi donc, vous connaissez monsieur Diesel. Alors, je ne vous apprendrais assurément rien en vous disant qu'il circule encore beaucoup d'idées reçues le concernant. Pour commencer, vous savez certainement qu'il n'est pas né en Allemagne, mais à Paris, en 1858, de parents bavarois installés en France depuis 1848.

Vous n'êtes pas non plus de ceux qui croient que son invention était destinée aux constructeurs automobiles et aux producteurs pétroliers, alors que son but était de mettre à la disposition des artisans des machines utilisant une source d'énergie bon marché afin qu'ils puissent mieux affronter la concurrence des industriels.

 

C'est pourquoi, me direz-vous, son moteur fut d'abord conçu pour fonctionner avec n'importe quelle huile végétale. Si je ne le faisais, vous ajouteriez qu'il pensait que cela aurait aussi l'avantage d'apporter la prospérité aux paysans. D'ailleurs, vous en serez d'accord, lorsqu'il présenta son moteur à l'exposition universelle de Paris en 1900, celui-ci fonctionnait à l'huile d'arachide.

 

Est-il vraiment utile que je vous rappelle la fin tragique de son histoire? Dans la nuit du 29 septembre 1913, il disparut du paquebot qui l'emmenait vers Londres où il devait vraisemblemblablement rencontrer de hauts dignitaires de la Royal Navy très intéressés par son moteur. Les marins d'un cargo néerlandais retrouvèrent son cadavre un mois plus tard. L'état de décomposition du corps empêcha qu'il puisse être hissé à bord. Aussi fut-il laissé à la mer, après récupération d'objets personnels à des fins d'identification. A ce jour, les conditions exactes de la mort de monsieur Rudolf Diesel n'ont toujours pas été éclaircies.»

 

- « Christabelle-Augustinia, vous parlez si merveilleusement bien d'amour! Voulez-vous m'épouser ?»

 

 

93- Samedi 03 octobre 2015

 

Cohésion inter Armes

 

Il avait la Biffe dans la peau comme seul pouvait l'avoir un brodequin à jambière attenante du Ier Régiment d'infanterie. Ce trait de caractère, ô combien exemplaire et estimable, était sans doute à l'origine de l'extrême difficulté qu'il avait toujours éprouvée à comprendre la mentalité de ses camarades de l'A.L.A.T.

 

Par saint Maurice, se disait-il à chaque fois qu'il pensait à ces gars dans leurs hélicos, il n'est déjà pas simple ni très drôle de se battre en ayant les pieds bien sur terre, alors pourquoi se compliquer encore davantage la vie en voulant le faire avec les fesses en l'air?

 

 

94 - Dimanche 04 octobre 2015

 

Auditeur de la première heure

 

Cher et radiophonique animateur, afin de vous ouïr dès 2h30 du matin, j'abandonne mon lit à baldaquin Henri III et mon nounours, dès 1h05. Chaque jour, ce levé anticipé interrompt le repos, et par voie de conséquence, les ronflements de mon admirable épouse. Sur un ton plutôt acerbe, elle me rappelle alors protocolairement son droit républicain, constitutionnel et fondamental, au respect d'un quota de sommeil décent. Ce en quoi, elle n'a pas tout à fait tort, il faut bien en convenir.

 

Je suis ensuite confronté à la réprobation silencieuse et stylée de ma domesticité excédée de devoir préparer, si tôt, mon petit déjeuner cacaoté, placer mon savon, aux voluptueuses senteurs du tiaré de Tahiti, dans ma douche en marbre bleu de Seravezza, me raser sans m'ennuyer et enfin m'habiller de pied en cap à l'image de ma référence vestimentaire, monsieur Karl Otto Lagerfeldt.

Je dois également supporter les pleurs de ma nombreuse progéniture réveillée par la pétarade du groupe électrogène alimentant mon poste de T.S.F, démarré par mes soins à 2h15, très précises.

Pour achever ce tableau, j'ajouterai que je suis sous le coup d'une plainte pour concurrence déloyale, déposée par le coq de la ferme voisine.

Et vous, vil mystificateur, dans votre dernier entretien avec la presse, vous osez confier sans honte qu'à l'heure où je suis votre programme, vous êtes feignassement blotti entre les bras de Morphée comme un lapin angora narcoleptique pelotonné dans son tas de foin! Vous avez le culot de révéler que vos émissions sont enregistrées dans l'après-midi qui précède leur diffusion et que par conséquent vous n'êtes en réalité jamais nuitamment présent au micro.

Je suis au comble de l'indignation. Ma réplique à vos inqualifiables agissements sera cinglante. Désormais, je ne me préparerai à prendre l'écoute qu'à partir de 2h03.

 

 

95 - Vendredi 09 octobre 2015

 

Corentin

 

Quand tu es venu, il n'y eut jamais homme plus heureux que moi sur terre. Tu étais et tu es toujours au-delà de tout ce que je pouvais espérer. Si je t'offre ces vers de monsieur Rudyard Kipling ce n'est que pour te dire une seule chose: reste toujours fidèle à toi-même et tel que tu es, car c'est ainsi que je t'aime et que je suis fier de toi.

 

 

Si

 

Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre,
Et, te sentant haï, sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leurs bouches folles
Sans mentir toi-même d'un mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois,
Et si tu peux aimer tous tes amis en frères,
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi;

Si tu sais méditer, observer et connaître,
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être que penseur;

Si tu sais être dur, sans jamais être en rage,
Si tu sais être brave et jamais imprudent,

Si tu sais être bon, si tu sais être sage,
Sans être moral et pédant;

 

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors les Rois les Dieux la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis,
Et, ce qui vaut bien mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un homme mon fils!

 

 

96 - Samedi 10 octobre 2015

 

Tourmenté

La science n'apporte que très peu d'informations sur les extraterrestres. C'est pourquoi il se débattait dans des affres sans nom. Où trouver la preuve irréfutable qu'il n'était pas originaire d'une lointaine galaxie? Qui pouvait lui certifier qu'il n'était pas un être venu d'une autre planète. Comment être sûr que ces deux humains qui depuis plus d'une trentaine d'années se présentaient à lui comme étant ses parents biologiques, ne l'avaient pas en fait recueilli quand il était encore bébé, après qu'il eut été oublié par une soucoupe volante sur une aire de l'A2?

Il avait fini par avoir l'intime conviction que la réponse qu'il cherchait ne pouvait être qu'en lui. Il décida alors de se mettre à l'épreuve pour découvrir s'il était doté de pouvoirs supraterrestres. Il put ainsi se rendre compte que vouloir s'envoler du premier étage de sa maison et s'écraser au sol comme une grosse bouse, était une expérience assez douloureuse. Il constata également que le flot de sang s'échappant de son nez contusionné était bien rouge et non pas vert.

Tout ne cela ne suffit cependant pas à complètement effacer ses doutes. D'autres vinrent même l'envahir. Mais au fait, s'interrogea-t-il, qu'en est-il de Bélinda, mon épouse? Pour en avoir le coeur net, sans plus attendre, il se disposa à la défenestrer.

 

 

97 - Dimanche 11 octobre 2015

 

Citius, altius, fortius

Le mécénat sportif n'est pas chose aussi aisée qu'il y paraît. Si prodigalité et philanthropie lui sont aussi sine qua non et indispensables que la cassonade à sa tarte éponyme, ils sont cependant loin d'être suffisants. En effet, encore faut-il que sportifs et donateurs parviennent à une mutuelle et parfaite entente profitable aux intérêts bien compris de chacun. Aussi n'est-il pas rare que les négociations qui préludent à la signature des contrats donnent lieux à d'âpres discussions dans lesquelles les responsables des atlhètes ne sont pas les moins retors. Monsieur Panturle Alamore, ex-toiletteur à sec pour hippopotame de compagnie hydrauphobe, présidant aujourd'hui aux destinés de la Scaldobrigienne S.A, en a malheureusement fait l'amère et triste expérience.

 
Cet affable et fastueux chef d'entreprise souhaitait ardemment desserrer largement les cordons de sa bourse afin de richement garnir l'escarcelle de l'équipe de France de parachutisme. De sa vaste générosité, ce bienfaisant homme n'attendait que peu de chose en retour. Il demandait pudiquement et simplement que la publicité des produits de sa société soit ostensiblement assurée lors de chaque compétition. Donc rien que de très banal et conforme aux pratiques en vigueur dans l'univers enchanteur du sport.

 

Pourtant, les dirigeants de la fédération, énergiquement soutenus par la totalité des parachutistes, lui ont signifié une fin de non-recevoir ferme et sans appel. Ce rejet fut officiellement justifié au motif des plus fallacieux qu'il était absolument hors de question pour les champions d'effectuer leurs sauts les bras chargés d'une enclume.

 

 

98 - Samedi 17 octobre 2015

 

Omerta

 

Sur le sujet, les Anciens du village sont tous unanimement formels. Pour vous tirer du lit de bonne heure et de bonne humeur, rien ne vaut le chant d'un vaillant coq ou la sonnerie d'un sémillant joueur de clairon.

 

« Et puis, expliquent-ils, un coq qui n'est plus synchrone où qui devient aphone chronique, tu peux le passer à la casserole. Au vin, c'est drôlement bon, tu sais. Va donc essayer d'en faire autant avec un réveil qui se mélange les aiguilles ou qui se retrouve avec le grelot en carafe! »

 

Mais lorsque vous chercher à obtenir des informations sur le devenir des joueurs de clairon dont l'obsolescence entraîne une perte du sens de l'exactitude horaire et de la note juste, étonnamment tous les vieux Sages se rappellent soudainement que le devoir les appelle et qu'ils doivent, sans plus tarder, rejoindre leurs foyers afin d'aider leurs dévouées épouses à préparer la bière bouleuse pour le biberon de quatre heures du dernier de leurs petits-enfants.

 

 

 

99 - Dimanche 18 octobre 2015

 

Entente cordiale

 

Chers et fiers compatriotes Français, pour la majorité d'entre vous et de vos proches parents, l'Anglais est indiscutablement le seul coupable des ravages de la guerre de cent ans et du terrible trépas infligé à notre sainte Jeanne d'Arc.

 

Sauf que la petite Lorraine fut faite prisonnière par les troupes bourguignonnes. Leur chef, sans état d'âme et avec un sens du commerce qui l'honore, la vendit à messieurs les Anglais, contre la coquette somme de 10 000 livres sonnantes et trébuchantes.

 

Les gentlemen d'Albion ne la conservèrent pas par-devers eux. Ils la remirent - gratuitement - entre les pieuses mains de juges ecclésiastiques bien de chez nous qui ne se firent pas prier pour l'envoyer au bûcher. L'Université de la Sorbonne approuva doctement et sans condition cette condamnation.

 

L'application de la sentence fut exécutée par Geoffroy Thérage, bourreau de Rouen, « maître persécuteur des hautes œuvres du Roy de France ». Un roi qui devait tant à Jeanne, mais ne fit absolument rien pour tenter de la sauver.

 

Quant aux monarques de nos amis d'Outre-Manche, à cette époque, ils étaient d'ascendance angevine, tout comme une partie de leur noblesse qui comptait également des seigneurs aux origines normandes. Pour ce qui est de leur armée qui dévasta le riche et beau royaume de France, à l'époque de la Demoiselle d'Orléans, elle était essentiellement composée de solides et redoutables mercenaires gascons.

 

Alors, Citoyens, même si notre tant et si douce Jeanne a pu dire « De l'amour ou de la haine que Dieu a pour les Anglais, je n'en sais rien, mais je sais bien qu'ils seront tous boutés hors de France, excepté ceux qui y périront », il n'est pas convenable de les rendre entièrement responsables de sa mort et de toutes les exactions guerrières perpétrées durant un siècle.

 

 

Commentaire

Certes, cependant « Il est toujours bon, jeune homme, d'être en guerre avec les Anglais.»

Commandant Théobald Dromard

 

 

 

100 - Samedi 24 octobre 2015

 

C'était pourtant évident

 

Nous aurions probablement dû nous interroger sur cet amour soudain et enragé de Grand-Père pour la pelouse. Nous avons certainement commis une faute en ne prêtant pas attention à son intention de faire les trois huit à l'I.N.R.A afin de découvrir le meilleur moyen de choyer son gazon. Nous avons assurément fait preuve d'une répréhensible passivité en ne réagissant pas lorsqu'il s'acheta un casque intégral pour participer, avec sa tondeuse autoportée, aux 24 heures du Mans. Nous sommes indiscutablement impardonnables de n'avoir pas eu la puce à l'oreille quand il entama une procédure pour crime contre l'humanité à l'encontre de feu le cheval de feu monsieur Attila, coupable, selon lui, de désherbage génocidaire.

 

Si nous avions été davantage sensibles à ces indices et capables de correctement les interpréter, nous aurions vraisemblablement été moins surpris d'apprendre que le G.I.G.N, au grand complet et en grande tenue, était descendu des airs en rappel, pour venir l'arrêter à son domicile. En effet, grand-père ne consacrait pas le plus clair de son temps à tondre son herbe, mais à la fumer.

 

 

101 - Dimanche 25 octobre 2015

 

Indigné

 

Ce distingué habitant des beaux quartiers était resté admirablement courtois malgré la légitime colère qui tourmentait ses nobles entrailles. Chacune des lignes qu'il avait écrites au courrier des lecteurs de son journal quotidien, résonnait d'une sourde indignation sans jamais pourtant se laisser aller à l'anathème.

 

Avec élégance et calme, il souhaitait dénoncer à la vindicte populaire les révoltantes irresponsabilité et imprévoyance des impécunieux. Comme toutes les honnêtes gens qui se respectent, il était proprement scandalisé par ces désargentés qui dilapident infantilement une part de leurs maigres ressources en achat de tickets de jeux à gratter, avec l'illusoire espoir de s'extraire de leur misérable condition. Et quand bien même, par miracle, la chance leur sourit, les modestes gains qu'ils remportent sont aussitôt et intégralement gaspillées en dépenses somptuaires, telles que le règlement des factures d'électricité ou de la cantine des enfants. Il voulait tranquillement affirmer ce que tout homme de bon sens sait être une évidence: les pauvres ne sont pas faits pour l'argent. Et c'est là, la raison de l'état qui est naturellement le leur.

 

Pour autant, il n'était nullement dans ses intentions de réclamer qu'il soit interdit aux défavorisés de tristement se distraire et de croire à un avenir meilleur en tentant de décrocher le gros lot que la Française des Jeux sait si bien leur faire miroiter. Privée de l'obole des miséreux, cette ingénieuse entreprise ferait rapidement faillite, privant ainsi le Ministère des Finances d'une partie non négligeable de ses revenus. Il faudrait alors, horreur suprême, augmenter l'impôt sur la fortune. Il pensait simplement que ce serait une sage et bonne décision de salubrité publique que d'obliger les nécessiteux à n'acheter que les coupons perdants.

 

102 - Samedi 31 octobre 2015

WWF et « It's good to be the king »

 

Pendant que l'ourse grise lit, l'ours Paul erre.

 

Commentaire:

Monsieur Nervien, il y a maintenant moult temps que je supporte stoïquement vos outrageants libelles. Mais, aujourd'hui ma patience et ma bonté ont atteint leurs limites. Cette fois-ci, c'en est trop. Votre vilenie dépasse les bornes. Vous êtes un dangereux récidiviste de l'outrage à humour dans l'exercice de ses fonctions. Il ne se peut admettre plus longtemps qu'un criminel tel que vous ait le loisir de continuer de jouir du droit de vaquer comme bon lui semble. Aussi ai-je ordonné à monsieur Louis Thiroux de Crosne, mon lieutenant général de police, de mander à quelques-uns de ses plus robustes archers du guet de se saisir de votre misérable personne afin que vous soyez au plus tôt jeté tout vif dans le plus noir des culs de basses fosses de la Bastille.

 

Vous y purgerez une peine d'emprisonnement de dix années. A l'issue de cette décennie d'enfermement pleinement méritée, vous serez maintenue en votre geôle à perpétué et plus, si affinités. Je vous laisserai le plaisir de calculer vous-même la date de votre libération. Comme ça, à vue-de-nez et à la louche, je crois déjà possible de t'affirmer que ce n'est pas pour demain, ni même pour après-demain. En clair et en résumé, tu n'es pas prêt d'être désembastiller, à moins que n'éclate une révolution, mais là faut pas trop rêver, mon p'tit gars.


Louis XVI roi de France par la Grace de Dieu

 

 

103 - Dimanche 01 novembre 2015

 

« La nuit est chaude, elle est sauvage »

 

Ainsi qu'il se doit, cet honorable hobereau comptait parmi ses proches relations un notaire, très digne et fort austère. La famille de ce dernier dont l'ancienneté de l'installation dans le village remontait très loin dans le passé, avait toujours respecté, de génération en génération, la même ligne de conduite guidée par deux principes majeurs et sacrés. Tout d'abord, la charge notariale se transmettait de père en fils. Ensuite, on ne transigeait jamais avec le respect de la bienséance et des convenances.

 

Mais, ce vénérable tabellion était atteint de parasomnie. Chaque nuit, l'heure du sommeil venue, il était victime d'incontrôlables et spectaculaires crises de somnambulisme. Lors de ses inconscientes déambulations nocturnes, cet infortuné noctambule malgré lui adoptait le maintien à la fois badin et dynamique de ces frustres mais néanmoins sympathiques porcins appelés babiroussas. A l'instar de ce pittoresque animal, il passait ses nuitées à parcourir la campagne à quatre pattes, en poussant de gutturaux grognements, et à se rouler très consciencieusement dans la fange des marigots ou dans la boue des mares se trouvant sur son chemin.

De ces aventureux nuiteux périples, il ne gardait aucun souvenir et le secret à leur sujet étant bien gardé, il n'en était pas perturbé outre mesure. Il n'en était pas de même pour son affectueuse et dévouée conjointe, Bérangère.

 

« Après s'être contorsionné et vautré dans la gadoue comme un malade, il a beau furieusement se frotter les flancs contre les arbres et le groin, pardon, je voulais dire le visage, dans l'herbe, je ne vous raconte pas dans quel état il me met les draps du lit quand il revient se coucher, se lamentait-elle ».

 

Puis, avec un touchant accent où se mêlait tout à la fois désolation et espoir, d'une voix un peu tremblante, elle confiait:

 

« Honnêtement, cela m'arrangerait vraiment beaucoup si au lieu de se prendre pour un porc sauvage exotique dès qu'il s'endort, mon mari rêvait plutôt qu'il est Monsieur Propre ».

 

 

104 - Samedi 07 novembre 2015

 

Il fallait que ce fût dit

 

Monsieur le Président Directeur Général, bijou de sagesse, réconfort de tous les astres, lumière dans la nuit,Vous nous délivrez, toujours et jusqu'à la fin des temps, une parole limpide comme le chant de la harpe, fraîche comme l'onde du ruisselet, précieuse comme les ors de Samarcande. Cependant, ne Vous en alarmez pas, restez calme et serein, il n'y a pas péril en la demeure, mais comment Vous faire part de la chose? De quelle manière Vous la dire? Le sujet est délicat et plutôt embarrassant à évoquer. Il faut pourtant que Vous sachiez. Se taire, ne serait pas Vous rendre service. Si vous le Voulez bien, abordons donc la question avec franchise et virilité.

 

Certains de vos propos qui sont parvenus jusqu'à mes oreilles soumises et dévouées, me laissent à penser que Vous avez sûrement voulu nous faire une monumentale niche, ou alors que Vous donnez hardiment dans la science-fiction, à moins que Vous ne soyez la malheureuse et innocente victime d'une sournoise fièvre inédite.

 

Selon Vous, il pourrait exister, en ce bas monde, quelqu'un de plus élégant, de plus beau, de plus grand que Vous? Laissez-nous, s'il Vous plaît, nous étrangler sauvagement de rire! Voyons Monsieur le Président Directeur Général, comme tout un chacun, vous devriez savoir qu'un être aussi fabuleux ne peut exister puisque vous êtes, Le, plus élégant, Le, plus beau, Le, plus grand. Et en plus, Vous, Vous sentez bon. Si, si, je Vous assure.

 

 

 

105 -Dimanche 08 novembre 2015

 

« Je me suis battu pour que mon fils ne revoie jamais cela... »

 

L'ordre résonna et fut repris en écho par les murs de la Citadelle.

 

« Garde-à-vous! Arme sur l'épaule, droite! Direction droit devant, au pas cadencé! En avant, marche! »

 

En attaquant le sol de la pointe du talon gauche, lui et tous ses camarades sentirent leurs coeurs se serrer. Ils quittaient leur casernement et Cambrai pour aller se battre. Ils ne croyaient pas aux beaux discours des politiciens et aux belles envolées des journalistes qui clamaient que la guerre serait fraîche et joyeuse. La guerre n'est ni un amusement, ni une partie de plaisir. Pour nombre d'entre eux, le voyage serait sans retour. Ils le savaient. Quand cette fichue affaire serait terminée, ils ne seraient pas tous là pour embrasser et serrer dans leurs bras leurs fiancées, leurs compagnes, leurs enfants, leurs parents.

 

Il ne revit jamais son épouse et son petit garçon de 10 ans. Il est tombé le 27 octobre 1914. Il avait à peine 33 ans. Il s'appelait Alix.

 

Chaque 11 novembre, se rappeler de cet arrière-grand-père, des souffrances de sa femme et de son fils, était pour lui simplement une chose tout à fait naturelle. Le devoir de mémoire était une évidence, un acte élémentaire d'humanité, de fraternité et de respect. Pourtant, de plus en plus, il semblait qu'il n'en allait pas de même pour la totalité de ses contemporains et en particulier pour la dynamique catégorie des compétitifs dirigeants d'entreprises. Ils sont, en effet, nombreux à s'exonérer de ce devoir et à ne plus avoir la décence d'accorder à leurs salariés ce jour férié dédié au recueillement.

 

Dans ces valeurs dont se prévaut si fièrement ce genre de pauvres types, il n'y en a certainement aucune qui puisse justifier qu'ils sacrifient une journée de leurs profits au souvenir d'un million cinq cent mille soldats et sept mille civils tués, de six millions d'invalides, de six cent mille veuves et d'un million d'orphelins.

 

 

106 - Jeudi 11 novembre 2015

 

 

 

107- Samedi 14 novembre 2015

 

 

« Homme libre, toujours tu chériras la mer! »

 

Prince des embruns, chevalier des flots, maître de la houle, idole des crevettes, chouchou du varech, le marin est un type bien.

 

Pourtant, lorsque le marin, son sac marin sur son épaule ferme, pose son pied marin sur la terre ferme, il n'est pas toujours reconnu à sa juste valeur. Il est bien souvent en but à l'attitude hostile et revêche de bilieux envieux collés à jamais à leur glèbe natale qui jalousent hargneusement leurs aquatiles aventures et leurs nautiques exploits.

 

 Le matelot souffre douloureusement de ce fielleux désamour et bien souvent ses grands yeux bleu de Venise s'embuent de larmes de désespoir qui perlent lentement au bout de ses longs cils d'appaloosa de l'Idaho avant de venir inonder ses joues purpurines de leur pluie salée, car s'il a été endurci à grands coups de mandales par les vents sauvages et de beignes par les vagues colériques, sous sa rude carapace se cache une âme à la sensibilité et à l'émotivité à fleur de peau.

 

Alors ne nous y trompons pas, ce n'est pas aux gracieuses FFPN que pense le débonnaire loup de mer quand il parle du plancher des vaches.

 

Commentaire

Ichtyophage libre, toi aussi, toujours tu chériras la mer!

Arsène Saupiquet

 

 

108 - Dimanche 15 novembre 2015

 

 

Leçon d'objectivité

 

Mais alors là, ventre-saint-gris! Il avait atteint les sommets nauséeux de l'écoeurement et était consumé par les brandons ardents d'une sainte colère! Oser douter des facultés de sa cousine germaine, Germaine. L'accuser ignominieusement et sans aucune preuve de supercherie, était tout bonnement une honte, une infamie, une malhonnêteté, une forfaiture, qu'aucun honnête homme épris d'équité ne pouvait décemment accepter.

 

Aussi, afin que bonne et loyale justice soit rendue à sa cousine germaine, derechef, il avait décidé de téléphoniquement contacter monsieur Clodion Balderic, producteur/récoltant bio de cobras royaux nourris au grain et élevés en plein air. Cet amoureux chevronné du reptile à l'ancienne avait gracieusement donné suite à sa demande et accepté de quitter son kolkhoze de Seine-et-Marne afin qu'un de ses plus beaux cobras royaux, prénommé Priscilla Manfred Max Gustave II, soit mis en relation directe avec ce voisin qui se permettait d'illégitimement douter de cousine Germaine.

 

Une fois que l'on aurait sacrifié aux règles du savoir-vivre en présentant l'homme à la bête, s'il ne voulait pas piteusement perdre la face, le voisinant arbitraire ne saurait se soustraire à la participation d'un petit test. Il lui serait impossible de trouver un quelconque prétexte pour refuser d'être poliment, aimablement, mais néanmoins profondément et sauvagement, mordu par le superbe et convivial ophidien. Ensuite, l'intervention de la brave cousine germaine serait gracieusement et en urgence requise. Alors à ce moment-là et seulement à ce moment-là, se trouvant in personam entre les mains de cousine Germaine, l'agonisant avoisinant envenimé serait en capacité de juger, objectivement et impartialement, des pouvoirs de guérisseuse de la cousine germaine et de sérieusement témoigner de leur réalité ou, avant de trépasser, de leur inexistence.

 

 

 

109 - Samedi 21 novembre 2015

 

Un grand poète

 

De imesselle.soubassophone-00495@trucmail.fr

Mon gros nounours chéri trapu et généreux qui sent si bon la betterave sucrière et la choucroute garnie à l'ail, j'ai tellement hâte de te retrouver. Je nous vois déjà tous deux en balade dans ta rutilante automobile avec double arbre à cames en tête. Ivres de bonheur, nous irons jusqu'au pied du plus beau des arcs-en-ciel pour nous y allonger mollement sur un doux tapis de mousse et contempler, main dans la main, joue contre joue, les rayons du soleil et le bleu du ciel. 

 

De marrafin.gazou-59400@machinmail.fr

Imesselle chérie, j'ai bien reçu votre courriel. Premièrement, sans vouloir vous tancer, je ne trouve tout de même pas très raisonnable votre souhait de nous voir sombrer dans l'ivresse. Je ne saurais trop vous rappeler que le code de la route interdit strictement la conduite en état d'ébriété.

 

Deuxièmement, au risque de ternir votre plaisante euphorie, il est impossible que nous puissions espérer nous étendre sur une jonchée de sphaigne à l'endroit que vous avez envisagé. En effet, après consultation d'un podologue de grande renommée, je suis en mesure de formellement vous affirmer que les photométéores sont anatomiquement dépourvus de ripaton. Mais, je vous aime quand même.

 

 

110 - Dimanche 22 novembre 2015

 

American way of life

 

Nous avons, bien volontiers et avec enthousiasme, ajouté à nos us gaulois, la coutume américaine de porter des pantalons1 bleus en toile d'origine nîmoise, d'ouïr dans nos casques audio de la musique2 dansante au rythme binaire et au tempo fortement marqué, de mâcher à belles dents de la gomme3 agrémentée d'arômes et parfums alimentaires, d'accueillir sur nos tables et dans nos estomacs des sandwiches4 ronds généreusement garnis de viande bovine hachée et de crudités, de remplir à ras bord nos verres de boissons5 non alcoolisées, brunes et pétillantes.

De leur côté, nos amis d'outre-Atlantique ont su intégrer certains des plus beaux fleurons de la civilisation française à la culture de l'Oncle Sam. Ainsi, exemple parmi tant d'autres, monsieur Marcus Fitzroy, chauffeur de bus actuellement affecté au service de la ligne South First / Red River, à Austin, dans l'Etat du Texas, aime à charmer le conduit auditif de ses passagers en leur diffusant le célèbre succès de Jean Ségurel : « Je ne suis pas fâché de ma journée ».

 

« Alors là, explique-t-il avec exaltation, faut voir le travail, mon cher monsieur. Les cow-boys enlèvent et jettent leurs Stetson en l'air, en sifflant ou en hurlant des "yippee ya hay!" à vous défoncer les tympans. Les dames les harponnent fermement par le bras et c'est parti pour une bourrée à tout casser qui fait trembler à tout va la solide carcasse mon brave Neoplan.»

 

Visiblement ces discrets et distingués moments de french touch ravissent Marcus. Pourtant, ils lui laissent toujours sur le cœur comme un petit sentiment de regret.

 

« Ouaip... confie-il un peu navré, ce qui est dommage, quand même, c'est qu'avec les santiags et les éperons, ça le fait moins qu'en sabots de bois avec de la paille.»

 

1: jeans - note de l'éditeur

2: rock and roll - note de l'éditeur

3: chewing-gum - note de l'éditeur

4: hamburgers - note de l'éditeur

5: Coca Cola ou Pepsi Cola - note de l'éditeur

6: Non mais, l'éditeur! De quoi je me mêle? Tu crois, peut-être, que nos amis lecteurs ne sont pas assez grands pour comprendre tous seuls - Note de Nervien

 

Commentaire

Monsieur Nervien, malgré un nombre incalculable d'heures d'exercice à la barre, de pointes, de chats et d'entrechats, monsieur Rudolf Noureïev n'a jamais réussi à faire assimiler à mes chaussons de danse roses les subtilités chorégraphiques de la bourrée. En revanche, sans fausse modestie, il me faut avouer que je suis beaucoup plus doué pour le tango argentin. A Buenos Aires, l'on me surnomme el buey gordo bailando.

Atanase Butanol,tailleur à la hache d'allumettes suédoises.

 

 

111 - Samedi 28 novembre 2015

 

Chimiquement vôtre

 

Les produits bio, les produits bio! De nos jours, il n'y en a plus que pour eux! Du coup, on en oublie un peu trop facilement et éhonteusement le sort peu enviable réservé aux sapides et délicieux additifs alimentaires. De nos jours, qui a encore une pensée émue et fraternelle pour, par exemple, l'hexaméthylènetétramine, la cryptoxanthine ou le para-hydroxybenzoate d'hépthyle, plus connus sous leurs respectifs et poétiques pseudonymes de E239, E161 et E209. Que les 2997 autres membres de leur famille veuillent bien nous pardonner si nous ne pouvons tous les citer ici.

 

Tous ces artificiels amis de nos assiettées connaissent une destinée ignoblement funeste et brutale qui devrait émouvoir tous ceux qui prétendent avoir une conscience. Plein d'appétit de vivre et confiants dans leur existence à venir, les bébés additifs voient gaiement le jour dans d'avenantes usines chimiques où ils font l'objet de soins maternels attentionnés et de multiples câlins.

 

Mais tout cela n'est que fourberie, hypocrisie et sournoiserie. La croissance des jeunes additifs à peine terminée, leurs pouponneurs tombent le masque et dévoilent leur hideuse face cachée. Sans pitié, ni remords, ils les sacrifient par centaines de milliers sur l'autel du palais des gastrolâtres agueusiques (Si elles le souhaitent, les âmes sensibles peuvent s'évanouir d'indignation).

 

 

112 - Dimanche 29 novembre 2015

 

Don Juan

 

Le nombre de fois où il avait été amoureux, se comptait sur les doigts d'une seule main. Quoique d'un point de vue strictement mathématiques, il aurait été plus juste de dire qu'un pouce, plus un index, plus un majeur, plus un annulaire, plus un auriculaire, cela faisait, somme toute, encore beaucoup trop pour ce décompte.


Pourtant, rien en particulier ne le prédestinait à devoir laisser totalement blanche la page de son historique sentimental. Bien qu'il ne fît rien pour éveiller son intérêt, la gent féminine n'était pas insensible à sa personne. Mais comme il se trouvait plutôt banal, il pensait n'avoir rien qui puisse séduire une fille. Alors, il ne s'y essayait pas. Sans aucune arrière-pensée, il se contentait simplement d'être respectueux, gentil et prévenant. C'est, peut-être, pour cela qu'il plaisait.


Il était tellement persuadé de sa totale absence de charme qu'il n'imaginait pas qu'une demoiselle puisse rechercher sa compagnie pour une autre raison que le plaisir de sa conversation. A chaque fois, il fallait que ses amis lui ouvrent les yeux. Invariablement, il leur disait alors:

 

« Ah bon... Vous croyez? »

 

Puis, sincèrement désolé, il ajoutait:

 

« Comme il ne serait pas correct de ma part de lui laisser de faux espoirs, je vais donc maintenant être obligé de l'éviter, parce que malheureusement je la trouve très sympathique, très intelligente et très jolie, mais rien de plus.»

 

- « Mais, bonté divine, que te faut-il de plus! lui demandèrent ses copains, un jour où ils étaient au comble de la consternation.»

 

Visiblement très étonné de leur question, il répondit:


- « Ce qu'il me faut? Mais deux fois rien, simplement qu'elle soit le grand et unique amour de ma vie.»

 

 

 

113 - Samedi 05 décembre 2015

 

Vox populi

 

- « Citoyen, il ne serait pas digne de vous de ne tenir pour rien tout ce peuple aux mains tendues qui frémit d'espoir et suinte d'amour au simple énoncé de votre nom. Vous ne pouvez vous dérober plus longtemps à son appel impérieux et enflammé. Il est de votre devoir de suivre le chemin sacré que vous a tracé votre glorieuse destinée. Il est impossible que vous eussiez le front de lui refuser de vous voir ceindre les lauriers d'or que vous offre cette foule avide de vous. Pour elle, vous êtes le minotaure superbe et formidable dont le poing d'airain frappera la terre pour en faire jaillir les sources où elle étanchera enfin sa soif cyclopéenne de changement. Aujourd'hui, l'Histoire avec un grand H et la République viennent ensemble frapper à grands coups redoublés à votre huis.Vous n'avez pas le droit de laisser votre porte close et de les obliger à rester désespérementt plantée sur votre paillasson. Ouvrez leur à l'instant, Citoyen! Jetez-vous fougueusement dans leurs bras et embrassez les avec passion!»

 

- « Ben... Je comprends parfaitement et je suis complètement d'accord avec vous. En fait, c'est pas que je veux pas, c'est pas non plus de la mauvaise volonté; bien au contraire. Mais en ce moment, ça m'embête un peu parce que, à vrai dire, j'ai pas bien le temps. Je suis pas mal occupé. Je suis en plein dans des travaux à la maison. Faut que je repeigne toutes les pièces de ma collection millésimée de boudins noirs aux châtaignes.»

 

 

114 - Dimanche 06 décembre 2015

 

Pensées en vrac

 

Chers Grands Maîtres qui êtes ci-dessous cités, veuillez pardonner la regrettable insertion d'inconsistants interludes au beau milieu de vos propos, mais il faut bien justifier le titre de ce site.

 

« La véritable école du commandement est la culture générale.» - Général de Gaulle

 

Moi, que quan j'oré le pri nos belle de litrégrature, j'ira cosé qu'a ARTE et France Culture.

 

« A quoi peut servir de réussir sa vie? Ce qu'il faudrait, c'est rater sa mort.» - Jean Yanne

 

Mourir en dormant, se disait dit-il, quelle belle, grandiose et ultime marque de paresse.

 

« Ceux qui ne savent pas à quoi penser font ce qu'ils peuvent, toutefois et néanmoins, pour essayer de penser à autre chose que ce à quoi ils ne pensent pas.» - Pierre Dac

 

Monsieur Chrisostomos Aéropolis, esthéticienne à domicile pour yétis yogis yaourtophobiques, se demandait si les dévots de la cynégétique en milieu aquatique, pouvaient être raisonnablement et objectivement qualifiés de fervents adorateurs de la chasse d'eau.

 

« N’écoutant que son courage qui ne lui disait rien, il se garda d’intervenir.» - Jules Renard

 

N'allez surtout pas croire qu'un individu qui fracture votre porte avec une pince-monseigneur soit obligatoirement évêque.

 

« Les mots sont les passants mystérieux de l'âme.» - Victor Hugo

 

Les acrostiches ne sont pas de petits gâteaux apéritifs qui se mangent en buvant le pastiche.

 

«Nous sommes tous un peu fous ! A différents degrés et de différentes manières mais chacun cultive sa folie avec soin.» - François de La Rochefoucauld

 

Cher et intéressant patient, votre incapacité à faire risette tant que votre capilliculteur ne vous à pas entièrement et proprement rasé le crâne, est indubitablement symptomatique d'une pathologie psychiatrique bénigne de type schizophrénique connue sous le nom de syndrome du chauve sourit.

 

« En guerre comme en amour, pour en finir, il faut se voir de près.» - Napoléon Bonaparte

 

Le sens de l'Histoire en aurait-il été changé si au lieu d'avoir choisi comme surnom le roi-soleil, Louis XIV avait décidé de se faire appeler Loulou le roi du gambadou?

 

« Le rire n'est jamais gratuit: l'homme donne à pleurer mais prête à rire.» - Pierre Desproges

 

 

115 - Samedi 12 décembre 2015

 

Humaniste

 

 Il n'était pas de ces m'as-tu-vu qui voulant à toute force faire démonstration de leur simplicité, prennent, une fois dans leur vie, ces improbables et extravagants moyens de déplacement que sont les transports en commun, afin de pouvoir côtoyer sur leurs rares et inconfortables banquettes de la plèbe besogneuse et résignée. Lui, il préférait, il savait, rester à sa place. Il se contentait modestement du cuir pleine fleur des sièges de sa somptueuse limousine avec chauffeur et s'il souhaitait poser un regard attentif et charitable sur le monde des laborieux, nul besoin n'était pour lui de se lancer dans les simagrées. Il suffisait de regarder par la vitre teintée la portière.

 

Là, confortablement assis, les yeux mi-clos, humant délicatement à même le flacon les subtiles et délicates fragrances de son parfum préféré, mélange de senteurs marines exotiques et de l'odeur douce et miellée des hibiscus de l' Egypte ancienne, s'ouvrant sur des notes épicées de poivre rose, safran, relevées d'un accord d’iris, d’immortelle et de myrrhe sur un fond de styrax, mâtiné d'opoponax et de benjoin, il méditait sur l'implacabilité de cette société où l'individualisme et l'égoïsme forcenés régnaient en maîtres.

 

Il en était viscéralement révolté et n'avait pas manqué de personnellement et courageusement s'investir pour apporter sa propre pierre au grand édifice de la fraternité. Ainsi, un jour, à un pauvre hère qui se plaignait de voir l'ascenseur social toujours en panne, il dit:

 

« Ben, mon vieux, t'as qu'à prendre l'escalier!»

 

 

116 - Dimanche 13 décembre 2015


« Etre né quelque part »

 

Si d'une part Alexandre de Paris n'est pas né à Paris mais à Bernay, si d'autre part Charles d'Orléans n'est pas né à Orléans mais à Paris, tout comme Henri de Rochefort, Cyrano de Bergerac ou Martial d'Auvergne, si enfin Barbara de Constantine n'est pas né à Constantine mais à Nice et Albert Londres n'est pas né à Londres mais à Vichy, alors quel est le lieu de naissance de Raoul de Cambrai? Aussi incroyable que cela puisse paraître, il a bien vu le jour dans la capitale des Nerviens.

 

De noble extraction, selon Bertolai de Laon (né on ne sait trop où), il connut une existence que l'on peut qualifier de plutôt tumultueuse, parsemée d'actions mâles et musclées, pour ne pas dire carrément saignantes. Il est vrai que le contexte historique ne favorisait pas vraiment les démonstrations de franche convivialité. Notre fier et preux Raoul vivait au Xeme siècle et à cette époque les collègues chevaliers vous envoyaient plus facilement un bon coup de hache sur la crâne que l'expression de leurs sentiments distingués.

Raoul n'avait pas un mauvais fond, mais il lui arrivait parfois d'être un peu turbulent et maladroit. Par exemple, il causa, inopportunément, la mort des deux fils du seigneur Ernaut de Douai et celui-ci prit la chose en assez mauvaise part. Ou bien encore, par pure espièglerie sans doute, il incendia un couvent de religieuses, entraînant ainsi le rappel prématuré à Dieu de celles-ci et de leurs hôtes. Mais, oups, boulette! Un hasard malheureux voulu que parmi les invitées des soeurs se trouvât la mère d'un de ses plus fidèles ennemis. Ce regettable incident n'améliora pas les rapports entre ce dernier et ce grand polisson de Raoul.

Il se raconte, sans qu'il ne soit aucunement question pour eux de renier ce séduisant et pittoresque personnage, vivante incarnation du raffinement des moeurs de la noblesse d'antan, que d'aucun en Cambrésis seraient quand même bien tentés d'échanger leur Raoul de Cambrai contre Léon de Bruxelles.

117 - Samedi 19 décembre 2015

 

Assez de vaines paroles, agissons

 

Afin que fussent épargnés les jeunes conifères en cette période de fin d'année où l'on vient sauvagement les arracher par centaines à leurs forêts natales, il avait pris la résolution de s'engager personnellement dans l'action. Bien qu'un tel souci de la protection de la nature fût tout à son honneur, il savait que le faire accepter de tous ne serait pas chose aisée. Aussi, n'entendait-il pas se laisser troubler par les avis mesquins des censeurs rétrogrades qui pourraient bassement le traiter de vieille branche. Au contraire, il voulait donner libre cours à la bouillonnante sève qui coulait en torrents tumultueux dans ses veines splendides et opulentes. Il était prêt à fermement rappeler aux obscurantistes quelles nobles racines étaient les siennes. Il n'hésiterait pas à fièrement leur montrer qu'il était de bonne et solide souche.

 

Le mutisme consterné qui fut celui de son épouse et de ses enfants ainsi que le long soupir fataliste qu'ils poussèrent en découvrant le résultat de sa généreuse et militante initiative, exprimèrent parfaitement ce qu'ils pensèrent alors de leur mari et père. Le preux défenseur des boqueteaux hivernaux avait courageusement décidé d'intrépidement payer de sa dévouée personne en la plantant dans un superbe grand pot de terre cuite afin de bénévolement se transformer en support pour boules, guirlandes et autres décorations sapinières, en lieu et place de l'épicéa trônant habituellement au beau milieu du salon familial.

 

 

118 - Dimanche 20 décembre 2015

 

Passéiste

 

Cher et perplexe client, dans la perspective d'offrir à votre adorable bambin le cadeau de Noël dont il rêve, vous hésitez devant différents attrayants et tentants coffrets de marionnettes. Aussi avez-vous eu l'excellente idée de solliciter expressément et avec raison mon conseil avisé. Cher heureux consommateur, soyez assuré que l'estime et le ravissement extrêmes que vous m'inspirez m'empêchent positivement d'avoir la moindre pensée d'oser vous prendre pour un simiesque primitif attardé du paléolithique inférieur.

Cependant - et n'y voyez aucune offense de ma part - je me dois de vous faire respectueusement remarquer qu'en être resté à Guignol, Gnafron, Madelon, Toinon, Cassandre, Flageolet et Monsieur le Bailli, n'est pas la marque immanente de conceptions d'un modernisme férocement ravageur. Cher potentiel acheteur, si m'en croyez, oubliez donc sans tarder mais aussi sans regret, ce comportement que je qualifierai, si vous me le permettez et sans vouloir vous froisser, de désuet et suranné. Cher futur acquéreur, vous ne pouvez pas sérieusement continuer d'ignorer que sommes désormais de plain-pied dans le bienheureux siècle de l'informatique et du héros virtuel. Ce qui sied à une progéniture du XXIe millénaire digne de ce nom et de son temps se décline maintenant en Go/s, HDMI, Ghz, TFLOPS, Mo de RAM, 4K, saperlipopette!

Alors, suivez-moi en toute confiance, je vous prie. Et bras dessus, bras dessous, laissez-moi, s'il vous plaît, crânement vous guider vers de nouveaux et riants horizons où vous pourrez entendre avec délice l'irrésistible appel du progrès déchaîné. Tel le folâtre et guilleret bulldozer, n'attendez pas davantage pour du passé faire table rase. Partez enfin à la conquête de votre époque et que vos velus pectoraux d'acier chromé fendent orgueilleusement les flots torrentueux de la modernité triomphante.

Cela étant dit, notre établissement tient à conserver à l'ancien et au concret toute la place qui leur revient. Nous restons très attachés aux moyens de transactions traditionnels que sont les espèces, les chèques, les cartes bancaires et nous vous engageons aimablement à en user ici même, sans modération.

 

 

119- Samedi 26 décembre 2015

 

Une grande voix

 

Rien de ce qui était injustice, improbité ou dévoiement, ne lui était étranger et indifférent. Il en dissertait avec la virtuosité de l'authentique génie de la prosopopée, du surdoué de l'hypotypose, du phénix de l'éthopée, qu'il était. Aussi, ce suréminent essayste était-il bien connu de... Euh... Ben... De ceux qui le connaissaient bien. Tel Zeus fatigué par les méfaits des Cercopes, ce cosmique maître de l'écriture et explosif penseur contestataire était profondément lassé de voir les tricheurs, les menteurs, les cyniques, monopoliser sans scrupules le haut du pavé de notre société. Contre eux, il s'était héroïquement érigé en suprême sempiternel stigmatiseur qui ne reculait devant aucune épreuve pour impitoyablement les accabler de sa légitime ire.


Afin que ses oeuvres exprimassent pleinement toute l'intensité de la fureur de son irrassasiable révolte, il fallait que chaque ligne sonnât juste et fort. De manière à s'assurer que tel serait bien le cas, avant de les écrire avec son Omas Phoenix Platinum, il se faisait un devoir de hurler chacune de ses phrases à s'en décoller la plèvre.

Cependant, un beau jour, il disparut aussi soudainement que mystérieusement. Ses proches qui n'en pouvaient plus d'être obligés de vivre en permanence avec leurs conduits auditifs oblitérés par trois paires de boules Quies, qui avaient appris de leur oto-rhino-laryngologiste que cela ne les empêcherait pas d'être, à brève échéance, menacés de lésions auditives irréversibles et qui avaient repoussé au-delà de toute limite le record mondial de consommation de tranquillisants, jurèrent leurs grands dieux qu'ils n'avaient vraiment aucunement idée de ce qui avait bien pu lui arriver...

 

 

120- Dimanche 27 décembre 2015

 

Super sagace

 

Cher et cachottier voisin, voilà bien des années que j'étais absolument et irasciblement persuadé d'avoir découvert la véritable identité de monsieur Spiderman. Selon moi, il ne faisait pas le moindre doute que ce super héros et vous-même n'étiez qu'une seule et même personne. Il y a peu, je me suis ouvert de cette conviction à mes parents et amis. Ils se sont montrés plutôt dubitatifs, arguant que même s'il ne fallait jamais se fier aux apparences, ils leur semblaient des plus douteux qu'un paisible, respectable et abstème monsieur de quatre-vingt-douze ans, puisse avoir fait le choix de passer sa retraite à se balancer d'un gratte-ciel à un autre, suspendu à un arachnéen fil de soie.

Afin de leur montrer, preuves à l'appui, quel effarant égarement était le leur, j'entrepris savamment de vastes recherches encyclopédiques à votre sujet. Et là, qu'elle ne fut pas ma grande stupeur d'apprendre que celui qui se cache sous la défroque chamarrée de l'homme-araignée est en réalité un certain Peter Parker, citoyen américain, photographe de presse de son état, résidant, non pas à Cuvillers, mais au 20 Ingram Street, à New York.

 

A présent que j'ai en ma possession tous les éléments de la vérité sans fard, il m'est possible d'en tirer de nouvelles et infaillibles conclusions. Au bout du compte et en totale bonne logique tout cela ne peut signifier qu'une chose - et là, sincèrement, je ne vois pas comment je pourrais à nouveau aussi lourdement sombrer dans l'erreur tant l'évidence est à ce point flagrante et se passe de tout commentaire et vérification superflus - or donc, si vous n'êtes pas notre héros arachnidéiforme, alors monsieur Superman ce ne peut être que... Mais, n'ayez aucune crainte, je serais plus discret et muet qu'une carpe en mode Confidentiel Déefense. Vous avez ma parole, je ne dirai pas un mot de plus afin de préserver un secret que votre maman, votre papa, mademoiselle Loïs Lane, vous et désormais moi, sommes les seuls à partager.

 

Commentaire

Mais, si Spiderman c'est Peter Parker et si Superman c'est... Alors, juste ciel! Superdupont, c'est qui?

Don Diego de la Vega

 

 

 

121- Vendredi 01 janvier 2016

 

Meilleurs vœux !

 

 

 

122- Samedi 02 janvier 2016

 

Bonnes résolutions

 

1) Vaille que vaille, négocier dans un caravansérail un gros tas de ferraille

Et avec cet attirail fabriquer un beau distributeur de saucissons à l'ail pour autorail.

 

2) Devenir champion de Zuydcoote de chasse sous marine aux harengs saurs tigres des Galápagos.

3) Prendre de longs et grands bains de picalilli

Pour avoir la peau douce et bronzée comme celle d'un céleri d'Italie.

 

4) Devenir champion du Cambrésis de fabrication de napperons en dentelle au chalumeau oxyacétylénique haute pression à aspiration.

 

5) Vendre l'affreuse essoreuse de l'avaricieuse agioteuse

Pour pouvoir acheter une mitrailleuse affectueuse.

 

6) Devenir champion d'Europe de sculpture de statues colossales acrolithes romaines, à la petite cuillère

 

7) Me coudre bien serré dans le canapé

Pour monopoliser la télé.

(Ça va pas être facile, mais j'y arriverai.)

8) Devenir champion du sud du Pôle Nord du 400 mètres haies en apnée et en talons aiguilles.

 

9) Après avoir pris de longs et grands bains de picalilli

Pour avoir la peau douce et bronzée comme celle d'un céleri d'Italie,

Faire le plein de gasoil et aller à Maroilles manger tant et plus du maroilles

Pour avoir un plus beau poil.

 

10) Devenir champion du monde de France de détartrage de dentiers d'occasion pour cannibales nécessiteux.

 

 

123- Dimanche 03 janvier 2016

 

Onirique

 

- « Sans vouloir être de ces orchidoclastes nombrilistes à qui vous ne demandez rien et qui vous fatiguent avec le récit de leur dernier rêve, il faut cependant et absolument que je vous narre celui que j'ai fait cette nuit, tant il m'a tout à la fois bouleversé et transporté. Dans cet extraordinaire songe, j'étais en mon salon. Le jour expirant, avant de tirer sur ma baie vitrée en cristal d'Arcques mes lourdes tentures en poil de vigogne, je m'apprêtais à refermer mes pesants volets en acajou de Cuba quand, tout soudain, je la vis au-dehors, s'avançant lentement vers moi: la nuit! Elle avait revêtu sa longue robe noire dont la soie légère flottait vaporeusement au rythme nonchalant de ses pas. Charmées, Altaïr, Al Na'ir, Delta Velorum A et toutes leurs sœurs, la nimbaient de leur douce lumière pour la rendre plus belle encore. Ebloui par cette troublante et sublime apparition, je sus alors que toute ma vie serait désormais désespérément vaine si je ne pouvais la prendre dans mes bras pour l'emmener au bout du monde. Je me sentais même prêt, sans aucune hésitation, à ouvrir un compte joint avec elle. »

 

- « Mon bon et cher Bob Auxence, entre nous pas question de litote. Je serai franc avec vous ainsi que deux vieux amis doivent toujours l'être l'un envers l'autre. Votre cas est grave. Mais rassurez-vous, il n'est pas complètement désespéré. Si vous suivez scrupuleusement et obligeamment mes conseils, vous retrouverez bien vite votre proverbiale et angélique sérénité habituelle.

 

Donc, si vous le permettez, je vous enjoindrais de passer cet après-midi et la soirée inhérente de la manière suivante. Asseyiez-vous confortablement dans votre bon vieux fauteuil. Couvrez-vous les genoux d'une douillette couverture de laine à carreaux écrus, marrons et gris et chaussez-vous le pied d'une paire de charentaises assorties. Abreuvez-vous à petites gorgées et sans discontinuer d'une tisane à la camomille, calendula, mélisse, lavande, sauge, carvi noir, fenouil, millefeuille et racine de gentiane, tout en parcourant avec attention les meilleurs chapitres de « Oui-Oui a perdu son bonnet ».

Après cela, je gage vous vous sentirez calme et apaisé comme une gélule d'anxiolytiques après une séance de relaxation autogène. »

 

124- Samedi 09 janvier 2016

 

Rapports humains

 

- « Messieurs, sachez que le quidam dont le ressentiment envers ma personne se manifeste par de lourds regards accusateurs et un vilain visage fermé, m'indispose grandement. L'énergumème qui exprime son irritation à mon égard en évitant ostensiblement ma personne et en lui tournant immuablement le dos, me déplaît souverainement. Le paroissien me signifiant l'animosité que je lui inspire en se murant dans un mutisme obstiné et une attitude maussade, m'exaspère prodigieusement. J'abhorre les moroses, j'abomine les grognons et autres renfrognés qui ne savent pas ouvertement et intelligiblement laisser éclater leur dépit. »

 

- « Si nous avons tous bien compris le sens premier et profond de votre pensée, en résumé, vous exécrez donc les boudeurs. Sans conteste, à ces esprits chagrins, vous préférez les expansifs au courroux démonstratif, le genre honnête citoyen ne répugnant pas au choc frontal, à l'esclandre magistral, ou le bon bougre adepte du bourre-pif monumental, sans parler du joyeux luron qui ne sera pas embarrassé de vous démonter franchement le portrait, de vous défoncer allègrement le buffet avant de jovialement vous finir au sol en vous éclatant sauvagement le foie à grands coups de pompes, à moins qu'il n'opte plus directement et plus simplement pour la prise de catch létale.

 

Très bien, cher ami, si ce sont là vos infrangibles penchants, soyez assuré que nous en prenons bonne note; à toutes fins utiles... »

 

 

125- Dimanche 10 janvier 2016

 

« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » 

 

En deux mots, voici ce dont il s'agit. Depuis quelque temps, un de ses amis les plus chers s'amincissait considérablement, à une vitesse incroyablement spectaculaire. Le maigrissant et bon camarade finit par lui confier que pour des raisons médicales, il s'astreignait impitoyablement à un âpre régime bestialement drastique. Cette information ayant été rapidement diffusée parmi les proches ou lointaines relations du jeuneur d'élite, son entourage prit alors toute la mesure de la volonté de fer, du courage herculéen, de l'ascétisme lacédémonien, qui étaient irréfragablement ceux du famélique compère et ils en furent toutes et tous éperdus d'une inextinguible admiration.

 

Un des fidèles supporter de cet indomptable exterminateur de calories était un féru forcené de zoologie. A quelque temps de là, ce spécialiste amateur, mais néanmoins de haut vol, de la vie animale, se pencha studieusement sur les habitudes alimentaires du felis silvestris catus. Ce faisant, il apprit avec étonnement que ces félidés raffolaient des lacertidae. Il fut également surpris lorsqu'il sut que le corps de ces petits sauriens, croquant si délicieusement sous la dent, contenait un acide qui bloque la digestion et provoque ainsi une perte de poids chez leurs félins consommateurs. Il lui vint alors à l'esprit une singulière association d'idées qui fit naître en lui un doute affreux.

Se pouvait-il que l'affamé volontaire usât de substances anorexigènes? En réalité, n'était-il qu'un tartufe dont la duplicité éhontée s'élevait au premier rang des plus grandes mystifications et impostures de tous les temps. Voulant s'assurer du bien-fondé de ses soupçons, le suspicieux fan mena une enquête où la discrétion le disputait à la rigueur. Il ne tarda pas à découvrir que la frugalité du soi-disant empêché de la fourchette n'était effectivement que poudre aux yeux, fariboles et billevesées. En fait, cet odieux escroc se gobergeait effrontément. En cachette, cet écoeurant affabulateur miaulait veulement pour se fondre dans la foule des chats du voisinage afin de gloutonnement se goinfrer de gras et goûtus lézards.

 

 

 

126- Samedi 16 janvier 2016

 

Sketch

 

Ben alors, qu'est-ce qui vous arrive, ma pauvre petite bichette? Il est de par ce vaste monde des vilains pas beaux qui refusent de s'esclaffer et de vous admirer lorsque vous jouez au grand méchant politiquement incorrect? Mais ce n'est pas gentil de faire ainsi autant de peine à notre talentueux et courageux spécialiste de la saillie dérangeante et corrosive. Comment est-il possible de ne point apprécier vos provocants et irrespectueux bons mots? J'en suis littéralement épouvanté. Il faut être un bien triste sire pour ne pas s'amuser de vos gags. La chute du dernier que vous produisîtes, était si savoureuse qu'elle m'inspirât une suite. Je me permets de vous la livrer en toute simplicité et sans prétention. Tout comme vous, cher comique, je suis contre le cancer mais, depuis peu, je sais que la réciproque n'est pas vraie. Allez, le martyr de l'humour, maintenant sort moi ton second degré et fait moi rire.

 

Sans vouloir te donner de conseil, si tu as cinq minutes et si tu en es capable, réfléchis donc un instant sur ces quelques paroles de ton génial collègue, Monsieur François Morel:

 

« Pensez-vous qu'on puisse rire de tout? Ah! Très bonne question. Merci de me l'avoir posée. On est toujours surpris par l'originalité des interrogations de tous ceux qui inlassablement nous invitent à toujours plus de non-conformisme, de personnalité, d'indépendance d'esprit. Donc, on peut rire de tout mais on n'est pas obligé. L'idée d'être le premier à trouver le bon mot sur le dernier désastre écologiste, l'ultime raid aérien sur Tripoli, la toute nouvelle catastrophe aérienne, n'est pas dans mes préoccupations. »

 

 

127- Dimanche 17 janvier 2016

 

Dux bellorum

 

- L'Adjudant est synonyme de talent et réciproquement.

 

- L'adjudant n'est pas fait de chair et de sang mais uniquement à 100% de talent.

 

- Grammaticalement parlant les adjectifs à connotation déplaisante et antipathique ne s'accordent pas avec l'adjudant. Par exemple, il est incorrect d'écrire ou de dire: "l'adjudant est égocentrique". En revanche, il est correct d'écrire ou de dire: "l’adjudant est parfait". Cette règle de grammaire s'explique par le fait que la langue française sait que l'adjudant n'a aucun défaut.

 

- L’adjudant peut encercler l'ennemi à lui tout seul.

 

- La masse musculaire de l’adjudant est supérieure à son poids total.

- Quand l’adjudant s'est mis au judo, David Douillet s'est mis aux pièces jaunes.

- Quand Google ne trouve pas quelque chose, il demande à l’adjudant.

- L’adjudant fait pleurer les oignons.

- Un jour, le père Noël a frappé à la porte de l’adjudant, depuis il passe par la cheminée.

- L’adjudant ne ment pas, c'est la vérité qui se trompe.

- L’adjudant n’essaie pas; il réussit.

- Quand l’adjudant fait un tour d'horizon, il est capable de voir son dos.

- L’adjudant est le seul homme à posséder une édition originale de l'autobiographie de l'homme de Cro-Magon, dédicacé par l'auteur.

- L’adjudant peut claquer une porte fermée, il peut aussi enfoncer une porte ouverte.

- L’adjudant a déjà compté jusqu'à l’infini; deux fois.

- Si la lumière va plus vite que l’adjudant, c'est qu'elle a peur de lui.

- Certaines personnes portent un pyjama de Batman. Batman porte un pyjama d’adjudant.

- L’adjudant n'a pas besoin de montre. C'est lui qui décide de l'heure qu'il est.

- L’adjudant peut diviser par zéro.

- Dieu a dit: « que la lumière soit ! » et l’adjudant lui a répondu: « on dit s' il vous plaît ».

- La seule chose qui arrive à la cheville d'un adjudant, c'est sa chaussette.

- Le calendrier de l’adjudant passe directement du 31 mars au 02 avril. Personne ne fait de blague à l’adjudant.

- L’adjudant sait parler le braille.

- Un jour, au restaurant, l’adjudant a commandé un steak. Le steak s'est mis au garde-à-vous.

- L’adjudant mesure son pouls sur l’échelle de Richter.

- L’adjudant connaît la dernière décimale de Pi.

- L’adjudant peut taguer le mur du son.

- Quand la tartine de l’adjudant tombe, la confiture change de côté.

- Dieu voulait créer l’univers en dix jours. L’adjudant lui en a donné quatre.

- L’adjudant est capable de laisser un message avant le bip sonore.

- L'adjudant se couche tellement tard et se lève tellement tôt qu'il se croise dans l'escalier.

- L'adjudant n'est pas d'ici parce que la perfection n'est pas de ce monde

- Il n'y a pas de théorie de l’évolution. Juste une liste d’espèces que l’adjudant autorise à survivre.»


128 - Samedi 23 janvier 2016

Message personnel

 

Cher Mademoiselle, j'ai ouï dire que vous étiez tourmenté par la question de mon identité réelle, que vous viviez dans les affres de longues nuits blanches hantées par l'image évanescente d'un fantomatique Nervien. Sachez que j'en suis sincèrement et profondément attristé, mais de grâce, je vous en conjure, cessez de vous meurtrir de la sorte. Je ne mérite nullement l'honneur que vous me faites en m'accordant un tel intérêt. Je ne suis qu'un quelconque, un obscur, un anodin, un banal, un anonyme dont le fatum est de le rester.


Mêmement, il m'a été rapporté que vous vous posiez la question du caractère autobiographique des textes hebdomadairement édités sur le présent site. Ce serait vous mentir que de vous affirmer que tous n'en possèdent aucun . Pour autant, je me garderais bien de vous en dire davantage, d'abord par pudeur, ensuite parce que, si par le plus grand des hasards, vous étiez susceptible d'apprécier ces humbles et laborieux écrits, le modeste plaisir qu'ils peuvent vous apporter ne saurait être complet s'il ne vous était laissé la liberté de vous demander jusqu'à quel point ils peuvent être véridiques ou de pure fiction.


129 - Dimanche 24 janvier 2016

 

Agronomie

 

Ethnologues, sociologues, anthropologues, psychologues, oenologues, et leurs homologues, ont observé que l'on n'apercevait plus, devant les estaminets ruraux, la massive et débonnaire silhouette des braves Boulonnais ou Trait du Nord attendant placidement que leurs fermiers assoifés aient terminé de se désaltérer d'importance.

 

A l'issue des recherches menées par messieurs les ethnologues, sociologues, anthropologues, psychologues, oenologues, et leurs homologues, il appert qu'il y a environ belle lurette que l 'agriculteur a abandonné le cheval de traction pour le cheval-vapeur.

 

Après avoir interrogé un pannel représentatif de vrais campagnards de la campagne, messieurs les ethnologues, sociologues, anthropologues, psychologues, oenologues, et leurs homologues, ont également appris, qu'en leur temps, les chevalins agricoles étaient capables de mener seuls la charrue et leur maître dans les labours quand ce dernier n'était plus apte à le faire suite aux traitreux effets de désorientation spatialo-géographique causés par une conviviale mais néanmoins intempérante consommation des productions de leurs collègues viticulteurs. Par contre, aussi sophistiqué soit-il, aucun tracteur n'a jamais été en capacité de fournir à son conducteur ce genre de menu service.

 

C'est pourquoi l'agriculteur contemporain et mécanisé ne vient plus s'accouder au zinc des cafés de nos villages. Plein d'une saine sagesse, il suit consciencieusement les recommandations de Bison Fûté: labourer ou être bourré, il faut choisir.

Commentaire

Eh, ben voyons ! Ça faisait longtemps ! Vous n'avez pas pu résister. C'est plus fort que vous, monsieur Nervien. Le bon gros calembour à deux balles, vous manquait trop, sans doute. Non sérieux, faut faire quelque chose. Vous ne pouvez pas continuer ainsi. Vous devez absolument vous faire vacciner.

Louis Pasteur

 

 

130- Samedi 30 janvier 2016

 

Mémoires

 

Quels moyens nos malheureux aïeux avaient-ils à leur disposition pour ranconter leur histoire ? Ils n'ont eu, les pauvres gens, que les parois difformes de leurs grottes, l'écriture au burin dans la pierre pesante et revêche, la fragile plume de volaille crissant sur l'incommode parchemin; quelle misère, tout de même!

 

Alors que nous, outranciers et gâtés chanceux que nous sommes, nous pouvons, à loisir et sans retenue, confortablement utiliser notre fabuleux Fesse Bouc. Jamais plus bel outil ne nous a été donné afin d'aisément et au jour le jour relater le fil de nos palpitantes existences d'hommes du XXIe siècle. Mais que léguerons-nous à la postérités de ces innombrables ditigitales connexions que nous aurons effectuées tout au long de notre vie ? Rien, puisqu'elles ne sont que virtuelles.

 

Alors, là, oui... Du coup... Finalement, tout bien pesé... Il me faudrait plutôt... Dites! Vous auriez de la peinture et c'est par où, Lascaux ?

 

131-Dimanche 31 janvier 2016

Incroyable mais vrai?

Le jour de l'Epiphanie, les habitants d'Abancourt n'ont pas laissé d'être stupéfaits en lisant la une de leur journal local. En première page, sur cinq colonnes, s'étalait une nouvelle qui, à n'en pas douter, allait faire le tour du monde et le méduser. Un exégète diplômé et certifié conforme révélait avoir trouvé un extraordinaire trésor historique dans une vieille grange de leur aimable commune. Sur une étagère branlante et vermoulue du vétuste bâtiment de ferme, reposait, depuis des siècles certainement, un manuscrit antédiluvien dans lequel se trouvait la preuve irréfutable de l'existence d'un quatrième roi mage. Prénommé Epke et de nationalité néerlandaise, il n'aurait jamais pu rejoindre ses collègues Melchior, Gaspard et Balthazar et apporter au divin Enfant des tulipes et de la mimolette, parce qu'il se serait trompé de chemin à Cambrai. Au rond-point de la route du Cateau, au lieu de tourner à gauche, il a pris à droite, alors, forcément, au bout de quelques kilomètres, il a atterri en pleine cambrousse, dans un champ de betteraves sucrières.

 

Les historiens du département du Nord ont bien volontiers concédé qu'il avait pu, par mégarde, échapper à l'inventeur de ce fascinant ouvrage, qu'il était des plus curieux qu'un individu, fut-il roi mage, ait pu posséder la citoyenneté batave seize siècles avant la création des Pays-Bas. Ils ne lui ont pas non plus tenu rigueur de n'avoir pas noté que la tulipe ne fut importée de Turquie en Europe qu'à la fin du XVIe siècle et que ce n'est qu'au milieu du XVIIe siècle que la culture de cette bulbeuse vivace devint l'une des grandes spécialités de certains des compatriotes de monsieur Rembrandt.

 

Quant à la date1 de la plantation de la première betterave sucrière dans les riches terres du Cambrésis, ils ont opté pour un silence pudique et courtois afin de ne pas causer de peine inutile au virtuose de l'exégèse sans filet.

 

Par contre, ils n'ont pu contenir leur indignation et ont sans ambiguïté et avec vigueur exprimé leur grande contrariété, leur extrême exaspération, leur franche irritation, leur radicale désapprobation, en constatant qu'un énergumène se targuant de pratiquer l'anagogisme haut de gamme n'était pas capable de voir, alors que cela sautait aux yeux, le seul élément vraiment choquant de ce prétendu récit biblique: la mimolette2, fromage favori du général de Gaulle3, n'est pas Hollandaise mais originaire du Nord et ce n'est pas pour rien, qu'à l'origine, elle était appelée boule de Lille.

1: 1811, pour ceux que ça intéresse.

2: pour ceux qui s'intéressent plutôt à la mimolette, elle fut élaborée en 1675.

3: Henri IV préférait le Maroilles. Mais pour l'histoire du Maroilles, si vous le voulez bien, nous verrons cela une autre fois.

132 -Samedi 06 février 2016

 

« Le poète a toujours raison. »

« Qui voit plus loin que l'horizon. »

 

« La grande erreur de notre temps, cela a été de pencher, je dis même de courber, l'esprit des hommes vers la recherche du bien matériel.

 

Il faut relever l'esprit de l'homme, le tourner vers la conscience, vers le beau, le juste et le vrai, le désintéressé et le grand.

 

C'est là et seulement là, que vous trouverez la paix de l'homme avec lui-même et par conséquent avec la société.»

 

Victor Hugo

 

 

133 -Dimanche 07 février 2016

De l'élite

- « Doux Jésus! Mais vous rendez-vous compte ? Ce sourire enchanteur! Ce visage angélique! Ces yeux étincelants! Et puis que dire de cet esprit tellement brillant et acéré! Par tous les saints, comment est-ce Dieu possible! Ah! Mais assez parlé de moi, passons plutôt au motif de votre venue et en quoi je puis vous être agréable, cher fidèle et enthousiaste adulateur. Non! En fait, ne me dites rien. Je l'ai déjà deviné: vous n'avez pu résister à l'impérieuse nécessité de m'approcher afin de me témoigner votre débordante et fervente affectueuse dévotion. Me trompe-je?»

 

- « Cela va de soi, monsieur l'illustre éditorialiste prêchant la bonne parole à la télévision, à la radio, dans la PQN, la PQR et les grands magazines. Cependant, je suis également céans pour vous faire connaître la profonde et absolue perplexité dans laquelle je me suis trouvé plongé après en avoir fini avec la lecture de votre dernière éloquente et saisissante chronique. Vous y avez affirmé avec autorité et brio que l'humanité n'est composée que d'individus naturellement égoïstes, méchants, bêtes, envieux, minables, piètres, déplorables et aberrants. Ce faisant, vous nous faites nager en pleine aporie puisque vos employeurs, vos relations et vous-même, étant créatures du genre humain, il nous faudrait donc considérer et admettre que vous êtes également des êtres égoïstes, méchants, bêtes, envieux, minables, piètres, déplorables et aberrants. Si j'ose à peine me permettre, auriez-vous, par mégarde, sombré dans la déraison? »

 

- « Cher assidu et béat adorateur, je conçois l'étendue de votre désarroi, mais ne voyez là que simple étourderie et excès de modestie de ma part. Assurément et manifestement, bien que cela soit par excellence une évidence, j'aurais dû préciser que les remarquables personnes qui me font l'honneur d'assurer mon humble train de vie et le beau monde que je fréquente, ainsi que la haute personnalité que je suis, sommes l'exception qui confirme la règle. Voilà, bon, maintenant, barrez-vous. »

 

 

134 - Samedi 13 février

 

Histoire pour la veille de la saint Valentin

 

Au clair de la lune, entre la douce lueur vacillante de la mince flamme d'une modeste chandelle et le discret parfum d'une timide rose à peine éclose dans l'écrin de cristal d'un gracile soliflore, toute la nuit, son cœur épris lui avait dicté la plus belle déclaration d'amour qu'un homme ait jamais écrite à une femme.

 

Elle lui répondit:

« Le boulot, pas le temps de lire ta lettre. S.V.P, fait comme moi, envoie un SMS.»

 

 

135- Dimanche 14 février 2016

 

Histoire pour le jour de la saint Valentin

 

Il était grand, il était beau, il sentait bon le vin chaud.

 

Elle était grande, elle était belle, elle sentait bon l'huile essentielle.

 

Il s'aimait tellement tant et si fort que comparées à leur tendre idylle, les romances de Tristan et Yseult, de Paul et Virginie, de Roméo et Juliette, n'étaient que de pâles et fades scénarios de dernière catégorie pour romans photos de série B.

 

Il vivait sur les pentes neigeuses du Mont-Blanc.

Elle vivait sur les plages sableuses de De Panne.

 

II était dans l'import/export d'orgues positifs.

Elle était dans la culture hors-sol de l'arabette hérissée, de l'androsace velue, de l'aristoloche pistoloche, de la Bérardie laineuse, de la crapaudine hirsute, de la crépide capillaire, de la primevère farineuse, du rhododendron ferrugineux, du lamier amplexicaule et de la laitue.

 

Il est bien connu que la culture hors sol de l'arabette hérissée, de l'androsace velue, de l'aristoloche pistoloche, de la Bérardie laineuse, de la crapaudine hirsute, de la crépide capillaire, de la primevère farineuse, du rhododendron ferrugineux, du lamier amplexicaule et de la laitue, ne se peut faire en dehors des plages sableuses de De Panne, tout comme l'import/export d'orgues positifs est inconcevable ailleurs que sur les pentes neigeuses du Mont-Blanc.

 

Aussi nos deux attendrissants toutereaux étaient-ils contraints et forcés de vivre loin1 l'un de l'autre. Ils devaient sans fin endurer les douloureux tourments de l'absence et il n'était pas un jour sans qu'ils ne pleurassent à gros sanglots en maudissant le triste et injuste sort qui les accablait.

 

Cela étant dit, vous voudrez-bien admettre que, même si la passion amoureuse rend souvent aveugle et peut donc parfois faire perdre toute clairvoyance, il est difficile de comprendre pour quelle obscure raison cette paire d'amourachés n'a pas pensé à la solution simple et de bon sens qui pouvait aisément et rapidement mettre un terme à leur pénible situation. En effet, il leur suffisait tout bonnement de transférer les Alpes sur les rivages de la Mer du Nord; tâche qui, nul ne l'ignore, ne présente pas de difficulté majeure et ne demande aucun effort particulier, puisque l'amour peut déplacer les montagnes.

 

1: Ben oui, De Panne - le Mont Blanc, c'est pas la porte d'à côté. Rien qu'à vol d'oiseau, ça vous fait quand même un bon 921 km.

 

 

136 - Samedi 20 février 2016

 

Stupéfiant!

 

- « Chère Pétronille-Apolline, vous connaissez mon goût inné pour le fait de société. Figurez-vous, qu'il en est justement un qui vient de me porter au comble de l'abasourdissement. Vous n'allez pas en croire vos harmonieuses et attentives oreilles. Je viens inopinément d'apprendre que de jeunes inconscients croient trouver plaisir et extase en, tenez-vous bien, c'est ahurissant, en fumant des pétards! »

 

- « Plaît-il? »

 

- « Oui, très chère, vous avez bien entendu: en fumant des pétards! »

 

- « Mais mon cher Eudes-Anaximandre, cela est positivement hallucinant. Comment, peut-on à ce point se montrer aussi foncièrement et dramatiquement ignorant des méfaits et dangers qu'il y aurait à commettre une telle incongruité? J'en défaille de consternation. »

 

- « Si fait, ma bonne amie, ces écervelés semblent ne posséder aucune notion des fâcheuses et périlleuses conséquences que pourrait entraîner le passage à un acte aussi insensé. Assurément, se hasarder à allumer un pétard pour le porter à ses lèvres, ne peut, de facto, qu'inévitablement être préjudiciable à la plénitude de votre esthétique bucofaciale, car enfin le pétard est un article pyrotechnique dont la fonction et les effets sont notoirement explosifs. »

 

 

137- Dimanche 21 février 2016

 

Quart d'heure poétique

 

« Est-ce vraiment toi que j'ai vu
ou cette joie que je ressens encore
est-elle seulement un rêve?
»

Ishikawa Takuboku

 

Pour rester en poésie et parce que la promesse en a été faite (voir note 3 de « Incroyable mais vrai? ») et qu'une parole est une parole, passons à présent gaillardement, sans transition et sans complexe, à l'histoire du maroilles1.

 

Selon la tradition, le maroilles aurait été créé, vers 960, par un moine de l'abbaye bénédictine de Landrecies. En réalité l'existence du maroilles est plus ancienne. Elle est attestée dès le VIIe par une ordonnance intitulée « l'Ecrit des pâturages » qui commandait aux villageois de Marbaix, Taisnières en Thiérache, Noyelles, et Maroilles, de convertir le lait de leurs vaches en fromages, le jour de la Saint-Jean-Baptiste, donc le 24 juin, pour les remettre à l'abbaye de Maroilles le jour de la Saint-Remy, c'est à dire le 1er octobre. Sa production se développa considérablement au XIIIe siècle grâce à Enguerrand de Créqui, évêque de Cambrai.

 

Le roi Henri IV mais aussi l'empereur Charles Quint raffolaient du maroilles. D'ailleurs l'intendant de ce dernier veillait, avec un soin tout particulier, au transport de ce fromage afin qu'il ne manquât jamais sur la table impériale.

 

1: pour ceux qui s'intéressent plutôt à la mimolette: or donc, en 1672, Louis XIV déclara la guerre aux Pays-Bas et à ses alliés. Le conflit dura jusqu'en 1678. En 1675, Colbert, alors Contrôleur général des finances du roi soleil, décida de prohiber l’importation du fromage de Hollande et exigea des fermiers du nord de la France qu’ils en produisent un semblable, qui prit le nom de boule de Lille ou Hollande. L'appellation mimolette fut tardive, elle n'est apparue qu'au moment de la première guerre mondiale.

 

Commentaire

Monsieur Nervien, quand comptez-vous nous conter l'histoire, toute aussi haletante, de la boulette d'Avesnes et du vieux-Lille? J'en meurs d'impatience.

Belle des Champs

Pour ma part, je serais tout à fait captivé par la biographie exhaustive de la betterave sucrière.

Ferdinand Béghin

 

138- Samedi 27 février 2016

Athlétique

On ne célébrera jamais assez les bienfaits d'une pratique régulière et vigoureuse de l'exercice physique. On ne portera jamais trop aux nues les fortifiants et revigorants effets d'une ferme et énergique sollicitation de nos biceps, deltoïdes, pectoraux, abdominaux, quadriceps, ischio-jambiers, gastrocnémiens, dorseaux, et de tous leurs autres semblables.

Parmi ceux qui ont toujours tenu en haute estime les disciplines musculatoires, le plus illustre et édifiant des exemples est, sans nul doute, celui de monsieur Winston Churchill. A un journaliste qui lui demandait quel était le secret se son excellente forme malgré son grand âge, après avoir tiré une bouffée sur son cigare et bu une gorgée de son verre de whisky, le premier ministre britannique répondit avec flegme:

                                                           « C'est le sport… Je n'en ai jamais fait. »


 

139- Dimanche 28 février 2016

Debriefing

 

« Comment se peut-il qu'il en est été ainsi? Nous ne pouvions espérer de plus heureux auspices. L'ensemble des ingrédients ad hoc étaient idéalement et conjointement réunis pour que nous viviions un grand moment que je qualifierais d'intense émotion artistique. Kiné, la glorieuse, nous tendait généreusement ses bras conquérants et bronzés à s'en faire péter les jointures.

 

Le terrain était insolemment propice, tout en parfaits et accueillants défilements. Les reconnaissances idoines ont été effectuées bien plus qu'il n'était nécessaire et avec un souci tatillon des les mener selon les régles appropriées. Enfin, la manip - petit un: on fixe, petit deux: on déborde, petit trois: on neutralise - était d'une pureté auzterlitzienne, à en faire siffler en choeur d'admiration Hannibal, Alexandre et César. En deux temps, trois mouvement, nous devions inéluctablement cueillir le belliqueux envahisseur, avec grâce, légèreté et élégance. La victoire était inévitable, obligatoire, fatale. La défaite était inenvisageable, inconvenante, invraisemblable. Alors, mon adjudant, par quel inconcevable, funeste et traitreux coup du sort a-t-il pu advenir que nous ayons été aussi abusivement roulés dans la farine?»

 

- « Allez, voyons, faut pas pleurer, mon capitaine. Tenez, prenez mon mouchoir, il est propre.»

 

- « Ben, oui.. Mais quand même... Avouez que c'est rageant. Et puis en plus, nos gars avaient super bien ciré leurs rangers et hyper bien repassé leurs tenues de combat. »

- « Faut bien vous dire que tout ça, c'est uniquement et entièrement de la faute de l'ennemi.»

- « C'est-à-dire? Soyez plus explicite, précis, je vous prie et merci pour le mouchoir.»

- « En fait, il n'a pas joué le jeu. II n'a absolument pas réagi comme vous l'aviez prévu. Il s'est comporté intelligemment, mon capitaine.»


140 - Samedi 05 mars 2016

Dura lex, sed lex

« La monarchie absolue de droit divin a été abolie en nos bois et guérets, il y a bien moults lustres déjà. Il y a maintenant plusieurs bonnes et franches générations que nous avons, envers et contre tous, refusé à jamais l'avilissante condition de sujet pour fièrement endosser le digne état de Citoyen. Depuis, nous avons connu cinq Républiques et sommes même, peut-être, en passe d'en voir bientôt naître une sixiè

Et pourtant, il existe encore, dans la législation française, une loi obligeant chaque habitant des quatre coins de l'Hexagone à tenir à disposition, en son logis, une botte foin afin de sustenter le cheval de sa majesté le roi, au cas où icelui viendrait à passer par chez vous et vous faisait l'insigne honneur de faire halte en votre modeste chaumine pour boire un petit jaune bien frais et grignoter quelques cahuètes.

Mais, moi, je vais vous dire, franchement, je m'en fiche complètement! Il ne saurait être un seul instant question que je conserve, en permanence, une balle d'herbe sèche, au beau milieu de mon salon. Et puis en plus, je me suis fait faire un certificat médical attestant que je suis allergique au foin. Alors si un traineur de couronne veut caler les gencives de son bourrin qui a la dalle, il n'aura qu'à l'emmener au Mac Do.»

Commentaire

Monsieur Nervien, je vous demanderais d'avoir l'extrême obligeance de rappeler au dangeureux rebelle dont vous venez, ci-dessus, de colporter les séditieuses paroles, qu'est également toujours en vigueur la loi impériale interdisant de donner mon prénom à son cochon.

Napoléon Bonaparte


141- Dimanche 06 mars 2016

Occultisme grand-parental

La sagesse populaire nous enseigne qu'il faut toujours écouter nos anciens car leur expérience les rend immanquablement de bon conseil. Sans remettre fondamentalement en question ce séculaire et éclairé principe, il faut cependant objectivement souligner que sa systématisation n'est aucunement justifiée. «Nous l'allons montrer tout à l'heure.»

Un beau jour de printemps ensoleillé, un brillant et beau jeune homme vit survenir en sa chambre sa mère-grand.

- « Dis voir gamin, lui demanda sans préambule et à brûle- pourpoint cette attentionnée et dynamique aïeule, as-tu préparé comme il le faut ton entretien d'embauche?»

- « Je suis fin prêt, Mamie »

- « Alors, tu as bien suivi mes recommandations? Tu as prévu de porter quelque chose de neuf? Tu peux me croire, c'est un truc qui porte chance quand on cherche du travail et qui marche à cent pour cent. Mais pour que ça fonctionne, il faut au moins que tu mettes une nouvelle chemise ou un nouveau pantalon. Je précise, parce que te connaissant comme je te connais, je sais que tu pourrais tranquillement te contenter de seulement changer les lacets de tes chaussures. Et encore, je me demande si tu ne serais pas capable d'en remplacer qu'un seul sur les deux.

- « Je n'ai, bien entendu, aucun doute sur la valeur et l'efficacité de tes conseils, mais pour obtenir ce poste, je pense sincèrement que l'employeur considérerait comme inutile et même malvenue que je me lance dans des frais vestimentaires. Je vais postuler dans un camp de naturistes, Mamie...»


142 - Samedi 12 mars 2016

 

Féministe

 

Cher et militant ami, quelle heureuse surprise, quel plaisir raffiné et absolu d'entendre téléphoniquement le mélodieux son de votre voix. J'étais justement en train de parcourir avec délice votre dernier post du 10 mars courant, dans lequel vous vous insurgez noblement que, le jour même de la Journée Internationale de la Femme, un commentateur télévisuel ait eu le front de faire publiquement lecture du mythe d'Eve et de la pomme1. Je vous demanderai d'ailleurs de bien vouloir m'excuser un infime instant, juste le temps de finir la lecture des ultimes lignes de votre admirable scandalisée et courroucée philippique. Voilà, j'en ai terminé. Je vous remercie de votre patience. A présent, je suis tout à vous, en tout bien, tout honneur, bien entendu. Si vous le permettez, je vous écoute.

 

En cette heure très avancée de l'après-midi, vous êtes donc présentement encore tout à la fois dans le simple appareil d'une beauté que le jour vient d'arracher au sommeil et couché dans votre lit, à attendre impatiemment que votre douce épouse vous apporte votre petit-déjeuner. En d'autres termes, il est 15h30 et vous êtes feignassement affalé sous vos draps, comme un vieux morse ventripotent étalé sur sa plage de galets, et vous guettez béatement, sans gêne ni honte, le retour affairé de votre conjointe lourdement lestée de votre matinale pitance.

 

Afin de tromper un instant l'ennui de cette lassante attente, laissez-moi vous réciter, en toute simplicité et sans affèterie, quelques vers de monsieur Georges Brassens.

 

 

« De servante n'ai pas besoin

Et du ménage et de ses soins

Je te dispense...

Qu'en éternelle fiancée,

A la dame de mes pensées,

Toujours je pense »

 

 

1: si vous souhaitez connaître l'interprétation historique du mythe d'Eve et de la pomme, faites nous parvenir, s'il vous plaît, une pétition avec au moins 500 000 signatures.

 

 

143 - Dimanche 13 mars 2016

 

 

Brèves et fonds de tiroirs

 

- « Si tu avais pu choisir, dans quelle contrée aurais-tu aimé voir le jour? »

 

- « Sans hésiter, j'aurais demandé à être Chinois. »

 

- « Ah, oui, et pourquoi? »

 

- « C'est évident, voyons: pour la cuisine qui n'a pas son pareil et pour les Chinoises qui sont particulièrement charmantes.»

 

- « Tu as tout fait raison, mais tout de même, la Chine! Un pays fabuleux, immense comme un continent, un pays dont l'extraordinaire civilisation est cinq fois millénaire, et toi tu ne penses qu'à la bouffe et aux filles! Quand j'entends ça, je me dis que finalement ce n'est pas un hasard si tu es né Français.»

 

Foin des ampoules électriques! Tel le ver luisant survolté, l'éblouissante lumière que vous êtes se suffit à elle même et illumine brillamment les ténèbres de ce monde aveugle.

 

Lorsqu'on lui expliqua que l'homme de culture véritablement accompli ne pouvait lire «Hamlet» que dans la langue de Shakespeare, il n'osa pas honteusement avouer qu'il ignorait totalement où se situait la Shakespearie.

 

On dit que l'alcool a de dommageables effets sur la santé, mais les vampires consomment bien moins de gnole que de sang frais et ils n'ont pas meilleure mine pour autant.

 

La musicologie soviétique figurant parmi la myriade infinie de ses doctes qualités, il était particulièrement satisfait et surexcité d'avoir enfin trouvé deux billets pour un concert d'orgues de Staline.

 

Si un jour, vous posez vos santiags sur le quai de la gare de Tucumcari et que vous vous retrouvez face à face avec monsieur Sentenza, ne croyez surtout pas qu'un miracle vous a transformé en monsieur Clint Eastwood. Non, cela signifiera seulement que vous êtes un voyageur qui s'est méchamment trompé de train.

 

Ne soyez pas étonné de la puissance incendiaire de votre époustouflant pouvoir de séduction. Tel le grand ténia doré des chutes du Zambèze, vous êtes aussi chaud qu'un haut-fourneau de la Ruhr, plus brûlant qu'une bombe au napalm de Brook City Base et bouillant comme une cocote-minute d'où vous voudrez.

 

«Ainsi typhon, phon, phon, les petites marionnettes, ainsi typhon, phon...», chantait la maman ouragan à son petit bébé tempête.

 

Contrairement à la croyance populaire, visuellement et artistiquement parlant, un bombardement ne ressemble en rien à un feu d'artifice, ce qui est heureux, parce qu'ainsi on évite le risque qu'un militaire esthète puisse être victime d'une méprise dont les conséquences seraient, à n'en pas douter, des plus funestes.

 

Certains indices nous donnaient à penser que vous considériez le romantisme comme une matière facultative à faible coefficient, mais pas à ce point! Là, franchement, il n'est plus possible d'évoquer une simple déficience de votre système sentimentalo-amoureux. Il faut ouvertement parler d'une carence maligne majeure.

 

Etes-vous certain que pour défendre l'Eglise, il soit judicieux de se faire l'avocat du diable?

 

 

 

144 - Samedi 19 mars 2016

Fait divers


Un terrible drame s'est déroulé, hier après-midi, vers 16h00, au beau milieu de l'unique carrefour situé au centre du petit village de Doingtcourt-sur-Escaut. Cynthia qui, pour une raison inconnue, s'était nonchalamment allongée sur la chaussée, a été heurtée par Azor et son Romuald. Grâce à sa robuste constitution, Cynthia n'a eu à déplorer que quelques légères contusions. Azor s'en est sorti complètement indemne. Par contre, Romuald a subi de sérieux dégâts.

Les investigations, menées par notre grand reporter correspondant de guerre dépêché sur les lieux, ont permis d'obtenir des informations exclusives sur les protagonistes de cette tragédie. Azor est un fermier à la retraite de 112 ans. Chacun s'accorde à dire que la sobriété n'a jamais fait partie des multiples compétences que tous lui reconnaissent. Romuald est le surnom qu'il a donné à son tracteur à peine plus jeune et rapide que lui et dont les freins bien fatigués auraient dû, eux aussi, être mis à la retraite depuis bien longtemps.

Quant à l'imprudente Cynthia, que l'on ne félicitera pas pour son sens du respect des règles du code de la route, elle est vache laitière de son état et l'heureuse maman de trois superbes taureaux rouges Flamands, prénommés Schopenhauer, Aristophane et Claude François.

 

145 - Dimanche 20 mars 2016

« La femme est l'avenir de l'homme »

La pétition implorant, à genoux, la mise en ligne de l'interprétation historique du mythe d'Eve et de la pomme n'a rassemblé que 499 999, 55 signatures sur les 500 000 nécessaires. Néanmoins, dans un formidable élan de générosité et d'abnégation, monsieur Fulbert Guillemint de Wilincourt, archiviste mnémotechnicien au service de contre amnésie antérograde de la clinique vétérinaire de l'UFR d'Histoire du parc Spirou, a tout de même consenti à répondre à l'anxieuse supplique des quelques signataires qui se sont courageusement manifestés.

« Or donc, de plus en plus de spécialistes de la chose préhistorique sont convaincus que l'agriculture fut inventée par une dame, dont on a malheureusement et malencontreusement oublié le nom. Avec l'apparition des cultures et de l'élevage, la chasse et la cueillette perdirent la place prédominante qu'ils occupaient jusqu'alors dans l'existence de nos antédiluviens ancêtres.

Avant de poursuivre plus avant, précisons que les textes anciens ont souvent pour amusante habitude d'utiliser le symbole comme mode d'expression.

Eve s'emparant d'une Belle de Boskoop dans le jardin d'Eden évoquerait, en réalité, le pouvoir de dominer la nature que la femme donna à l'humanité en lui faisant découvrir la plantation du chicon et le pouponnage des gorets. La perte du paradis terrestre figurerait les regrets de messieurs les hommes de cavernes de voir disparaître la civilisation des chasseurs-cueilleurs où ils n'étaient pas soumis aux lourdes contraintes et au dur labeur du monde des agriculteurs. Il exprimerait également leur ressentiment contre mesdames leur moitié responsables de cet état de fait.

Il ne s'agirait donc aucunement de fruit défendu et de péché originel mais de la transition de l'ère paléolithique à celle du néolithique et du rôle capital joué par les femmes dans l'histoire de notre évolution.

Etonnant, non? »

Commentaire

Naoh confirme. Naoh y était, Naoh a tout vu et Naoh dit que ça c'est passé exactement comme ça.

Naoh

146 - Samedi 26 mars 2016

Moraliste

En cette douce soirée d'hiver, il lisait paisiblement son quotidien, confortablement assis dans son fauteuil, près de la cheminée où crépitait un bon feu de bois. Arrivé à la fin de l'article sur lequel il s'était concentré, en soupirant, il abaissa lentement le journal sur ses genoux.

Un employé d'un parc zoologique avait choisi de mettre fin à ses jours en se jetant dans l'enclos des lions dont il s'occupait depuis dix ans, avec dévouement et affection.

Ah! Les sales bêtes, pensa-t-il offusqué, dévorer sans sourciller et avec gourmandise celui qui vous a nourri durant tant de temps, il ne faut vraiment pas avoir la reconnaissance du ventre chevillée au corps.

Mais aussi, quel sale type, se dit-il derechef. Se transformer ainsi en pâtée ronron pour gros minets, sans se soucier un seul instant de l'équilibre alimentaire de ces malheureux animaux et de leurs risques de surpoids, quel manque de conscience professionnelle et choquante preuve d'égoïsme.


147 - Dimanche 27 mars 2016

La vérité est ailleurs...

En sortant de la librairie où il venait de se porter acquéreur du dernier Chavassieux, il tomba nez à nez avec un ancien copain de lycée.

- « Non, je n'y crois pas! C'est pas possible! Après tout ce temps! C'est incroyable! Tu me reconnais? »

- « Bien sûr que je te reconnais, mais je n'ai aucun mérite. A part la longueur de tes cheveux qui s'est considérablement réduite, tu n'as pas changé. Comment vas-tu? »

- « Ça va, je n'ai pas à me plaindre. Et toi qu'est-ce que tu deviens?»


- « Je travaille au GEIPAN, le Groupe d'Etudes et d'Information sur les Phénomène Aérospatiaux Non identifés. »

- « Ah, oui, c'est un service officiel, genre X files, Fox Mulder, « The truth is elsewhere… » et compagnie.»

- « Pas exactement, le GEIPAN n'a rien de commun avec un département du FBI. Il s'agit d'un organisme scientifique qui dépend du Centre National d'Etudes Spatiales et nous bénéficions de la collaboration de la Direction générale de la gendarmerie nationale, de la Direction des services de la navigation aérienne, de l'Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides, du Centre national des opérations aériennes de l'Armée de l'Air. Quant à moi, je ne suis pas agent spécial. Je ne suis qu'un modeste ingénieur en recherche spatiale et en électronique.»

- « Plutôt sérieux ton truc, j'ai l'impression. »

- « Plutôt, oui. »

- « Alors, dis-moi, tout à fait entre nous et très franchement, les soucoupes volantes, il faut y croire ou pas? »

Après quelques secondes d'un étrange silence, en le regardant bien droit dans les yeux, son ex camarade de classe lui fit une réponse dont le ton à la fois très posé et indescriptible le marqua tout autant que les mots:

- «Croire? Comment t'expliquer? Ici, il n'est pas question de croire. Croire, c'est, par exemple, pour ceux qui croient en Dieu ou n'y croient pas. Avec les OVNI, il n'y a rien à croire. Simplement, tu sais ou tu ne sais pas... »

Depuis, à table, il n'a plus jamais regardé sa purée de pommes de terre de la même manière.

 

148 - Samedi 02 avril 2016

Révoltant !

Que l'on désapprouve et soit révulsé par certains politiciens est un droit républicain qui ne saurait souffrir d'être contesté, sous quelque prétexte que ce soit. Les représentants du Peuple ou ceux qui briguent ses suffrages, peuvent en être désappointés ou marris mais, que cela leur sied ou non, ils se doivent de l'accepter car c'est là l'une des prérogatives intangibles de chaque Citoyen.

Cependant, il ne faut pas se laisser aller au n'importe quoi et savoir raison garder afin de repousser loin de soi toute idée d'acte répréhensible. Aussi, que parmi nos collègues électeurs, puissent-ils en être qui se plaisent à imaginer avec délice qu'il serait fort jouissif et utile d'emballer les politicards dans des sacs-poubelles plastiques, bien hermétiquement fermés, puis de les jeter au plus profond des flots bouillonnants de l'onde cascadante d'un torrent glacé, est parfaitement scandaleux et dégoûtant parce que, contrairement aux hommes politiques, les sacs-poubelles plastiques ne sont pas biodégrables.


149- Dimanche 03 avril 2016


Tempête sous un crâne

Cher et cérébral collègue, vous semblez être sérieusement et profondément tombé à pieds joints dans une période d'insistants et lourds questionnements existentiels et métaphysiques : la vie ... la mort.. Dieu ... la véritable recette du ketchup...

Même pour un cerveau de grosse cylindré comme le vôtre, les conséquences d'une telle agitation mentale ne sont pas sans danger. Cependant, aussi impressionnante soit-elle, il n'est rien dans cette fiévreuse fébrilité neuronale qui ne puisse être ramené à un niveau normal d'activité psychique, pour peu que l'on en connaisse l'origine.

A ce sujet, si vous me permettez de livrer un diagnostic, voilà ce je que je dirais. Ayant une parfaite connaissance de vos us et coutumes domestiques, je pense que la source de tout ceci est à rechercher dans l'une des principales caractéristiques de votre comportement vespéral quotidien. Avant de goûter à un repos nocturne bien mérité, vous vous jetez, avec ardeur et sans vous laisser impressionner, sur des repas dont la seule vue donnerait une indigestion à Pantagruel lui-même. C'est dans cette alimentation légèrement trop riche pour le soir que réside la cause de toutes vos absconses pensées. Mettez-vous au petit bouillon de légumes et vous verrez que vous ne tarderez pas à retrouver votre proverbiale légèreté d'esprit. Ne me remerciez pas. Entre intellectuels bien nés, il est tout à fait normal de s'entre aider.

Bien sûr, je ne suis pas sans savoir que, telle la bête du Gévaudan, vous n'êtes pas homme à recevoir et écouter les conseils de quiconque. Je souhaite pourtant âprement que vous suiviez celui que j'ai voulu respectueusement vous donner. Il va sans dire que je ne me sens aucunement autorisé à vous contraindre en quoi que ce soit. Libre à vous de d'agir comme vous l'entendez, mais ne venez pas vous plaindre si vous restez plus tendu qu'un tir de grenade à fusil antichar et si demain vous vous retrouvez à vous interroger gravement sur les relations entre la théorie de la perception séquentielle et celle de la rationalité limitée.


150 - samedi 09 avril 2016

Souvenirs d'enfance

 

C'est l'hiver, debout devant la fenêtre, immobile, les mains dans les poches, il regarde la neige qui tombe lentement et il pense à son père. Dans son esprit flottent encore vaguement quelques bribes des phrases de ce bel avantageux qui racontait ses merveilleux souvenirs d'enfant sur les bords d'une piscine dans une belle villa du Périgord ou sur le sable doré des plages de la Méditerranée.

 

Lui, son enfance, il l'avait passée dans une petite maison de garde-barrière, avec un blockhaus adossé au fond de la cour, un vestige de la ligne Hindenburg.

Un jour, lors de travaux sur la voie ferrée, il avait vu les cantonniers de la SNCF déterrer trois squelettes enfouis près des rails. Ils portaient des plaques d'identité militaire. Grâce à elles, plus tard, on put savoir que ces dépouilles étaient celles de trois jeunes soldats canadiens portés disparus en octobre 1918.

 

Aujourd'hui, il ne reste rien de la petite maison de garde-barrière et du blockhaus. Ils ont été rasés.

C'est l'hiver, debout devant la fenêtre, immobile, les mains dans les poches, il regarde la neige qui tombe lentement et il pense aux trois jeunes soldats canadiens.

 


151- dimanche 10 avril 2016

Chose promise, chose due

 

Cher et intellectuel voisin, lors de notre dernier cassoulet frites littéraire, vous m'annonçâtes abruptement et en avant-première votre volonté désormais bien arrêtée de sortir sans plus attendre du rang des inopérants pour promptement vous mettre à oeuvrer. Votre corde créative vibrait à tout rompre, vous aviez impérieusesement nécessité à rédiger. Après plus de deux-mille-cinq-cent ans, un nouvel Homère nous était donné. Sous sa plume allait naître un fabuleux récit surpassant colossalement ceux de l'Iliade et de l'Odyssée. Cette œuvre sublime se transmettrait pieusement de génération en génération, jusqu'à la fin des temps et même après.

Submergé par un fol enthousiasme, ivre de l'orgueil d'être le premier à annoncer au monde entier la bonne et monumentale nouvelle, sans plus attendre, je prévins Hachette, Flamarion, Acte Sud, Belin, Grasset, Fayard, le Seuil, les Editions de Minuit, l'Harmatan, les PUF, et tous leurs distingués confrères. N'oubliant pas pour autant le matériel et le pragmatique, je me préoccupai de préventivement organiser la logistique et l'intendance indispensables pour satisfaire à l'indénombrable et délirante demande que n'allait pas manquer de susciter votre phénoménal ouvrage. J'adjurai donc mon libraire, mon boulanger, mon boucher et mon quincailler, de faire place sur leurs rayonnages et d'en installer de nouveaux, sans lésiner sur leur nombre et leur longueur.

 

Et voilà que maintenant, sans sourciller et la bouche en cœur, vous portez à ma connaissance que vous ne faisiez, en fait, que facétieusement plaisanter! Mais sachez qu'il ne saurait être question que par votre inexcusable légèreté je passe injustement pour ce que deviennent, selon monsieur Brel, les cochons et les bourgeois vieillissants. Alors mon p'tit père, si vous ne voulez pas que je devienne franchement désagréable, voire assommant, dans le sens plein et brutal du terme, il va falloir vous y mettre. De plus, je persiste foncièrement à farouchement croire que c'est une pertinente et magistrale idée que de créer une bande dessinée de 525 pages sur l'épluchage sous anesthésie générale du salsifis mammouth d'Akté Argolique, avec texte en Alexandrins et en grec ancien.

 

152 - Samedi 16 avril 2016

Paroles inconsidérées

Il avait extatiquement écouté son idole à la radio et ce qu'il avait entendu l'avait abyssalement plongé dans un complet et profond abattement. Aussi, lui fallut-il indispensablement immédiatement envoyer un message angoissé sur le compte fesse bouc de sa vedette favorite:

« Bisous, bisous, mon petit fafouvinet fou! Tu m'as littéralement glacé d'horreur, grand vilain. Te rends-tu bien compte de l'émotion planétaire que vont provoquer les propos que tu as tenus sur les ondes, il y a un instant à peine? Mais parler du jour de ta dernière heure, c'est créer un nombre incalculable d'effarées et d’effarés. C'est saturer, dans ses moindres recoins, l'air ambiant de leurs éperdus et irrépressibles pleurs. C'est pousser une multitude d'entre eux à entrer, par désespoir, dans les ordres et ainsi causer la surpopulation des couvents et monastères. C'est amener, en plus grand nombre encore, les autres à bloquer ta porte en se suicidant en masse sur ton perron. Et là, comment feras-tu pour sortir de chez toi, hein, gros malin?»


153- Dimanche 17 avril 2016

L'appel du 17 avril


Ici Londres, où je suis actuellement et très provisoirement exilé.

Françaises, Français, entendez-vous dans nos campagnes mugir ces féroces frites surgelées, au four ou au micro-ondes, qui viennent jusque dans nos écuelles et nos cornets éjecter nos bonnes vieilles frites traditionnelles que nous avions l'habitude de déguster avec nos fils et nos compagnes? Elles ont sauvagement envahi nos agapes, cependant, croyez-moi, rien n'est perdu. Certes, elles ont gagné une bataille, mais pas la guerre. Aussi, je vous invite martialement à ne pas vous laisser aller au désespoir et au renoncement, comme le feraient les dernières et les plus repoussantes des lavettes à qui je conseille de se faire transfuser pour expulser de leurs veines le sang de navet qui y coule. Eloignez énergiquement de vous les chants funèbres de la capitulation. Sans plus attendre, joignez-vous fougueusement à moi afin de vaillamment et fièrement mener cette lutte sacrée.

Aussitôt après la fin de cette allocution radiophonique, avec les quelques formidables braves qui se sont déjà courageusement ralliés à ma banière claquant dans l'impétueux vent du baroud, sans nous soucier du danger, nous allons clandestinement et témérairement retraverser Manche, en Eurostar, et en première classe. Une fois que nous aurons atteint les côtes de France, nous nous enfoncerons au plus profond de la sauvage et inhospitalière forêt amazonienne du Cambrésis pour prendre le maquis dans un champ de Bintje bio.

Ab imo pectore, je le proclame, à cœur vaillant rien d'impossible, surtout lorsqu''il s'agit d'un vertueux et juste combat et le nôtre l'est sous toutes les coutures. Ensemble, nous représenterons une force supérieure que rien ne pourra arrêter. Nous vaincrons et referons connaître à nos friteuses reconnaissantes les beaux jours d'antan. En vérité, je vous le dis, bientôt nous pourrons historiquement proclamer avec un accent gaullien:

« La vraie frite outragée! La vraie frite brisée! La vraie frite martyrisée! Mais la vraie frite libérée!»

Commentaire

-  Dis mon p'tit chéri, si tu veux des frites maison, au lieu de te la jouer, tu ferais mieux de rentrer et venir en cuisine pour m'aider à éplucher et couper les pommes de terre.

Madame ton epouse

- N'y voyez aucune allusion, monsieur Nervien, mais votre délire m'a remis en mémoire une petite anecdote. Vous n'êtes certainement pas sans ignorer que c'est de Gaulle qui instaura dans notre pays la pratique des bains de foule présidentiels. Au cours de l'un d'eux, il entendit sur son passage un homme crier:

« Mort aux cons!»

Le général se retourna et lui répondit:

 

« Vaste programme, monsieur...»

 

Colonel Passy


154 -Samedi 23 avril 2016

«La République française est le pouvoir du Peuple, par le Peuple et pour le Peuple, défendue par le Peuple en armes»

Les héros de salon ou de comptoir du café du commerce, pour plastronner et montrer à quel point ils n'ont peur de rien, lui lancent souvent à la figure qu'il est le dernier des idiots de n'avoir pas complètement renoncé à porter l'uniforme alors que rien ne l'y obligeait.

 

En haussant les épaules et en souriant timidement, sur un ton fataliste, il répond, qu'effectivement, il est assurément le dernier des crétins puisqu'il a ainsi accepté, de son plein gré, de continuer à salement en baver, et pour quoi faire, en fin de compte? Pour bêtement défendre la Répulique afin que ceux qui ne s'en soucient pas et le traitent d'idiot aient le droit de le faire en toute liberté.

 

 

155 -Dimanche 24 avril 2016

N'est pas Brel qui veut

C'était le début de l'été, le soleil, les vacances … et tout soudain, elle lui apparut, déesse sublime et ensorcelante miraculeusement descendue de son inaccessible Olympe pour venir irradier le monde des mortels de sa divine beauté. Dans un élan fou et irraisonné, il courut vers z'elle et se jeta z'à ses pieds. Ayant mal estimé la distance et sa vitesse, il se cogna douloureusement contre les genoux de la belle et faillit la faire choir, mais qu'importe, rien ne pouvait désormais empêcher que ne montasse vers z'elle la voix tendre et sucrée de l'amour fou:

- «Rahhhh! Mademoiselle, « laisse-moi devenir l'ombre de ton ombre », « je t'offrirai des perles de pluie venues de pays où il ne pleut pas ». Je grimperai, en espadrilles et en short brésilien fluo, jusqu'au sommet des plus hautes montagnes et avec les nuages j'écrirai votre prénom adoré dans le bleu du ciel. Je me muerai en papillon bombardier stratégique pour larguer des tapis de pétales de roses inconnues et parfumées sur les chemins où se posent vos pas gracieux. Dans les vertigineuses et abruptes falaises de marbre rose du Manitoba, je taillerai, à mains nues, des statues antiques à votre douce image. Pour vous, mon aimée, avec les dents, je creuserai dans le charbon des galeries de mines pour remonter des profondeurs crépusculaires de la terre des diamants d'au moins 277,80 carats que je ferai cascader dans de fabuleuses coupes de cristal, nettoyables au lave-vaisselle. Grand seigneur, je sacrifierai, avec panache, mes économies pour, en quatre mensualités sans frais, acheter à Dieu, en personne, son paradis et vous l'offrirai à Noël, entouré d'un joli bolduc rose.»

Pleine de compréhension et d'attention elle lui répondit aimablement:

- « Monsieur, vous avez certainement été démoulé trop chaud alors, si je peux me permettre une petite suggestion, je vous conseillerais de tout d'abord et simplement commencer par aller vous faire refaire et étant donné le travail que cela va représenter, vous feriez mieux de vous en préoccuper tout de suite si vous voulez avoir une chance que le chantier soit terminé avant le début de l'hiver de l'année prochaine.»


156- Samedi 30 avril 2016

Le grand revendicateur

Il s'était lancé dans la représentation syndicale. En la matière, son action véritable et concrète pouvait se révéler d'une aide des plus précieuses à qui recherchait la parfaite et tangible représentation de ce que peut être le néant. Il allait même jusqu'à être le tout premier à donner l'exemple lorsqu'il s'agissait de ne pas participer aux mouvements lancés par sa propre centrale.

Dans l'intitulé de sa charge, il n'avait retenu que le premier terme, mais dans le seul sens qu'il puisse comprendre et l'intéresser: celui de, se mettre, en représentation. Pour lui, le syndicalisme n'était que le moyen d'avoir de délicieuses occasions de parader et de satisfaire aux besoins maladifs du poseur et du matamore incorrigibles qu'il était.


 

157 - Dimanche 01 mai 2016

Premier mai oblige

« Si vous n'avez pas un but élevé, si vous ne suivez pas une haute pensée de justice sociale, d'égalité sociale, vos petites réformes iront grossir le poids de vos lois stériles.»

 

Jean Jaures

 

On lâche rien

https://www.youtube.com/watch?v=DMjB6IcmgZg&list=RDDMjB6IcmgZg

 

Du fond de ma cité HLM
Jusque dans ta campagne profonde
Notre réalité est la même

Et partout la révolte gronde.
Dans ce monde on n'avait pas notre place,

On n'avait pas la gueule de l'emploi,
On n'est pas né dans un palace,
On n'avait pas la CB à papa.


SDF, chômeurs, ouvriers,
Paysans, immigrés, sans papiers,
Ils ont voulu nous diviser,
Faut dire qu'ils y sont arrivés.
Tant que c'était chacun pour sa gueule,
leur système pouvait prospérer,
Mais fallait bien qu'un jour on se réveille
Et que les têtes se remettent à tomber.

On lâche rien, on lâche rien,
On lâche rien, on lâche rien,
On lâche rien,
On lâche rien,
On lâche rien, on lâche rien.


Ils nous parlaient d'égalité
Et comme des cons on les a cru,
Démocratie fait moi marrer,
Si c'était le cas on l'aurait su.
Que pèse notre bulletin de vote
Face à la loi du marché,
C'est con mes chers compatriotes mais on s'est bien fait baiser.
Que pèsent les droits de l'homme face à la vente d'un airbus,
Au fond y a qu'une règle en somme
se vendre plus pour vendre plus.
La république se prostitue sur le trottoir des dictateurs.
Leurs belles paroles on y croit plus,
Nos dirigeants sont des menteurs.


On lâche rien, on lâche rien,
On lâche rien, on lâche rien,
On lâche rien,
On lâche rien,
On lâche rien, on lâche rien.


C'est tellement con, tellement banal
De parler de paix, de fraternité
Quand des SDF crèvent sur la dalle
Et qu'on mène la chasse au sans-papiers,
Qu'on jette des miettes aux prolétaires,
Juste histoire de les calmer,
Qu'ils s'en prennent pas aux patrons millionnaires
Trop précieux pour notre société.
C'est fou comme ils sont protégés tous nos riches et nos puissants,
Y'a pas à dire ça peut aider,
D'être l'ami du Président.
Chers camarades, chers électeurs,
Chers citoyens, consommateurs,
Le réveil a sonné il est l'heure
De remettre à zéro les compteurs.


Tant qu'y a de la lutte, y'a de l'espoir ,
Tant qu'y a de la vie, y'a du combat,
Tant qu'on se bat c'est qu'on est debout,
Tant qu'on est debout on lâchera pas.
La rage de vaincre coule dans nos veines,
Maintenant tu sais pourquoi on se bat,
Notre idéal bien plus qu'un rêve,
Un autre monde, on n'a pas le choix

On lâche rien, on lâche rien,
On lâche rien, on lâche rien,
On lâche rien,
On lâche rien,
On lâche rien, on lâche rien


Hk et les Saltimbanks


158- Samedi 07 mai 2016

Deux et deux font un

Après chaque manifestation, la police est trop souvent l'objet de virulentes et hargneuses critiques au sujet des informations qu'elle communique sur le nombre des participants. Elle est accusée d'en minorer scandaleusement l'importance, de perfidement travestir la vérité mathématique, de traîtreusement dénaturer la réalité statistique.

Ces accusations acerbes qui accablent nos braves et honnêtes policiers sont ridicules et injustes. Elles sont le fait d'individus frustres et ignorants des règles très strictes et inviolables auxquelles sont sévèrement tenus les agents ayant à charge de recenser les manifestants. En effet, ils doivent compter chaque pied de protestataire passant devant eux puis, une fois le défilé terminé, diviser par deux le nombre ainsi obtenu.

Le sérieux scientifique et technique de la méthode est indiscutable. Mais aussi sophistiquée et fiable soit-elle, elle ne peut empêcher que le décompte soit, parfois, un petit peu faussé par les impondérables auxquels sont soumis les dénombreurs, comme par exemple, la perspective, la lumière, l'angle de vue, la propreté de leurs verres de lunettes, ou bien encore les données corrigées des variations saisonnières.

 

159- Dimanche 8 mai 2016

08 mai oblige

 

The partisan - Le Partisan

https://www.youtube.com/watch?v=9RYy_8u4blk

 

When they poured across the border,
Quand ils ont envahi la frontière,
I was cautioned to surrender,
Ils m'ont sommé de me rendre,
This I could not do;
Je ne pouvais pas faire ça;
I took my gun and vanished.
J'ai pris mon arme et j'ai disparu.

I've changed my name so often,
J'ai changé de nom si souvent,
I've lost my wife and children
J'ai perdu ma femme et mes enfants.

Vous qui le savez,

Effacez mon passage.


An old woman gave us shelter,
Une vieille femme nous a offert un abri,
Kept us hidden in a garret,
Elle nous a cachés dans une mansarde,
Then the soldiers came;
Mais les soldats sont venus;
She died without a whisper.
Elle est morte sans un murmure.

There were three of us this morning,
Nous étions trois ce matin,
I'm the only one this evening,
Il n'y a plus que moi ce soir,
But I will to go on;
Mais je suis obligé de continuer.
The frontiers are my prison.
Les frontières sont ma prison.

Oh, the wind, the wind is blowing,
Oh, le vent, le vent souffle,
Through the graves the wind is blowing,
Entre les tombes, le vent souffle,
Freedom soon will come;
La liberté viendra bientôt;
Then we'll come from the shadow.
Alors nous sortirons de l'ombre.

Les Allemands étaient chez moi,
Ils m'ont dit: résigne-toi,
Mais je n'ai pas peur;
J'ai repris mon arme.

J'ai changé cent fois de nom,
J'ai perdu femme et enfants,
Mais j'ai tant d'amis;

J'ai la France entière.

Un vieil homme dans un grenier,
Pour la nuit nous a cachés,
Les Allemands l'ont pris;
Il est mort sans surprise.

Oh, the wind, the wind is blowing,
Oh, le vent, le vent souffle,
Through the graves the wind is blowing,
Entre les tombes, le vent souffle,
Freedom soon will come;
La liberté viendra bientôt;
Then we'll come from the shadow.
Alors nous sortirons de l'ombre.

Oh, the wind, the wind is blowing,
Oh, le vent, le vent souffle,
Through the graves the wind is blowing,
Entre les tombes, le vent souffle,
Freedom soon will come;
La liberté viendra bientôt;
Then we'll come from the shadow, amis, the very shadow.
Alors nous sortirons de l'ombre, amis, du plus profond de l'ombre.

Leonard Cohen

 

 

160 - Samedi 14 mai 2016

Héraut

Monsieur, les liens de l'amitié nous obligent parfois à de bien délicats, cornéliens et embarrassants devoirs. Un mien ami n'ayant pas encore eu le plaisir et l'honneur de vous être présenté, m'a mandé d'intercéder pour lui auprès de vous.

Avec ses sentiments les plus distingués et les plus dévoués, il m'a chargé de vous informer qu'il vous tenait pour le plus bel exemple de spécimen d'imbécile prétentieux qu'il lui ait été donné de connaître depuis qu'il est en âge de savoir lire et comprendre une phrase.

En vertu de relations amicales qui sont nôtres, il m'a également requis afin que je me fasse aussi le porte-parole de son frère jumeau qui, en vous souhaitant bien le bonjour, voulait vous aviser qu’il se rangeait totalement à cet avis et le confirmait sans réserve.

Sinon, à part ça, vous, la famille, les enfants et tout ça, ça va?


161- Dimanche 15 mai 2016

Horum omnium fortissimi sunt Belgae

Monsieur Amukric Frampoux, mémorialiste régional approximatif assermenté, chef adjoint à la deuxième sous-direction du bureau d'études de physique nucléaire de la SEPEUCCGPBS (Société d'Encouragement à la Promotion Enthousiaste de l'Utilisation Culinaire et de la Consommation Gastronomique de la Pulpe de Betterave Sucrière), est un homme carré, s'il en est, et qui entend rondement éclairer d'un jour nouveau l'histoire du dénouement de la bataille de Sabis.

« Nous sommes en 57 avant J.C. Les Nerviens n'apprécient pas beaucoup le côté quelque peu envahissant de monsieur Caius Julius César et ils ne sont pas du tout, mais alors pas du tout, disposés à le laisser tranquillement et librement poser ses galigae chez eux. Pour monsieur le proconsul ce n'est pas un soucis. Quand il a décidé de taper l'incruste quelque part, il a un truc qui marche à tous les coups: il veni, vidi, vici.

Conséquemment s'ensuit une rencontre pour le moins virile et musclée sur les bords d'une calme et paisible rivière appelée la Sabis, stuée à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Cameracum1. Les soldats romains arrivent difficilement à venir à bout des Atrébates et des Viromanduens venus prêter-main forte aux Nerviens. Lorsque ces derniers entrent à leur tour dans la danse, les légionnaires se font inexorablement massacrer. Ils ne sont sauvés de l'anéantissement total et ne renversent la situation qu'à la suite de l'arrivée, in extremis, de renforts.

Et c'est sur ce point précis, chers amis et membres de l'intelligentsia omnisciente que je me permettrais de vous demander de bien vouloir ajouter, aux liens indéfectibles qui nous unissent, une attention des plus soutenues. Est-il crédible que les Nerviens qui sont sur le point de battre toute une armée - et pas n'importe laquelle, parce qu'il s'agit quand même, excusez du peu, de celle de César - est-il crédible, demandais-je donc, que ces Nerviens en voyant arriver sur eux une seule légion, se disent alors: « Mince! Voilà la Xeme de Titus Labienus, bon, ben là, maintenant c'est marre. Allez, les gars on plie les gaules et on rentre chez mémé. » Non, la vérité est ailleurs...

 

Les Nerviens avaient clairement conscience que s'ils terrassaient les forces de Rome, il n'y aurait plus pour elles aucun espoir de pouvoir maintenir leur occupation en Gaule. Du coup, messieurs R.Goscinny et A.Uderzo n'auraient jamais pu écrire et dessiner les aventures d'Astérix. Et ça, c'est une chose qu'aucun Nervien n'aurait pu se pardonner. Voilà la seule et véritable raison pour laquelle ils ont préférés ne pas remporter cette victoire qui était pourtant leur. »

 

Commentaire

Merci, monsieur Frampoux, d'avoir enfin rétabli les faits historiques dans leur authenticité.

Boduognatos

1: Cambrai

162- Samedi 21 mai 2016

Rigolos

Selon les éthologues, il existe deux grandes races d'humoristes et ils ne se différencient ni par la couleur, ni par la longueur, de leur poil.

Les premiers cherchent humblement et sincèrement à offrir à leurs prochains de bonnes et franches occasions de faire largement usage de leurs zygomatiques.

Pour les seconds, la plaisanterie, le bon mot, le gag, ne sont qu'un moyen d'assouvir les besoins d'un ego matuvuesque. En ce qui les concerne, il ne s'agit que de montrer à leurs contemporains à quel point ils ont la chance d'avoir devant eux un personnage exceptionnellement drôle. Ces pitoyables pitres ne sont que d'ignares et pathétiques médiocres dont le seul talent se réduit, le plus souvent, à imbécilement moquer, railler, rabaisser, leurs semblables, sans se soucier un seul instant de leur sensibilité et du respect qui leur ait dû.

Lorsque reproche leur en est fait, ces amuseurs de bas étage en appellent hautainement au respect de leur totale liberté de parole, en vertu des droits qui sont ceux de l'humour. Mais jusqu'à plus ample informé, l'humour n'a jamais donné à qui que ce soit un quelconque droit particulier et certainement pas celui d'être un fat doublé d'un butor.

Commentaire

« Ma souffrance est peut-être la raison pour laquelle une personne rit, mais mon rire ne devrait jamais être la raison pour laquelle une personne souffre.»

Charlie Chaplin

163 – Dimanche 22 mai 2016

Fonds de tiroirs II, le retour

L'ingénieux et romantique inventeur de l'effeuillage de la leucanthemum vulgare reste un illustre inconnu et c'est une chance pour lui, parce que si toutes les pauvres petites marguerites, qui lui doivent d'avoir été mutilées, connaissaient son nom et son adresse, il risquerait certainement de passer un sacré mauvais quart d'heure.

 

Au bout du compte, l'avenir est le même pour tout le monde. Seules les dates et la manière dont s'écrira le mot fin sont différentes.

 

II est de notoriété publique que votre sensibilité spirituelle est des plus ténues, mais nous ne pensions pas qu'elle le soit au point d'en arriver à vous faire penser que le Très Haut était un Etre d'une parfaite mauvaise foi parce qu'Il refuse obstinément de descendre sur Terre pour officiellement admettre qu'Il n'existe pas.

 

Son histoire est d'une confondante banalité. Contre toute raison, il l'aime passionnément mais, elle, elle ne l'aime pas et ne l'aimera jamais. Alors, il essaye de se faire croire qu'il suffit d'un peu de ciel bleu ou d'une belle soirée d'automne pour être heureux, qu'il est assez fort pour ne rien laisser paraître et retenir ses larmes. Mais, très honnêtement, il n'y arrive pas très bien. Quoi qu'il fasse, il pense à elle. On a beau lui dire qu'il oubliera, il sait que « On ne se console pas des chagrins, on s'en distrait ».

Des archéologues ont récemment découvert une lampe préhistorique dont l'état de conservation était tout à fait exceptionnel. Vous dont la culture est inouïement plus élevée que celle du haricot vert sans fil sur l'Altiplano andin, savez-vous s'ils ont trouvé les piles qui vont avec?

 

Les Romains disaient: « Si vis pacem, parabellum », les Arabes: « La paix est à l'ombre des sabres ». Lorsque l'on voit avec quel entrain nos présidents, ministres, députés et sénateurs ont à cœur de réduire comme peau de chagrin nos forces armées, on se dit que ces gars-là n'ont certainement jamais appris le latin ou l'arabe.

 

Quand le chat ne sait pas faire patiner l'embrayage, le chat cale.

 

Un mot déplaisant, seulement un seul, sur la dame de mes pensées et vous allez très vite comprendre pourquoi Plutarque disait que, de tous les Gaulois, les Nerviens étaient les plus sauvages.

 

C'est parce qu'il a pour quotidienne habitude d'errer, l'air hébété, sur les quais de cet établissement ferroviaire parisien dont la principale vocation est d'assurer l'accueil des voyageurs en partance pour ou en provenance des gares septentrionales, que l'hagard du Nord fut ainsi nommé.

 

 

164 - Samedi 28 mai 2016

A chacun son métier


Il n'était pas romancier, aussi ses connaissances en matière d'us et techniques littéraires se situaient-elles clairement plusieurs degrés en dessous du niveau zéro. Pour cette raison des plus triviales, il se perdait en lourdes et antipathiques conjectures depuis qu'il avait ouï les confidences d'un confrère d'Auguste Maquet. Le romancier avait révélé qu'il écrivait ses œuvres en suivant les émissions de télé-achat, pour lesquelles il se passionnait suprêmement.

 

Il n'ignorait pas que, pour l’assoiffé de connaissance toujours en alerte, la quête du savoir exigeait parfois de payer de sa personne. Bien que l'exercice dépassât les limites de son entendement, pourtant loin d'être étriquées, il n'hésita pas à intrépidement se lancer dans l’expérimentation, en faisant bravement fi des périls encourus.

 

Les fruits de ses intenses cogitations le conduisirent à essayer de conjointement manier la télécommande d'une main et la plume de l'autre tout en fixant son œil gauche sur la télévision et le droit sur le parchemin. Malgré ses louables et tenaces efforts, il ne parvint pas à accomplir ce prodige d'actions simultanées et synchronisées. Sa courageuse tentative se solda malheureusement par un instantané, total et humiliant insuccès. Alors, plutôt que de réitérer et prendre ainsi le risque de nouveaux déplorables déboires, il préféra sagement s'évanouir de contrariété.


165- Dimanche 29 mai 2016

Par Saint Georges, vive la Cavalerie!

Quiconque oserait bassement dénier toute utilité tactique, stratégique, voire polémologique, à l'Arme Blindée Cavalerie de l'Armée française, ne serait qu'un abject et hideux félon se rendant indignement et indubitablement coupable de la plus infâme des ignominies. En effet, il faut loyalement reconnaître que l'apparition sur le terrain des montures d'acier de l'ABC1 est toujours spectaculaire et ne manque jamais de produire son petit effet sur les gens malencontreusement installés en travers de leur chemin. Il est manifeste que ces égarés ressentent furieusement un irrépressible désir d'être instamment n'importe où, mais ailleurs et très loin.

Cependant, l'honnête homme ne saurait, pour autant, hypocritement détourner son regard perçant d'aigle des Rocheuses de certaines réalités inhérentes au Corps des Cavaliers. En effet, comment ne pas considérer avec la plus grande des circonspections ces personnes, indiscutablement intérresantes, mais qui lorsqu'elles se présentent, se disent, tout simplement et sans plus de précision, de l'Arme, comme s'il n'existait au monde que la leur ? Comment ne pas faire preuve d'une certaine réserve envers ces créatures, sans nul doute merveilleuses, mais qui ont le goût des plus douteux d'arborer des galons de couleur blanche et d'agrémenter leur mise de boutons et de boucles de ceintures argentés ? Comment ne pas se montrer dubitatif devant ces êtres, assurément de toute beauté, mais qui saluent militairement avec l'auriculaire étrangement séparé des autres doigts et qui osent appeler leurs sergents, maréchaux des logis et leurs adjudants et adjudants-chefs, mon lieutenant. La présente liste est très loin d'être exhaustive. Elle n'énumère que quelques exemples des curieuses et surprenantes façons de se conduire des porteurs de bérets frappés de l'écusson au heaume empanaché.

Dans un pur esprit de fraternité interarmes, soulignons benoîtement et modestement que dans l'Infanterie, reine des batailles, ces genres de comportements abracadabrants et farfelus n'ont jamais été de mise. Il faut dire que le fantassin est intrinsèquement protégé de toute attitude fantasque parce qu'il ne saurait foncièrement être ce qu' il est, s'il ne gardait pas toujours bien les pieds sur terre.

1- ABC: Arme Blindée Cavalerie, et pour les mauvais esprits qui pourraient en douter, précisons que les Cavaliers connaissent parfaitement toutes les lettres de l'alphabet, jusqu'à Z, et dans le bon ordre.


166 - Samedi 4 juin 2016

« Sans la musique, la vie serait une erreur »

Pour les critiques et mélomanes, il est le plus grand virtuose de tous les temps. Le concert va bientôt commencer et l'auditoire est impatient de l'écouter.

Comme à chaque fois, à quelques centimètres au-dessus des claviers, ses mains tremblent. Elles tremblent parce qu'il se sent écrasé par le génie de l’œuvre qu'il doit interpréter. Retenant son souffle, il laisse lentement ses doigts se poser sur les touches. Alors, les premiers accords de la toccata et fugue de Bach résonnent dans la cathédrale et montent vers le ciel.

Le public est pétrifié comme si à cet instant il entendait jouer Dieu. Mais lui, il sait qu'il n'est pas un dieu. Il est bien plus que cela. Il est le serviteur soumis et passionné de la musique.

167- dimanche 5 juin 2016

 

« Parlez-moi d'amour »

« Redites-moi des choses tendres »

 

Elle voulait, encore, qu'il lui parle d'amour. Mais grand dieu, pour quoi faire? Il l'avait épousée sans discuter, il lui offrait consciencieusement des fleurs à chaque saint Valentin et il n'oubliait jamais de l'emmener au restaurant pour leur anniversaire de mariage. N'était-ce pas plus que largement suffisant?

S'il voulait qu'elle aille voir ailleurs s'il y était, il fallait qu'il trouve rapidement quelque chose de romantique à lui susurrer au creux de l'oreille. Mais vite fait, bien fait, parce que là, à cet instant précis, se lancer dans ce genre de truc ne l'arrangeait pas du tout, ce n'était vraiment pas le moment. Il n'avait pas le temps de jouer à l'amoureux transi. Il était très occupé. Il n'avait pas que cela à faire. Il devait se consacrer à une tâche des plus pressantes et des plus importantes. Alors, la main sur le cœur, d'une seule traire et sans reprendre sa respiration, il lui débita en rafale, sur un rythme de mitrailleuse emballée:

Ma chérie,

« Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre,
Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant,
Que cette heure arrêtée au cadran de la montre,
Que serais-je sans toi que ce balbutiement.

J'ai tout appris de toi sur les choses humaines
Et j'ai vu désormais le monde à ta façon.
J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines,
Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines.

Comme au passant qui chante on reprend sa chanson,
J'ai tout appris de toi jusqu'au sens du frisson.
»

Voilà, maintenant il espérait pouvoir se remettre tranquillement au travail et aux choses sérieuses. Quant aux droits d'auteur de Monsieur Jean Ferrat, il en parlerait plus tard à son lunkarya, qui ne manquerait certainement pas d'être fondamentalement captivé par le sujet. Il allait enfin avoir le loisir de se consacrer à la tâche impérative qui l'attendait urgemment. Il devait, avec méthode et précision, rationnellement organiser son emploi du temps, du 10 juin au 10 juillet, afin de ne manquer aucune diffusion des matches de foot de l'euro à la télé.

Sans aller jusqu'à dire comme le fit monsieur Pierre Desproges que « Dépourvue d'âme, la femme est dans l'incapacité de s'élever vers Dieu. En revanche, elle est en général pourvue d'un escabeau qui lui permet de s'élever vers le plafond pour faire les carreaux. C'est tout ce qu'on lui demande », il pensa tout de même que ces dames étaient décidément incapables d'avoir le sens des réalités. Elles n'ont aucune notion des priorités. Elles sont d'une invraisemblable futilité!


168 - Samedi 11 juin 2016

« Avoir un bon copain, c'est ce qu'il y a de meilleur au monde »

La photo d'un ex-camarade d'école d'un de ses lointains cousins avait l'honneur de s'étaler en première page de toute la presse écrite et en ouverture des journaux télévisés. L'homme était recherché depuis des années et il venait, enfin, d'être proprement et lestement appréhendé par la gendarmerie nationale. Il faut dire que le crime commis était d'importance: ce dangereux délinquant était suspecté de vol aggravé de carambar.

Lui, de ce côté-là, il était parfaitement tranquille et serein. Aucun risque qu'il ait pu fréquenter un futur aigrefin ou tout autre triste filou de la sorte. Dès son plus jeune âge, ses parents lui avaient appris à toujours rigoureusement sélectionner ses relations. Il s'était toujours docilement et consciencieusement plié à cette règle et cela avec d'autant plus de facilité que personne n'avait jamais montré la moindre velléité de devenir son copain; tout comme aujourd'hui, d'ailleurs.


169- Dimanche 12 juin 2016

Paul Vidal de La Blache, au secours!

Ses conceptions de la Géographie étaient quelque peu poétiques. Mais il n'était pas à blâmer. Il était de France et il est de notoriété publique et internationale que le Français possède, ataviquement et en général, des compétences géographiques dont la précision est plutôt sujet à caution.

Ainsi, pendant des années, avait-il cru, dur comme fer, que Laghouat était implanté en terre bretonne. Il pensait sincèrement qu'il s'agissait d'une de ces austères, fières et rudes bourgades des fins fonds de la Bretagne, battue par des vents glacés, envahie par d'impénétrables brouillards, inondée d'averses, de crachins, d'ondées, de bruines, illuminé par le soleil que soixante-treize jours par an.

Puis un beau soir, lors d'une de ses visites familiales habituelles chez sa sœur cadette, il fit la connaissance d'un professeur d'Histoire-Géographie. L'enseignant ne pouvant se dérober à ses obligations pédagogiques, ne put lui cacher la vérité plus longtemps. Avec beaucoup de tact et de ménagement, il lui apprit que Lagouhat n'avait, géographiquement parlant, rien à voir, ni de près, ni de loin, avec le Pays Bigouden. En fait, lui expliqua-t-il, Laghouat était une oasis se situant aux portes du Sahara, tellement magnifique et paradisiaque qu'elle semblait tout droit sortie d'un conte des mille et une nuit.

Il resta longtemps abasourdi par cette information et il lui fallut un certain tant avant de pouvoir complètement se l'approprier. Sa vision du monde aussi bien que ces certitudes en furent profondément bouleversées. Il en vint même à douter que Pont-à-Mousson se situât bien à cheval sur les deux rives du Mékong.


170 - Samedi 18 juin 2016

Droit à la propriété intellectuelle

Ils se froissent, ils s'indignent, ils s'offusquent, ils se scandalisent, ils s'encolèrent, ils vitupèrent, ils pestent, ils tempêtent, ils fulminent, ils crient haro sur le baudet, contre les impudents, les effrontés, les déhontés, les culottés, les malhonnêtes, les pilleurs d’inspiration, les écumeurs de textes, et autres kidnappeurs de phrases. Ils n'ont pas de mots assez aigres et rugueux, pour flétrir tous ces espèces de sans-gêne, de malappris, qu'ils souhaiteraient voir emmurer, ad vitae æternam, dans la plus obscure et oubliée des oubliettes, avec en plus plein de chauves-souris hyperactives et gros rats gluants dedans.

Lui n'avait jamais craint d'être dépouillé par les plagiaires. De ce côté-là, il était complètement confiant, quiet, détendu, pépère. Il savait parfaitement que son œuvre ne pourrait jamais être victime d'illicites emprunts tant, ce qu'il écrivait, était convenu, insipide, farci de poncifs et d'évidences qui ne mènent à rien.

 

171- Dimanche 19 juin 2016

Médecine douce

Son épouse était experte en résorption de désagréments physiques, en destruction microbienne massive, en contre-attaque thérapeutique préventive. Elle était toujours à l’affût de

la tisane souveraine, du cataplasme miraculeux, de l'onguent universel, du sinapisme révolutionnaire et de toute médicamentation de pointe du même genre. Sa dernière infaillible trouvaille était la cure de sève de bouleau. Ses vertus médicinales et hygiéniques, énonçait-elle, étaient reconnues depuis des siècles en France, mais aussi dans les pays nordiques, en Italie, en Allemagne, en Pologne, en Estonie, au Canada, aux Etats-Unis, en Chine et au Japon.

 

Pour sa part, il ne faisait pas vraiment preuve d'un grand empressement à bénéficier des bienfaits de cet exceptionnel élixir. Il regimbait à chaque fois que sa femme le lui en faisait amoureusement ingurgiter. Ce n'est pas qu'il se montrât incapable d'ouverture d'esprit, qu'il fût d'un conformisme obscurantiste où qu'il contestât la valeur du produit. Si depuis tant de temps et un peu partout dans le monde, tellement de gens recouraient à cette substance et témoignaient de ses effets bénéfiques, il concevait en toute honnêteté qu'il aurait été audacieusement prétentieux de sa part d'oser douter. Il n'était pas davantage question de bouder la énième potion magique de sa chère moitié. Il savait, par expérience, que tenter de lui opposer une quelconque résistance était vain et sans espoir. Se rebeller était chose inutile. Ce combat-là, était un combat perdu d'avance. Le goût du breuvage n'était pas non plus du tout en cause; il n'en possédait pratiquement pas.

 

Non, la raison de son aversion était tout autre. Bien qu'elle lui semblât un peu ridicule, il n'en était pas moins incapable de la dominer et de s'en affranchir. Il ne pouvait s'empêcher

de penser que la sève est le sang des arbres, alors en boire lui donnait la pénible impression d'être un vampire végétarien.

 

 

172 - Samedi 25 juin 2016

A part

Ils n'étaient pas comme les autres. Ils ne se croyaient pas meilleurs ou plus mauvais, simplement différents, un peu décalés. Ils respiraient, vivaient dans notre monde, mais il n'était pas vraiment le leur. Ils ne s'y trouvaient pas complètement à leur place. Ils venaient d'un univers parallèle où l'environnement, le quotidien, les règles, les valeurs, le sens de la vie, n'étaient pas les mêmes.

 

Ils n’évoquaient pas souvent et facilement cette existence avec ceux qui ne faisaient pas partie de leurs semblables, parce que pour réellement comprendre le sens des mots qu'ils prononçaient, voir les images qu'ils décrivaient, éprouver les sentiments qu'ils exprimaient, il fallait avoir vécu ce qu'ils avaient vécu. Il fallait avoir été soldat.

 


173-Dimanche 26 juin 2016

Aristarque et féroce

Parce que l'heure était très tardive, elle n’en était que plus propice au calme et à la paix indispensables pour se délecter goulûment de l'intensif plaisir intellectuel de suivre son émission littéraire télévisée préférée. Il manipula savamment les différentes télécommandes permettant l'allumage de son téléviseur (c'est quand même beau le progrès!) et poussa un long aaaah de contentement lorsque l'image apparut enfin:

« Quoi qu'il puisse chèrement en coûter à notre penchant naturel pour l'indulgence et à notre sens inné de la mansuétude, l'objectivité nous fait obligation, Monsieur, de vous adresser une critique sans concessions. Ce n'est pas parce que vous pouvez, à bon droit, vous enorgueillir d'être un auteur célébré et bien en place que nous vous ménagerons. Nous vous livrerons, sans fard, notre avis exempt de tout compromis. Votre glorieuse renommée ne vous sera d'aucun quelconque secours pour vous mettre à l'abri de nos intègres et cinglants commentaires. N'espérez pas faire l'objet de la moindre pitié de notre part. Nous ne nous contenterons pas de seulement sonner la charge contre vous, nous allons également faire retentir le el deguello. Attention, ça va piquer! »

« Bof, vous savez, Jonathan Swift disait: « Quand un authentique génie apparaît en ce monde, on peut le reconnaître à ce signe que tous les imbéciles sont ligués contre lui ». Je me permettrais également de discrètement attirer votre attention sur le fait que mon éditeur est l'un des principaux actionnaires de la chaîne pour laquelle vous officiez présentement»

« Ah... Oui... Vraiment... Jonathan Swift.... Les imbéciles... Et puis, l'un des principaux actionnaires...Eh bien, donc en toute sincérité, ce que vous avez dernièrement écrit, je vous le dit bien en face, ce n'est finalement et en fait pas mal du tout. Même si le sujet n'est pas d'une grande et transcendante originalité, il fallait tout de même avoir la bonne idée d' y penser. En outre, c'est tout à la fois international, amical, musical, global et ouvertement ironique sans être pour autant gratuitement provocant ou inutilement agressif. Il y a des parfums, des senteurs, des couleurs (rose). La subtile touche estivale qui vient intelligemment couronner le tout, est fort agréable et apporte une accorte et subtile note de gaieté. Au total, l'ensemble baigne dans une légèreté et une fraîcheur des plus sympathiques et réjouissantes. Non, je vous assure, très honnêtement, c'est bien, c'est même très, très, bien. »

Devant sa télévision, notre fervent bibliophile n'eut pas l'ombre d'une réaction. Cela faisait déjà un bon moment qu'il s'était commodément et moelleusement endormi dans son fauteuil.


174 - Samedi 02 juillet 2016

Nostalgiques

Dans les brocantes, on ne rencontre pas que des amateurs d'antiquités déambulant entre les chevaux de bois, les bougeoirs, les chenets et autres lanternes anciennes. Un jour, vous y remarquerez certainement aussi cette femme ou cet homme, à l'air un peu mélancolique. Vous serez surpris et intrigué de les voir ravis d'acheter de vieux bibelots décolorés, ou de poussiéreux bouquins défraîchis, qui vous paraîtront sans intérêt, ni aucune valeur.

Mais pour eux, ces choses représentent le plus précieux des trésors et n'ont pas de prix. Elles viennent d'un passé qu'ils n'ont pas oublié. Un passé perdu qui était celui de leur enfance. Ce temps où ils pouvaient sauter sur les genoux de leur grand-père, où ils pouvaient pleurer sur l'épaule de leur mère, prendre leur père par la main, où ils jouaient avec leur frère, leur sœur. Le temps où tous ceux qu'ils aimaient étaient encore là.

Ce sont des chasseurs d'ombres.


175 - Dimanche 03 juillet 2016

« Je suis athée, Dieu merci »

L'homme était individuellement et personnellement persuadé de son importance. Avide de reconnaissance et de prestige, il ne craignait pas d'avoir le verbe haut avec ceux qui, par pure distraction ou coupable étourderie, n'avaient pas encore pris conscience, qu'en sa présence, ils avaient le privilège d'avoir affaire à une personnalité hors pair.

 

Le passe temps favori de cet égocentrique accompli consistait à jouer les rebelles en se donnant de grands airs de mécréant pétaradant, d'impie tonitruant, d'esprit fort tapageur. Vivant en France, pays où les croyants ne se bousculent pas et où la laïcité fait loi, on jugera à sa juste valeur de l'audace d'une telle posture.

 

Il se targuait de ne pas se laisser crédulement berner par de stupides superstitions. Son esprit logique et cartésien faisait de lui un être réaliste et rationnel n'admettant que les choses tangibles et matérielles, comme par exemple l'action éternelle, permanente, sage et raisonnée, de la main - invisible - qui régit les marchés et va, incessamment sous peu, apporter à l'humanité prospérité, bonheur et moutarde de Dijon à volonté.

 

Paradoxalement, son athéisme ne l'empêchait pas de se perdre en d'infinies imprécations contre Dieu, dès que se présentait un inconvénient, que ce soit une éruption volcanique majeure, une calamité naturelle cataclysmique ou un pépin dans la cuisson du nougat à Montélimar.

 

Les péroraisons de ce grotesque plastronneur, n'en pouvant plus de se prendre au sérieux, amusaient beaucoup son voisin. Ce jeune homme, dont l'esprit était aussi éclairé que modeste, savait que lorsque l'on a envie de croire au paradis, il suffit simplement de tourner son regard vers celle que l'on aime. Il est vrai que, malgré tous ses efforts, l'autre pitoyable bouffi de suffisance n'avait jamais éveillé aucun intérêt dans le cœur d'une demoiselle. Mais fallait-il vraiment s'en étonner?

 


176 - Samedi 09 juillet 2016

 

Alphonse Baudin

Citoyens, à l'approche du 14 juillet, rappelons nous d'Alphonse Baudin et demandons-nous combien de ceux que nous avons élu pour faire respecter la Liberté, l'Egalité, la Fraternité, seraient aujourd'hui capables de suivre son exemple.

Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte déclenche un coup d'Etat et proclame la fin de la IIe République.

Le lendemain, les députés Victor Hugo, Sadi Carnot, Victor Schoelcher, Jules Favre, Pierre Malardier et Alphonse Baudin, arpentent les rues de Paris pour appeler le peuple à prendre les armes.

Faubourg Saint-Antoine, la troupe a pris position devant une barricade érigée par des ouvriers. Alphonse Baudin essaie de persuader les habitants du quartier de se joindre à eux. Mais aucun ne bouge et l'un d'entre eux lui crie « qu'il ne vaut pas la peine de se battre pour que les députés conservent leur salaire quotidien de 25 francs1».
Alphonse Baudin lui répondit « Je vais vous montrer comment on meurt pour 25 francs ! » et il monta sur le rebord de barricade. Les soldats le criblèrent de balles sans sommation.

1: 25fr de cette époque équivalent à 80,10 euros.

 

177 - Dimanche 10 juillet 2016

 

Fonds de tiroir III, le retour du retour

 

Monsieur, vous n'avez cure des remarques et critiques. Aussi importantes et justifiées soient-elles, aucune objection, aucune opposition, ne peut vous empêcher d'appliquer, sans pitié et avec morgue, les décisions que vous avez prises. Nous ne pouvons qu'être anéantis de déférence devant un tel respect de la Démocratie et un souci aussi élevé du bien public. Votre attitude exemplaire, en ces deux domaines, a su apaiser le flot tourmenté de nos doutes et nous persuader que, plus que jamais, vous êtes sincèrement attaché aux règles de la République qui veulent que le pouvoir ne vous appartienne pas mais vous soit seulement délégué pour faire appliquer la volonté du peuple et non celle d'une caste.

 

Cher président-directeur général, vous êtes d'une race d'exception, celle des battants, et des gagneurs. Nous savons que, comparés à vous, nous ne sommes tous qu'une sous-humanité dont la raison d'être est de vouer nos misérables vies à la production de vos profits. Nous ne pourrons jamais assez vous remercier de nous accorder un aussi grand privilège. Il n'est point, pour nous, d'aurore et de crépuscule. Vous êtes notre astre solaire radieux et calorifique. Eternellement au zénith, 24 heures sur 24, 365 jours sur 365 et 366 sur 366 durant les années bissextiles. Vous illuminez et réchauffez divinement le cours de nos existences froides et obscures . Vous êtes la plus merveilleuse et la plus permanente des sources d'énergies renouvelables.

 

Qu'après cinq Républiques on puisse encore offrir des lys, ça me dépasse!

 

Cher président-directeur général, une fois encore, votre modestie maladive vous pousse à nous faire croire que, malgré votre léviathesque génie, vous seriez incapable de vaincre ce défi avec une désopilante facilité. Nous sommes radicalement persuadés que les événements à venir nous apporterons la preuve hurlante du contraire. Et si quelqu'un vous dit que l'on a déjà découvert l'Amérique, ne le croyez pas parce qu'il n'y a que vous qui puissiez le faire.

 

Notre parti politique condamne énergiquement et sans équivoque toutes formes d'assistanat. Aussi, quand l'air des villes se trouvera saturé par un taux trop important de monoxyde de carbone, plutôt que d'offrir aux citadins des tours de bus gratuits, nous leur imposerons d'affronter leurs responsabilités et de se prendre en charge eux-mêmes. Pendant les pics de pollution, il faudra que chacun fasse l'effort d'arrêter de respirer.

 

Il ne s'en faisait aucune gloire et ne revendiquait pas pour autant du titre de super héros, pourtant, chaque matin, il était capable de s'habiller de pied en cap, en 2 minutes 46 secondes et 23 centièmes, alors que, pour sa part, l’œuf met trois bonnes minutes pour devenir coque.

 

Vous couchez sur mon testament? Ne trouvez-vous pas que l'acte soit quelque peu prématuré? Ne seriez-vous qu'un cupide et méphitique chacal cherchant à capter une succession, au demeurant fort modeste, légitiment dévolu à d'autres? Votre appétit de biens est-il à ce point insatiable que vous soyez incapable de vous contenter de l'immense richesse que votre famille a autrefois amassée en vendant du beurre à l'occupant puis aux Américains?

 

 

178 - Samedi 16 juillet 2016


Exercice de plume

 

Monsieur, vous persistez dans un style que vous croyez audacieux parce que vulgaire. A l'évidence, vous vous y complaisez comme cochon en bauge. Vous avez la puérilité de croire qu'il vous donne une véritable singularité alors que, depuis longtemps déjà, il n'y a plus aucune originalité et intrépidité à donner dans la trivialité provocatrice. Aujourd'hui, le premier venu peut faire usage de ce genre dont la banalité et la facilité sont devenues telles qu'elles  l'ont rendu fade, lassant et vain. Pour vous le démontrer, nous allons nous-même nous y essayer, en ayant, bien sûr, la modestie et l'honnêteté de reconnaître nous n'avons aucune chance de pouvoir réussir à égaler votre insurpassable niveau de grossièreté.

 

Cher ami, ce n'est pas parce que obscénité rime avec lisier, que vous devez vous considérer tenu par l'obligation d'écrire avec la balayette de vos toilettes. Par ailleurs, plutôt que de nous la servir, réservez votre littérature à votre rouleau de papier hygiénique, double épaisseur et parfumé à l'abricot. C'est là que se trouve sa vraie et juste place. Pour bien vous mettre les points sur les i, nous vous laissons le soin de trouver la rime en u qui vous dira où nous vous invitons à vous coller votre prose passée et à venir.

 

 

179 - Dimanche 17 juillet 2016

 

 

Prince charmant

Physiquement, il était carrément mi-Apollon, mi-Hercule, plus mi-Steve McQueen. Et comme si cela n'était pas encore assez suffisant, il avait hérité de sa mère une bonne dose de charme slave. Alors autant vous dire que lorsque ce prototype d'exception de la race masculine sortait en plein air, les rangs de ces dames et demoiselles étaient parcourus par la troublante onde frissonnante d'un charmant émoi proche de la pâmoison.

 

Mais que les inévitables envieux et jaloux se rassurent et ravalent leurs aigres rancœurs. Ce prodige de beau gosse était plus malheureux et infortuné que le dernier des Quasimodo. Il vivait son excellence plastique, son irrésistible attrait, comme d'accablantes malédictions. Il refusait que l'on ne voie en lui que cette image d'absolue perfection qui faisait perler d'attendrissantes larmes d'ébahissement énamouré le long des longs cils mascarinés des passantes. Il n'en pouvait plus d'être ce paratonnerre de la séduction attirant inévitablement les coups de foudre éclatant dans le cœur des filles d'Eve. Il voulait qu'on l'aime pour son être intérieur et non pour sa sublime apparence.

 

Alors qu'il n'y croyait plus, que toute espérance l'avait fui, que ses jours se passaient sous un ciel toujours lourd de noirs nuages gonflés par les brumes du désespoir, vint cette heure bénie où elle lui apparut tel un ange éblouissant flottant dans les rayons irisés d'un soleil mordoré. Elle qui ne fut pas seulement fascinée par l'incomparable chef-d'œuvre de précellence esthétique qu'il représentait. Elle qui voulut sincèrement se pencher sur les richesses de sa personnalité.

 

Après avoir complètement et méticuleusement fait le tour des dites richesses, elle lui déclara affectueusement:

« Comment te dire? Tu sais, Thomas d'Aquin écrivait souvent dans ses bouquins que

« impossibilia nulla tenetur ». Alors, sois beau et tais-toi.» 

 

 

180 - Samedi 23 juillet 2016

Mignonne

 

La bibliothèque sentait bon la cire d'abeille et les derniers rayons de soleil d'une agréable fin d'après-midi d'été l'embellissaient d'une lumière couleur de miel. La petite fille aux longues boucles blondes portait une jolie robe à carreaux blancs et roses, agrémentée d'un col Claudine en dentelle. Elle était sagement assise dans le fauteuil faisant face à celui où était installé son grand-père. Ses grands yeux bleus tout écarquillés, elle buvait chacune des paroles du vieil homme. D'une voix pleine d'effets et avec de théâtrales mimiques, il lui lisait le conte du vilain petit canard.

 

A la fin de l'histoire, elle bondit sur ses pieds, battant des mains et riant. Elle se précipita sur son grand-père, serra son visage entre ses petites mains et lui fit un gros bisou sur la joue. Il en fut attendri jusqu'aux larmes.

 

Elle quitta la pièce en chantant à tue-tête « Ah, les crocrodriles, les crocrodriles, les crocrodriles; ah, les crocrodriles, les crocrodriles, les crocrodriles». Après avoir entendu le poignant récit de ce pauvre caneton durement ostracisé, l'adorable fillette s'en allait retrouver sa mère dans le salon pour lui demander si elle connaissait la date de l'ouverture de la chasse aux canards et comment on les fait cuire...

 

 

181-Dimanche 24 juillet 2016

Cogito ergo sum

Côte à côte, ils se promenaient en silence sur les bords du canal dont l'eau était si calme qu'elle semblait avoir été transformée en un long miroir par le coup de baguette magique d'une fée. Dans le lointain, en arrière de la berge, le village et son clocher d'ardoises noires se dessinaient paisiblement entre le vert tendre d'un rideau d'arbres et le bleu lumineux du ciel. Ils suspendirent leurs pas pour regarder passer une péniche glissant sans hâte vers un port qu'ils ne sauraient jamais. Pourquoi décida-t-il précisément de ce moment-là pour prendre la parole, personne ne le saura jamais.

- « Tiens, hier j 'ai pensé. »

- « Ah bon, ça ne t'était jamais arrivé ? »

- « Mais non, ce que je veux dire, c'est que j'ai pensé à un truc. »

- « A un truc ! Mais dis-moi, un truc, c'est vachement passionnant. Indubitablement, je me passionne.»

- « Oui, figure-toi que j'étais en train de manger un morceau de maroilles et, je ne sais pas pourquoi, ni comment, je me suis mis à penser au gruyère. »

- « Tiens donc , voilà qui est des plus intrigants. Indiscutablement, je m'intrigue.»

- « Tout à fait, parce que c'est vraiment étrange. »

- « De penser au gruyère ? 

- « Non, ce que j'ai découvert en y pensant. »

- « Voilà qui est de plus en plus palpitant. Incontestablement, je palpite. »

- « Ecoute-moi bien. »

- « Dès cet instant, chacune de mes cellules ciliées t'est tout spécialement et exclusivement dédiée, j’ouïs. »

- « Est-ce que tu as déjà réalisé que plus il y a de gruyère, plus il y a de trous, mais que plus il y a de trous moins il devrait y avoir de gruyère ?»

- « Ah… Oui, mais non, là, tu nous fais brutalement basculer dans le domaine de la quatrième dimension. Une révélation spatio-temporelle de ce niveau, ça dépasse le commun des mortels, on ahurit. Nous, on peut pas gérer un machin pareil, c'est plus de notre ressort. Faut que tu ailles voir ça avec des gars de ta trempe, des spécialistes spécialisés dans le spécial. Il n'y a pas trente-six solutions, le mieux c'est que tu prennes tout de suite contact avec les frères Bogdanov, en espérant pour toi qu'ils n'aient pas quitté la galaxie. »


182 - Samedi 30 juillet 2016

 

« Etoile des neiges »

 

Les talents et performances de monsieur Panturle Maufilatre, sherpa chionophobe de l'Ecole des Guides de Haute Montagne du Mont de Piété, font l'objet de multiples controverses. Partisans et détracteurs s'affrontent dans des débats sans fin où chacun est persuadé de la valeur incontestable des arguments et des faits qu'ils avancent.

 

Les premiers arguent de la difficulté insensée des voies empruntées par leur champion et de son incomparable célérité à les ascensionner et à les désascensionner .

 

Les seconds font valoir que la montagnarde vélocité de ce phtirius inguinalis des cimes s'explique avant tout par son exceptionnelle aptitude à en descendre plus vite qu'il n'y monte. Ils observent que cette prouesse n'est pas le fait du hasard. Elle s'explique par un don très personnel de ce singulier alpiniste. En effet, il possède une propension naturelle à invariablement dévisser au bout d'à peine quelques centaines de mètres d'escalade. Et c'est ainsi qu'il bat tous les records de vitesse de retour vers la vallée, grâce aux moyens héliportés des pelotons de Gendarmerie de Haute Montagne qui viennent systématiquement et courageusement le secourir.

 

183 - Dimanche 31 juillet 2016

Elégance

Arborez fièrement une splendide liquette flambant neuve en vichy bleu, vous ne susciterez de réaction d'aucune sorte, si ce n'est, bien sûr, celle de l’inénarrable humoriste de service qui ne pourra manquer une si belle aubaine de claironner à la cantonade, d'un air entendu:

« Mais, cette chemise, elle n'est pas à toi, elle est à carreaux! »

Portez sana ostentation une discrète cravate mais néanmoins de bon goût et, si cet attribut vestimentaire ne vous est pas coutumier, vous verrez tous les regards s'attarder avec insistance sur votre col. Vous sentirez que l'on vous considère d'un autre œil, vous estime autrement, alors que vous êtes positivement toujours le même, qu'à n'en pas douter il s'agit bien encore de vous, que vous n'avez en aucune manière subi une quelconque mutation transgénique.

Dès l'instant où l'homme prit la bonne habitude de ne plus s'adonner librement et en permanence au nudisme sur la voie publique, la sagesse populaire édicta philosophiquement le judicieux principe selon lequel «l'habit ne fait pas le moine». A voir  l'étonnant effet que peut produire une simple bande de tissu teinté savamment nouée autour du cou, nous serions presque amené à être fugitivement tenté de nous laisser aller à peut-être bêtement penser que certains de nos congénères persistent, pourtant et anachroniquement, à se fier aveuglément aux apparences.


184 -Samedi 06 août 2016

Saponification

 

Son attention fut magnétiquement attirée par une publicité recommandant chaudement les miraculeux effets nettoyants, hygiéniques, lénitifs et anticalcaires d'un gel de bain moussant, avec de véritables morceaux de grenade dedans. Cette mercantile annonce eut sur lui un plantureux effet galvaniseur. Fiat lux! La chance venait de planter sur le bord de la route de la destinée le poteau indicateur lui montrant du doigt sur quel chemin il devait poser le pied afin de parvenir à appuyer son front sur le généreux sein de la fortune. Il allait hardiment se lancer dans la conception et la commercialisation de produits savonneux grenadés.

 

Cette nouvelle activité à laquelle il se prédestinait avec jubilation, lui semblait d'autant plus évidente qu'il la pensait en parfaite adéquation avec les compétences professionnelles qui, il y a peu de temps encore, étaient les siennes. Aussi était-il persuadé que pour réussir à concevoir un bon article lavant à la grenade, le grenadier voltigeur, qu'il avait été, n'aurait besoin que de savoir s'il fallait faire usage de grenades offensives ou défensives. 

 

 

185- Dimanche 07 août 2016


Militant sans frontières

 

Il ne manquait jamais une occasion de claironner, à qui voulait bien l'entendre, combien il était magnifique de conviction et de courage dans son indomptable volonté d'être l'inébranlable muraille valeureusement et mâlement dressée contre les contempteurs obstinés des valeurs de l'humanisme. Il n’appréciait rien tant que ces moments où il devenait le centre de toutes les attentions et où il pouvait alors, en bombant le torse et en prenant un air faussement modeste, se décrire prétentieusement sous les traits flatteurs d'un intellectuel, philosophe, poétique, aventureux et infatigable globe-trotter voletant légèrement par-dessus les frontières, allant de-ci de-là, pour témérairement et cordialement enfoncer ses chaussures de randonnées dans les glèbes exotiques et étrangères de ces pays où nos frères humains sont en souffrance.

 

Quelques esprits sceptiques, pour ne pas dire malveillants, ne se privaient pas de faire narquoisement remarquer qu'étant donné le nombre d'heures que ce beau parleur passait à se pavaner devant des auditoires, il lui était matériellement impossible d'avoir ne serait-ce qu'une minute à consacrer aux actions dont il faisait si largement étalage. Ils soulignaient également que ce n'était certainement que l'effet du hasard si ce parangon de fraternité universelle ne frayait qu'avec ses compatriotes, et encore à condition qu'ils possédassent un arbre généalogique remontant, au moins et sans aucune digression, jusqu'à Pépin le Bref et Berthe aux grands pieds. De même, insidieusement, ils se faisaient un devoir de sarcastiquement expliquer que la plus lointaine et la plus sauvage contrée dans laquelle s'était courageusement rendu cet inlassable routard n'était rien moins que le canton de Vaud.

 

Mais comme le disent si bien nos voisins et amis britanniques:

                                                                                                     « Honi soit qui mal y pense. »

 

 

186 - Samedi 13 août 2016

Qui va piano, va sano

 

Pour lui, la vie devait se savourer sans précipitation, lentement. Afin d'en exprimer toute la substantifique succulence, il fallait la déguster calmement, à petits traits. Se ménager, voilà quel était son maître mot, sa valeur suprême, son credo sacré.

 

Il se soumettait de manière draconienne au principe d'économie d'énergie. Son refus de la moindre activité, aussi bénigne soit-elle, confinait à l'intégrisme. C'est à peine s'il consentait à s'autoriser un bâillement avant d'entamer une sieste.

 

Cérébralement, il veillait tout aussi drastiquement à bannir de son milieu naturel tout agissement pouvant porter atteinte à son oisiveté, à une seule et notable exception près. Il avait daigné se forcer à apprendre le titre dune œuvre poétique parce qu'il croyait qu'elle exaltait les valeurs qui étaient siennes. S'il avait fait l'effort de lire la suite, il aurait su que ce poème n'avait rien d'une ode à la paresse: « Le dormeur du val » racontait une tout autre histoire.

 

 

187 - Dimanche 14 août 2016

« Paix sur la Terre aux hommes de bonne volonté »

Ne laissez jamais se prolonger une querelle plus que de raison, sous peine de vous voir toujours davantage écrasé par le poids accablant du rouleau compresseur de l'animosité. Il faut savoir se hisser magnanimement sur l'échelle de la concorde et par-dessus le mur aveugle des dissensions tendre la main clémente de l'absolution, afin que s'éteignent les feux dévorants du ressentiment acerbe. Et pour sceller le ciment inaltérable et éternel d'une franche et sincère réconciliation avec l'horripilant faquin qui a osé prétentieusement vous offusquer, quoi de mieux que de lui offrir un délicieux pudding, dont voici la délectable recette:

Dans un grand bol de strychnine
Délayez de la morphine.
Faites tiédir à la casserole
Un bon verre de pétrole.

- Je vous conseille d'en mettre deux.

 

Quelques gouttes de ciguë,
De la bave de sangsue,
Un scorpion coupé très fin.

- Inutile de rajouter du poivre en grains.

Emiettez votre arsenic
Dans un verre de narcotique.
Deux cuillères de purgatif
Qu´on fait bouillir à feu vif.

- N'hésitez pas, mettez en trois.

Dans un petit plat a part
Tiédir du sang de lézard,
La valeur d´un dé à coudre.

- Et surtout pas de sucre en poudre!

Vous versez la mort-aux-rats
Dans du venin de cobra,
Pour adoucir le mélange
Pressez trois quartiers d´orange.

- Non, n'en mettez qu'un seul.

Décorez de fruits confits
Moisis dans du vert-de-gris,
Tant que votre patte est molle,
Et un peu de vitriol.

-Vous verrez, ça sera bon.

 

Commentaire

Alors, là! Chapeau, Nervien! Moi qui te prenais pour une espèce de Lucky Luke mou du genou, pour un pied-tendre, un foie jaune, tu m'en bouches un sacré coin. Respect, mec.

Joe Dalton

 

Venant de vous, le compliment me touche tout particulièrement, mon cher Joe - vous permettez que je vous appelle Joe, mon cher Joe? Si vous le voulez bien, rendons à César ce qui appartient à César et remercions ensemble monsieur Pierre Tchernia qui est l'auteur de cette remarquable recette.

(https://www.youtube.com/watch?v=-G3MLjqicC8)

Nervien

 

188 - Samedi 20 août 2016


Oublié de l'Histoire

Il ne pouvait y croire. L'affaire était inimaginable, incroyable, inacceptable. Il était furieux, scandalisé, outré. Il n'y avait pas en lui une seule cellule qui ne fût tire-bouchonnée d'indignation.

Ayant à voyager, il s'était, pour la première fois de sa vie, férroviairement déplacé. Or, aucune foule enthousiaste ne s'était massée le long des voies ferrées afin de saluer l'exploit en l'ovationnant frénétiquement à grands renforts d'applaudissements enthousiastes, d'acclamations triomphales, de convulsions exubérantes.

Par respect pour leurs ancestrales traditions, seules les vaches avaient daigné jeté un regard placide et machinal sur le train qui acheminait ce héros des temps nouveaux. L'une d'elle, appelée Jeanne Bécu de Cantigny, s'était même déplacée jusqu'au terminus pour affectueusement, rapeusement et baveusement, lui lécher la trogne de son épaisse et lourde langue. Mais son ego ne put se satisfaire de cette touchante marque d'estime parce qu'il n'était pas pleinement convaincu de la totale sincérité de cette câline admiratrice.

 

189 - Dimanche 21 août 2016

« Il y a souvent plus de naufragés au fond d’une âme qu’au fond de la mer »

La mer était son unique et infinie passion. Elle était la seule maîtresse à qui il resterait toujours fidèle jusqu'à la fin de ses jours. Il n'y avait qu'avec elle qu'il se sentait vraiment libre et heureux. Elle le mettait hors d'atteinte du pouvoir et de la bassesse des hommes.

La nuit était tombée depuis plusieurs heures déjà. Le ciel était clair mais le vent forcissait de plus en plus et les creux de la houle commençaient à être impressionnants. La tempête ne tarderait pas. Il observait et était fasciné par le profil racé de ce navire qui naviguait au loin. Son étrave était aussi effilée et élancée que le tranchant d'une épée. Il plongeait dans l'écume des vagues agitées et les fendait sans jamais sembler se fatiguer, avec la légèreté et la grâce d'un dauphin. La lumière de la pleine lune qui l'enveloppait comme une longue traîne diaphane, le rendait presque surréel.

Il ne se lassait pas de l'admirer. Il s'imaginait les deux pieds bien plantés sur sa passerelle, « seul maître à bord après Dieu», le menant sans trêve ni repos, entre ciel et océan, jusqu'au bout du monde, là où sont des îles secrètes si belles que le soleil n'en finit jamais de les embrasser. Mais ce n'était qu'un rêve. Jamais, il ne deviendrait le capitaine de ce bateau. Il le savait. Le destin en avait décidé autrement. Il soupira profondément puis, d'une voix calme et posée, il se résolut à lancer l'ordre exécutoire:

                                                        «Attention pour lancer, torpilles 1 et 2, lancez.»

Quand tout fut terminé, il ferma les yeux et resta plaqué un long moment contre l'oculaire du périscope, avec au fond de la gorge comme quelque chose qui ressemblait à une envie de pleurer.


190 - Samedi 27 août 2017

Ami de bêtes, ami des hommes

Assis à la terrasse d'un café baignée de soleil, ils goûtaient au plaisir de prendre le temps d'avoir le temps et de causer de choses et d'autres, de tout et de rien.

- « Tu juges cet individu avec beaucoup trop de sévérité et de pessimisme. Je suis souverainement convaincu que tes suspicieuses préventions à son égard sont magistralement infondées. Je suis foncièrement persuadé qu'il possède une sensibilité de bonne facture, certes difficile à appréhender derrière son abord plutôt agressif et colérique, mais indéniablement réelle et consistante. Je puis pleinement t'assurer qu'il n'est en lui aucune hideuse face cachée qui le rendrait perfidement capable de se montrer déplaisamment malveillant envers n'importe lequel de ses prochains. Il est d'ailleurs notoire qu'il a toujours été un ami des bêtes et chacun sait qu'un homme qui aime les animaux ne peut être mauvais.»

- « Tu me permettras de ne pas partager impétueusement ton enthousiasme et de me montrer des plus circonspects, car j'ai en mémoire que le patron de Martin Bormann était lui aussi connu pour l’attendrissante et sincère affection qu'il éprouvait pour sa chienne Blondi.»


191- Dimanche 28 août 2016

60 000 milliards de m3 d'eau dans le Sahara

 

Monsieur Asmodé Cranien de la Grestônie du Pangée, polémarque monégasque pacifiste frugivore macrobiotique, tient fondamentalement à héler préventivement et à la cantonade les naïfs, les candides et autres ingénus :

 

- Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, il n'est que les ignorants pour s'aller à sérieusement accroire qu'ils possèdent la science infuse sur tous les sujets. Il faut posséder une authentique et considérable culture pour prendre toute la mesure de l'étendue du savoir et pouvoir alors comprendre à quel point l'on est en fait ignorant. Prenons un sujet des plus simples: l' univers. Il est constitué d'atomes, n'est-ce pas? Oui, mais à 4,7% seulement. Quid du reste, alors? Il s'agit à 24% de la matière noire et à 71,4% d''énergie noire. Très bien, et qu'est-ce donc que la matière noire et l'énergie noire? La réponse est fort simple: très exactement et très précisément, nous n'en savons rien. En clair et en résumé, cela signifie que, tous les jours, nous évoluons joyeusement et innocemment dans un espace dont nous ignorons totalement la composition à 94,6%. Plutôt flippant comme truc; non?

 

Mais il est des mystères bien plus complexes et obscurs encore que celui-ci. Des mystères insondables et lancinants qui, laissés sans réponse, pourraient à plus ou moins long terme insidieusement conduire l'Homme et la civilisation sur le chemin apocalyptique de la périclitation. Le plus universel et primordial de tous est, ô combien et sans conteste, celui de l'origine de la baguette de pain. Pourtant, il n'a pas manqué de chercheurs expérimentés et audacieux pour se pencher sur cette question vitale. Mais pour l'heure, ils ne sont pas parvenus à s'entendre sur une conclusion unique et définitive. Quatre thèses coexistent.

 

Selon la première, la baguette serait apparue sous la Révolution, suite à un décret du 15 novembre 1793 stipulant que « La richesse et la pauvreté devant également disparaître du régime de l’Egalité, il ne sera plus composé un pain de fleur de farine pour le riche et un pain de son pour le pauvre. Tous les boulangers seront tenus, sous peine d’incarcération, de faire une seule sorte de pain: Le Pain Égalité ».

Pour la seconde, la baguette aurait été créée par les boulangers de l’armée napoléonienne afin de fournir aux soldats un pain qu'ils puissent aisément emporter.

La troisième affirme que la baguette est originaire de Vienne et fut importée en France par monsieur August Zang, un Autrichien qui ouvrit une boulangerie à Paris, rue Richelieu, en 1839.

Enfin, la quatrième lie la naissance de la baguette à celle du métro parisien, à la fin du XIXe siècle. Dans les galeries en chantier, les ouvriers n'auraient pas utilisé leurs couteaux que pour couper leur pain mais également lors de bagarres qui auraient été nombreuses. Afin de résoudre ce problème, l'ingénieur Fulgence Bienvenüe aurait décidé d'interdire les couteaux et pour cette raison aurait demandé à un boulanger de produire pour ses travailleurs un pain pouvant se rompre facilement à la main.

 

Quant à mon boulanger habituel, lorsque je lui ai demandé de quand datait la baguette, il m'a répondu:


                                                       « Ben, de ce matin, bien sûr, pourquoi? »

 

192 - Samedi 03 septembre 2016

 

S.H

 

L'échelle des passions ne possédait pas assez de degrés pour donner la mesure de l'intensité de son incommensurable vénération pour le personnage de Sherlock Holmes. Cet engouement effréné l'avait conduit à vouloir s'essayer aux étourdissants exercices de déductions dans lesquels excelle le célèbre détective londonien. C'est ainsi qu'un après-midi, il se rendit au jardin public. Près du monument dédié à Louis Blériot, il accosta un promeneur.

 

- « Bonjour, monsieur le chaland! Car chaland vous êtes, n'est-ce pas, puisque vous venez de procéder à un achat, en l’occurrence des bêtises de Cambrai. L'acquisition est toute récente puisque l'emballage est encore intact. Le fait que vous étiez plongé dans la lecture de l'historique imprimé au dos de la boîte, indique que vous êtes un touriste doublé d'un lettré toujours soucieux de se cultiver.

Votre long manteau, votre écharpe, vos gants, sont le signe que vous n'êtes pas un habitué des régions au temps parfois frisquet et pluvieux. Si j'ajoute à cela la couleur brune de votre chevelure, je peux en déduire que vous ne pouvez être qu'originaire du Midi.

Vous possédez des mains qui ne sont pas celles d'un travailleur manuel. Le maintien distingué qui est le vôtre, l'attitude polie et réservée avec laquelle vous m'écoutez, sont indubitablement caractéristiques d'un homme exerçant la profession de réceptionniste dans un grand hôtel.»

 

« Élémentaire, mon cher monsieur, lui répondit en souriant monsieur Benedict Cumberbatch.»

 

 

Commentaire

Je ne saurais trop recommander la série télévisée de messieurs Mark Gatiss et Steven Moffa, sobrement intitulée: « Sherlock ».

A.C.D

 

193 - Dimanche 04 septembre 2017

« Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point »


Après avoir bu lentement une gorgée de chocolat chaud, elle posa doucement sa tasse en porcelaine de Lille près du plateau d'argent dans lequel elle prit délicatement une tranche de couque. Elle en mordilla doucement un coin, avant de posément demander sa voix agréable et distinguée:

- « Ma petite Domitille-Eudoxie, vous si jolie, si fragile et encore si jeune, pourquoi désirez-vous, aussi hardiment et avec une telle vélocité, vous attacher matrimonialement à ce juvénile galant ayant pour projet bien arrêté de se dédier à la défense pédestre de la République?»

- « Mère, vous évoquez sans doute ce bon et honnête Amédée-Hyppolite qui bout, à la limite de l'évaporation, d'un ardant désir de m'épouser qui n'a d'égal que celui de s'enrôler allègrement dans l'infanterie. »

- « Précisément... »

- « Si j'ai fait choix de maritalement me lier à ce cher Amédée-Hyppolite adoré, c'est justement et avant tout à cause de sa martiale vocation. Une fois qu'il lui aura été sagement et réglementairement inculqué que la discipline faisant la force principale des armées, il importe que tout supérieur obtienne de ses subordonnés une obéissance entière, et une soumission de tous les instants, que tous les ordres soient exécutés littéralement, sans hésitation ni murmure, il me sera plus facile de lui enfoncer définitivement dans le crâne que la discipline faisant la force principale du couple, il importe que toute épouse obtienne de son mari une obéissance entière, et une soumission de tous les instants, que tous ses ordres soient exécutés littéralement, sans hésitation ni murmure.»

- « Ma fille, approchez-vous donc, qu'en toute confidentialité je vous dise un mot au creux de l'oreille. Par hasard, sauriez-vous si l'Armée accepte dans ses rangs les hommes de l'âge de votre père?»

 

194 - Samedi 10 septembre 2016

 

Chuchotements

 

Un silence feutré régnait dans le musée quasi désert à cette heure de la journée. Depuis de longues minutes, plus immobiles que des statues, deux hommes admiraient « La prise de Cambrai par Louis XIV », d'Adam François van der Meulen. L'un d'eux finit par se pencher légèrement de côté vers l'autre et murmura:

 

- « Excusez-moi, Monsieur, me permettez-vous de vous poser une question? »

 

Sans tourner la tête, le sollicité répondit à voix basse:

 

- « Oui, en quoi puis-je vous obliger, Monsieur. »

 

« Avez-vous déjà rencontré un extraterrestre? »

 

- « Ma foi, non, ou du moins personne qui ne se soit présenté à moi comme tel. Mais pourquoi me demandez-vous cela? »

 

- « Parce que, tout à l'heure, dehors, j'ai remarqué, assis sur un banc, un être étrange. Son aspect était parfaitement humanoïde, par contre son comportement n'était nullement humain. Il buvait du Coca Cola tout en s'empiffrant gloutonnement de caviar de la Gironde qu'il avait grossièrement tartiné entre deux tranches de pain à hot dog. »

 

- « Moi aussi, j'ai aperçu cet individu. Ne soyez pas inquiet. Ce n'était qu'un de ces jeunes cadres dynamiques qui, une fois sortis de leurs graphiques et courbes statistiques, ne connaissent rien à rien et en particulier à l'art de vivre. Je peux vous assurer que lorsqu'ils mangent du caviar, les vrais extraterrest... »

 

Alors qu'il ne l'avait pas fait depuis le début de leur conversation à mi-voix, le questionneur regarda son voisin et le pressa poliment mais néanmoins avec insistance. 

 

- « Vous disiez? Poursuivez donc, je vous en prie.»

 

- « Non rien, je vous assure. J'ai été enchanté de ce bref entretien. Au revoir Monsieur. »

 

Il tourna le dos à son interlocuteur et s'éloigna sans hâte. Sous ses pas tranquilles, le parquet ancien craquait élégamment. Il souriait tandis que de ses yeux jaillissaient de petits arcs de lumière d'un bleu électrique.

 

 

195 - Dimanche 11 septembre 2016

 

 

« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme »

Comme chaque samedi, le besoin d'assouvir leur passion exaltée et commune du cyclisme les avait amené à se retrouver, aux aurores, pour entreprendre une circumnavigation vélocipédique d'une dizaine de kilomètres. Sportivement et confraternellement juchés sur un tandem, ils roulaient sur une petite route de campagne de la plaine du Cambrésis, bordée à perte de vue de champs de betteraves sucrières couverts par le vaporeux flottement des derniers lambeaux de la brume du petit matin. Les pavés de la chaussée faisaient durement cahoter leur machine et à cause de ses soubresauts, leurs voix étaient empreintes de tremblements dès qu'ils prononçaient une parole.

- « C'est parce que nous tenons commerce d'amitié depuis de longues et nombreuses années, que je me permets de vous parler en toute sincérité et franchise. Les grands savants de votre trempe ne rétrogradent jamais dans leur élan lorsqu'il s'agit d'apporter à l'Humanité les lumières nouvelles qui la guideront vers les horizons enchanteurs du progrès émancipateur. Cependant, cette expérience consistant à encelluler votre femme et votre chien dans le coffre de votre voiture afin de déterminer lequel des deux a l'air le plus heureux de vous retrouver quand vous rouvrez le capot, me pousse à me demander si nous n'allons pas un peu trop loin dans les désagréments qu'il faut parfois imposer aux cobayes servant aux besoins de la recherche. »

- « Excusez-moi d'avoir freiné si brusquement, mais compagnon, vous avez raison! Je me suis coupablement laissé emporter par un enthousiasme scientifique dont j'aurais dû modérer la pétulance. Enfonçons bien nos casquettes irlandaises sur nos têtes, réajustons nos pinces à vélo et, sans perdre davantage de temps, pédalons à nouveau de concert et de bon cœur, pour prestement rallier ma demeure. Car même au nom de la science, il n'est en effet ni digne, ni humain, de laisser ainsi enfermé, dans la malle arrière de son automobile, un pauvre chien.»

 

196 Samedi 17 septembre 2016

 

« L'amour est enfant de bohème qui n'a jamais, jamais, connu de loi »

 

Un genou à terre, les deux mains sur le cœur, il lui parlait avec une infinie tendresse:

 

- « Ma chère, belle et friponne amie, je vous ai aimée dès le premier regard. Loin de vous je suis exsangue. Ce matin, à l'heure où Eos sort son char du garage, d'un marteau propice et contondant j'ai, sans trembler et avec assurance, fracassé le cochon rose en plâtre qui me tenait lieu de tire-lire. Des économies, jalousement gardées en ses entrailles, je me suis emparé afin d'investir dans l'acquisition d'une bague de fiançailles. J'ai malheureusement été contraint de renoncer au diamant que j'avais envisagé. II eût fallu pour le transporter en passer par l'usage d'un chariot élévateur dont la présence aurait nui au romantisme de cet instant. Aussi n'est-ce que ce modeste bijou de 795 carats et mon cœur et ma vie que je veux aujourd'hui déposer à vos pieds. Ma douce chérie, accepteriez-vous, en un oui solennel, de devenir ma femme? »

 

- « Mais enfin, mon adjudant, si je peux me permettre, est-ce que vous vous rendez bien compte que vous êtes présentement en train de demander sa main à une MAG 58? »

 

- « Je t'en prie sergent. S'il te plaît, ne sois pas raciste. »

 

 

 

197- Dimanche 18 septembre 2016

 

 

« Le glaive de la justice atteint toujours le cœur du coupable »

 

C'était une cave exiguë aux murs noirs rongés par le salpêtre et suintants d'humidité, avec un soupirail aux barreaux rouillés, masqué par un rideau crasseux, plus loqueteux qu'une vieille serpillière. L'obscurité qui y régnait, n'était percée que par le faible halo de la frileuse lueur d'une poussiéreuse ampoule qui se balançait misérablement au bout de son fil électrique, au gré des courants d'air. En cette brouillardeuse nuit de novembre, les gros rats d'égouts et les énormes araignées noires qui vivaient là, observaient, dans la pénombre et en restant sur leur garde, l'inquiétant propriétaire de cet antre de cauchemar.

 

Assis sur un vieux tabouret bancal et vermoulu, il était penché sur une mauvaise table en bois mal équarrie. Il écrivait, péniblement, d'une main maladroite et en tirant laborieusement la langue. Chaque fois qu'il avait terminé une page, il s'essuyait les lèvres d'un revers de bras, émettait un soupir de contentement puis poussait un petit rire sardonique et nasillard qui faisait froid dans le dos, avant de poser la feuille de papier d'un geste brusque sur la pile qui était devant lui.

 

Quarante huit heures plus tard, il fut littéralement ébahi, non seulement par le fait que les gendarmes avaient pu le démasquer, mais également par la célérité avec laquelle ils y étaient parvenus. Il en était resté les yeux écarquillés et la bouche bée de sidération et d'incompréhension lorsqu'ils étaient venus l’appréhender. Afin qu'il ne restât pas en cet état de pharamineuse stupeur, les militaires lui donnèrent charitablement et modestement la clef du mystère de son arrestation.

 

Ils lui expliquèrent qu'en signant ses textes: « Un ami qui vous veut du bien », il était somme toute resté dans la tradition, l'usuel, le classique. Il avait sagement respecté les normes habituellement en vigueur dans sa branche. En revanche, il avait réellement fait preuve d'une initiative inédite et des plus originales dans le traitement des enveloppes. Avant lui, aucun membre de l’honorable corporation des auteurs de lettres anonymes n'avait eu l'heureuse idée d’inscrire bien proprement, aux dos de celles-ci, ses nom et adresse.

 

 

198 - Samedi 24 septembre 2016

Bienvenue, étranger

 

De plus en plus de Citoyens éprouvent comme la vague impression que nombre de responsables politiques sont aujourd'hui quelque peu rebutés à l'idée de devoir consentir à recevoir des étrangers sur le territoire de la République. C'est là leur faire un bien mauvais procès que d'oser concevoir d'aussi coupables pensées parce que, comme le dit l'un de leurs éléments de langage préféré, « c'est quand même un peu plus compliqué qu'ça ».

 

En effet, les suspicieux et autres dubitatifs ignorent sans aucun doute que les politiciens sont de grands affectifs. On ne peut prétendre intrinsèquement comprendre leur mode de fonctionnement si l'on méconnaît le rôle primordial qu'y joue la sympathie. Ainsi, dès lors que l'étranger fait l'effort de se montrer sympathique, ils sont prêts à l’accueillir à bras ouverts et même à lui dérouler le tapis rouge.

 

Alors, pour qu'un étranger se rendre sympathique auprès des politiques, comment ça marche? C'est très facile. Il faut simplement manifester son intérêt pour les œuvres caritatives et les produits du terroir. Pour le caritatif, déposer des fonds substantiels dans les coffres de grandes banques ou groupes financiers, permettra immédiatement et facilement de nouer de chaleureux liens amicaux. En ce qui concerne les produits du terroir, seront tout particulièrement cordialement appréciés ceux qui n'hésiteront pas à remplir, sans compter, leurs cabas de centrales nucléaires, d'armements lourds et autres souvenirs typiques de ce genre.

 

 

199 - Dimanche 25 septembre 2016

Débat de fond

- « Monsieur, après ce que je viens de vous voir accomplir, verriez-vous un inconvénient à ce que nous devisions ensemble, un succinct instant, afin d'intellectuellement nous pencher sur quelques considérations formelles?

- « Monsieur, accordez-moi, je vous en conjure, l’extrême faveur d'accepter mon entier et amical agrément.»

- « Je ne sais comment vous exprimer toute la reconnaissance qui est mienne pour l'exquise amabilité qui est vôtre. Or donc, cher monsieur, vous me voyez profondément au regret de vous aviser que l'acte que vous avez effectué à l'instant, en aucun cas, ne se doit faire.»

- « Veuillez donc m'offrir le chamboulant privilège de satisfaire à mon inconvenante curiosité en m'indiquant en vertu de quel principe supérieur il en va ainsi? »

- « Je ne fais ici qu’humblement et éruditement me référer aux commandements de l'éblouissante et talentueuse somme écrite d'une plume affirmative et retentissante par le baron Eloy-Amaury de la Gerbille du Parc de la Neuveville.»

- « Vous me voyez navré et fâché au plus profond de moi-même d'avoir le triste et pénible devoir de porter à votre connaissance que, si ce pauvre monsieur Gutenberg avait encore été de ce monde, il aurait indubitablement et catégoriquement interdit que l'on fasse usage de son invention au profit de ce sommet d'inepties présomptueusement commis par ce désolant et inculte ci-devant.»

- « Je suis peiné au plus haut point d'un jugement aussi infondé, indiscutablement dû à une ignorance innée des comportements appropriés. Cependant, je m'estimerais profondément indigne si j'avais l'inélégance de vous en faire reproche. Sachez qu' il n'est dans mes intentions que de charitablement vous signifier à quel point vous vous fourvoyez.»

- « Cette émouvante marque de philanthropie, qui me touche énormément, est toute à votre honneur. Elle rend encore plus vive ma confusion de ne pouvoir abonder dans votre sens. Je suis particulièrement expert sur les bonnes et saines pratiques à adopter et extrêmement vétilleux quant à leur application. Aussi, vous serais-je grandement gré d'avoir l'obligeance de renoncer à vouloir m’inciter à abdiquer une manière d'agir que je sais pertinemment juste et opportune. »

- « Juste ciel, monsieur! Pardonnez-moi d'insister de la sorte, mais comment peut-on, en étant doué de raison, ne pas considérer comme une infâme hérésie le fait de touiller son yaourt dans le sens inverse des aiguilles d'une montre?!»

 

200 - Samedi 01 octobre 2016

Polémique d'une brûlante actualité

Monsieur Fulbert Cratère Antipater Le Jeune est affineur clandestin de vieux Lille dans les abris anti atomiques souterrains la BA103. Compte tenu du manque criant de moyens et d’effectifs dont souffre actuellement la Défense Nationale, cette base a été opportunément et urgemment fermée pour être prochainement recyclée en un plaisant super-chouette mega hub pour le e-commerce. Or, voici donc que monsieur Fulbert Cratère Antipater Le Jeune, tout rempli d'un tumultueux mais néanmoins juste courroux, s'insurge héroïquement.

« Maintenant, c'en est assez! Cela suffit! Nous ne pouvons davantage endurer qu'un triste ramassis d'abêtis, se prenant pour des élites omniscientes, puissent ainsi impunément continuer à sauvagement renverser les bornes de la frontière du tolérable. Quand cesseront-ils enfin de faire scandaleusement et injurieusement grief à monsieur de la Fontaine d'avoir puisé, à la louche, dans l’œuvre de monsieur Esope? Qu'il leur soit donc objecté avec force et conviction que monsieur de la Fontaine ne s'est pas autorisé à malhonnêtement reproduire les œuvres de monsieur Esope, mais qu'il s'en est modestement et talentueusement inspiré. Mais un bref exemple, vaut mieux qu’un long discours.»

Du Chien et de son image

Un Chien traversant une rivière sur une planche, tenait dans sa gueule un morceau de chair, que la lumière du Soleil fit paraître plus gros dans l’eau, comme c’est l’ordinaire. Son avidité le poussa à vouloir prendre ce qu’il voyait, et il lâcha ce qu’il portait, pour courir après cette ombre. C’est ainsi que sa gourmandise fut trompée, et il apprit à ses dépens qu’il vaut mieux conserver ce que l’on possède, que de courir après ce qu’on n’a pas.

Esope

Le Chien lâchant sa proie pour l’ombre

Chacun se trompe ici-bas :
On voit courir après l’ombre
Tant de fous qu’on n’en sait pas
La plupart du temps le nombre.
Au Chien dont parle Ésope il faut les renvoyer.
Ce Chien, voyant sa proie en l’eau représentée,
La quitta pour l’image, et pensa se noyer.
La rivière devint tout d’un coup agitée ;
A toute peine il regagna les bords,
Et n’eut ni l’ombre ni le corps.

Jean de La Fontaine

 

Commentaire

 

D'accord, mais Esope, il était capable d'écrire tous ses textes en grec ancien, lui.

Αἴσωπος

201- Dimanche 02 octobre 2016

Moi, de mon temps

Le costume, la chemise ouverte, la coupe de cheveux et la barbe du jeune homme, étaient fidèlement conformes aux canons de la dernière mode. Une réunion de travail l'avait amené non loin du village où habitait son grand-père. Avant de prendre le chemin du retour, il avait décidé de faire un petit détour afin de lui rendre visite. Le soir n'était pas encore tombé et ils profitaient de la fin de l'après-midi pour déambuler paisiblement dans les allées du potager, entretenu avec soin par le vieil homme. Tout en marchant, il racontait la vie d'antan à son petit-fils .

Il se rappelait la ferme à deux kilomètres de chez lui où il allait chercher le lait, en vélo. Les pièces d'habitation, l'écurie, l'étable, faisaient partie d'un seul et même corps de bâtiment. Les poules picoraient dans le pré attenant au fond de la cour, mangeaient des vers de terre, des restes de cuisine. Les vaches broutaient de l'herbe fraîche et allaitaient leurs veaux.

C'était la fermière qui s'occupait de la vente du lait. Il la suivait jusqu'à une remise où des hirondelles avaient accroché leurs nids aux poutres du plafond. C'était là que se trouvaient la baratte à beurre et les grands seaux remplis de lait chaud et mousseux, à peine sorti du pis. L'agricultrice y puisait à la louche pour remplir le pot d'aluminium qu'il lui tendait. Le couvercle censé l'obturer avait depuis longtemps préféré renoncer à se souvenir de la signification des mots: « fermer hermétiquement ». Contre l'un des murs de la pièce, il y avait aussi un saloir avec des planches en bois sur lesquelles des fromages s'égouttaient, lentement, à l'air libre.

Le jeune homme avait remarquablement bien enduré et résisté. Il avait fait preuve d'un stoïcisme et d'un courage dont aucun de ses semblables n'aurait certainement été capable. Mais ses forces finirent par s'épuiser et le trahir. Il tourna de l'oeil, perdit connaissance et tomba sur le dos, les bras en croix, dans un carré d'ails. Toutes ces visions d'horreur décrites par son aïeul, c'était beaucoup plus que ne pouvait en supporter l'agent du Service de l'Hygiène de la Direction Départementale de l'Agriculture qu'il était et qui n'avait jamais rien connu d'autre que l'univers aseptisé, stérilisé, désinfecté, pasteurisé, des normes et réglements hygénistes européens.

 

202 -Samedi 08 octobre 2016

La tête de l'emploi

- « Ah ! Monsieur! Entrons tout de go et sans complexe dans le vif du sujet. Je me présente donc sans plus de cérémonie. Je suis Cassandre Polyperchon. Il y a moins d'un instant encore, je vaquais bourgeoisement à mes activités habituelles lorsque le hasard voulut que je posasse les yeux sur votre petite annonce. J’interromps alors sur le champ le cours de mes occupations domestiques. Je me vêts, je me meus et paf ! Me voici! Pourquoi vous ai-je choisi parmi les innombrables et alléchantes opportunités qui s'offrent à moi? Je ne saurai le dire; l'instinct, l'inspiration, l'intuition, sans doute, mais qu'importe.

 

Vous cherchez the number one de l'élite des chasseurs de têtes d'exception et vous avez déjà deviné que je suis, en ce domaine, la vivante image de l'inaccessible idéal qui surpasse tout ce que vous avez pu espérer dans vos rêves les plus fous. Non, ne niez pas, c'est inutile, je ne pourrais vous croire. Alors, halte au feu! Cessez votre impossible quête! Topez là, prenez-moi dans vos bras, serrez-moi contre votre sein puissant et généreux, avant que je ne me saisisse du stylo que vous brûlez de me tendre afin que je signe mon contrat.

 

Avec moi, vous verrez, finies les erreurs, les méprises, les bévues. Je jauge, je sens, que dis-je, je flaire le postulant idéal. D'un seul et unique demi-coup d’œil, je sais toujours avec certitude à qui j'ai affaire en face de moi.»

 

- « Oui... je vois tout à fait ce que vous voulez dire... Mais la banque qui cherche un recruteur, c'est la porte juste à côté. Ici, vous êtes dans une boucherie. Sinon, si vous voulez, là, en ce moment, j'ai de la très belle escalope de veau. »

 

 

203 - Dimanche 09 octobre 2016

«Il était grand, il était beau, il sentait bon le sable chaud »

L'information était primordiale et de grande importance puisqu'il s'agissait de lui. Il s'était rendu compte, tout seul, par lui-même et personnellement, qu'il ne pouvait battre, dans une poitrine, cœur plus grand que le sien.

Afin que le monde ingénu ne l'ignorât pas innocemment plus longtemps et s'en extasiât à satiété, il s'était senti impérieusement obligé de l'en aviser. Par le truchement des réseaux sociaux, il diffusa donc un émouvant message qui allait grave bouleverser toutes les chaumières connectées.

« Ah! Mon Dieu! Laissez moi me griffer le visage, me couvrir la tête de cendre et hurler comme le canis lupus qui a la papatte enserrée dans les crocs acérés des mâchoires de fer d'un abominable piège à loup. Comment se faisse qu'avec la sensibilité à nul autre pareille dont je suis tout pétri, qu'avec la compassion sans égale dont je suis empli, il puisse se faire que je me fusse trouvé en l'état de survivre à l'absence de tous ceux qui m'ont quitté pour s'en aller en votre paradis, avait-il sobrement écrit.»

A ce questionnement existentiel d'une si ébahissante profondeur et hauteur de pensée, le commun, le tout venant, répondraient trivialement que l'instinct de survie, qui est inscrit au plus profond de chacun, y est peut-être pour quelque chose. Ils ajouteraient sans doute également que, dans de telles circonstances, il faut être quelque peu nombriliste pour ne se soucier que de pleurer sur son sort et ignorer que la grandeur et la servitude de l'Homme sont de trouver la force de continuer d'exister, vaille que vaille, parce qu'il y a tant à faire sur cette Terre pour ceux qui vivent autour de vous. Mais ce ne sont là qu'idées de petites gens, d'individus de peu, de gueux qui n’apprécient guère les jeteurs de poudre aux yeux qui essaient de se faire passer pour plus épatants et glorieux qu'ils ne le sont réellement.

Commentaire

Un camarade ne doit jamais vous abandonner. Cependant, comment lui en vouloir quand il a pour excuse d'avoir perdu la vie? Là, il a même le droit de vous faire pleurer, ce fichu lâcheur.

Anonyme

 

204 – Samedi 15 octobre 2016

Patrimoine historique

Elle lui tapota doucement sur l'épaule pour lui demander ce qu'il faisait. Il était dévotement plongé dans un chapitre consacré au genièvre. Sur un ton quasiment liturgique, il se mit à lire pour elle, à haute voix.

 

« Le genièvre est un alcool titrant de 35° à 49°. Il est élaboré à partir de blé, de seigle, d'avoine, d'orge, maltés et de baies de genévrier distillés ensemble. Ensuite, il est soit mis en bouteille et prêt à consommer, soit conservé pendant plusieurs années en fût de chêne. Il est avant tout connu dans le Nord, son pays d'origine. Voici son histoire.

 

Au XVIe siècle apparaît en Hollande une nouvelle eau-de-vie appelée genova. A la fin du XVIIe siècle, sa recette est reprise en France. Rebaptisé genièvre, elle est produite par les agriculteurs dans les fermes de Flandre. La première grande distillerie de genièvre ouvre ses portes à Dunkerque, en 1755. Au début du XVIIIe siècle, la région du Nord en compte plus de soixante dix et début vingtième, une centaine. A cause de la forte concurrence du whisky, du gin et du cognac, aujourd'hui, elles ne sont plus que deux. »

 

Il posa son livre sur l’accoudoir du canapé et se tourna vers elle. Elle le fixait d'un regard flou, un sourire béat aux lèvres. En fait, elle avait assez rapidement arrêté de boire ses paroles pour discrètement et directement boire ce fameux genièvre qui est un alcool titrant de 35° à 49°, élaboré à partir de blé, de seigle, d'avoine, d'orge, maltés et de baies de genévrier, etc... etc..

 

205 - dimanche 16 octobre 2016

Conteur

Il était une fois un financier qui vivait dans un grand et somptueux hôtel particulier et qui avait pour voisin un humble savetier qui, de l'aube au crépuscule, œuvrait en chantant. Un jour, il fit mander le brave artisan et lui prescrit de confectionner une paire de pantoufles de vair. Il les offrit à une reine qui était la marâtre d'une princesse appelée Blanche Cendre. Le dernier samedi du mois, qui était un 25, à moins que ce ne fût le 26, la reine, toute bien pomponnée et bichonnée, demanda à son miroir magique:

 

- « Miroir, mon beau miroir, est-ce que ce soir je serai la plus belle pour aller danser? »

 

Il lui répondit:

 

« Ah ben là, je suis quand même obligé de dire que non. Je veux pas cafter, mais Blanche Cendre a perdu une de tes pantoufles de vair. Alors, ma pauvre bichette, avec une seule godasse aux pieds, au bal, tu risques d'avoir un petit peu l'air d'une citrouille bancale. Et puis pour ce qui est de guincher avec le beau prince charmant, je t'en parle même pas. Tu peux faire une belle croix dessus. »

 

Bien que ce ne fût pas encore l'ouverture de la chasse, parce que l'on devait être en mars, à moins que ce fût avril, la reine ordonna à un chasseur de coller un bon coup de douze à Blanche Cendre, afin de lui apprendre à avoir soin des affaires des autres et à ne pas sans servir sans leur permission. La fée Clochette, qui volait par là en rase-mottes et en mode furtif, entendit tout. Elle passa en Mach 3 pour aller, au plus vite, prévenir, Blanche Cendre de la punition sévère, mais néanmoins méritée, qui l'attendait.

 

Honteuse et confuse, la pauvre Blanche Cendre s'enfuit à toutes jambes dans la forêt de Brocéliande. Tout en courant comme une dératée, elle semait derrière elle de petits cailloux blancs. C'était une super ruse pour que si le chasseur il détecte la piste de Blanche Cendre, il croit que c'est celle du Petit Poucet et du coup il ira voir ailleurs si Blanche Cendre elle y est. Le chasseur ne parvint pas à retrouver Blanche Cendre. S'en retournant au château, il vit soudain une vieille sorcière, VRP en pommes empoisonnées, plantée au beau milieu de la route, le nez au vent. Comme il ne voulait pas rentrer bredouille, il l'abattit d'un seul coup bien placé entre les deux yeux.

 

Au bout d'une cinquantaine de kilomètres de course effrénée, à moins que ce ne fût une soixantaine, Blanche Cendre tomba nez à nez avec le Petit Chaperon Rouge qui l'emmena chez sa mère-grand qui vivait en concubinage avec le loup, les trois petits cochons et les sept nains. Chez la mémé, près du frigo rempli de bières, il y avait un chouette rocking-chair texan. Blanche Cendre s'assit dessus sans faire attention à la quenouille anesthésiante qui s'y trouvait. Et c'est ainsi qu'elle fut piquée à la fesse droite, à moins que ce ne fût la gauche, et qu'elle s'endormit instantanément pour quatre vingt dix-neuf ans et un jour. Alors, Zorro est arrivé, le grand Zorro, le beau Zorro et …

 

Bon, il faut se rendre à l'évidence. Finalement, n'est pas plagiaire qui veut.

 

 

206 - Samedi 22 Octobre 2016

 

Logique

 

                                                                      Monsieur le désastreux littérateur,

 

 

 

                                                             En réponse à votre réponse, je souhaiterais d'abord vous rappeler, in extenso, la partie principale de votre réponse:

 

« Monsieur le critiqueur littéraire, je vous reconnais et défends même inconditionnellement votre droit de m'éreinter sans aucun discernement de manière attilesque. Je regrette également sincèrement et infiniment que chacun de mes écrits déclenche immanquablement et systématiquement en vous des nausées autant intellectuelles que gastriques. Mais dans ce cas, pourquoi, diable, tenez-vous ainsi à garder cette habitude, pour le moins singulière et masochiste, de parcourir, sans en omettre un seul, chacun de mes opuscules dès qu'ils sont édités? Les ignorer purement et simplement, vous éviterait les profonds et désagréables chagrinements qu'ils peuvent vous occasionner.»

 

Monsieur le soit-disant auteur, contrairement à ce que vous semblez présomptueusement croire, je n'ai jamais eu le triste et navrant honneur de faire partie du nombre, certainement étique, de vos lecteurs. Le fait d'être le plus assidu et le plus implacable de vos détracteurs ne signifie, en aucun cas, que je m'impose l'obligation de prendre connaissance de vos œuvres. Je dois à la vérité d'avouer que je n'en ai jamais lu la moindre ligne et n'ai absolument pas l'intention de le faire un jour. Par conséquent, je suis au regret de vous signifier que vos bons et aimables conseils sont nuls et non avenus.

 

 

                              Veuillez, Monsieur, agréer l’expression de ma très dédaigneuse désobligeance

                        et accepter, qu'avec la plus profonde irrévérence, je sois le plus hostile de vos dénigreurs.

 

 

 

207- Dimanche 23 octobre 2016


Misogynes

 

Comme chaque fin de semaine, il s'était rendu au marché pour faire une provision diverse et variée d'aliments sains, frais et digestes. Avec l'esprit tranquille de l'homme serein qui a honorablement accompli sa tâche, d'un pas tranquille et auguste, il s'apprêtait à regagner posément sa paisible demeure, lorsqu'un inconnu lui serra inopinément et chaleureusement la main. A l'évidence, tout en lui avait été soigneusement étudié pour lui donner une allure sympathique et décontractée: pas de veste, une chemise aux manches retroussées mais quand même cravatée, un large sourire aux dents bien blanches, une mine engageante et des plus aimables.

 

- « Bonjour cher monsieur! C'est la plus improbable et la plus inspirée des providences qui vous a fait croiser mon chemin. J'ai tout de suite senti en vous des sentiments aux miens pareils. Comme moi vous regrettez et pleurez, aussi pudiquement que discrètement, ces temps qui, naguère, étaient folâtres et festifs. De nos jours, l'ambiance générale est aussi gaie et enthousiasmante qu'une veillée funèbre dans les catacombes, un jour de Toussaint.

 

Poussé par une irrépressible pulsion, j'ai pris la ferme et superbe décision de me consacrer au service de l'Humanité en général et de la République française en particulier. Je serai l'homme qui arrachera la lourde et poussiéreuse couverture laineuse de la morosité pour la remplacer par le soyeux et léger drap de satin du bonheur. De bon goût et familial, mon programme est aussi simple que lumineux. Je vous le soumets avec fierté, pas plus tard que tout de suite. Je suis convaincu que le citoyen concerné, l'électeur éclairé que vous êtes, sera emballé et brûlera de m'accorder son suffrage à la prochaine et imminente élection. Je demande, songez-y bien, le rétablissement immédiat et sans sommations, de la polygamie. Alors qu'en dites-vous? »

 

- « La polygamie... On ne vivrait plus qu'avec une seule femme mais avec plusieurs. C'est bien cela? »

 

- « Mais, ouiiiiiiii, cher ami!»

 

- « Mouais, dites moi jeune homme, vous n'avez sans doute jamais été marié, n'est-ce pas? »

 

208 -Samedi 29 octobre 2016


« Il n'y a pas de meilleur placement pour un pays que de mettre du lait dans des enfants »

« Le terme d’économiste désigne un spécialiste expert en sciences économiques. Il élabore des concepts et théories pour conseiller les décisionnaires politiques, industriels et commerciaux. »

 

Après avoir lu trois fois cette affirmative et lapidaire définition afin de bien s'en imprégner, il croisa les bras et hocha dubitativement la tête. A voir où en est aujourd'hui rendu le monde, il me semble plutôt, pensa-t-il révolté, que ces prétendus spécialistes sont avant tout experts dans l'art de s'assurer et de conserver de confortables sinécures auprès ce ceux qui ont besoin d'eux pour diffuser un discours allant dans le sens de leurs intérêts et de leurs pouvoirs.

 

Commentaire

Economiste: expert qui saura demain pourquoi ce qu'il a prédit hier n'est pas arrivé aujourd'hui.

Pierre Desproges

 

Messieurs, en allant ainsi aussi vite en besogne, vous mettez trop rapidement et injustement tous les économistes dans le même panier. Parmi eux, il existe des gens intègres et sérieux, sans aucune attache avec certains lobbies, partis politiques, grandes entreprises ou groupes financiers, comme par exemple Messieurs Frédéric Lordon et Serge Halimi où leurs honorables collègues du collectif des Economistes Atterrés.

Nervien

 

 

209 - Dimanche 30 octobre 2016

 

Inutile d'insister

 

C'était la fin de l'après-midi d'un des derniers jours du mois d'octobre. Le ciel gris et bas  incitait au vague à l’âme. Le froid d'automne se faisait sentir mais n'était pas encore assez vif pour être vraiment désagréable. Il sortit du bâtiment de la compagnie devant lequel ses hommes avaient été regroupés. Le sergent-chef ordonna le garde-à-vous, fit un demi-droite impeccable et le salua. Il lui rendit son salut, les salua, les mis au repos et prit la parole.

 

« Messieurs, j'ai tenu à ce rassemblement impromptu parce qu'il m'est parvenu une information selon laquelle une déplorable rumeur se propageait insidieusement dans notre section. Selon mes renseignements, ce mal sournois se développerait dans nos valeureux et vaillants rangs avec la rapidité et la malignité d'une épidémie de choléra. Soucieux de votre moral et de notre prestige, j'ai décidé d'agir avec fermeté. Je vais devant vos yeux ébahis, en moins d'une minute chrono et sans pitié, écraser dans l’œuf cette hypocrite tentative d'intoxication et de déstabilisation de notre valeureuse unité. Pour ce faire, petit un, vous allez tous m'ouvrir grandes vos oreilles et, petit deux, vous gravez dans le cigare, en lettres capitales, ce que je vais avoir le plaisir et l'honneur de vous dire.

 

L'adjudant, marié et père de famille de trois enfants que je suis, n'a aucunement l'intention de répondre favorablement à toute requête qui pourrait lui être faite de se vêtir d'atours gothiques ou vampiriques pour assurer sa garde de sous-officier de permanence durant la nuit d' Halloween. Et celui qui se risquerait quand même à  me soumettre une telle demande, peut-être assuré d'un contact des plus rudes entre mon 45 fillette et une partie de son anatomie que la décence m'interdit de nommer.

 

Ma décision est d'autant plus irrévocable que le capitaine m'a formellement assuré que j'étais bien plus sexy en costume de majorette. »

 

 

210 - Samedi 05 novembre 2016

 

Pax vobiscum

 

- « Pardonnez-moi, Monsieur, de m'immiscer aussi inopportunément que promptement, mais vous voyant serrer à deux mains le bras gauche de cet autre Monsieur pour lui mordre rageusement et à belles dents le biceps, tandis que de sa main libre il vous bourre l'estomac de coups de poing, de manière répétitive et inintérrompue, j'ai cru de mon devoir d'intervenir. Alors, voilà, j'interviens. »

 

- « Ne vous laissez pas abuser par de trompeuses apparences qui risqueraient de vous conduire à une regrettable méprise.Vous vous trouvâtes céans simplement confronté à l'expression virile et quelque peu démonstrative, il est vrai, d'un désaccord bénin comme il peut banalement s'en produire entre deux vieux amis de longue date. En somme, vous frôlâtres l'erreur judiciaire, gendarme. »

 

- « Veuillez donc m'excuser, puisque l'espace d'un instant, je l'avoue, l'idée d'être en présence d'une féroce rixe sur la voie publique, m'a impétueusement effleuré l'esprit. Je m'en voudrais également de faire preuve d'une quelconque coupable indiscrétion, mais puis-je cependant vous demander la raison de votre fripon et amical différent? »

 

- « Nous discutions à bâton rompu pour déterminer lequel de nous deux était le plus digne d'assurer la présidence de la L.F.E.D.I.N.V.Q, la Ligue Française pour l'Essor et le Déploiement Intensif de la Non-Violence au Quotidien. »

 

 

211 - Dimanche 06 novembre 2016

Monstrueux

Aussi loin que sa mémoire puisse se souvenir, il n'avait jamais vu se manifester aussi haineusement un tel mépris de la civilisation. L'homme avait mis des millénaires pour parvenir à dominer victorieusement ses féroces et bestiaux instincts et avantageusement les remplacer par les raffinements d'un comportement empreint de civilité et d'urbanité. Et voici que devant ses yeux effarés, un farouche impitoyable, un violent inhumain, un brusque insensible, s'était benoîtement et sans remords livré à un acte d'une terrorisante sauvagerie. Cet agissement, dont il venait d'être le témoin indigné, était à ce point ignominieux qu'il ébranla puissamment sa foi aveugle en une Humanité inéluctablement vouée à obstinément repousser toujours plus loin les limites du progrès.

 

Jamais, il n’aurait osé imaginer qu’un comportement d'une aussi terrifiante animalité puissent encore exister. Ce à quoi il venait d’assister, personne n'aurait eu l'idée de seulement suspecter la dernière la bête d'en être capable, d'être assez vile pour se laisser aller à s'abaisser aussi bas. Son âme en fut si hautement bouleversée que, pour la première fois de son existence, il ne put s'empêcher de se départir de sa coutumière et inébranlable impassibilité. Aussi désagréable que soit un tel constat, il se trouva dans l'obligation de devoir à la vérité de convenir qu'il n'avait effectivement pas pu se maîtriser. Il dut se l'avouer en face et sans détour: il avait tiqué.

 

Mais l'émotion devait maintenant faire place à l'initiative. Rester passif en un pareil moment eût été faire preuve d'un coupable et inacceptable renoncement aux valeurs les plus élevées de la conscience humaine. Une légitime et ferme action s'imposait derechef. Sans hésiter, il apostropha le féroce brutal et le tança vertement. Quelle sorte d'affreux vilain méchant êtes-vous donc, lui dit-il, pour avoir eu l'insoutenable cruauté, avant de le découper, de tapoter avec le plat de votre couteau le sommet de votre pauvre et innocent œuf à la coque?

 

 

212 - Vendredi 11 novembre 2016

 

 

La chanson de Craonne

 

Quand au bout de huit jours le repos terminé,
On va reprendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros, comme dans un sanglot
On dit adieu aux civilots.
Même sans tambours, même sans trompettes,
On s'en va là-haut en baissant la tête

Refrain:
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne sur le plateau
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés,
Nous sommes les sacrifiés.


Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la relève,
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre sous la pluie qui tombe,
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.

Refrain

 

C'est malheureux de voir sur les grands boulevards
Tous ces gros qui font la foire.
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la même chose.
Au lieu de se cacher tous ces embusqués
Feraient mieux de monter aux tranchées
Pour défendre leur bien, car nous n'avons rien,
Nous autres les pauvres purotins.
Tous les camarades sont enterrés là
Pour défendre les biens de ces messieurs-là.

Refrain


Ceux qu'ont le pognon, ceux-là reviendront
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les troufions
Vont tous se mettre en grève.
Ce sera votre tour, messieurs les gros
De monter sur le plateau
Car si vous voulez faire la guerre
Payez-la de votre peau.

 

Auteur inconnu - 1917

 

 

213 – Dimanche 13 novembre 2016

 

 

« Tout ça ne vaut pas un clair de lune à Maubeuge »

 

Pour en avoir le cœur net, il prit l'initiative de téléphoniquement se renseigner.

 

- « Bonjour, c'est votre acon prodigue et attitré à l'appareil. Dites-moi, mon bon mercanti, je viens de recevoir le prospectus que vous m'avez envoyé en recommandé avec accusé de réception.»

 

- « Cette réjouissante nouvelle me comble d'une joie sans mélange et m'emplit d’allégresse, cher et cajolé pratique. C'est une offre exceptionnelle, une exclusivité privilégiée qui, je n’hésite pas à le dire tout de go, frise le passe-droit. Je vous l'ai tout spécialement réservée à l'occasion de votre anniversaire de mariage que je sais proche. Et cela, vous n'aurez pas manqué de le remarquer, pour un prix dont souligner qu'il est modique est un pléonasme.

 

- « Il s'agit donc, je cite, d'un lent périple romantique au cœur de la nuit, à bord d'un charmant esquif fendant des flots ombreux et calmes où se reflètent les dansantes lueurs tombant des vénérables murs moussus qui longent les berges. Loin des bruyantes trépidations de la cité surmenée, vous goûterez à un calme que vous ne trouverez nulle part ailleurs et pourrez communier avec la nature au contact d'une faune inaccoutumée et sauvage mais néanmoins très paisible.

 

Une fois que l'on a traduit votre sabir commercial en langage des honnêtes gens, tout cela signifie en fait que vous nous proposez, tout simplement, à ma chère et tendre ainsi qu'à moi-même, de faire une balade en barque limoneuse sur les eaux fangeuses et dans la semi-obscurité des égouts de la ville, avec en prime des rats crevés flottant le ventre en l'air. Me trompe-je ? »

 

 

214- Samedi 19 novembre 2016

Objectivement fan

Il ne se passe pas un jour, même férié, sans que je ne reçoive un mail me congratulant pour mon extaordinaire don à génialement subodorer les désirs de l'élite du plus intransigeant des lectorats et pour me féliciter du magistral discernement qui m'a conduit à génialement répondre à ses attentes en éditant votre remarquable site, d'une manière absolument parfaite et digne d'éloges. Invariablement, l'on souligne également, qu'en publiant vos lignes, je donne la plus éclante des preuves de ma manière magnifique d'exercer mon métier, dont la beauté et la noblesse n'ont rien à envier au plus exigeant des apostolats. Chaque samedi et chaque dimanche, mon nom est, paraît-il, loué avec dévotion aux plus hauts des cieux par tous ceux qui, grâce à moi, peuvent avoir accès vos lignes qui emplissent le coeur de chacun d'une joie et d'une émotion radieuses.

 

Même si je ne saurais être complètement insensible à ce flot de flatteries éhontées, elles ne peuvent, vous comme moi nous le savons, avoir une quelconque influence sur ma personne puisque, en tant qu'administrateur de site, mes responsabilités sont techniques et non éditoriales. Afin que ma boîte mail puisse, de temps en temps, goûter à un repos bien mérité, vous serait-il donc possible, s'il vous plaît, d'expliquer cela à Madame votre Maman, monsieur Nervien.

 

215 - Dimanche 20 novembre 2016

Défenseurs acharnés de la République

Monsieur Théopompe Evergète, argyraspide cuvillois et, à ses heures perdues, éditeur indépendant spécialisé dans la publication, sur papyrus synthétiques, des décrets ptolémaïques postaristotéliciens, relève:

 

« Lorsqu'il fallut changer certains armements de nos soldats, les dirigeants de notre doulce France, présents ou passés, et qui aspirent à le rester ou à le redevenir, n'ont pas hésité, d'une part, à signer l'arrêt de mort de toute une partie de notre industrie de l'armement et, d'autre part, à dangereusement écorner le principe voulant que la République assure sa défense elle-même et par ses propres moyens. En effet, ils ont fait le choix de sciemment abandonner les productions nationales au profit de pistolets conçus par l'Italie, de mitrailleuses produites en Belgique, de fusils fabriqués par l'Allemagne, et de munitions provenant des Etats-Unis, du Royaume-Uni, d'Israël et d'Arabie Saoudite.

 

Et ce sont les mêmes qui jurent leurs grands dieux qu'ils ne sauraient tolérer, ne fût-ce qu’un seul instant, que soit mis en doute la réalité de leur farouche volonté de préserver les valeurs républicaines et l'indépendance nationale. La main sur le cœur et avec de poignants trémolos dans la voix, ils n'ont pas assez de mots pour nous certifier, sur leur honneur, qu'ils s'interdisent formellement toute démagogie dans ce domaine qu'ils considèrent comme le plus sacré de tous.

 

Fort de ce constat, je ne serais qu'à moitié étonné de prochainement apprendre qu'ils ont décidé de ne conserver de nos Armées que la Légion Etrangère.»

 

Commentaire

De Gaulle, Clemenceau, Foch, Napoléon, Turenne et consorts peuvent bien se retourner dans leurs tombes, des armes pas françaises, moi ça ne me gêne pas. Ça permet de baisser mes impôts et du coup je vais pouvoir m'acheter un troisième yacht, sous pavillon panaméen, bien entendu. Et pour ce qui est des étrangers, c'est pareil. Tant qu'ils viennent chez nous pour s'engager dans la Légion et se battre à notre place, ils ne me dérangent pas.

 

Je n'ai pas le temps de signer, j'ai piscine.

 

216- Samedi 26 novembre 2016

 

« Le HK 416 a été supérieur aux autres fusils d'assaut. C'est la Rolls des fusils d'assaut et                                                                                           la meilleure arme   du monde »

                                Monsieur Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense de la République française

 

 

 

Le fusil HK 416, fabriqué par Heckler et Koch, est une reprise, non modernisée, du fusil américain M4, mis en service en 1994. Dès lors, cette arme ne peut être sérieusement considérée comme nouvelle et innovante mais plutôt comme ancienne et dépassée. C'est pour cela, d'ailleurs, qu'elle se doit d'être bon marché.

 

Le HK 416 est handicapé par un certain nombre de défauts ergonomiques: levier d'armement mal placé, impossibilité de réduire réellement son encombrement malgré sa crosse télescopique - il est plus long que le FAMAS - et incommodité d'utilisation du bouton de verrouillage de la culasse.

 

D'un point de vue technique, il est plus complexe que le FAMAS, par conséquent plus difficile à entretenir et davantage susceptible de connaître des incidents de tir. Son canon plus court que celui du FAMAS, sa stabilité de tir inférieure à celle du FAMAS, notamment en rafale, et sa munition moins puissante que la munition d'origine du FAMAS, le rendent moins précis que le FAMAS.

 

Le HK 416 est l'objet de nombreuses critiques de la part des soldats norvégiens qui l'utilisent depuis 2007.

 

La société Heckler et Koch connaît actuellement, de graves difficultés financières. Si ces dernières devenaient insurmontables, alors qu'aviendrait-il de la fourniture du HK 416 et de ses pièces de rechange?

 

Monsieur Le Drian sait-il donc, vraiment, ce qu'est une Rolls-Royce et, accessoirement, un fusil d'assaut ?

 

 

217 - Dimanche 27 novembre 2016


Timbré

 

La difficulté était à ce point ardue qu'elle en était épineusement épineuse. Heureusement, il n'était pas de ceux qui se trouvaient dépourvus dès que se présente une contrariété, parce qu'ils ne pensent pas à songer au puissant pouvoir de la réflexion. Il se disait souvent que l'on n'envisageait pas assez ce que serait la vie sans noèse. Ce n'est que par elle qu'il est possible à l'homme de s'émanciper des contingences et désagréments de ce monde anxiogène. C'est en elle qu'il trouve la force et le moyen de lutter pour repousser les machiavéliques tracas qui hantent sa frêle existence. C'est en cogitant, en pensant, en raisonnant, que l'Humanité est devenue maîtresse de son destin et a pu s'accomplir pleinement. Et c'est parce qu'il était hautement conscient de la chose, qu'intellectuellement il ne baissait jamais la garde et était toujours mentalement en éveil.

 

Il était donc confiant car il se savait parfaitement armée pour affronter victorieusement l'adversité qui venait de le prendre par surprise. A son irritante face, il saurait opposer le visage serein et impassible de l'homme sûr de lui. Une fois de plus, il allait faire la démonstration éclatante de la supériorité d'un esprit sachant mobiliser toutes les opulentes ressources de sa bouillonnante matière grise. Pourtant, par tous ses aspects, le cas semblait irrémédiablement insoluble et désespéré. Il devait urgemment envoyer une carte d’anniversaire à sa Mémé de Sancourt qui allait prochainement gaillardement fêter ses quatre vingt quatorze ans. Pour que son courrier puisse lui parvenir, il se devait de l'affranchir au tarif en vigueur. Mais accablé par la sombre fatalité de l'homme affairé, il se trouvait cruellement en manque du temps dont il aurait eu besoin pour aller acquérir le timbre idoine. Fidèle à lui-même, il resta calme, ne se découragea pas. Après avoir élaboré une stratégie soignée à l'efficacité maximum, il entreprit la démarche gagnante qui s'imposait.

 

C'est ainsi que la Poste reçut un chèque accompagné d'une lettre sollicitant l'expédition, sans délai, d'un timbre pour un envoi pressant. Les servitudes et le devoir de réserve inhérents au Service Public interdirent au préposé, qui fut en charge de cette requête, de répondre qu'il eût été plus judicieux que le timbre, apposé sur l’enveloppe contenant la demande du requérant, se soit plutôt trouvé sur celle de la missive urgente en attente.

 

218 - samedi 03 décembre 2016

Hermite pensant

 

La sagesse de l'âge avait gommé en lui tous les mirages et fausses illusions de la jeunesse. Le temps lui avait appris que les incomparables délices du bonheur ne se trouvaient pas dans la triviale recherche d'une fortune tellement démesurée qu'elle en devient absurde, mais dans le lent et long apprentissage qui conduit à la véritable richesse, celle de la connaissance des trésors de l'art et de l'esprit.

 

Il avait abandonné sa cité cambrésienne pour se retirer dans un modeste cottage de la verte Irlande. Chaque jour, le vent lui apportait le profond écho des chants grégoriens de moines en prière dans leur abbaye romane perdue au loin dans le désert de la lande baignée brume et de pluie. Il passait de longues heures assis dans son fauteuil, méditant à la lueur des braises de la cheminée. Il pensait de plus en plus souvent à cette question qui ne cessait de le hanter depuis tant d'années. Plus il y réfléchissait et plus la réponse lui paraissait faire partie des plus insondables et vertigineux mystères de l'univers.

 

Comment savoir, se demandait-il, « qu'est-ce que ça peut faire comme bruit, un kangourou?»

 

Commentaire

En tous cas, « ça peut pas faire cui cui, ça peut pas faire miaou ».

Le groupe Odeurs

 

 

219 - Dimanche 04 décembre 2016

 

Courage herculéen

 

L'appel grisant de la grande aventure dans l'esprit des intrépides pionniers d'antan avait de nouveau et inopinément rugi dans son esprit légendairement vif et fécond. Aussi, dès le début de la semaine, avait-il de nouveau cheminé sur le rugueux mais tonique sentier menant aux rudes ressources cachées de l'endurance. Il avait donc intensivement repris les exercices de musculation qu'il avait abandonnés des années durant, s'était résolument remis à la pratique du parcours naturel, elle aussi délaissée depuis bien longtemps, et passait de longues minutes en séances de respiration abdominale et concentration transcendantale. Il ne voulait rien laisser au hasard. Il fallait qu'il fût physiquement et psychologiquement parfaitement affuté afin de faire triomphalement face à ce saut dans l'inconnu que, délibérément et en tout conscience, il allait bientôt effectuer.

 

Il avait fixé sous huitaine le déclenchement du jour J, de l'heure H et de la seconde S. Lorsqu'il y parvint, il était plus indiciblement décidé que jamais. Il s'était interdit toute possibilité de retour en arrière, avait banni l'idée même de retraite. Aucun appel à la raison, aucune implorante supplique, aucun cri de désespoir, aussi déchirant fut-il, n'auraient pu, un seul instant, faire vaciller sa ferme résolution. Avec calme et sang froid, sans ciller et le sourire aux lèvres, il allait se ruer dans l'arène, se jeter dans la fosse aux lions, s'immoler sur le bûcher des martyrs. L'évènement promettait d'être d'exception. Un acte sublime d'héroïsme et de désintéressement comme il en existe peu dans les annales de l'Humanité. L'exploit serait au rendez-vous. L'Histoire allait pouvoir ajouter à son grand livre l'une de ses pages les plus émouvantes.

 

Pour la circonstance, il avait abandonné son habituel et informe jogging Adidas pour revêtir une tenue plus adéquate et plus seyante. Ce soir, non seulement et sans aucun doute, il n'allait pas s'avachir sur son canapé devant le match de foot à la télé, mais de plus et surtout, il allait offrir des fleurs à sa femme et passer avec elle une soirée romantique.

 

 

220- Samedi 10 décembre 201


Rhéteurs de première classe

 

Il avait quitté l'estaminet en laissant en suspens la question. Malgré un échange intense de multiples arguties, il n'était pas parvenu à mettre un point final à cette discussion passionnée.

 

L'affaire avait été chaude. Lui, l'homme docte, à l'éloquence captivante, à l'esprit universellement accommodant, d'une valeur morale irréprochable et d'une compréhension à toute épreuve, avait été confronté à un obsessionnel du désaccord stérile, un compulsif de la discorde, un toxicomane de l'antagonisme. D'une malhonnêteté intellectuelle innommable et d'un abyssal obscurantisme psychique, ce lourd inculte s'était montré d'une consternante insensibilité aux raisonnements mesurés, mais néanmoins indéniables, qu'il avait judicieusement avancés.

 

Comme convenu, ils se rencontrèrent à nouveau au même endroit, le lendemain matin, à l'heure de l’apéritif. Leur débat de la veille était d'une telle portée, qu'il exigeait qu'on ne le lassât point sans conclusion. Il était persuadé que par son entremise la voix de la sagesse, du bon sens et de l'intelligence, allait lumineusement triompher. Cependant, un léger contretemps s'opposait à cet accomplissement. Ils avaient beau y cuider et cuider encore, ni lui, ni son contradicteur, n’étaient capables de se remettre en mémoire le sujet vital de leur foncière controverse.

 

 

221 - Dimanche 11 décembre 2016

 

Incontestable

 

Monsieur Louison-Antonin Lepileux du Mont Chauve, premier commissaire du secrétriat permanent aux plans décénnaux provisoires pour les mesures rétroactives sur la réglementation du lessivage et de la peinture de printemps du méridien de Greenwhich, proclame, à titre personnel et privé:

 

« Parce qu'il s'est ouï dire qu'un nouvel et inédit opuscule de la "Guerre des étoiles" allait prochainement être projeté sur nos écrans, j'ai décidé de consentir à abandonner, pendant quelques instants, la lourde tâche et les importantes responsabilités qui sont les miennes. Il m'est apparu qu'il s'agissait là d'un devoir auquel je ne pouvais me soustraire. Il me fallait sacrifier aux exigences d'une mise au point qui n'a que trop tardé.

 

Voici bientôt près de quarante ans que de prétendus spécialistes propagent la même ineptie. Ils ont su et savent encore si habilement présenter cette fadaise comme la vérité pure qu'elle s'est profondément ancrée dans l'esprit du grand public et même de l'intelligentsia. Or, il n'est rien de plus faux, de plus erronée, de plus infondée, que l'affirmation selon laquelle le X-wing1 n'est qu'un Blériot XI maquillé. Il faut posséder bien peu de connaissances techniques, être dramatiquement dénué du sens de l'observation, ne faire preuve d'aucun bon sens, pour en arriver à des conclusions aussi dramatiquement inexactes.

 

Je me garderai cependant de jeter la pierre à tous ceux qui ont naïvement cru à ces allégations. Ils ne sont que de malheureuses victimes abusées par l'autorité morale et scientifique d'experts prétentieusement confits dans le confort bourgeois de leurs convictions sectaires. Ils nient la réalité ou la travestissent quand elle ne correspond pas pas à leurs savantes théories. S'ils étaient capables d'un peu d'honnêteté et d'humilité, ils confesseraient leur erreur et reconnaîtraient que le X-wing2 est bel et bien une version customisée de l'AV89 modèle 1966, dont le moteur a d'ailleurs été sévèrement bridé pour la sécurité des cascadeurs devant le piloter.

 

Que la force soit avec vous, mes amis. »

 

1: le X-wing , même s'il manque un peu de chromes, est une belle mécanique qui en a sous le capot.

2: le X-wing , même s'il manque un peu de chromes, est une belle mécanique qui en a sous le capot.

 

 

222 - Samedi 17 décembe 2016

 

Cochonneries

 

- Jambon blanc

- Jambon au torchon

- Jambon sec

- Jambonneau

- Epaule cuite à l'ancienne

- Epaule sèche

- Poitrine nature

- Poitrine salée

- Poitrine fumée

- Lard nature

- Lard fumé

- Rillettes

- Pâtés

- Pâtés en croûte

- Mousses

- Saucissons

- Rosettes

- Saucisses cuites

- Saucisses à cuire

- Potjevleesch...


C 'est dans cette boutique, où officiait un véritable saint homme dont le savoir-faire avait élevé au rang d'art le métier de charcutier, qu'il avait trouvé son petit groin de paradis sur terre.

 

Commentaire

Monsieur Nervien, nous pensions être définitivement l’abri de vos piteux calembours. Aujourd'hui, force est de constater qu'il en est rien et que nous nous étions malheureusement sévèrement fourvoyés. Sachez cependant, qu'aussi profond que puisse être notre abattement, nous trouverions la force de sauvagement vous sauter à la gorge si vous osiez ajouter, même timidement, que ce genre d'indigente plaisanterie est franco de porc. Inutile de préciser, je pense, que je vous déconseille également et fortement de vous essayer au moindre bon mot sur mon nom.

Pierre Cauchon,évêque de Beauvais

 

 

223- Dimanche 18 décembre 2016

 

Non, c'est trop, vous n'auriez pas dû

 

- « Bonjour, cher et affectionné éditeur! Vous n'êtes pas sans savoir qu'il m'est particulièrement pénible de rester longtemps sans venir en votre bureau pour avoir l'insigne plaisir de vous présenter mes devoirs. Mais à cette habituelle raison de mes visites vient aujourd'hui s'ajouter un autre objet. Les fêtes de fin d'année se rapprochent joyeusement de nous à grands pas. Il m'est venu la lumineuse idée de les devancer afin de vous asséner la surprise d'être le premier à jovialement vous offrir un cadeau de Noël.

 

Je tiens à loyalement vous avertir que le présent que je me propose de vous faire ne pouvait pas être celui de monsieur tout le monde. L'inestimable considération que vous m'inspirez, m'interdisait de me laisser aller à la facilité. Je me suis donc attaché à fuir la banalité, la platitude, le commun, l'usuel. J'ai, à dessein, longtemps mûri ma réflexion avant d'arrêter ma décision sur le plus original, le plus saisissant, le plus percutant, des choix qui se puissent faire. Par conséquent, apprêtez-vous à être follement heureux, mais ne me remerciez pas, ça me fait plaisir...

 

Et je vois votre gorge qui se noue, vos lèvre qui tremblent d'émoi et vos pupilles qui s'embuent d'émotion. Votre coeur a de plus en plus de difficulté à contenir ses battements agités par les frissons de la curiosité, de l'impatience et du bonheur. Je vous comprends, mais restez maître de vous même, maitrisez vos nerfs. Derechef, nous allons passer de la parole aux actes: en ce beau jour qui, sans ma venue n'eût été pour vous qu'insignifiant, veuillez consentir à accepter la preuve étincelante de l'estime démesurée que je vous porte.

 

Il s'agit du tout dernier livre que j'ai entièrement écrit à la main sur le clavier de mon ordinateur. D'un réalisme inédit et apocalyptiquement saisissant, cet ouvrage révèle au monde l'existence d'un personnage jupitérien resté jusqu'ici injustement et inexplicablement méconnu. Derrière sa prestance d'adonis se cache un érudit d'une ampleur considérable, un volcan intellectuel en perpétuelle éruption mais également un expert de l'enchantement, un ange de l'aptitude, un privilégié du savoir-faire, un maître-étalon de la finesse. Il est le sommet absolu du nec plus ultra du summum..

 

Si je n'étais pas un parcimonieux du panégyrique, un avaricieux du dithyrambe, je confesserais qu'il s'agit de la personnalité la plus exaltante qu'il m'est jamais été donné de dépeindre. »

 

- « Je ne sais comment vous remercier, mon cher ami. Faire puis venir me remettre en mains propres ma biographie, vous ne pouviez, en effet, me procurer plus grand plaisir. »

 

- « Euh, non, c'est que, en fait, cette biographie, c'est la mienne...»


224 - Samedi 24 décembre 2016

« Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel »

En 1821 l'auteur américain Clement Clarke Moore écrit pour ses enfants un conte intitulé « The night before Christmas ». C'est pour les besoins de cette histoire qu'il crée le personnage du Père Noël, qu'il décrit se déplaçant dans un traîneau tiré par des rennes.

 

En 1863, l'hebdomadaire new-yorkais « Harper’s Illustrated weekly » publie, en noir et blanc, une illustration du Père Noël. Elle est l’œuvre du dessinateur Thomas Nast. Il y croque le Père Noël sous les traits d'un homme replet, à la barbe blanche, coiffé d'un bonnet agrémenté d'un brin de houx, vêtu d’un costume garni de fourrure blanche et portant un large ceinturon de cuir. En 1885, Thomas Nast dessine, dans le même journal, le chemin des Etats-Unis jusqu'à la résidence du Père Noël, qu'il situe au Pôle Nord. L'écrivain Georges P. Webster confirmera cette localisation dans l'édition de «Santa Claus and His Works», parue en 1886.

 

Pour sa campagne publicitaire lancée dans le courant de l'hiver 1931, la société Coca Cola fait appel à l'illustrateur Haddon Sundblom afin qu'il représente le Père Noël se désaltérant et reprenant des forces grâce au soda originaire d'Atlanta. Le Père Noël est habillé par l’artiste en rouge et blanc parce que ces deux couleurs sont celles de Coca Cola.

 

Commentaire

Alors, Le Père Noël n'existe pas! Mais vous déraisonnez fâcheusement, mon pauvre monsieur Nervien. Alors, pendant que vous y êtes, allez-y, n'hésitez pas, ayez donc également carrément le toupet d'affirmer que, moi aussi, je n'existe pas. Sachez que le Père Noël est un excellent collègue que j'ai souvent l'occasion de rencontrer en dehors du boulot et je peux vous dire que c'est un sacré joyeux luron qui se tient mieux à table qu'à cheval. Et d'ailleurs, en ce qui vous concerne, monsieur Nervien, qu'est-ce qui nous prouve que vous existez réellement?

Saint Nicolas

 

225 - Dimanche 25 décembre 2016

Enquêteur de l'extrême

Cela faisait maintenant plus de trente-cinq ans qu'il était dans l'expectative. Trente-cinq ans qu'il s’interrogeait, se demandait, supputait. Mais aujourd'hui, il voulait que soit mis un terme à toutes ces longues années de doute. Il s'était enfin résolu à recevoir la lumière de la vérité en plein visage et aussi aveuglante qu'elle serait, il ne détournerait pas les yeux. Sans ciller, il la regarderait bien en face.

 

Pour que le voile se lève sur ce mystère, il était prêt à veiller toute la nuit, s'il le fallait. Dans l'attente, les heures ne manqueraient pas d'être longues et le sommeil risquait de s'emparer insidieusement de lui. Ce péril ne l'apeurait nullement parce que ne point céder à l'endormissement et garder toute sa lucidité n'était qu'une simple question de volonté. Il n'aurait besoin d'aucun expédient pour conserver le contrôle absolu de lui-même. Trois heures trois minutes plus tard, en toute discrétion, il se fit tout de même un café si serré que serré devait s'écrire avec quatre R majuscules. Après deux heures deux minutes et seize tasses de pur arabica, bien qu'il ne voulût toujours pas s'avouer son besoin de dormir, il ouvrit pourtant une fenêtre afin d'aspirer un grand bol d'air frais. La bourrasque glacée de vent et de neige, qui le fouetta, fut si violente et sauvage qu'il fut fort chanceux de n'être pas pris sur le champs d'une congestion pulmonaire majeure et d'en être seulement quitte pour un bon rhume. Après une heure une minute et vingt mouchoirs, alors qu'il se voulait toujours de marbre face à l'envie de plus en plus grandissante de s'assoupir, il ne put empêcher ses paupières de se clore qu'au prix de trente minutes d'un énergique footing autour de son salon

 

En descendant de la cheminée, le Père Noël fut intrigué par un vrombissement dont le volume s'apparentait à celui des quatre turbopropulseurs d'un A400M Atlas lancés à pleine puissance. Cet assourdissant vacarme semblait provenir de derrière le traditionnel sapin décoré de boules et de guirlandes. Courageusement mais néanmoins prudemment, il contourna le conifère et y découvrit un singulier spectacle qui ne laissa pas de l'intriguer. A genoux, front contre terre, serrant un appareil photo entre ses mains, un homme d'une trentaine d'années dormait plus profondément qu'une famille de loirs narcoleptiques et ronflait aussi fort qu'un troupeau d'ours en pleine hibernation. Auprès de lui était posé un agenda ouvert à la page du 24 décembre. On pouvait y lire l’annotation suivante: vérifier si le Père Noël existe vraiment.

 

226 - Samedi 31 décembre 2016

Projet de bonne résolution 2017

Pour l'année nouvelle qui arrive, je ne prendrai qu'une seule et ferme résolution. Je vais me lancer, à corps perdu et à la catapulte, dans l'écriture de chansons et en faire des encore plus mieux que celle-ci:

Et vice et versa

L'hémorragie de tes désirs
S'est éclipsée sous l'azur bleu dérisoire
Du temps qui se passe
Contre duquel on ne peut rien

Être ou ne pas être
Telle est la question
Sinusoïdale
De l'anachorète
Hypocondriaque


[Refrain]:
Mais tu dis (Mais tu dis)
Que le bonheur est irréductible
Et je dis (Et il dit)
Que ton espoir n'est pas si désespéré
À condition d'analyser
Que l'absolu ne doit pas être annihilé
Par l'illusoire précarité de nos amours
Destituées
Et Vice Et Versa (Et Vice Et Versa)


Il faut que tu arriveras
A laminer tes rancœurs
dialectiques
Même si je suis con ...
... vaincu que c'est très difficile

Mais comme moi, dis-toi
Qu'il est tellement plus mieux
D'éradiquer les tentacules de la déréliction
Et tout deviendra clair

[Refrain]

D'où venons-nous?
Où allons-nous?
J'ignore de le savoir
Mais ce que je n'ignore pas de le savoir
C'est que le bonheur
Est à deux doigts de tes pieds
Et que la simplicité réside dans l'alcôve
Bleue, jaune, mauve et insoupçonnée
De nos rêveries
Mauves et bleues et jaunes et pourpres

Et paraboliques
Et Vice Et Versa

[Refrain variante]:
Mais tu dis (Mais tu dis)
Que le bonheur est irréductible
Et je dis (Et il dit)
Que ton espoir n'est pas si désespéré
À condition d'analyser
Que l'absolu ne doit pas être annihilé
Par l'illusoire précarité de nos amours
Et qu'il ne faut pas cautionner l'irréalité
Sous des aspérités absentes et désenchantées
De nos pensées iconoclastes et désoxydées
Par nos désirs excommuniés de la fatalité
Destituée
Et Vice Et Versa

 

Les Inconnus

 

Commentaire

Sans vouloir vous froisser, monsieur Nervien, je pense qu'avec ce texte, Messieurs les Inconnus ont atteint une perfection au-delà de laquelle il est impossible d'aller. J'en suis désolé pour vous, mais c'est une évidence à laquelle vous devez vous résoudre. Vous feriez donc mieux de vous trouver une bonne résolution beaucoup plus réaliste.

Charles Trenet

 

227 - Dimanche 01 janvier 2017


 

Bonnes résolutions 2017

Monsieur Charles Trénet, suite à votre commentaire de samedi dernier, il m'est effectivement apparu qu'il serait souhaitable d'en revenir à des résolutions plus classiques et traditionnelles. J'espère que celles-ci auront l'honneur de recueillir votre assentiment.


1 - Kidnapper à Villers-Outréaux un troupeau d'escargots

Pour faire du rodéo dans les bistrots.

 

2 - Voler près de la gare un grand autocar

Pour le remplir de gros carambars.

 

3 - Piller dans les superettes du papier toilette

Pour fabriquer des costumes de chiottes aux majorettes.

 

4 - Piquer sur une pallette une bruyante et puante mobylette

Pour doubler à fond les ballons les bébés en poussettes.

 

5 - Subtiliser sur le Capitole une jolie absidiole

Pour en faire une école de danseurs espagnols.

 

6 - Chiper à Banteux d'énormes pieux

Pour tabasser ceux qui conduisent comme des fesses-mathieu.

 

7 - Chouraver dans un abris-sous-roche une sacoche

Pour me cacher dedans et manger tout seul toute la brioche.

 

8 - Chaparder au cinéma de beaux fauteuils à strapontin

Pour y planquer des tas de lapins crétins

 

9 - Barboter dans un caravansérail un beau tas de ferraille

Pour construire un distributeur de saucissons à l'ail.

 

10 - Faucher dans une gazette des affichettes

Pour y imprimer que je suis très gentil et très honnête.


Commentaire

Effectivement, monsieur Nervien, vos nouveaux objectifs sont beaucoup plus sages et accessibles. Je ne doute pas que vous les accomplissiez avec facilité et succès. Je vous souhaite une bonne année et une bonne santé.

Charles Trenet

 

228 – Samedi 07 janvier 2017

Le jour d'après

En ce lendemain de fête quelque peu chargée et même surchargée , il était clairement barbouillé, franchement nauséeux et ouvertement vaseux. Son teint et son état lui rappelaient ceux d'une vieille wassingue desséchée qu'il avait autrefois beaucoup aimée. Il se sentait si faible et déficient qu'il avait peine à croire qu'il avait pu, un jour, connaître cette pleine et saine vitalité qui était habituellement la sienne. Il avait l'impression que cela faisait partie d'une époque et d'un monde auxquels désormais il n'appartenait plus.

 

Il considéra donc que le temps était venu de recourir à l'action thérapeutique d'un de ces quelconques médicaments inemployés dont regorgeait son armoire à pharmacie. Sa vue étant encore incertaine et son écroulement intellectuel loin d'être résorbé, il renonça rapidement à la lecture des notices et préféra se fier à son seul instinct. Il commença par l'absorption de différents types de pilules qu'il sélectionna en fonction de son attirance pour leurs couleurs avenantes. Il continua par quelques cuillères de sirops qu'il choisit en fonction de leurs valeurs gustatives. Il poursuivit avec des cachets effervescents qu'il trouva sympatriques parce qu'ils produisaient des bulles qui lui rappelaient celles du Champagne bu sans modération, la veille. C'est au moment où il s’apprêtait à se badigeonner de pommade, qu'il fut pris d'un malaise.

 

Lorsque les pompiers l’amenèrent aux urgences de l'hôpital, le médecin de service ne comprit pas comment un patient pouvait avoir atteint un tel délabrement et présenter autant de pathologies à cause d'une simple veisalgie.

 

 

229 - Dimanche 08 janvier 2016

 

Vachement convaincant

 

Accoudés au comptoir en bois de l'estaminet " La clef des champs", André et Jean-Luc regardaient et écoutaient en silence la télévision accrochée au coin du mur. Elle retransmettait le reportage, en direct, d'une chaîne d'information en continu. Les images montraient un homme s'adressant à un auditoire sage et attentif.

 

- Françaises, Français, Citoyennes, Citoyens, compatriotes, compatriotes, mes chères amies et chers amis, je souhaite tout d'abord vous présenter mes meilleurs voeux pour cette nouvelle année et m'adresser à vous du fond de mon coeur qui ne bat que pour la France et pour vous aimer et vous servir avec passion. Plus que tout, je veux et j'exige de faire souffler sur le champ politique un véritable et puissant vent de fraîcheur qui le débarrassera définitivement de l'écoeurant miasme des promesses non tenues qu'on laisse, à jamais, pourrir dans les honteux sillons du reniement et de la compromission. Je veux déchirer les lourds nuages gris et opaques de toutes ces lois iniques qui, depuis bien trop longtemps, vous asservissent au pouvoir des plus riches. Je vous élèverai à mille lieux au-dessus de la misère pour vous offrir ce ciel bleu où changement et progrès règnent en maîtres incontestés et triomphants. Je serai le candidat immaculé de la sincérité, de la vérité, du bonheur, retrouvés et révérés. Aussi, Françaises, Français, Citoyennes, Citoyens, compatriotes, compatriotes, mes chères amies et chers amis, le seul choix sensé et raisonnable qui s'offre à vous est celui de m'apporter un soutien franc et massif. Dès maintenant, tout de suite et sans attendre, prenez la décision irrévocable de voter pour moi aux prochaines élections. Vive la France! Vive la République!

 

« Allez, Simone, remets-nous deux petites mousses qui vont bien. Non, mais tu as entendu ça, Jean-Luc? Si, je ne savais pas que ce type a été ministre et que le miasme écœurant, les nuages gris, la misère, il en est quand même plus que responsable, eh ben je te le dis tout net, que ma femme ait été d'accord ou pas, ce mec-là, c'est pas voter pour lui que j'aurais fait, mais c'est carrément l'épouser! »

 

230 - Samedi 14 janvier 2017

 

On ne peut pas toujours penser à tout

 

Pour lui faire cette surprise, elle n'avait pas ménagé le meilleur d'elle-même et de leurs économies, elle n'avait pas été avare de son énergie et de leur argent, elle n'avait pas lésiné sur l'ampleur des moyens et des dépenses. Elle avait tout préparé, organisé, combiné, coordonné, arrangé, dans le moindre détail. Grâce à ses efforts et à son efficacité, dans quelques jours, ils glisseraient sur les voies de la félicité et sur la neige des pistes d'une station de ski des Alpes. Quel bonheur serait le leur de pouvoir coudoyer sur les pentes alpestres tous ces pimpants et passionnants vacanciers hivernaux, d'établir le contact et de deviser aimablement avec les Autochtones, de laisser les rayons taquins du soleil rieur s'attaquer à leur crème solaire indice 50+.

 

Oui, mais non, parce que pour lui c'était: merci, très peu pour moi. Cambrésien endurci mais néanmoins homme pacifique, d'humeur égale, le regard affable et la parole toujours prévenate, il y avait cependant des choses avec lesquelles il ne transigeait jamais et dont la seule évocation coupait court à toute possiblité de négociation. Il aurait hautement et fortement apprécié que son épouse s'en souvînt.

 

En effet et tout d'abord, il avait toujours été révolté et écoeuré que l'on martyrise les montagnes en massacrant leurs fabuleux et majestueux paysages dans le seul et pitoyable but de permettre à de risibles fats de faire grotesquement de la luge, quelque jours par an. Ensuite et surtout, il considérait comme un acte complétement irraisonné et aberrant que d'oser méditer d'aller séjourner dans des contrées où l'on considère que le vin chaud est la première des boissons salutaires et roboratives, en lieu et place de la bière bien fraîche!

 

 

231 - Dimanche 15 janvier 2017

 

Ames sensibles s'abstenir (et pour une fois, ce n'est pas une plaisanterie)

 

On parle souvent de la vie fastueuse qu'ont connue certains grands personnages historiques. On évoque plus rarement les conditions peu enviables dans lesquelles ils quittèrent parfois ce bas monde. Prenons, par exemple, le cas de Louis XV.

 

Dans la journée du 26 avril 1774, il est pris d'une forte fièvre et de crises d'angoisse, son dos et sa gorge lui font terriblement mal et il vomit. Le 29 avril au matin, sa majesté est toujours gravement fiévreuse et souffre de maux de tête insupportables. Les médecins décident alors de lui infliger deux saignées qui lui feront perdre 400 grammes de sang. Ils trouvent également bon de lui faire ingurgiter force sirop émétique afin de déclencher des vomissements. Ils complètent ce "protocole médical" par l'application de cataplasmes vésicatoires. Bien entendu, une telle thérapeutique ne fait que détériorer davantage encore la santé du patient. Le soir, un des docteurs constate que le visage du souverain s'est couvert de petites rougeurs. Ce sont les symptômes apparents et indubitables de la variole.

 

Pour éviter toute contagion le monarque est alors isolé, sans qu'on ne l'informe de la gravité de son état. On lui assure que son mal est bénin. La maladie évolue rapidement. Les rougeurs laissent place à des boutons qui vont se transformer en une énorme croûte suintante qui va recouvrir le visage et tout le corps du roi. Les épanchements sont si importants, qu'il faut sans cesse changer ses draps, ce qui lui cause à chaque fois des douleurs atroces. La variole attaque également les muqueuses des yeux, des poumons et du tube digestif. Lorsqu'elle finit par atteindre la gorge, sa victime finit par étouffer et meurt dans une épouvantable agonie. Le roi se rend évidemment compte de ce qui lui arrive et plusieurs fois cherche à obtenir la confirmation qu'il a contracté la variole. Personne ne lui répond.

 

Les traitements, administrés par les médecins - du genre verser de d'alcool ou du vinaigre sur la peau lésée - ne feront que hâter la mort et amplifier les souffrances du monarque. Louis XV meurt dans sa chambre, mais en public, à l'aube du 10 mai. L'état du corps est tel, qu'il ne pourra être embaumé. Les obsèques ont lieu, sans aucun apparat, le 12 mai. Le cortège funèbre quitte de nuit et très discrètement Versailles pour la basilique Saint-Denis. Il est seulement composé d'un abbé, de quelques gardes et domestiques. Il n'y a qu'un seul personnage officiel: le prince Rohan de Soubise, l'ami d'enfance du défunt.

 

A cause des lacunes de la médecine de leur époque, l'arrière-grand-père de Louis XV, Louis XIV et le père de ce dernier, Louis XIII, ont, eux aussi, connu des fins particulièrement pénibles. 

 

 

232 - Samedi 21 janvier 2017

 

Expert

 

- « Les béotiens de base que vous êtes ignorent visiblement complètement en quoi consiste l'art, car c'en est un, l'art, disais-je donc, de préparer le café. L'opération demande savoir faire et exactitude. Avant que de vous le servir, laissez-moi donc vous narrer comment s'élabore un vrai bon café.

 

Il faut user d'un pur arabica, rare et précieux, sévèrement sélectionné. Bien évidemment, et il ne saurait en être autrement sous quelque prétexte que ce soit, il est obligatoirement en grains. Un grain qui aura été toréfié juste avant qu'il ne soit moulu avec un moulin manuel, propre, à une vitesse savamment étudiée pour éviter l'échauffement et durant un temps calculé, à la seconde près, afin que la poudre ait une consistante parfaite. Cette dernière est ensuite immédiatement et avec précaution transférée du tiroir du moulin au filtre en papier bio humidifié, qui se doit d'intimement épouser les parois du porte-filtre. Après avoir été minutieusement comptés et pesés un à un, les grains de chicorée et de sel sont délicatement ajoutés en nombre adéquat au café moulu.

 

Le café se boit dans des tasses épaisses, à fond ovoïde. Sucre ou bistoule sont totalement à proscrire. Avant de le déguster, il est indispensable de le remuer pour éviter la stratification aromatique qui nuit à l’homogénéité de son goût. Bon, maintenant je vous laisse emplir vos tasses.»

 

- « Nous, on veut bien, mais... »

 

- « Mais, quoi? »

 

- « Ben, ça veut pas couler de la cafetière parce que, apparemment, tu as oublié l'eau.»

 

 

233 - Dimanche 22 janvier 2017

 

Courrier des lecteurs  nervien@outlook.fr

 

Je m'en voudrais de disserter vainement mais, monsieur Nervien, avez-vous déjà songé à l'étonnant pacours, au singulier concours de circonstances, que constitue le fait, en apparence insignifiant, d'aboutir à votre site. Sans vouloir me mettre en exergue, je me propose de vous éclairer sur ce sujet en prenant pour exemple mon cas personnel.

 

Je suis un pauvre hère qui vit loin, tout là-bas, dans les alpages désertiques de la plaine infinie du plat pays de Morenchies qui est le mien, écrasé de brume, perdu dans un silence assourdissant et absolu que vient à peine troubler l'incessant et entêtant bruissement du ressac des vagues de la Mer du Nord venant doucement mourrir sur les berges du canal.

 

Toute l'année, le soir venu, dans la nuit hivernale et sous les averses de neige glacée de l'orage nocturne qui fauche les blés de printemps, je range soigneusement mes vaches dans le grenier, le foin dans la cave et mes betteraves sucrières dans la boîte à gants du tracteur. Ce n'est qu'une fois ma tâche accomplie et après avoir affronté le verglas, la foudre et la sécheresse, que je peux franchir le seuil de mon humble chaumine dont les murs en granit de briques rouges et le toit en chaume d'ardoise noires s'élèvent près d'un antique calvaire en ruine, à l'entrée d'un petit hameau isolé et abandonné.

 

En cahotant de fatigue, les muscles émaciés par l'effort, je passe la porte et je scrute l'horizon pour tenter d'y trouver le soutien de l'ombre d'une présence accueillante. Hélas, mon regard ne rencontre que le vide et mon rude banc en bois mal dégrossi. Mais sur la massive table de campagne en chêne, frustrement équarrie dans la masse au marteau-piqueur, entre la gamelle de terre cuite où fume l'épaisse soupe au lard et mon dogue allemand de 90 kg qui ronfle, mes yeux chancelants aperçoivent soudain mon ordinateur portable, modeste et pieux cadeau charitablement offert par monsieur le curé lors de sa dernière visite pastorale.

 

Un vertige d'espoir m'envahit. Hors d'haleine, j'ôte de ma main frissonnante la grosse mitaine de laine mangée de trous et, d'un index exsangue et tremblant, je tapote gauchement sur les touches du clavier pour tenter de faire apparaître sur l'écran la page secourable qui viendra amicalement ébranler ma lourde torpeur et mon insondable solitude. Et là, paf! Au lieu de ça, je tombe direct sur: « Les bêtises de Nervien ». Avouez quand même que dans le style mec qui n'a pas de bol, on peut difficilement faire mieux et que même dans les tragédies grecques on n'a jamais vu un gars se faire tabasser aussi sauvagement par le destin!

 

Commentaire

Monsieur Nervien, je connais fort bien Morenchies pour y avoir résidé et je ne vois pas du tout où se situent les lieux dont parle votre lecteur.

Paul Panhard

 

234 - Samedi 28 janvier 2017

 

Pronostic vital

 

Cela faisait des jours et des jours que le phénomène perdurait. Il n'arrivait plus à trouver le sommeil parce que, au moment de l'endormissement, son corps se trouvait soudainement parcouru par une douce mais néanmoins inquiétante vibration et par les ondes assourdies d'une espèce d'indéfinissable bourdonnement. Ses paupières en avaient perdu le souvenir de l'époque où elles savaient encore se fermer et son cerveau se demandait que faire de tous les rêves en attente qui ne cessaient de s'accumuler. Il était proche de l'effondrement, l’abîme le guettait.

 

Mais, s'il ne faisait aucun doute qu'il fût un fervent et convaincu défenseur du principe d'économie d'énergie, il était non moins vrai qu'il n'était pas du tout enclin à se laisser mourir à petit feu. Aussi décida-t-il de réagir en s'ouvrant à son médecin de cet étrange désordre physique qui le rongeait traîtreusement. Cet homme de science ne manquerait certainement pas de conjurer le mal grâce aux merveilles que l'industrie pharmaceutique mettait à sa disposition

 

Après l'avoir longuement écouté et minutieusement ausculté, le praticien lui posa une seule et unique question:

 

« Dites-moi patient, c'est bien vous qui, il y a quelque temps, êtes devenu l'heureux propriétaire d'un somptueux et imposant matou? Est-ce que, par le plus grand des hasards, la nuit venue, ce charmant animal ne vient-il pas s'allonger sur votre lit, tout contre vous, et sombre dans le sommeil en ronronnant plus que de raison?»

 

 

235 - Dimanche 29 janvier 2017

 

S.O.S

 

Elle l'avait appelé sur son téléphone mobile alors qu'il était en pleine réunion du comité central de l'assemblée générale annuelle des associations départementales pour la défense de la réintroduction des multituberculés en Cambrésis. Avant que n'intervienne l'inévitable coupure de réseau, elle avait à peine eu le temps de lui dire qu'elle désirait désespérément qu'il ait immédiatement pour dessein de voler la rejoindre à leur domicile conjugal, pas plus tard qu'à l’instant même.

 

Connaissant son impavide sang-froid, son imperturbable placidité, son impénétrable impassibilité, il savait que si son aimée sonnait ainsi le tocsin, c'était qu’il y avait obligatoirement matière. Il humait le vilain trouble, le sale coup de Trafalgar, la méchante prise à la gorge. Et la pauvre enfant, certainement transie de détresse, avait mis son dernier espoir en lui. Il était son ultime recours. Chevalier servant et servile, il se devait de se ruer à son secours. Quelque qu'il fût, le fourbe désagrément pouvait déjà trembler car il était prêt à l'affronter. Fier, froid, inflexible et impitoyable comme l'acier étincelant de l'épée du juste, il pourfendrait la bourrasque pour occire son attaque scélérate.

 

- « Ma chérie! Ce n'est pas en vain que tu eus foi en moi: moi voici! »

 

- « Mais comment as-tu pu faire si vite? »

 

- « En doutais-tu ? Aucune péripétie n'aurait pu freiner mon ardeur à m'élancer vers toi et à plonger dans le brasier. Maintenant, je n'attends plus que tes précisions afin de prestement intervenir. Donc, de quoi est-ce donc qu'il est-il question exactement? »

 

« Eh bien, je meurs de faim et je n'arrive pas à ouvrir le bocal où se trouve le petit cornichon dont j'ai absolument besoin pour parfaire mon sandwich...»

 

«  Donc, si je résume calmement l'action à mener, un petit cornichon bien sagement installé dans son pot avec ses gentils camarades va être attrapé par un grand cornichon qui n'a toujours pas compris que sa femme avait, parfois, une certaine tendance à abuser. »

 

 

236 - Samedi 04 février 2017

 

Mécène

 

- « Bonjour monsieur, soyez le bienvenu dans mon atelier.»

 

- « Bien le bonjour à vous sculpteur. Que vous soyez heureux de me recevoir ne me surprend pas. Lorsque l'on a l’exceptionnelle chance d'accueillir une personnalité de mon importance, on le serait à moins. Désireux de faire représenter une vision idéologiquement engagée qui me tient particulièrement à cœur, je viens, sans détour, vous commander une statue chryséléphantine aussi grandiose et colossale que celles de Phidias, mais en un peu plus grand, quand même. J'attends de vous une apothéose d’expressivité qui figera d'admiration le spectateur, le fera exploser d'enthousiasme, gravera en sa mémoire un souvenir inoubliable et bouleversera son âme au plus profond d'elle-même.

 

Afin de se mettre dignement au service de cette future œuvre immortelle, votre burin se devra d'être le pinceau qui reproduira fidèlement et finement les traits de la vivante incarnation de la douceur absolue, de la grâce idéale, du charme intégral, de la beauté parfaite, de l'intelligence accomplie, que je veux lui donner pour modèle.

 

Ma volonté est que soit ainsi glorifiée la qualité que je tiens pour première entre toutes: la modestie. Et je ne vois absolument personne qui soit mieux à même de la personnifier que moi, ça va de soi.»

 

237 - Dimanche 05 février 2017

 

Aller au carton

- « Messieurs, maintenant que vous voilà fin prêts, vous vous posez, tous, la même question. N'en ayez pas honte. Elle est tout à fait normale parce qu'elle est humaine. Vous vous demandez si vous serez vraiment capables de vous montrer à la hauteur le jour où il faudra y aller. Je vous répondrai sans aucune hésitation: oui, vous le serez. Vous le serez parce que vous y serez poussés.

 

Poussé par le sens de la discipline que vous avez acquie. Quelle que soit la puissance de vos terreurs, l’étendue du danger, la force de la discipline est désormais si profondément inscrite en vous, qu'elle vous obligera, bon gré, mal gré, à aller de l'avant.

Poussé par l'entraînement que vous avez reçu. Il vous a appris à dépasser vos limites. Il vous a dotés d'actes-reflexes qui vous feront, non seulement, agir automatiquement mais également instantanément et sans hésiter, avant même d'avoir eu le temps de la réflexion.

Poussé par la camaraderie car le regard de vos camarades et la crainte de perdre leur estime, la volonté qu'ils n'aient pas à subir les conséquences de vos faiblesses, vous empêcheront de flancher.

Vous serez aussi poussé par la volonté de défendre vos idéaux.

Et puis enfin et surtout, il y aura votre courage. »

 

Aujourd'hui, il se trouvait en position, à une dizaine de mètres en retrait de la lisière d'un bois. Il était couché à plat ventre sur un sol froid, humide, couvert d'une herbe éparse et détrempée. De grosses gouttes de pluie lui martelaient le dos et dégoulinaient de son casque. Le FAMAS posé sur ses béquilles et sa crosse bien calée au creux de l'épaule, il balayait en permanence le secteur de surveillance qui lui avait été assigné par son sergent. Aujourd’hui, il ne se posait plus de question.

 

 

238 - Samedi 11 février 2017

 

Sentimental

 

Sans doute fallait-il y voir une manifestation précoce de l'effet alanguissant de la Saint Valentin dont la fête n'était plus qu'une affaire d'à peine soixante douze heures. Il s'était tout soudain senti penaud, farci de contrition et truffé de repentirs. Il était là, avec son journal des sports, à s'acagnarder dans son fauteuil pendant que son épouse s'affairait avec empressement aux multiples travaux des besognes domestiques.

 

Rangement, nettoyage, lavage, repassage, raccommodage, cuisine, vaisselle, courses, enfants, elle leur dédiait tout son temps libre, elle n'en négligeait aucun, elle ne soustrayait à rien. Discrète petite fourmi industrieuse trottinant à sa tâche, légère et chétive abeille vibrionnant d'une besogne à une autre, elle était une véritable fée du logis à qui l'on devait admiration et reconnaissance éternelles, se disait-il.

 

Il venait, en fait, de prendre conscience qu'il était normal et équitable qu'il prît sa part de fardeaux ménagers afin qu'elle ne fût plus injustement la seule à les supporter. Aussi, avec une grande noblesse d'âme et très fier de lui, décida-t-il, très ému, qu'il ne demanderait plus désormais à son aimée de lui apporter ses bières lorsqu'il regardait les matches de football à la télévision. Il irait, tout seul, comme un grand et en personne, chercher sa boisson dans le réfrigérateur. Il prévit tout de même d'user d'une glacière afin de n'avoir pas à faire plusieurs allers-retours entre le salon et la cuisine.

 

239- dimanche 12 février 2018

 

Ethnologie climatique

- « Ô toi, fier et sauvage indigène des farouches peuplades qui survivent chichement sur l'infécond permafrost des grandes steppes inhospitalières du département du Nord. Ô toi, pour qui les rigueurs de la saison d'hiver sont si féroces que les thermomètres refusent d'avoir la cruauté d'afficher les températures parce qu'elles font hurler de terreur les chiens d'esquimaux à chaque fois qu'ils les lisent. Ô toi, qui dois patiemment attendre le calorifique et roboratif retour du printemps pour enfin pouvoir revoir le lointain horizon et le bout des ongles des dix doigts de tes mains qui sont, de décembre à mars, cachés par un brouillard tellement opaque et compact qu'une maman phare à iode n'y retrouverait pas ses petits et qu'un couteau fondrait en larmes de désespoir à vouloir le couper. Ô toi, dont le ciel hivernal déverse, sans cesse et sans arrêt, toujours et encore, constamment et à n'en plus finir, un torrentiel glacial déluge de neige au rideau si épais que tu dois tailler ton chemin à grands coups machettes contre des flocons aussi gros que des boulets de canon de douze livres.

 

Oui, Ô vous, curieux et inexplicables habitants de cette boréale et implacable province de notre belle et douce France, comment ce peut se que, chaque année, vous puissiez ainsi résister, avec autant d'aplomb et d'héroïsme, aux déchaînements volcaniques d'une climatologie inhumaine en rage? De quels mens sana in corpore sano êtes-vous donc fait? Est-ce qu'il coule en vos veines du sang de réfrigérateur? Votre lignée est-elle née de la folle union passionnée d'une banquise et d'un iceberg? En un mot comme en cent, quel ancestral et mystérieux secret est le vôtre? »

 

« Je ne sais pas comment vous faites à Paris, mais ma foi, quand il fait un peu froid, qu'il y a du brouillard, qu'il neige - que ce n'est quand même pas tous les jours, surtout depuis le réchauffement climatique - eh bien, nous, on ne va pas se promener dehors. On reste bien au chaud, à la maison. »

 

 

240 - Samedi 18 février 2017

 

Bonne conduite

 

Il considérait avec beaucoup sévérité que puissent exister des individus qui conduisent une automobile en état d'ivresse ou en ayant consommé des drogues illicites, que certains ne respectent pas les limitations de vitesse, qu'ils y en aient également qui utilisent leur téléphone portable au volant, que l'on puisse en voir qui ne bouclent pas leur ceinture de sécurité, que d'aucuns ne mettent pas leur clignotant, qu'il ne soit pas rare que des inconscients ne sachent pas garder leurs distances avec le véhicule les précédant et qu'il existât des bafoueurs, quasi professionnels, de la signalisation routière.

 

S'il avait su que circulaient également des conducteurs capables, sans se forcer, de tranquillement cumuler état d'ivresse, consommation de drogues illicites, non-respect des limitations de vitesse, utilisation du téléphone portable au volant, absence de ceinture sécurité, non-emploi du clignotant, insuffisance des distances avec le véhicule précédant et mépris de la signalisation routière, il aurait certainement défailli d'épouvante.

 

Il prônait un changement radical de tout un chacun dans les comportements touchant aux modes de déplacements. Lui n'avait pas craint d'avoir le courage de s'y soumettre de manière drastique et il souhaitait que son exemple soit suivi de tous. Afin de lutter contre les dangers de la circulation, il avait purement et simplement renoncé à tous les moyens de transports routiers. II n'utilisait plus exclusivement que son jet privé ou son hélicoptère. Si le périple à effectuer ne pouvait être accompli par voie aérienne, il ne l'effectuait pas et laissait les autres faire terrestrement le trajet jusqu'à lui.

 

 

241 -Dimanche 19 février 2017

 

Sans l'ombre d'un doute

 

- « Voilà bientôt plus de deux bonnes heures que nous errons et que nous nous gelons dans ce dédale sans fin. Alors, vas-tu enfin me dire pourquoi tu m'as entraîné dans ce raid commando pourri pour pénétrer par effraction dans les salles obscures d'un château fort du XIVe siècle. Sans vouloir jouer les rabats-joie, permets-moi de te dire que mon enthousiasme commence à ne plus être tout à fait à la hauteur du tien.

 

- « Oh ! Arrête un peu de râler, nous y sommes. Regarde, sur ce mur, il y a un tableau accroché. Approche-toi et tu verras qu'il est signé L.V, les initiales de Léonard de Vinci ! »

 

- « Oui, mais elles pourraient tout aussi bien être celles de Lucien Ventrachoux.»

 

- « Restons sérieux, veux-tu. Comme tu peux le constater, c'est un portrait de Nostradamus et il a été peint, en direct, le jour de sa mort, le 02 juillet 1566. Si tu l'examines avec attention, tu noteras que Nostradamus se tient debout, derrière une table, sur laquelle sont posés un ramequin, une épée, une serpillère, un ouvre-boîte, et un robinet.»

 

- « Oui, je vois, et alors? »

 

- « Si tu prends la première lettre du nom de chacun de ces objets: table, ramequin, épée, serpillère, ouvre-boîte, robinet, tu obiens le mot ... trésor! Et ce n'est pas tout. Dans le ramequin, il y a un oeuf mollet. Comprends-tu à quoi se rapporte cet autre indice caché, ce qu'il signifie? »

 

- « Que Nostradamus lisait aussi l'avenir dans les oeufs mollets? »

 

- « Mais non, arrête de te faire plus bête que tu n'es. Tu sais très bien que le dernier Grand Maître des templiers s'appelait Molay, Guy de Molay exactement. Pas vrai? Tout est mathématiquement évident, arythmétiquement lumineux, géométriquement pur! En fait, sur cette toile, Vinci a laissé un de ses fameux messages codés afin d'indiquer que le trésor des templiers était caché ici même. Pour le découvrir, il ne nous reste donc plus qu'à percer le dallage, les murs et les voûtes, avec les outils que j'ai amenés dans mons sac F1.»

 

- « Si j'ai bien saisi le sens de la manoeuvre, il s'agit, en n'étant que deux, de simplement s'attaquer, du sol au plafond, à une forteresse de plus de 74 000m2 et pour parvenir à nos fins il nous faudra sauvagement vandaliser ce site médiéval classé par le Service des Monuments Historiques.

 

La perspective de me lancer dans une aussi palpitante aventure est, pour moi, d'autant plus attrayante que la valeur de tes arguments historiques est renforcée par le fait que cette peinture nous prouve, également, que notre bon Léonard a encore réussi un de ses tours de force qui ne laisseront jamais de nous étonner. En effet, bien qu'il ait été décédé depuis le 02 mai 1519, cela ne l'a apparemment pas empêché de jouer allègrement du pinceau le 02 juillet 1566.

 

De plus, j'ai relevé sur ce chef-d’œuvre la présence d'un iguane, d'un dé, d'un interrupteur, d'un oignon et d'un tapis. Si l'on suit ta théorie, ça te donnes quoi? »

 

 

242 - Samedi 25 février 2017

 

Coup de main entre voisins

 

Ses dons pour le bricolage étant particulièrement fameux et renommés, mon adjudant est souvent sollicité à ce propos par les gens du quartier. Ainsi, lorsque sa pelouse se trouva être défigurée par les disgracieux petits tumulus terreux édifiés par d'inopportunes taupes, Ludovic, son voisin, n'hésita-t-il pas à faire tout naturellement appel à ses services. Toujours prêt à aimablement aider son prochain, mon adjudant répondit à son appel de bonne grâce et avec un large sourire engageant.

 

S'inspirant de la guerre des mines du premier conflit mondiale, il se mit en devoir de concocter un produit détonnant aux propriétés pétaradantes, spécialement destinées à chirurgicalement pulvériser les taupinières et réduire leurs désagréables occupantes fouisseuses en de multiples et minuscules fragments inertes. Pour ce faire, il enfila son tablier et ses gants de travail, puis se mit à l'ouvrage en sifflotant gaiement. Il amalgama expertement quelques ingrédients détonants suractivés de sa composition personelle afin d'obtenir un produit aux vertus explosives à la fois agréables, élégantes, discrètes et mesurées mais néanmoins efficaces.

 

Résultat, aujourd'hui, grâce à mon adjudant, Ludovic, son voisin, n'a plus de taupes, ni de pelouse d'ailleurs et de maison, aussi...

 

 

243- Dimanche 26 février 2017

 

Philosophie d'entreprise

 

Afin d'accroître toujours plus ses profits, pourtant considérables, il ne cessait de pressurer ses salariés de toutes les manières possibles et imaginables. Ceux qui osaient se plaindre des difficultés créées par leurs conditions de salaire et de travail, se faisaient sévèrement rabrouer au nom des prétendus intérêts supérieurs de l’entreprise. Afin de mettre un terme à ces contestations endémiques, un jour, il eut l'idée d'avoir recours au service de la philosophie. Chose des plus surprenantes, s'il en fut, puisqu'il qu'il était parfaitement ignare dans tous les domaines touchant, de près ou de loin, à la culture. Il fit afficher dans le cagibi servant de salle de pause, en grand et bien en vue, une citation de Sénèque.

 

« Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles.»

 

Certains esprits éclairés firent remarquer que celui qui avait présidé à l'affichage de cet aphorisme n'en avait vraisemblablement pas compris les sens parce qu'il était complètement hors sujet par rapport au contexte. D'autres, passionnés d'Histoire, soulignèrent que Sénèque avait été conseiller de Caligula et précepteur de Néron, deux empereurs sur lesquels il y avait tout de même beaucoup à dire... Enfin, un facétieux ajouta à la lénifiante et sentencieuse maxime du philosophe stoïcien, un texte signé d'un certain Otis :

 

« Vous savez, moi je ne crois pas qu'il y ait de bonnes ou de mauvaises situations. Moi si je devais résumer ma vie, aujourd'hui, avec vous, je dirais que c'est d'abord des rencontres, des gens qui m'ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j'étais seul chez moi, et c'est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée, parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l'interlocuteur en face, je dirais le miroir qui vous aide à avancer; alors ce n'est pas mon cas comme je le disais là, puisque moi au contraire j'ai pu et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie, je ne suis qu'amour, et finalement quand beaucoup de gens aujourd'hui me disent: mais comment fais-tu pour avoir cette humanité? Et bah, je leur réponds très simplement, je leur dis: c'est ce goût de l'amour, ce goût donc qui m'a poussé, aujourd'hui, à entreprendre une construction mécanique mais demain, qui sait, peut-être, simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi...»

 

A l'heure qu'il est, il est toujours en train de chercher qui peut bien être ce fameux Otis.

 

https://www.youtube.com/watch?v=KcbcWsXYImw

 

 

244 - Samedi 04 mars 2017

 

Amicus optima vitæ possessio

 

On toquait à son huis. Il ouvrit la porte et sur son pas il fut mis en présence d'un parfait inconnu dont la mine lui parut néanmoins avenante. Bonjour, dit ce dernier, je suis Euzèbe Vallebourge. J'ai emménagé dans la maison sise à peu de distance de la vôtre. J'ai donc l'honneur d'être votre nouveau voisin et c'est à ce titre que je me permets de vous rendre visite.

 

Cette démarche lui rendit l'homme extrêmement sympathique. Elle démontrait que ce dernier avait compris l'importance que revêtent les relations de bon voisinage. Elle prouvait également qu'il n'ignorait pas que la meilleure manière de les entamer était de se fendre d'une petite démonstration de courtoisie telle que celle-ci. Et ainsi, au fil du temps, jour après jour, allait se forger la chaîne d'une solide et franche entente cordiale. Puis, par la grâce dont ne sait quelle mystérieuse alchimie, ces liens simplement conviviaux se transformeraient en une belle et virile amitié.

 

C'était donc d'une oreille particulièrement bienveillante qu'il était prêt à ouïr les aimables paroles de son visiteur. Elles furent pour lui dirent qu'il avait intérêt à se mettre rapidement au steak tartare, parce que s'il continuait à régulièrement asphyxier bêtes et hommes des environs avec les malodorants nuages de fumée produits par ses viandes cuites en plein air, il ne se passerait pas longtemps avant qu'il ne se voit dans l'obligation de se saisir de sa personne afin de l'assoir sur son barbecue allumé pour lui faire avaler à la petite cuillère la totalité de ses réserves de charbon de bois.

 

 

245 - Dimanche 05 mars 2017

 

Chronologiquement parlant

 

Monsieur Aristène Zénodote, mécanicien diéséliste sporadique spécialisé dans le contrôle technique des phaétons hippomobiles hellespontiques, tient à faire la brève déclaration suivante:

 

« On aurait plutôt tendance à croire, un peu légèrement pour ne pas dire naïvement, qu'il suffit aux historiens de prendre à rebours calendriers, éphémérides ou agendas pour déterminer la date de tel ou tel évènement historique. Eh bien or donc que nenni, mes bons amis, en fait la chose tient plus du casse-tête chinois que de la table de multiplication par un.

 

Commençons par le commencement, à savoir le début de chaque année. En l'an 46 avant Jésus Christ, Jules César1, décide de faire remplacer le calendrier romain républicain, plutôt complexe, par le calendrier qu'il fait, en toute humilité, appeler julien. Son année-origine reste la même que celui du calendrier romain républicain, c'est-à-dire celle de la fondation de Rome qui est située en 753 avant Jésus-Christ. Le calendrier Julien définit les mois et les semaines tels que nous les connaissons encore aujourd'hui. Son premier mois est donc janvier, ainsi nommé en référence au dieu Janus parce que celui-ci possède deux visages, l'un regardant devant lui, l'autre derrière. Il peut ainsi, en même temps, jeter son regard sur le passé et le futur, sur l'année écoulée et sur celle à venir.

 

Les Gaulois et les Français étant ce qu'ils sont, il faut attendre 1564 et l'édit de Roussillon de Charles IX pour que le 1er janvier s'impose réellement à tous comme le premier jour de l'année. Jusque-là, pendant plusieurs siècles, en fonction des époques et des provinces, le nouvel an fluctuait, à la va comme je te pousse, entre le 1er mars et le 1er avril. Ce qui signifie que toutes les dates d'avant 1564, dites dates d'ancien style, doivent faire l'objet de savantes opérations mathématiques afin d'être passées en dates dites nouveau style, conformes à chronologie du calendrier julien.

 

Et comme si le schmilblick n'était pas encore assez compliqué comme cela, il y a encore un autre élément primordial dont il faut absolument tenir compte. En effet, en 1582, le pape Grégoire XIII décrète la mise en place d'un nouveau calendrier qu'il fait baptiser du nom de grégorien. Comme quoi, il n'y a pas que les empereurs romains pour se la jouer plus modeste que moi tu meurs. Quoi qu'il en soit, le but est de prendre pour année-origine celle de la naissance du Christ et de corriger le défaut majeur du calendrier julien. Entre lui et la course réelle de la Terre autour du Soleil, il y a, chaque année, un décalage de onze minutes et quatorze secondes. Au bout de quinze siècles, cela aboutit à un écart de dix jours. Pour compenser cette différence, Sa Sainteté Grégoire XIII a l'idée aussi simple qu'efficace de décréter que le lendemain du 4 octobre 1582 ne sera pas le 05 octobre mais le 15 octobre. Le calendrier grégorien est en vigueur en France depuis 09 décembre 1582.

 

Enfin, cerise sur le gâteau, l'année-origine du calendrier grégorien est fausse. Le moine Dionigi le petit qui fut chargé, au VIeme siècle, par Rome, de déterminer l'année de naissance de Jésus Christ, s'est trompé dans ses calculs. Pour autant, à ce jour, nous n'avons toujours pas pu déterminer l'année exacte de la naissance du Christ. Nous n'avons que des estimations qui la placent 4 ans avant J.C ou 4, 5, 6, 7 ans après J.C.

 

En résumé avant de donner une date, l'historien doit vérifier si elle nouveau style ou ancien style, issue du calendrier julien ou grégorien, antérieure au non 09 décembre 1582, et réaliser toutes les adéquations nécessaires. Quant à la variable de l'année de naissance de Jésus Christ, son imprécision reste telle que, pour l'heure, elle n'est pas prise en compte.

 

Pensez donc à tout cela, la prochaine fois que vous lirez: Marignan 1515. »

 

1 : Oui, ce sacré Jules ne s'est pas uniquement consacré à la baston avec les Nerviens.

 

 

246 - Samedi 11 mars 2017

 

Injustice

 

Il est cruellement vrai que, bien nous soyons en plein XXIe siècle, le combat pour l'égalité des sexes reste malheureusement toujours d'une criante actualité. Monsieur Euzèbe Lycurgue, haltérophile velu et atthidographe viscérotonique, est de ceux qui s'en indignent noblement et s'engagent, avec ferveur, dans la lutte afin de combler le fossé de cette inégalité d'un autre âge. Il milite pugnacement pour que chacun prenne conscience que ce problème relève de la plus haute importance et exige que l'on se donne des objectifs toujours plus hauts et plus ambitieux afin de bousculer le statu quo et ainsi mettre définitivement un terme à une situation aussi rétrograde qu'inacceptable.

 

De nombreux et importants combats restent à mener car les stéréotypes sont plus que jamais présents et ont la vie dure. Ils représentent encore trop souvent un obstacle aux possibilités d'avoir des chances égales de réalisation personnelle. Selon monsieur Euzèbe Lycurgue, le plus scandaleux exemple de ce regrettable contexte est que, malgré des années d'efforts acharnés, il se voit toujours interdit de pouvoir inscrire sa candidature au concours de Miss France.

 

 

247 – Dimanche 12 mars 2017

 

Genèse

 

Il s'agissait d'une remarquable et très exhaustive monographie récemment commise par monsieur Zébulon Zénodote, gardien de nuit diurne au Centre International de Vexillologie Préhistorique de Thun-l'Evêque et compositeur musical autodidacte de hard rock symphonique acoustique.

 

L'auteur ne remettait aucunement en cause les enseignements de monsieur le Maître des Clefs qui, en 1984, nous apprit que « pendant la rectification du Vuldranaii, le Grand Voyageur est venu sous la forme d'un torb! Puis, pendant la troisième réconciliation des derniers fervents du Mékétrex, on a choisi pour lui une nouvelle forme, celle d'un sloar géant! Bien des shubs et des zuuls créatures furent calcinés dans les profondeurs de l'énorme sloar, en vérité, je vous le dis ». Pour lui, comme pour tous ses collègues exobiologistes, ces explications indéniablement, accomplies, finies, pleines, nettes et sans bavure, répondaient à toutes les questions restées jusque-là sans réponse.

 

Un jour cependant, par un de ces heureux et surprenants concours de circonstances dont il est coutumier, le hasard l'amena à faire une découverte capitale démontrant que d'autres bouleversements s'étaient produits après la troisième réconciliation des derniers fervents du Mékétrex. En creusant un silo à endives près d'un carré de laitues, il exhuma un vieux sachet plastique de supermarché contenant des tablettes d'argile babyloniennes. Leurs inscriptions cunéiformes expliquaient qu'une semaine après la troisième réconciliation des derniers fervents du Mékétrex, l'univers connut une période bénie où il baigna mollement dans un ravissement ambiant général. Durant cette ère spatio-temporelle bénéfique, la première femme apparut sur Vénus. Elle fut et resta à jamais le seul exemplaire de forme de vie que connut cette planète. Comme elle s'y ennuya ferme assez rapidement, elle décida d'aller s'installer sur la Terre qui, bien qu'encore seulement peuplée d'animaux variés et diverses, lui paraissait bien plus sympa. Grâce au principe de la génération spontanée, elle engendra une fille et un garçon dont nous sommes tous issus.

 

Dans l'atmosphère solennelle teintée d'ennui de son salon de style néogiscardien, monsieur Athos Legrumeleux était parvenu au dernier mot de la dernière phrase du dernier chapitre de l'ouvrage de monsieur Zébulon Zénodote. Il posa le livre ouvert sur ses genoux. Les coudes posés sur les rebords du fauteuil, les mains jointes devant la bouche, les yeux fermés, il médita profondément sur ce qu'il venait de lire. Le rouge de la honte lui monta au front. Comment lui, Athos Legrumeleux, n'avait-il pas su deviner tout cela de lui-même ? Il était profondément meurtri de n'avoir pas été capable de se rendre compte que l'ensemble des citoyens descendait d'une même et unique ancêtre vénusienne alors que depuis plus de trente ans il était officier de l'Etat-Civil!

 

 

248 - Samedi 18 mars 2017

 

Fatum

 

Il en avait assez de cette sempiternelle ration quotidienne d'un kilo de pain, de cent grammes de lard et de fromage, avec un demi-litre de vinaigre allongé d'eau. Il n'en pouvait plus du cassis, de la lorica segmatata, de la caliga, du scutum, du gladio, du pilum. Il en avait plein le dos des marches de trente bornes avec le paquo de 30, 35 kg, plein le dos de l'exercice physique, plein le dos du maniement des armes, plein le dos des manoeuvres, plein le dos des travaux de terrassement, plein le dos les tours de garde, plein le dos des corvées d'eau et de bois, plein le dos de la filoche aux quatre coins de la Gallia, plein le dos de l'optione et du centurion. Il en avait plus que marre du senatus populusque romanus et tuti quanti. Il comptait les jours mais avec un service militaire de dix ans, la quille n'était pas encore pour demain.

 

Lorqu'en 57 avant J.C, il tomba à la bataille de la Sabis, non loin de Camaracum, pour lui ce fut presque une délivrance. Croyant avec ferveur en la métempsychose, il rendit son dernier souffle avec l'esprit et le coeur en paix, certain qu'il était que dans sa nouvelle vie il n'entendrait plus jamais parler de légion. Sa foi n'était pas illusoire car, même si elle dut attendre plusieurs siècles pour cela, effectivement son âme connut bel et bien une transmigration. Et c'est ainsi qu'il fut réincarné en Giovani Andreani, soldat de deuxième classe au 2e Régiment d'Infanterie de la Légion Etrangère.

 

249 - Dimanche 19 mars 2017

 

« Heureux l'homme qui a trouvé la sagesse »

 

Il en avait assez de tous les liens rigides qui emprisonnaient sa vie dans le carcan étouffant des principes édifiants. Il voulait faire vaciller le prisme déformant et réducteur qui lui avait toujours donné une vision conformiste de l'existence. Il brûlait du désir de jeter dans les flammes du brassier de l'émancipation les vieux oripeaux démodés des préjugés désuets. Il refusait de faire plus longtemps partie du troupeau grégaire des bornés confits dans leur morale surannée et ne sachant que s'avachir dans la facilité des valeurs bien-pensantes. Il avait décidé d'enjamber le bastingage du vaisseau rebelle de l'affranchissement pour naviguer sur l'océan de la délivrance et y hisser l'indomptable pavillon de la transgression.

 

La triste chrysalide timorée qu'il avait été pendant bien trop longtemps allait enfin effectuer sa rayonnante métamorphose. Sa nouvelle destinée était maintenant toute tracée. Il n'avait plus qu'à se laisser naturellement aller à ces penchants auxquels la jeunesse s'adonne spontanément. Ainsi donc, il était passé de l'autre côté du miroir et était descendu dans l'antre du gouffre maléfique des paradis artificiels. Il avait sombré dans l'ivresse vénéneuse des mirages défendus. Il avait flotté sur les venimeux nuages des visions hallucinogènes.

 

Son fils ne l'approuva pas et lui fit fermement part de sa désapprobation. En sus, il lui apprit que tous les jeunes, loin s'en faut, n'étaient pas sous l'emprise de produits stupéfiants prohibés. Il lui expliqua également que la neige aux effets psychédéliques et hautement toxiques était celle illicitement produite par de criminels cartels et non pas celle qui tombe gentiment du ciel. Se fourrer cette dernière dans le pif, comme il l'avait fait, était un acte complètement idiot mais néanmoins légal puisque, pour l'heure, il ne tombait sous le coup d'aucune interdiction de la loi. Quant à ses effets psychotropes, personne jusqu'ici ne les avait franchement relevés, pas même le Père Noêl et ses rennes. Enfin, pour ce qui était des dangers préjudiciables pour la santé, son utilisation nasale pouvait, au pire, vous gercer les narines.

 

250 - Samedi 25 mars 2017

 

Roma non uno die aedificata est

 

La journée et le travail étaient enfin terminés et il en était fort aise. La besogne n'avait pas manqué et avait exigé autant de pugnacité que de persévérance. Etre parvenu à en venir à bout n'avait pas été une mince affaire.Tous ses collègues et lui-même pouvaient, à juste titre, être légitimement fiers de la tâche accomplie. Ils avaient plus que largement gagné le droit de retrouver la douceur de leurs chers foyers. Il ne serait certainement pas parmi les derniers à le faire. Il ne perdit pas une minute pour se mettre en tenue de ville et prendre au triple galop le chemin du retour.

 

Lorsqu'il franchit la porte de son logis, il lança joyeusement à la cantonade:

 

- «You hou! Chérie, c'est moi!»

 

- «Ah ben, c'est seulement maintenant que vous arrivez! C'est pas top tôt! Permettez-moi de vous dire que vous abusez sérieusement! »

 

- « Ma mie, je comprends votre impatience et la légère pointe d'irritation qu'il me semble discerner dans le ton de votre accueil que je veux néanmoins croire chaleureux et conjugal. Il est vrai que la longueur de mon absence peut paraître quelque peu indue. Je confesse volontiers que mon occupation professionnelle m'a peut-être tenu éloigné de vous plus que de raison, mais comment eut-il pu en être autrement? Je vous prie de bien vouloir prendre en considération et m'accorder qu'il faut quand même un minimum de temps lorsque, comme moi, l'on se trouve dans l'obligation de faire, intégralement, la guerre de cent ans. Sans compter que pour être de retour en notre château fort cambrésien, j'ai dû chevaucher depuis Castillon la Bataille. Sinon, qu'est-ce qu'on mange, ce soir ? »

 

251- Dimanche 26 mars 2017

 

« Le bougalou du Loup Garou »

 

- « J'ai aujourd'hui l'immense honneur et plaisir d'accueillir sur notre site monsieur Augustinien Doubydoux, titulaire de la chaire d'idiosyncrasie réflexive au Grand Collège de France des îles Kerguelen, concierge honoraire de l'Université de Nijni Novgorod, remplaçant stagiaire dans l'équipe municipale de billon d'Aubencheul-au-Bac et auteur de l'ouvrage intitulé « Mes amis, la lycanthropie, j'en ris, ou tout, tout, tout, vous saurez tout sur le loup garou », paru aux Presses du Caniveau. Cher Augustinien Doubydoux, je pense que l'on peut dire que votre livre a fait l'effet d'un véritable pavé dans la mare qui a éclaboussé tous ceux ayant des idées bien arrêtées sur le sujet. Ils n'ont d'ailleurs pas manqué de vous accuser de n'être qu'un inculte arriéré invétéré. N'est-il pas? »

 

- « En effet et je répondrai simplement, argumentum ad hominem, c'est celui qui le dit qui l'est ! Qu'au Ve siècle avant Jésus Christ, les colons grecs qui s'étaient installés sur les rivages de la Mer Noire aient pu s'imaginer que les habitants du cru avaient le pouvoir de se transformer en loups, je veux bien. Que dans notre France profonde du Moyen Age où on en en était pas à une superstition près, on ait admis comme véridique les histoires de loups garous, passe encore. Mais qu'en plein XXIe siècle, à l'ère du numérique et des oeufs en poudre, il soit encore possible d'être persuadé que son coiffeur ou son facteur puissent se métamorphoser en loups féroces, les nuits de pleine lune, il y a de quoi se demander où certains étaient passés le jour où il y a eu distribution générale d'intelligence et se poser des questions quant à l'universalité de l'efficacité des processus de l'évolution. D'ailleurs, pourquoi s'arrêter en si bon chemin? Ne soyons pas timides, allons-y franchement! N'hésitons plus! Tant qu'ils y sont, pourquoi n'affirment-ils pas également que les rhytons se transforment en chopes de bière les jours de choucroute garnie à la cantine!

 

Alors soyons sérieux et cartésien, je vous prie. Ma réfutation de la réalité du lycanthrope n'est qu'une question d'évidence. Si je refuse d'entendre parler de loup garou c'est parce que, bien évidemment et tout simplement, le bon sens le plus élémentaire commande de ne croire qu'au poulpe garou. »

 

 

252 - Samedi 01 avril 2017

Le sens des priorités

Silence absolu, ciel du petit jour dont le noir d'encre se dégrade du bleu profond au rouge orange de feu, nature immense et frissonnante qui attend presque inquiète l'instant de l'éveil. Et lui, seul, debout, silhouette immobile se détachant en ombre sur le fond de ce prodigieux, grandiose et majestueux, tableau, lui, l'homme, le premier homme! Face à ce monde immense et encore vierge, il est, tout à la fois, émouvant de fragilité et admirable de grandeur. Il est celui avec qui tout commence. Celui qui va avoir l'extraordinaire génie d’exécuter le geste, ce premier geste, qui le différenciera de l'animal. Oui, l'aube de ce jour est la sienne, elle est la nôtre, elle est l'aube de l'Humanité.

 

Mais l'aube, ça fait quand même un petit peu tôt. Alors, avant toute chose, il commence par s'occuper de l'invention de la grasse matinée. Ensuite, il passera à celle du croissant et du café au lait. Pour le reste, il verrait ça plus tard, beaucoup plus tard...

 

Commentaire

Monsieur Nervien, je m'étonne qu'en ce jour du premier avril vous n'en ayez pas avidement profité pour vous laisser aller à votre navrant penchant pour les blagues oiseuses.

Joseph Vermot

 

Cher monsieur Vermot, j'en suis moi-même fort surpris.

Nervien

 

 

253- Dimanche 02 avril 2017

 

Civilisation des loisirs

 

Il parcourait avec attention la dernière note affichée sur le panneau réservé aux communications de la direction. Fier de son label d'entreprise sociale, cette dernière y réaffirmait son attachement à la défense du droit au temps libre et les salariés étaient invités à réfléchir davantage sur l'intérêt qu'ils se devaient de porter à leurs loisirs. Leur place dans l'existence de chacun était indispensable à l'équilibre personnel, au bien-être, à la bonne santé du travailleur et de sa famille.

 

Les loisirs permettaient à l'individu libéré de ses obligations contractuelles de laisser s'exprimer sans retenue sa véritable personnalité et de s'adonner à ses véritables passions. Ainsi, certains s'épanouissaient dans le sport où ils puissent les ressources régénératrices nécessaires au maintien de leur potentiel physique et moral. Sans pour autant dédaigner les bienfaits de la culture physique, d'autres préféraient se consacrer en priorité à l'action associative pour laisser s'extérioriser leur besoin de refuser les injustices de ce monde. D'autres encore s'interressaient aux richesses du savoir et de la culture. Ils cherchaient à élargir le champ de leurs connaissances, à découvrir ce qui se cache derrière chaque chose. Ils méditaient sur le vrai sens du réel, s'interrogeaient sur l'essence de l'essentiel. D'aucuns pouvaient aussi s'adonner avec passion et compétence à l'art de la conversation, de la gastronomie ou tout simplement de la contemplation. Mais quoi qu'il en soit, ce qui importait avant tout était que...

 

Il ne put terminer cette lecture particulièrement édifiante parce que le respect de l 'horaire commandait. Il devait rejoindre au plus vite son poste. Les dix minutes de pause, qui lui étaient royalement octroyées, tiraient à leur fin et la moindre seconde de retard n'était pas tolérée. Sa journée était encore loin d'être finie. Avec les heures supplémentaires qui lui avaient été imposées, il devait trimer pendant dix heures et en plus il était obligé de le faire un samedi, jour de repos.

 

 

254- Samedi 08 avril 2017

 

A l'impossible nul n'est tenu

 

Après de longues années de pratique forcenée, il avait atteint le suprême niveau de la sérénité transcendantale lui donnant la protection absolue du pouvoir immunisant de la totale et parfaite maîtrise de soi. Il était devenu capable d'affronter avec un complet détachement n'importe quel préjudice physique, aussi blessant et déplaisant soit-il, au point d'interdire au plus petit bruissement d'un imperceptible haussement de sourcils de venir troubler sa stoïque impassibilité. Il était insensible aux agressions, assauts, provocations, insinuations, dénigrements, verbaux, de tous les atrabilaires et autres bilieux croisant son chemin. Leurs invectives glissaient sans effet sur l'étincelant marbre poli de son impavidité et finissaient immuablement leur ridicule course en sombrant grotesquement dans les insondables profondeurs de son invraisemblable imperturbabilité.

 

Pourtant, il restait encore une chose devant laquelle malgré tout le savoir, l'expérience, le sang-froid, acquis, il perdait misérablement tout contrôle et emprise sur lui-même, une chose sur laquelle il ne pouvait s'empêcher de sauvagement se jeter dès qu'il se trouvait en sa présence. Il s'agissait de 330 gr de pâtes cuites, de 2 grandes tranches de jambon, de 5 cl de crème liquide, de 30 g de gruyère râpé, de sel, de poivre et de 200 g de maroilles, passés au four pendant environ 25 minutes à 180°C ; ou autrement dit un gratin de pâtes au maroilles pour trois personnes.

 

 

255- Dimanche 09 avril 2017

 

« Renommée, renommée, qui es-tu, renommée? »

 

Monsieur Graccus-Jugurtha Tigranon, appariteur adjoint de l'institut séranvillerois-forenvillois de recherche universelle de l'académie des sciences historiques subsumées de la société d'études des antiquités de l'Egypte précolombienne, nous accorde l'immense faveur de nous prodiguer le grand plaisir de nous faire part du fruit de son intense réflexion de vendredi dernier:

 

« Résumons-nous. Peu ou prou, nous connaissons tous parfaitement, complètement et en détail, l'histoire de la dynastie grecque des Ptolémée et en particulier de la plus célèbre de ses représentantes: Cléopâtre VII Théa Philopator. Une analyse objective, honnête, profonde et méthodique, conduit assurément à dire que ce sont, sans aucun doute possible et incontestablement, messieurs René Goscigny et Albert Uderzo qui ont, avec un talent qui force l'admiration, tracé le meilleur, le plus exact et le plus beau, portrait de cette dernière reine de l'ère ptolémaïque. Il est tout aussi vrai que cette œuvre majeure et sans égale, savamment produite par ces deux remarquables auteurs, ne peut être, pour le moins et avec raison, que qualifiée de pharaonique. Ce caractère monumental saute aux yeux dès la lecture de l'exergue inscrite sur la couverture de la première édition de leur ouvrage. Elle informe le lecteur ébahi et époustouflé que « 14 litres d'encre de chine, 62 crayons à mine grasse, 1 crayon à mine dure, 27 gommes à effacer, 18 kilos de papier, 16 rubans de machine à écrire, 2 machines à écrire, 67 litres de bière, ont été nécessaires pour sa réalisation ».

 

Par contre, bien qu'il n'ait pas été spécialement frappé de damnatio memoriae, Mithridate VI Eupator, roi du Pont et grand adepte de la mithridatisation, est beaucoup moins illustre que sa collègue d'Alexandrie ou que Lucky Luke. Le fait est des plus étonnants car ce personnage est tout à fait digne d'intérêt et mérite toute notre attention. En effet, il a exécuté son frère ainsi que trois de ses fils et trois de ses filles, assassiné sa mère, épousé sa sœur qu'il a mise à mort après qu'elle eut tenté de l'empoisonner, il a fait connaître le même sort à ses deux autres sœurs, Roxane et Satyra, puis à ses épouses Bérénice de Chio et Monime de Milet

 

Il est réellement dommage qu'un personnage aussi hautement sympathique et attachant n'ait pas eu droit à la même postérité que Cléopâtre VII Théa Philopator. Il en eût été certainement tout autrement si messieurs Goscigny et Uderzo s'étaient penchés sur son histoire.»

 

 

256 - Samedi 15 avril 2017

 

L'écologiste de ville et l'écologiste des champs

 

- « Tu vois, je lui ai dit comme ça: si je vous ai bien compris, citadin, vous avez mis au point une invention révolutionnaire permettant de concentrer et de récupérer les gaz d'échappement d'une voiture dans un réservoir installé dans son moteur. Ainsi les grandes cités seront-elles débarrassées de la pollution automobile. Votre prototype, c'est le super gros quatre quatre noir qui est garé juste là, à l'entrée de ma pâture. Fatalement, il arrive un moment où votre réservoir à gaz d'échappement est plein.Vous êtes alors obligé de le vider de ses fumées nocives. Et comme il ne serait pas logique de les relâcher en ville, vous venez procéder ici. N'est-ce pas? Tout juste, brave et perspicace paysan, qu'il me réplique l'urbain. Tu me connais, d'accoutumé je suis le gars calme, apte à tempérer les élans d'un caractère bouillant par un sens inné de la tolérance et de l'indulgence, mais alors là, mon sang n'a fait qu'un tour. J'ai aussi sec mis les choses au point avec un résumé clair et succinct du fond de ma pensée.»

 

- « C'est-à- dire? »

 

- « Je n'ai pas hésité à lui faire la démonstration de l'un des plus grands, des plus beaux, des plus purs, geste écologique qui soit: je l'ai obligé à déguerpir en lui plantant les quatre dents de ma fourche dans le gras de ce qui lui sert à s'asseoir sur le siège de son engin de malheur.»

 

 

257- Dimanche 16 avril 2017

 

La parole est aux lecteurs

 

Diplomate mais résolu, je vous hèle afin de dresser un constat apaisé mais non dénué de critiques. Monsieur Nervien, quitte à produire des écrits sur le réseau de l'internet autant le faire pour proposer aux liseurs des thèmes utiles et dignes d'intérêt. Ainsi donc, savez-vous, qu'il existe des sites dont la vocation est autre que de distiller insouciamment de frivoles bêtises hebdomadaires? Loin de la légèreté et de la superficialité dont vous êtes familier, ils nous offrent sans afféterie, du vécu, du réaliste, du véridique, de l'édifiant. Ils sont de véritables et inestimables sources d'enrichissement intellectuel et humaniste. Je pense en particulier au blog d'un certain monsieur Atrébate 62. Chaque jour, de son appartement arrageois néo-magdalénien, bâti en pierres taillées dans les meilleures falaises karstiques du Gévaudan, il nous abreuve du cours extraordinaires de sa passionnante existence et nous régale de la délicieuse manne de sa transcendante pensée. Permettez-moi de vous en donner les plus récents exemples; attention, génie:

 

« Jeudi 13 avril:

J'ai décidé de déserter toutes les viles activités qui touchent aux besoins matériels de l'existence afin de dédier tout mon zèle à la seule beauté mystique de l'excellence spirituelle. Je me devais donc, dès aujourd’hui, urgemment et saintement, me convertir, pour les siècles des siècles, à l'orphisme.

 

Vendredi 14 avril:

Bon, finalement, l'orphisme, j'ai laissé tomber. D'abord, je n'ai pas trouvé de curé orphique dans l'annuaire. Ensuite, le coup de l'initiation qui consiste à descendre dans un puits de deux mètres de diamètre sur quatre de profondeur, au fond duquel tu t'allonges avec les jambes enfoncées jusqu'aux genoux dans une ouverture de quarante-cinq centimètres sur vingt-deux et par laquelle une force aussi colossale qu'inconnue t'aspire entièrement de l'autre côté, franchement, j'y tiens pas plus que ça.

 

Samedi 15 avril:

Amèrement et profondément frustré, pour ne pas dire douloureusement blessé, par ma décevante expérience religieuse, ce matin, après mon petit-déjeuner, j'ai courageusement pris la décision de mettre mes actes en accord avec mon refus inné de la société de consommation. A partir de ce midi, je ne consommerai plus que de la viande crue de bêtes sauvages que j'aurai moi-même chassées et avec leurs peaux, cousues de mes mains, je ferai des sacs-poubelles.

 

Dimanche 16 avril:

J'ai bien peur que dans la semaine à venir nous ne soyons victimes d'ondées imprévues, aussi demain me porterai-je acquéreur d'un parapluie et, comme deux précautions valent mieux qu'une, je me paierai également un K-Way. J'aimerais bien avoir le même que Dany Boon. Il faudra aussi que je n'oublie pas de m'acheter du camembert.»

 

Commentaire

La réalité dépasse parfois la fiction.

Jules Verne

 

258 - Samedi 22 avril 2017

 

Admirons en silence

 

Chaque année, à l'instant précis où le soleil se positionne très exactement au point d'intersection entre l'écliptique et l'équateur, il se produit un prodige bouleversant: c'est l'arrivée du printemps. Du coup, youppie! Les primevères glutineuses fleurissent, les oeufs de gypaètes barbus éclosent mais aussi et surtout monsieur Atanase Bouteillon, rapporteur de la commission nationale sur la modernisation de la mise en boyaux des saucissons à l'ail fumés au bois de hêtre, sent monter une sève artistique le long de son artère carotide primitive. Elle réveille en lui et en sursaut le souffle fou qui fait vibrer à tout rompre la fibre de la création picturale qui ne saurait attendre.

 

Alors, comme tous les rares élus que la destinée a choisis pour figurer au faîte de l'Olympe des maîtres du pinceau, il doit affronter le redoutable huis clos du face à face avec la toile vierge et narquoise. Il cherche l'idée prodigieuse, le sujet inoubliable, le thème grandiose. Quel paysage sublime, quelle épopée mythique, quel héros légendaire, quelle face de petit chat, quel vase de belle-maman, fera-t-il l'objet de son choix pertinent et aura l'exceptionnelle chance d'être magnifié par la vision artistique de ses saisissants dons esthétiques?

 

Tout soudain, après de longues et affreuses heures de méditations angoissantes, l'illumination l'étreint. Il tient son sujet. Avec un beau cadre ouvragé, il ne manquera pas de nombreux jaloux pour l'envier. Non seulement, il va élaborer une oeuvre représentant une surface entièrement, uniquement et absolument, blanche, comme une toile, mais de plus, géniale inspiration s'il en fut, il la peindra au rouleau.

 

Commentaire:

Je suis anéanti par tant de talent.

Kasimir Malevitch

 

 

259- Dimanche 23 avril 2017

 

Il en fut ainsi

 

En ce beau matin ensoleillé mais néanmoins plutôt frisquet, dès son réveil, il sentit fort et clair que routine et indolence ne seraient pas de mise au cours de la présente journée. Pétulance et entrain fusaient hardiment de toutes parts. L'ambiance matutinale était au branle-bas et à l'entrain roboratifs. Assurément, aujourd'hui, pas question de tergiverser ou de renâcler: mouvement, activité et remuement, étaient incontournablement à l'ordre du jour.

 

Il fallait donc prendre les dispositions qui s'imposent. Alors, hop! Vif, résolu et empressé, il partit vélocement s'immerger dans la nature, indispensable et propice environnement, à nul autre pareil, lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins de l'être en quête d'une franche et solide revivification physique et morale. En effet, il n'y a pas de meilleur et de plus efficace remède que l'activité sportive en milieu naturel pour retrouver sa bonne humeur de jolly good fellow et sa charmante silhouette de jeune adolescent romantique.

 

Ne les ayant pas effectuées chez lui, avant toutes choses, il se devait de commencer par procéder à ses ablutions hygiéniques quotidiennes. Il se plongea dans l'onde claire d'une rivière qui cascadait à l'ombre du vert feuillage des arbres poussant sur ses berges. Il frictionna son épiderme bleui par l'eau glacée avec un gros galet en guise de savon. Ensuite, il décida de s'affermir le jarret et de se raviver le mollet en s'imposant une longue course à pied dans la froidure des chemins pentus et accidentés des bois environnants. Après quoi, afin de finir en apothéose cette saine et vivifiante matinée, il entreprit de s’épanouir le muscle en général par la pratique de virils et techniques mouvements gymniques. Parmi ceux-ci, certains l'obligèrent à s'allonger sur le sol froid, couvert d'herbes folles toutes couvertes de scintillantes perles de rosée.

 

Cette magnifique séance de remise en forme ne lui apporta pas les bienfaits espérés. Mais lorsque l'on s'immerge dans de l'eau glacée, que l'on gambade dans la froideur des chemins forestiers et que l'on se couche sur un sol gelée et humide, il ne faut pas rêver. La seule chose à laquelle on peut s'attendre, c'est d'attraper une sacrée grosse crève, bien déprimante. Et fort logiquement, il en fut ainsi.

 

 

260 - Samedi 29 avril 2017

 

Très, très, vintage

 

- « Mais que fais-tu donc, mon grand roudoudou au miel naturel de fleur de pin parasol du Tibet? »

 

- « Je me prépare pour ma rencontre champêtre et privée de demain matin avec ce collègue qu'il suffit d'approcher pour tout de suite comprendre le sens du mot antipathique. Bien entendu, pour autant, cela n'en sera pas moins, un rendez-vous poli et courtois entre gentilshommes du monde sachant garder le sens de la mesure, dompter leurs nerfs et se dominer. Cependant, même si je n'y accorde que peu d'importance, à tout prendre, je préfère m'assurer d'une certaine supériorité. Tu sais ce que c'est. On a beau savoir qu'il ne s'agit pas de choses vraiment sérieuses et qui ne prêtent pas à conséquence, on ne peut s'empêcher de se piquer au jeu. Alors voilà pourquoi, ma chérie, afin de me conforter et d’asseoir ma sérénité morale et intellectuelle, je pratiquai ces quelques menus mouvements, dans le salon.»

 

- « Ah bon! Tu me rassures. A te voir ainsi mimer des attaques, ripostes et parades d'escrime, j'ai cru pendant un instant avoir devant moi le chevalier de Lagardère en train de s'exercer pour un duel. Un duel, en plein XXIe siècle, suis-je donc ridicule! Tu ne trouves pas? »

 

- « Ben c'est-à-dire, qu'en fait...»

 

 

261 - Dimanche 30 avril 2017

 

Success-story

 

Il avait débuté, l'allure fière et décidée, dans le commerce des huîtres triploïdes. Il allait de marché en marché pour proposer au chaland ses mollusques marins bivalves. Son négoce ne prit jamais l'essor escompté. Il périclita au point qu'il fut dans l'obligation de mettre la clef sous la porte. Il est vrai que son affaire n'était que saisonnière et qu'il l’exerçait du mois de mai au mois d'août, une période peu favorable à la vente de l'ostrea comestible, triploïde ou non; tous les mois en R vous le dirons.

 

Après ce mercantilo-ostréicole échec, il changea complètement son fusil d'épaule. Sans plus de manière, il se fit libraire. Sa très accueillante boutique était exclusivement dédiée à la découverte, à l'exaltation et à la fourniture d'ouvrages traitant des bienfaits du végétarisme. Malheureusement, très peu de temps après son ouverture, elle fut complètement ravagée par un impressionnant incendie. A en croire certains soupçonneux, ce sinistre n'aurait pas été sans rapport avec le fait que la librairie ait été installée dans le quartier où se trouvait l'abattoir et la plus grande densité au monde de boucheries-charcuteries.

 

Il ne se découragea pas pour autant et prit son destin par les cornes. Il se reconvertit dans la vente à tempérament de résidences secondaires à l'étranger. Inexplicablement, il ne conclut jamais aucun contrat de vente. Pourtant, il proposait des prix défiant toute concurrence et avait choisi avec le plus grand soin le site de construction afin qu'il soit attractif. En effet, il n'y avait pas plus calme et reposant que Tchernobyl et sa campagne environnante.

 

Heureusement, aujourd'hui, tous ces attristants déboires faisaient partie d'un passé définitivement révolu. Il avait enfin trouvé sa voie et les pratiques se bousculaient à l'entrée de son agence. Il y prodiguait ses conseils tarifés en tant d'expert-consultant en stratégie commerciale.

 

 

262 - Samedi 06 mai 2017

 

«Maman, les p'tits bateaux qui vont sur l'eau...»

 

Il était le noble et digne descendant d'une immémoriale lignée plus terrienne qu'un champ de bintjes d'appellation d'origine contrôlée. Aussi haut que l'on remontât dans les foisonnantes frondaisons de son arbre généalogique, il n'y avait pas un seul de ses ancêtres dont l'existence tout entière ne se soit déroulée sans que jamais il n'eut mené ses pas hors des limites du sol qui l'avait vu naître. Or lui, sans qu'aucun signe avant-coureur ne l'annonçât, entendit pourtant un jour mugir le vent de l'appel du grand large. Il était si puissant et pressant qu'il ne put que s'y soumettre.

 

Il partit voguer en solitaire sans plus d'autres bagages que sa totale inexpérience du difficile et dangereux métier de marin. Mais il ne s'en inquiétait nullement. Il sentait que la force, qui le poussait, avait allumé en lui la flamme d'un nouvel instinct. Il savait qu'il n'aurait qu'à l'écouter pour suivre le bon cap. Même au milieu de la brume hostile, il lui apporterait la clarté et le guiderait. Et s'il devait affronter les éléments livides de rage dans un combat sans merci, il n'aurait rien à craindre car il l'aurait comme allié.

 

Effectivement, c'est sain et sauf qu'il toucha terre après avoir, valeureusement et intrépidement, effectué la traversée, en barque, de la paisible petite mare aux canards de son jardinet. 

 

 

263- Dimanche 07 mai 2017

 

On en apprend vraiment tous les jours, premier épisode

 

Monsieur Philémon Grognonnant, scholarque de l'institut de beauté stoïcien, sis au 95 boulevard des Champs Elysée, à Vendegie-sur-Ecaillon, nous fait l'immense honneur de nous apostropher:

 

« Pupuce-Maxence, mon varan de komodo angora, tenait à ce que je vous entretienne de la guerre chrémonidéenne, mais la chose m'a semblé superfétatoire puisqu'il s'agit là d'un chapitre historique tellement connu et rebattu que personne n'en ignore plus rien. Aussi, n'en déplaise à monsieur Pupuce-Maxence, il m'a paru plus opportun, utile et intéressant de choisir un sujet dont le grand public a rarement entendu parler: Jeanne d'Arc... et ses consoeurs.

 

On méconnaît très souvent le fait, qu'à son époque, notre bonne Jeanne n'est pas un cas unique en son genre, loin s'en faut. En effet, en ces temps troublés des débuts du XVeme siècle, au royaume de France, c'est par dizaines que se dénombrent celles qui affirment avoir entendu des voix et vu des apparitions d'origines célestes. Par exemple, les sources nous indiquent que le 25 décembre 1429, à Jargeau, situé dans l'actuel département du Loiret, une certaine Pierrone la Bretonne effectue ses dévotions avec Jeanne d'Arc, en personne. Ladite Pierrone affirme que Dieu se présente régulièrement à elle sous la forme d'un homme habillé d'une robe blanche. A chacune de leur rencontre, Il converse très amicalement avec elle et Lui dit qu'il faut renvoyer manu militari l'Anglais de l'autre côté de la Manche. Il n'est pas attesté que Jeanne ait mis en doute ces assertions.

 

La Bretonne accompagne ensuite la Lorraine dans son périple entre Loire et Seine. En avril 1430, elle est faite prisonnière par les troupes anglo-bourguignognes. Lorsqu'elle apprend que Jeanne a elle aussi été capturée, le 23 mai 1430, elle n'hésite pas à lui apporter ouvertement son soutien. Amenée à Paris pour y être jugée, après un procès de six mois, Pieronnne est condamnée au bûcher et exécutée en place de grève, le 3 septembre 1430. Quelques mois plus tard, le 30 mai 1431, Jeanne connaîtra la même fin atroce, à Rouen.

 

Tu vois, mon cher Pupuce-Maxence, en Histoire, les histoires ne finissent pas toujours bien et la pauvre Clio ne manque malheureusement pas d'occasion de pleurer.

 

 

264 - Samedi 13 mai 2017

 

Autocritique sans concessions

 

Malgré tous ses louables et entêtés efforts, il était incurablement incapable, irréfutablement malhabile, formellement inapte. Il se montrait objectivement et loyalement conscient de cet état. Aussi pénible qu'il soit à supporter, il acceptait le regard glaçant mais impartial de la vérité. Qu'après plus de deux mille ans d'évolution civilisatrice, il puisse encore exister un lamentable de son gabarit, c'était une anomalie inexplicable. Il en éprouvait un trouble sentiment d'incompétence qui gonflait en lui comme l'enveloppe multicolore de l'aérostat se remplissant abondamment d'air chaud. Que pouvait encore valoir, de nos jours, un homme infichu de toucher, d'au moins, une balle de FAMAS le visuel d'une cible SC2, située à environ un peu moins d'à bout portant? Il se sentait tellement désastreux qu'il ne se voyait d'autre avenir que de devenir anachorète anonyme dans une cave naturelle d'affinage de roquefort.

 

Le malheureux était sans doute bien trop sévère avec lui-même. En effet, il faut dire à sa décharge et porter à son crédit que son échec ne tenait pas tant à sa maladresse qu'au fait qu'il ignorait qu'il était difficile d'atteindre quoi que ce soit avec un FAMAS n'ayant pas été approvisionnés en cartouches.

 

 

265 - Dimanche 14 mai 2017

 

On en apprend vraiment tous les jours, second épisode

 

Monsieur Philémon Grognonnant qui est, est-il vraiment besoin de vous le rappeler, scholarque de l'institut de beauté stoïcien, sis au 95 boulevard des Champs Elysée, à Vendegie-sur-Ecaillon, nous fait, à nouveau, l'immense honneur de nous apostropher:

 

« Pupuce-Maxence, mon varan de komodo angora (vous ai-je déjà avoué qu'il était originaire des alpages du Bénélux ?) ne veut pas en démordre et ne cesse de me saouler, depuis une semaine, avec son histoire de guerre chrémonidéenne. Eu égard à notre longue amitié de trente ans, j'ai finalement et consensuellement pris la décision de ne pas faire litière de son insistante prière. Aussi, en bonne logique, vais-je donc, sans plus tarder, évoquer le personnage de Catherine de la Rochelle.

 

Nous sommes en ces difficiles années où notre courageuse Jeanne d'Arc a fort à faire pour bouter l'Anglois hors de France. Catherine de la Rochelle va à sa rencontre à Montfaucon en Berry1, en octobre 1429, puis à Jargeau, en décembre de la même année. Elle déclare être visitée toutes les nuits par une dame blanche, vêtue d'un drap d'or, qui la requière de commander à tous ceux qui possèdent des trésors cachés de les donner au roi de France pour payer les soldats de Jeanne. Cette dernière, qui n'en demande pas tant, ne la croit pas et lui conseille de s'en retourner s'occuper de son mari, de ses enfants et de son ménage.

 

Pour s'assurer de la justesse de son jugement, elle demande à sainte Marguerite et à sainte Catherine ce qu'elles pensent de cette dame de la Rochelle. Jeanne affirme qu'elles lui répondent qu'elle est complètement folle. Néanmoins, afin de se rendre compte par elle-même de ce qu'il en est, elle propose à Catherine de la Rochelle de partager son lit pour une nuit. Le lendemain, Catherine assure que sa dame est bien apparue mais comme Jeanne s'était assoupie, elle n'a pas pu la voir. La jeune Lorraine décide de réitérer l'expérience mais cette fois, ayant pris la précaution de dormir durant la journée, elle reste parfaitement éveillée jusqu'au matin et elle n'est témoin d'aucune apparition. Quand par la suite elle rencontre Charles VII, elle lui affirme que « le fait de Catherine n'était que néant et folie ».

 

Tu vois, mon cher Pupuce-Maxence, personnellement, je trouve que la manière dont Jeanne a résolu cette affaire est digne de Sherlock Holmes ».

 

1: aujourd'hui, cette commune s'appelle Villequiers et se situe dans le département du Cher

 

Commentaire:

N'empêche que moi, j'aurai préféré l'histoire de la guerre chrémonidéenne.

Pupuce-Maxence

 

 

 

266 - Samedi 20 mai 2017

 

Décryptage

 

Titre compris, l'article qu'une gazette littéraire de référence avait consacré à son dernier ouvrage, tenait en moins d'une ligne. On aurait pu espérer d'une telle brièveté qu'elle soit un gage de clarté pour le propos. Il n'en était fâcheusement et étonnamment rien. Cette concision n'était d'aucune aide pour lui permettre d'entrevoir distinctement le sens de l'image utilisée pour qualifier son style. Il ne comprenait pas exactement ce que signifiait la périphrase employée. Si elle avait, certes, la qualité d'être pittoresque, elle ne possédait pas celle d'éviter le défaut de se montrer particulièrement absconse. Il se demandait dubitativement comment il convenait de correctement l'interpréter pour ne pas trahir la pensée de son initiateur.

 

Le lointain collègue de Jean Carolus qui avait eu la chance d'être chargé d'effectuer la critique objective de son livre, avait donné l'avis suivant: « On croirait ce livre écrit avec les pieds ». Mais qu'entendait-il précisément par cette circonlocution podale? Croyait-il que l'auteur avait étalonné la longueur de ses textes en usant d'une règle graduée selon les critères du système de mesures anglo-saxon? Ou bien alors, s'était-il figuré avoir eu entre les mains l'ouvrage du premier écrivain à tenir sa plume avec les orteils?

 

Quoi qu'il en soit et sans vouloir l'accabler, il en tira la conclusion que la clarté était le talon d'Achille de cet échotier.

 

 

267 - Dimanche 21 mai 2017

 

Fine mouche

 

Bien que le sujet fût de la plus haute gravité, son propos serait rigoureusement lapidaire, sobre, succinct, bref, sec et précis. Il ferait dans le minimum et la fugacité. Il ne s'agissait, après tout, que d'une simple et banale formalité qui ne demanderait pas plus qu'un fugitif et éphémère instant pour en arriver à sa conclusion. Par ailleurs, absolument rien ne l'obligeait à s'y soumettre. S'il acceptait de solliciter un assentiment franc et massif, ce n'était que par pur esprit de conciliation et respect de certaines valeurs traditionnelles. Il maitrisait parfaitement la situation qui, de toute façon, n'avait aucune raison de lui échapper. Il était quiet et serein.

 

- « Hum...hum... Excuse-moi, ma bisouchoupinette, je ne te dérange pas au moins? Alors voilà: un hasard ou pour être plus précis un concours de circonstances aussi imprévisible qu'aléatoire m'est fortuitement échu de manière inatendue. Ma présence est impérativement et pressement sollicitée pour un conseil d'administration extraordinaire de mon cercle culturel et sportif. Etant, sans fausse modestie, l'un des membres les plus éminents et les plus appréciés de cette distinguée et docte association, je ne puis me soustraire à cette contrainte inopinée. D'autant plus, qu'au cours de mes insomnies méditatives, il m'est venu une inspiration dont il serait bon qu'elle fasse l'objet d'une communication. J'en suis profondément navré et, pour être tout à fait sincère, j'irai même jusqu'à dire que j'en suis authentiquement ravagé, mais je me vois forcé d'abandonner notre domicile conjugal pour la soirée et certainement pour une bonne partie de la nuit. Si les évènements eussent été différents, sache ma bibichepoussinette, que j'eusse de loin préféré demeurer à tes tendres côtés. »

 

- « Ah, grand fou! Mieux que personne d'autre au monde, tu sais tout de moi. Tu me connais aussi parfaitement que la liste des lames et des outils de ton couteau de poche suisse. Tu lis en moi comme dans un grand livre d'images en couleurs, et sans avoir besoin de lunettes. Alors, mon pauvre petit bichon rose, quel est donc ce fol et soudain égarement qui t'a imprudemment donné à accroire que tu avais la moindre chance que je ne comprenne pas qu'il est question de sortir avec tes copains de billon et après de rentrer à la maison, à point d'heure, plus déchiré que mon jean à la dernière mode? »

 

 

268 - Samedi 27 mai 2017

 

La bonne personne au bon endroit

 

Il certifiait n'avoir jamais eu lieu de s'irriter outre mesure de n'avoir jamais pu satisfaire à ses ambitions tant il était au-dessus de telles futilités; et néanmoins... Ce genre de préoccupations étaient tout à fait indignes de son esprit supérieur et il avait mieux à faire que de s'attarder à l'encombrer de broutilles aussi superflues; et cependant...

 

En fait, la vérité était qu'il ne comprenait pas pourquoi il restait ainsi privé de ce qui aurait dû tout naturellement et légitimement lui revenir. Il en était profondément mortifié mais n'en laissait rien paraître pour ne point porter atteinte à l'image qu'il souhaitait donner de lui-même. Le monde se montrait aussi parfaitement qu'inexplicablement inique à son égard. Malgré les multiples efforts qu'il ne manquait jamais de produire pour se mettre en avant, ses contemporains refusaient obstinément de le reconnaître à sa juste valeur.

 

Objectivement et sans parti pris, on ne pouvait qu'abonder sans réserve dans son sens. A l'aune des qualités humaines, du sens de l'intérêt général, de la sincérité, de l'altruisme, de l'ouverture d'esprit, de la serviabilité, de la gentillesse et du courage, qui étaient les siens, il n'était effectivement pas à la place qui était légitimement la sienne: celle de la balayette, entre la cuvette et le rouleau de papier toilette.

 

 

269 - Dimanche 28 mai 2017 - Bonne fête, Maman!

 

Start up

 

Dans l'exaltant contexte éminemment survolté et vrombissant de la marche triomphale d'une bouillonnante mondialisation catégoriquement guillerette, il ambitionnait de mettre, sans barguigner et à pleines dents, toutes les forces vives de ses compétences personnelles au service d'activités tournées vers ces nouveaux avenirs où brille le soleil de l'aube du jour du grand soir des matins remplis de la promesse des lendemains qui gazouillent. D'un pas décidé à en faire s'enflammer l'asphalte thermostabile du trottoir, il s'était gaillardement rendu chez un homme introduit dans la finance afin d'en obtenir les moyens budgétaires indispensablement nécessaires à la concrétisation de ses projets.

 

Il n'était rongé par aucune douteuse incertitude, tant il était certain qu'il était avéré d'avance que ses plans étaient destinés à immanquablement susciter l'adhésion la plus enthousiaste, au milieu des cris de joie et d'admiration. Il avait eu pour génialissime idée de s'être intéressé à un segment de marché depuis longtemps abandonné mais qui avait été florissant en son temps et ne demandait qu'à le redevenir, pour peu que l'on s’y intéressât sincèrement et s'y investisse courageusement. Il ne faudrait pas mesquinement compter ses heures, ni avoir froid aux yeux et même être capable de faire parfois preuve d'une témérité à toutes épreuves. Le succès était à ce prix.

 

Contre toute attente, le jeune homme bien mis, auquel il eut affaire, ne lui apporta pas le soutien qu'il attendait. Très poliment, très calmement, très amicalement, en souriant avec discrétion et distinction, il lui signifia qu'il était profondément désolé de ne pouvoir satisfaire à sa requête pécuniaire. Il estimait que la voie qu'il avait choisie était des plus hasardeuses et des plus risqués. Ce n'était pas une question de mise de fonds. Cette dernière était relativement modeste. Elle devait simplement pourvoir à l'achat d'une tenue de travail, d'un cheval, de son équipement et payer le premier salaire d'un assistant. En fait, lui avait-il expliqué, l'entreprise était, dès le départ, vouée à l'échec. Aujourd'hui, même en utilisant les réseaux sociaux, il n'était pas réaliste de se lancer dans une carrière de Zorro. Les temps n'étaient plus à la défense de la veuve et de l'orphelin, mais à leur exploitation.

 

 

270 - Samedi 03 juin 2017

 

Contretemps

 

Il se préparait à généreusement s'offrir un confortable et onctueux moment de délassement en passant la soirée à regarder la télévision. Malheureusement, alors que l'on s'y attend le moins, ce sont toujours dans ces moments-là que les orages de la vie éclatent et gâchent impitoyablement votre félicité. Dès qu'il alluma son poste, il eut la mauvaise et agaçante surprise de constater qu'il ne fonctionnait pas conformément aux normes dont il se réclamait. Il s'était visiblement laissé aller un certain délabrement fonctionnel.

 

Or, s'il était une chose qui l'horripilait entre toutes, c'était bien que de bêtes objets domestiques aient l'effronterie de s'approprier le pouvoir de perturber ses projets. Cette télé allait rapidement voir à qui elle avait affaire. L'explication se révéla sérieuse et de taille. Il s'attendait à en sortir brillamment victorieux mais ce fut un retentissant échec et mat. Mortifié, il dut s'avouer à lui-même qu'il s'était montré inefficace. Il était resté impuissant devant ce dysfonctionnement pour la simple et bonne raison qu'il n'avait pas su en déterminer les obscurs motifs. Hagard, les nerfs prêts à lâcher, il s'accrocha désespérément à la seule planche de salut susceptible de pouvoir encore le sauver: appeler Urgence Dépannage TV - 24h sur 24h.

 

Le technicien lui expliqua avec énormément de bienveillance et d'indulgence qu'il n'était d'aucune utilité d'avoir essayé d'effectuer des réglages et fait déplacer un réparateur. La télévision ne présentait aucun problème de couleurs et de son. Simplement, elle diffusait « Les enfants du paradis », film tourné en noir et blanc et en monophonie.

 

 

271- Dimanche 04 juin 2017

 

Emule de monsieur Léopold Saroyan

 

Toutes les fois qu'il s'en approchait et qu'il s'apprêtait à la traverser d'un bond, il ressentait toujours le même petit frisson lui fourmiller le long de l'échine. Pour les besoins de son activité, il était obligé de pratiquer l'opération plusieurs fois par semaine. Chaque lundi, mercredi et vendredi, qu'ils soient fériés ou non, il franchissait les limites territoriales afin de s'adonner à la traite clandestine de marchandises. C'était, si j'ose dire, un véritable athlète de la contrebande. Pour autant, il n'était pas de ces inconséquents qui agissent dans l'impréparation et la légèreté.

 

Fort d'une solide expérience, il savait qu'il fallait éviter les méthodes susceptibles de vous occasionner de désavantageux désagréments. C'est pourquoi, il s'était orienté vers la technique du go fast. Il s'élançait sur les axes routiers secondaires à plus de 60km/h, au volant de sa deux chevaux AZ. Le véhicule avait été spécialement repensé pour répondre aux exigences du transport particulier et prohibé auquel il se livrait. La face arrière des pare-chocs était garnie de sachets remplis de poudre de cacao. Un double fond, aménagé dans le vide-poche, permettait de stocker du dentifrice en vrac. L'envers du revêtement des pare-soleil était doublé de mouchoirs en papier. Le réservoir du lave glace contenait de l'eau minérale pétillante. L'intérieur du volant dissimulait des boules de naphtaline et Quiès. Un coussin installé sur le siège du conducteur était rembourré d'un kilogramme cinq cents de coquillettes. L'individu était donc, manifestement, aussi astucieux que dangereux.

 

Pendant tout le temps que dura sa scélérate carrière, il mena à bien son répréhensible trafic sans connaître le moindre accroc. Aussi extraordinairement incroyable que cela puisse paraître, il parvint toujours à échapper à la redoutable et légendaire sagacité des douaniers. Sans vouloir minimiser ses mérites, de vous à moi, il faut dire qu'aucun de ces fonctionnaires d'élite du Ministère de l'Économie et des Finances n'eut, un jour, l'occasion de contrôler ce ruffian. La raison en est sans doute que, depuis qu'elle existe, il n'y a jamais eu de poste de douane à la frontière entre le Nord et le Pas de Calais.

 

 

272 - Samedi 10 juin 2017

 

Au-dessus des autres

 

Par nature, il était tout de bienveillance et de débonnaireté mais, devant une telle inconvenance, il n'avait pu s'empêcher d'être saisi d'une fâcheuse et triviale émotion. Il s'était, à son corps défendant, retrouvé sous le coup d'une sourde et froide indignation. Le responsable de cette contrariété était cet individu dont on aurait pu raisonnablement espérer, comme on le fait de tout un chacun, qu'il se comportât de manière ordinaire et adopta une contenance habituelle. Or, ce quidam déambulait sans honte d’afficher une allure trahissant un esprit d'immodestie des plus impertinents.

 

Cet irritant personnage était sans doute un genre de monumental mégalomane doté d'un sentiment d’orgueil se situant sur le dernier degré de l'échelle du complexe de supériorité. Ce malencontreux monsieur n'avait même pas le bon-goût et la bienséance d'épargner à ses semblables le spectacle de sa phénoménale prétentieuse vanité. Au contraire, à l'évidence, il tenait ostensiblement à faire tangiblement voir comment il regardait les gens de haut .

 

En fait, il n'en était absolument rien. Ce citoyen ne méritait nullement d'être blâmé de la sorte. Il n'était qu'un brave et sympathique berger landais venu faire un tour en ville avec son moyen de locomotion traditionnel.

 

 

273 – Dimanche 11 juin 2017

 

L'Histoire c'est comme l'héliciculture, c'est un métier

 

Monsieur Philastère Tromeugnon est attaché culturel de l'ambassade de Paphlagonie et détaché au service des petits-déjeuners flokloriques paphlagoniens1 servis lors des réceptions protocolaires matutinales. Il souhaiterait amicalement nous faire partager un point de vue2:

 

« Il y a peu de temps, j'ai eu l'insigne plaisir d'être spectateur télévisuel d'une émission traitant d'aéronautique. Entre autres choses, j'y vis et entendis que le premier vol d'un avion motorisé fut celui du Flyer des frères Orville et Wilbur Wright, effectué durant cinquante neuf secondes, à trois mètres du sol, sur une distance de deux cent soixante mètres, le 17 décembre 1903, à Kitty Hawk, en Caroline du Nord.

 

Si j'avais été Cyrano de Bergerac, je me serais exclamé: « Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire... Oh! Dieu! ... Bien des choses en somme... ». Comme par exemple et tout d'abord, que cette première n'eut d'autres témoins que ses acteurs. Il faut également ajouter que l'unique preuve photographique, qu'ils produisirent, n'est pas indiscutable. L'image de l'appareil au ras du sol, qu'elle présente, ne permet pas de déterminer s'il était bien en vol ou seulement en train de s'élever avant d'immédiatement retomber, comme tant d'autres aéroplanes avant lui. A l'époque, seuls six journaux se firent l'écho de cet événement. La majorité d'entre eux mit en doute sa véracité. Certains allèrent même jusqu'à parler de bluff. Et puis surtout, comment est-il possible de passer sous silence l'existence de monsieur Gustav Weisskopf ?

 

Gustav Weisskopf est né en 1874 à Leutershausen, en Bavière. En 1895, il émigre aux Etats-Unis et américanise son nom en Gustave Whitehead. Le 14 août 1901, dans un pré situé non loin du village de Fairfield, dans le Connecticut, il effectue avec son monoplan n° 21 à moteur de douze chevaux, un vol de huit cent cinquante mètres, à une altitude de quinze mètres. Une vingtaine de personnes assistent à cet essai. Parmi elles se trouve un journaliste du « Bridgeport Sunday Herald ». L'article qu'il rédige est repris par le « New York Herald », le « Boston Transcript » et le «Washington Times » et bien d'autres. Au total, plus de trois cents journaux parleront de Gustave Whitehead, tout au long de l'année 1901 et 1902.

 

Au mois de janvier 1935, la revue « Popular Aviation » publie un article de Stella Randolph et Harvey Phillips qui veulent redonner à Gustave Whitehead la place historique qui lui revient. En 1937, Stella Randolph fait paraître un livre sur le même sujet. Au cours des ses recherches, avec l'aide de sa sœur Clara, elle retrouve treize personnes qui confirment, sous serment, avoir été témoins oculaires du vol de Whitehead.

 

En 1945, à la suite du retentissement que connaissent une interview du fils de Gustave Whitehead, Charles Whitehead, mais aussi des articles parus dans les magazines « Liberty » et « Reader's Digest », Orville Wright écrit dans le mensuel « US Air Services », une déclaration peu élégante niant la réalité de l'exploit de Whitehead.

 

En 1986, aux Etats-Unis, et en 1997, en Allemagne, il a été possible de faire facilement voler la reproduction exacte du monoplan n° 21 de Gustave Whitehead. En 2003, la tentative accomplie avec une réplique du Flyer des frères Wright se solda par échec complet. L'avion ne parvint même pas à prendre son envol.

 

Voilà ce dont, en résumé, je tenais à vous faire part. »

 

1: le petit déjeuner folklorique paphlagonien se compose d'un plateau de fromages et desserts et tripes à la mode de Caen avec un grand bol de vin maréotique bien chambré.

2: asseyez-vous confortablement, parce que je pense que cela risque d'être un peu long.

 

Commentaire

J'ai également regardé cette émission et noté que dans la partie traitant de la Grande Guerre, il n'avait pas été fait mention d'Alfred Fronval.

Georges Guynemer

 

 

274 - Samedi 17 juin 2017

Le fin mot de l'histoire

 

Il en était tout bonnement complètement bouleversé d'incrédulité. Depuis qu'il le connaissait, pour la première fois, il avait cloué le bec de cet horripilant ergoteur, passé maître dans l'art de vous énerver en coupant finement et systématiquement les cheveux en quatre pour y chercher la petite bête. Le chicaneur de service ne lui avait pas apporté la contradiction. De sa bouche d'habitude si prolixe en arguments débiles, aucun mot n'était sorti pour exprimer une de ces incongruités dont il avait le secret.

 

Ce moulin à paroles grinçantes paraissait s'être instantanément grippé et bloqué. Le discoureur le plus torrentueux des professionnels de la logorrhée chipoteuse s'était condamné au mutisme. A la place de l'insupportable beuglement de ses discussions improductives, régnait un agréable et apaisant silence qu'il goûta délicatement avec gourmandise et délectation.

 

Mais sa satisfaction et son plaisir furent des plus éphémères. Il comprit assez rapidement que ce n'était pas lui qui avait réussi à rendre le roi des pinailleurs plus muet qu'un film de Georges Méliès, mais une bête et banale extinction de voix.

 

 

275 - Dimanche 18 juin 2017

 

« L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit »

 

Monsieur Servajol Pimpignon, majordome polyvalent et multifonctionnel responsable du troisième étage des bâtiments Lille, Roubaix, Tourcoing, du presidio municipal de Thun Saint Martin, nous transmet ce à quoi il songeait dernièrement:


« C'est marrant, hier matin, j'avais dans le ciboulot cette citation de Sénèque que vous avez cloqué dans votre bêtise numéro 243, du 26 février dernier, et qui affichait que Ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. Elle me tournait en boucle dans le caberlot pendant que j'étais sur mon gazon en train de changer une tête de bielle sur ma tondeuse diésel HDI turbo.

 

Je gambergeais et je gambergeais à tout va. Finalement je me suis dit que le gars Sénèque y charriait un peu et qui fallait quand même pas pousser mémé dans les orties. A mon avis, y devait passer plus de temps à se faire des shampoings aux oeufs qu'à aller voir comment ça se goupille pour ceux qui se la jouent pas philosophe mais qui vont vraiment au charbon et qu'ont pas peur de mettre les mains dans le cambouis.

 
Attention, faudrait pas croire pour autant que tous les philosophes de l'Antiquité soyent une bande de branques qui avaient tous tendance à sérieusement rouler sur la jante. Dans le tas, il y a eu de vraies grosses pointures, des types qui en avaient réellement dans le chou, style Aristote, Platon ou Zénon de Cition. Mais moi, je le dis nature, parmi tous ceux dont j'ai ligoté les bouquins, celui qui me fait le plus bicher, c'est l'Épicure. Sans vouloir lui passer de la pommade à grand spectacle, je dirai que c'est un bon de chez bon.

 

Ah ouais, il était vraiment carrément fute fute, le gars. C'est le genre de gazier qui avait la pensarde si bien chromée, qui devait pas se chanstiquer le différentiel pour facilement passer la surmultiplié à neurones. Le truc que j'ai retenu et qui m'a tout spécialement éclaté parmi tout ce que ce mec a balancé franco de port, c'est que la vraie sagesse, la vraie supériorité, ne se gagnent pas en luttant mais en laissant les choses se faire d'elles-mêmes. »

 

276 - Samedi 24 juin 2016

Trop en avance sur son temps

 

Afin d'optimiser l'investissement qu'il avait récemment effectué dans l'achat d'une encyclopédie en trente volumes, il s'était lancé dans la lecture intégrale des trente mille articles qu'elle renfermait. Et c'est au cours d'une de ces lectures de rentabilisation qu'il fut frappé d'une soudaine illumination. Au détour d'une page qui suivait simplement, tranquillement et sans manières, celle qui la précédait, il eut l'impétueuse illumination d'une nouvelle et pressante idée. L'homme nouveau qui allait en résultert ne pouvait attendre, aussi ne perdit-il pas de temps en vaines et stériles réflexions. Il abandonna sa boutique de fleuriste et la poésie, sans regret et sur-le-champ.

 

Il allait désormais fougueusement agir dans un domaine qui lui permettrait de réellement se consacrer au service de l'humanité, à plein temps. Il se dédia corps et âme à l'étude afin d’acquérir les connaissances indispensables nécessaires à la concrétisation de l'idée neuve et d'avant-garde née de son cerveau surchauffé.

 

Malheureusement, tous ces louables et méritoires efforts ne furent pas couronnés du succès auquel il s'attendait avec tant d'assurance. Il en conclut amèrement que les gens refusaient, à tort, d'accorder leur confiance à un professionnel dont le savoir-faire était uniquement issu d'une formation entièrement théorique et autodidacte. Dans son entourage, certains proches émirent une autre l'hypothèse. L'offre qu'il proposait n'était, peut-être, pas aussi attirante qu'elle le paraissait. Ce à quoi il répondait, qu'au contraire, il n' y avait rien plus attractif qu'un service de tueur des abattoirs à domicile.

 

 

277 - Dimanche 25 juin 2017

 

Zen

 

Franchement, il ne pensait pas être d'un tempérament plus irritable et belliqueux que la moyenne de ses concitoyens. Quand il essuyait un outrage, il lui semblait qu'il s'était toujours simplement borné à paisiblement relever le fait auprès du responsable afin de lui faire civilement remarquer son impair. Mais ce type d'échange, qu'il voulait placer sous des hospices qu'il souhaitait être ceux de la concorde et de la médiation, se concluait invariablement par une douloureuse altercation. A chaque fois, il finissait par le mettre dans l'obligation d'en appeler arbitrairement à sa supériorité musculaire et de faire valoir son bon droit à grands coups d’arguments frappants et contondants.

 

Aussi petit à petit, finit-il par en venir à s’interroger sur ses dons naturels de conciliation. Etaient-ils suffisants et savait-il vraiment en faire usage avec pertinence? Ou alors, le mal venait-il, au contraire, de contemporains belliqueux à plaisir et réfractaires à son esprit accommodant? Après avoir été écrasé sous le poids du doute, vint le temps où la vague régénérante de l'évidence le submergea. Il ne servait à rien de perdre son temps à laisser les questions vous assaillir. Il valait mieux agir avec détermination. Il entreprit donc d'accomplir un profond travail sur lui-même. Il se rasa le crâne. Il adopta un régime alimentaire propre à favoriser le recueillement intérieur. Ses repas étaient exclusivement composés, le matin, de farine d'orge grillée, le midi, de viande de buffle séchée avec des nouilles de millet froides, et le soir, de merlu au curry sans merlu, accompagné de riz blanc al dente. En ce qui concernait la boisson, il buvait du thé noir salé au beurre rance de yak. Chaque soir, assis sur son fauteuil dans la position du lotus, le nez chaussé de petites lunettes rondes, sommairement drapé d'un vieux double-rideau orange des années soixante dix, mâchant lentement une feuille de menthe sauvage avec un air inspiré, il méditait.

 

Cette hygiène de vie le conduit à une parfaite équanimité. Il était parvenu à se détacher des vanités de l'ego et à ne plus se laisser entraîner dans de stériles conflits. Désormais, si quelqu'un lui jetait une pierre, en réponse, il lui jetait pacifiquement une fleur. Le seul bémol était, qu'à chaque fois, avant de lancer sa plante, il oubliait de la retirer de sa terre et de son pot en béton.

 

 

278 - Samedi 01 juillet 2017

 

« J'aimerais tant voir Syracuse »
« L'île de Pâques et Kairouan »

 

Il est des chansons qui vous accompagnent tout au long de votre existence. Pour lui, il s’agissait d'un grand classique du répertoire français. Son grand-père le lui avait fait découvrir alors qu'il n'était encore qu'un petit garçon. Il fut à ce point marqué par la poésie avec laquelle cette œuvre musicale vantait le charme de certaines cités et contrées lointaines, qu'il s'était promis de les visiter le jour où il serait grand.

 

Et voilà, ce jour était finalement arrivé. Paf! Maintenant, il était grand. Enfin, en réalité, cela faisait maintenant déjà pas mal de temps qu'il était grand. L'homme qu'il était devenu n'avait que trop tardé à tenir la promesse que s'était faite l'enfant qu'il avait été naguère. Aussi, aujourd'hui, tel un nouvel Henry de Monfreid, allait-il partir à l'aventure pour qu'enfin son rêve devint réalité. Les splendeurs célébrées par cette chanson attendaient depuis si longtemps qu'il leur rendit l'hommage ému qu'il leur devait.

 

C'est en chantant cet air de son enfance et les poches pleine de Bêtises, qu'il quitta son Cambrai natal. Il prit « la route fleurie » qui menait directement vers ces fabuleux et exotiques horizons qui le fascinaient depuis tant et tant d'années. Bientôt, il pourrait contempler de tout son soûl, un clair de lune à Maubeuge et le doux soleil de Tourcoing.

 

https://www.youtube.com/watch?v=nH-brpgXyZ4

 

 

279 - Dimanche 02 juillet 2017

 

Les dangers de la lecture

 

Et comme tous les ans, à la même époque, à chaque fois que le problème se présentait, son mari lui jouait toujours la même comédie. Avec le visage empreint d'un air qui se voulait parfaitement calme mais résolu, il se lançait dans un vibrant plaidoyer dont la force aurait renversé et séduit le plus exigeant représentant de la corporation des orateurs professionnels. Il avait, déclamait-il, longuement médité sur la question avant d'en tirer la manifeste et éclatante conclusion qui s'imposait sans discussion possible. Il n'était pas seul à avoir été touché par cette salutaire prise de conscience. Partout de par le monde, des milliards et des milliards d'humanistes émotifs avaient, tout comme lui, renoncé à ce genre d'affligeant et révoltant comportement qui offense l'esprit de respect, de modération, de paix et de concorde.

 

N'était-il donc pas des plus étranges, des plus incompréhensibles, des plus inconcevables, que sa propre épouse, sa moitié légale et sentimentale, puisse ainsi continuer à obstinément ignorer et rester insensible? Pourquoi demeurait-elle toujours aussi robustement impassible, fermée, à son message? Comment était-il possible qu'elle soit à ce point sourde à des arguments qu'elle aurait forcément dus entendre puisqu'ils étaient justes et bons? Pouvait-elle connaître plus sûre et réconfortante certitude que celle dont il était le garant?

 

Eh bien puisqu'il en était ainsi, il ne serait pas dit qu'il était resté sans énergiquement intervenir. Il refusait qu' elle persiste à les accuser de n'être qu'une calamité qui envahit tout dès qu'elles s'installent quelque part. Il ne permettrait pas à quiconque de toucher à un seul de leurs cheveux, ni même qu'on ose seulement à peine les taquiner. Il les prenait sous son aile tutélaire, les plaçait intégralement sous sa protection rapprochée. Il ne laisserait personne commettre l’asocial geste de se débarrasser de la colonie de fourmis ayant élu domicile contre le mur sa maison.

 

Et comme à chaque fois, elle se demandait ce qui lui était bêtement passé par la tête, quelle mouche l'avait méchamment piquée, le jour où elle avait eu l'idée de lui offrir le livre de monsieur Bernard Werber. 

 

 

280- Samedi 08 juillet 2017

 

Avis éclairés

 

Monsieur Anaxagore Triergol, démarieur automnal d'aspartame d'hiver, nous propose affablement quelques précieux conseils:

 

« Ne reprochez pas aux vers de terre d'être géophages. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas. Bon, maintenant, quand on en a un à table, c'est sûr, c'est pas toujours évident  de trouver une recette de purée de mottes de terre .

 

Encore plus que l'alcool, le travail doit faire l'objet d'un usage des plus modérés. Cela étant dit, si un gendarme vous verbalise parce que vous avez dépassé le taux légal de 0,5 gramme de boulot par litre de sang, soyez circonspect, il s'agit vraisemblablement d'un escroc.

 

Méfiez-vous des idées reçues. Ce n'est pas parce que l'on est Cambrésien que l'on n'est pas capable de grands sentiments. On peut parfaitement aimer l'andouillette, la bière et être, quoi qu'on en dise, profondément romantique.

 

Soyez réaliste. Si un jour, en posant vos santiags sur le quai, vous vous trouvez en gare de Tucumcari, faisant face à monsieur Sentenza, ne vous imaginez surtout pas que, tout soudain, vous vous êtes transformé en monsieur Clint Eastwod. Non, cela signifiera tout simplement que vous êtes un voyageur lambda qui s'est bêtement et vachement trompé de train.

 

Ne croyez pas ceux qui vous disent, qu'à la campagne, le printemps est la saison des jolie tittes fleurs de toutes les couleurs et des gentils tits z'oziaux qui chantent. A la campagne, le printemps est la saison où, dès que vous mettez le nez dehors, vous vous le pincez bien hermétiquement, à cause de l'odeur nauséabonde du lisier et du fumier généreusement épandus dans les champs.

 

Quand vous irez dans les Karpates pour faire la visite guidée du château du comte Dracula, dans vos sandwiches, plutôt que des tranches de jambon, mettez donc du saucisson à l'ail. On ne sait jamais, ça peut toujours servir.

 

Si vous ne savez pas ce que signifie en espagnol « Caperucita Roja », évitez le sujet et contentez-vous du français.»

 

 

281 – Dimanche 09 juillet 2017

 

« En histoire, il faut se résoudre à beaucoup ignorer »

 

Monsieur Juan-Diego-Esteban Dubois, vaquero pédestre de l'hacienda piscicole « El Pueblo de Nuestra Señora la Reina de los Ángeles », à Awoingt, mais également ami personnel de monsieur Philémon Grognonnant et de Pupuce-Maxence, souhaiterait, en toute amitié et simplicité, procéder à un petit rectificatif historique:

 

« Contrairement à une croyance populaire, encore aujourd'hui bien ancrée, le médecin et député Joseph Ignace Guillotin n'est pas le père de la guillotine. En revanche, il est parfaitement vrai qu'il voulait l'égalité pour tous les condamnés à mort. Il trouvait injuste que nobles et roturiers ne soient pas traités de la même manière. Les premiers avaient la tête tranchée à l'épée, alors que les seconds étaient pendus, roués ou écartelés. C'est pourquoi, le 1er décembre 1789, il demande à l'Assemblée Nationale que: « Dans tous les cas où la loi prononcera la peine de mort contre un accusé, le supplice sera le même, le criminel sera décapité; il le sera par l'effet d'un simple mécanisme ». Sa proposition est adoptée le 03 juin 1791.

 

En mars 1792, Antoine Louis, homme de science, expert médical auprès des tribunaux et secrétaire de l’Académie de chirurgie, est chargé de l'élaboration du mécanisme souhaité par Guillotin. Il conçoit un projet dont il veut confier la réalisation à Guidon, charpentier du roi. Mais le prix demandé par ce dernier est jugé trop excessif. Antoine Louis s'adresse alors à Jean-Tobie Schmidt, facteur de clavecins et pianofortes mais aussi inventeur, d'origine allemande, installé à Paris depuis 1785. Schmidt souscrit à la demande et présente un devis qui est accepté.

 

A l'époque, la machine d'Antoine Louis et de Jean-Tobie Schmidt est considérée comme un progrès et une invention humaniste parce qu'elle passe pour un moyen de mise à mort sans douleur. Elle est d'abord baptisée Louisette ou Louison. Le nom de guillotine lui est donné, au grand dam de Guillotin, par les journalistes parlementaires désirant  se venger des nombreux rappels à l'ordre qu'il leur fait, lors des séances à Assemblée.

 

Autre idée fausse, Guillotin n'est pas mort sous le couperet de la guillotine. Cette légende a pour origine la confusion faite entre lui et un médecin lyonnais également nommé Guillotin qui, lui, fut effectivement guillotiné. Pour sa part, Joseph Ignace Guillotin est décédé de mort naturelle, le 26 mars 1814.

 

Il fallut attendre la Ve république et le 18 septembre 1981 pour que la peine de mort soit abolie, en France. Le premier député à avoir réclamé cette abolition, le fit à la tribune de l’Assemblée Constituante, le 30 mai 1791. Il s'appelait Maximilien Robespierre. »

 

 

282 - Samedi 15 juillet 2017

 

Lâchement laissé tomber

 

Le creux qu'il ressentit sous lui, au niveau du dos, le fit bondir, les deux yeux grands ouverts. Voici qu'en cet instant, un désagrément surgissait tout soudain, inopinément, sans crier gare, et de plus, déloyalement. Le gaillard était un combatif qui ne s'en laissait pas compter aussi facilement. Il ne ferait pas de quartier à ce perturbant impondérable.

 

L'intervention à mener était une affaire d'expert et il convenait avant tout de dominer la situation en s'assurant la suprématie technique. Sachant que c'est dans le soin avec lequel il prévoit son équipement que se juge l'homme d'action digne de ce nom, il était doté de tout le matériel approprié, qu'il soit fixe, portatif, à arc, à ruban, de poche, de terrain, insonore, inodore, et tutti quanti. Pourtant, il se trouva pris en défaut à cause de la carence d'un élément qui pour être le plus modeste n'en était pas moins le plus essentiel.

 

Cette infortune le prit cruellement au dépourvu. Pour l’annihiler, il se devait d'abord ne pas céder à la démoralisation et au découragement. Ensuite, il lui fallait l'appui d'un prompt renfort. Las! Quelle ne fut pas alors sa déception. Ses appels restèrent vains. Le monde indifférent ne lui apporta aucun soutien, l'abandonnant à son sort, sans un mot de réconfort ni remord. Aussi incroyable que cela puisse paraître, en plein XXIe siècle triomphant, on pouvait se trouver dans l'incapacité de refixer une latte de son sommier en bois parce qu'aucun quincaillier n'avait assez de conscience professionnelle et aucun ami de sens de la solidarité pour se déplacer et vous apporter en urgence une vis de 1,6mm, sous prétexte qu'il était trois heures du matin.

 

 

283 - Dimanche 16 juillet 2017

 

Fait divers

Dès qu'elle entra dans le salon, il se leva précipitamment de son fauteuil et la serra fort dans ses bras en lui disant:

 

- « Ne t'affole pas ma chérie. Reste calme. N'aie pas peur. Rassure-toi, tout va bien se passer. J'ai fait le nécessaire. Je peux même affirmer que j'ai été au-delà de ce qu'il est humainement possible de faire. La totalité de l'ensemble des moyens appropriés a été diligenté avec célérité et méticulosité.

 

Lorsque je suis rentré, j'ai eu comme un pressentiment. J'ai immédiatement subodoré, l’inaccoutumé, l'anormal, le pas comme d'habitude. D'abord, il me sembla que le portail ne grinçait pas aussi familièrement que d'ordinaire. Ensuite, en les regardant machinalement, je remarquai que nos géraniums couleurs pastel ne paraissaient pas avoir leur port usuel. Je ressentis la nette impression qu'ils avaient dû être brusqués. Enfin, je notai avec surprise que l'une des fenêtres de la maison était grande ouverte. Dubitatif et circonspect, je restai un moment immobile devant notre porte, en proie à une lancinante incertitude et un déplaisant trouble. Quand enfin je me décidai à pénétrer à l'intérieur de notre demeure, je compris immédiatement la nature du drame qui s'y était déroulé durant mon absence. J'évaluai d'un seul coup d'œil pénétrant et clairvoyant que le mauvais coup n'avait pas été perpétré par vandalisme ou sous l'emprise de la folie mais bien par cupidité.

 

Aussitôt, je bondis comme un fauve pour sonner l'alarme. Je sollicitai l'intervention de la maréchaussée, du G.I.G.N, des brigades d'élite d'Interpol. Je réclamai que gendarmes et policiers forment un filet aux mailles si serrées que même une puce kleptomane ne puisse leur échapper, que l'on mette sous écoute le moindre petit innocent murmure, que l'on décrète la mobilisation générale des capilliculteurs pour passer au peigne fin les alibis des individus douteux. »

 

- « Mais qu'est-ce que tu me racontes là? Que s'est-il passé exactement, demanda-t-elle?»

 

- « Comment, tu n'as pas remarqué? Tu ne t'es rendue compte de rien, mon pauvre amour? Le chat, n'est plus là! C'est horrible! II a été victime d'un odieux enlèvement! On attend la demande de rançon, d'un moment à l'autre.»

 

- « Puis-je me permettre de te rappeler, mon héros des temps nouveaux adoré, que c'est aujourd'hui que je devais amener le chat chez le vétérinaire afin de le faire vacciner. L'opération et le retour à la maison se sont parfaitement déroulés. La brave bête est en train de se reposer sur son coussin préféré depuis maintenant, environ, cinq bonnes minutes. Je te laisse le plaisir d'annoncer la bonne nouvelle à la maréchaussée, au G.I.G.N, aux brigades d'élite d'Interpol, à la police, au filet plein de puces kleptomanes, aux innocents murmureurs, aux capilliculteurs et à leurs peignes fins, et aux individus aux alibis douteux. »

 

 

284 - Samedi 22 juillet 2017

 

Honneurs et honorés

 

S'il avait toujours respecté ceux qui recevaient une médaille à titre militaire, pour acte de courage ou services éminents, il avait toujours été, à la fois, amusé et irrité par le grotesque spectacle de ces puérils qui s'enorgueillissaient d'arborer des décorations sans avoir eu d'autre mérite que celui de posséder des relations bien placées. Le contentement de ce genre de récipiendaire lui paraissait procéder d'un infantilisme des plus consternants. Il lui rappelait celui de ces sales gosses qui plastronnent, jubilent et fanfaronnent, avec leurs beaux jouets tout neuf devant les petits camarades qui n'ont pas la chance d'en avoir.

 

Ces navrants et risibles fats étaient manifestement moins dignes de leurs médailles que ne le sont les vaches de concours pour leur production laitière où les chevaux de course pour leurs performances hippiques. Lui ne s'abaisserait jamais à accepter une distinction obtenue par la seule grâce d'une connaissance vous faisant la faveur d'user de son pouvoir pour satisfaire votre vanité.

 

Mais, aujourd'hui, il ne pensait plus de même. Il jurait ses grands dieux que cela n'avait rien à voir avec le fait qu'un ami, de longue date, lui ait obtenu le droit de porter au revers de son veston la rosette rouge, en reconnaissance de son dévouement dans les travaux ayant présidé à la normalisation de la longueur de l'andouillette de Cambrai.

 

 

285- Dimanche 23 juillet 2017

 

Commando de choc

 

Quelque part dans un endroit qu'il n'est pas possible de nommer, deux hommes, dont l'identité ne peut être dévoilée, progressent furtivement afin d'accomplir une mission au sujet de laquelle on ne peut rien dire.

 

- « Sergent, afin d'accomplir notre mission au sujet de laquelle on ne peut rien dire, il est vital que nous sachions si nous respectons bien le temps qui nous a été imparti. Mais nous voici présentement au beau milieu de la verte avec nos poignets nus de tout équipement horloger parce que, ô ironie du destin, vous et moi avons, par hasard et de concert, oublié nos montres-bracelets sur nos tables de nuit respectives. Et ne vous avisez surtout pas de me rétorquer que « l’adjudant n'a pas besoin de montre. C'est lui qui décide de l'heure qu'il est ». La situation est tragique. Les temps ne sont pas à la plaisanterie. Toutefois, il ne saurait être question de nous laisser veulement aller au renoncement. Même pris au dépourvu, l'homme d'exception, distingué et surentraîné, ne fléchit jamais face au drame et au désarroi. Quand un sort contraire se rue, il s'interpose. Bref, il sait toujours être grand dans l'adversité. Aussi, vais-je aviser. »

 

- « A vos ordres, mon adjudant! »

 

- « Or donc, j'avise. Sergent, nous allons concevoir un cadran solaire.»

 

- « Mais mon adjudant, c'est que...»

 

- « Quoi, contesteriez-vous, sergent?»

 

- « Oh! Je ne me permettrais certainement pas, mon adjudant.»

 

- « Vous allez promptement me quérir une branchette que j’équarrirai dans les règles de l'art et une douzaine de cailloux que j’ordonnancerai de manière scientifique. Blancs et de taille similaire, les cailloux, s'il vous plaît. Les impératifs de la nécessité ne doivent pas nous faire renoncer à un certain souci de l'esthétisme.»

 

- « Cela ne sera l'affaire que d'une minute, mon adjudant.»

 

- « Minute? Vous avez dit, minute? Ah! Je vous en prie, sergent, ne remuez pas la baïonnette dans la plaie avec ce genre d'allusion aussi grossière que malvenue.»

 

- « Telle n'était point mon intention, mon adjudant, et voici justement que je vous apporte les précieux matériaux que vous m'avez commandés.»

 

- « Parfait, je vais donc pouvoir procéder.Voilà …. Ah! Ça par exemple! Le dispositif ne fonctionne pas. Mais comment se peut-il, sergent ? »

 

- « Il me semble, mon adjudant, qu'il est difficile à un cadran solaire de donner pleinement satisfaction en pleine nuit. A la rigueur, si nous n'eussions pas été en période de lune nouvelle, il eut été plus efficace une fois transformé en cadran lunaire. »

 

- « Aussi étonnant et improbable que cela puisse paraître, ce détail m'avait effectivement échappé, sergent. Mais qu'à cela ne tienne! Il nous suffit de pallier l’absence de lumière solaire en la remplaçant simplement par celle de ma bonne vieille TL 122D, équipée de son filtre rouge de camouflage, bien évidemment. Je constate que cette idée géniale vous laisse sans voix. »

 

- « Effectivement, mon adjudant, eu égard au respect infini que je vous dois, je préfère rester coi.»

 

 

286 - Samedi 29 juillet 2017

 

Vie d'artiste

 

Tous les directeurs de cirques du monde entier et d'ailleurs le suppliaient, l’imploraient à genoux, d'accepter les engagements mirifiques qui lui apportaient sur un plateau d'argent. Tous les responsables des chaînes de télévision de la planète et de ses environs lui bâtissaient des ponts d'or afin qu'ils viennent accomplir ses prouesses devant leurs caméras, aux heures de grandes écoutes, en édition spéciale. Tous les gérants de music hall les plus huppées des six continents et de leurs annexes se jetaient, sans frein, à ses pieds et lui signaient des carnets entiers de chèques en blanc, avec le fol espoir qu'il consente à donner son spectacle sur leur scène.

 

Il était vrai que ce qu'il faisait, sans mentir et en toute honnêteté, était extraordinairement exceptionnel. Personne avant lui n'avait été capable de produire une telle époustouflante prestation et il y avait fort à parier gagnant que personne ne le serait après lui. Son numéro consistait à effectuer, à mains nues, des nœuds avec des barres en acier renforcé aussi épaisses que des rails de chemin de fer.

 

S'il limitait strictement le nombre de ses apparitions artistiques ce n'était pas pour jouer les divas capricieuses ou à la grande vedette mystérieuse. En fait, il était obligé de s'accorder de longues périodes de répit entre chaque représentation parce qu'il lui fallait pas mal de temps pour dénouer et redresser bien droite ses grosses tiges de métal, en vue du show suivant.

 

287- Dimanche 30 juillet 2017

 

Comment a-t-on pu vivre aussi longtemps en ignorant cela?

 

En attendant le retour de ses pigeons voyageurs, monsieur Bénezet Herbstzeitlose, gestionnaire halieutique hydrophobe des fossés collecteurs d'eaux pluviales du réseau routier vicinal wambésien, nous convie, sans façon et fort civilement, à une petite causerie récréative impromptue:

 

« Avez-vous déjà réfléchi à l'expression courante, s'il en est, « se mettre en rang d'oignons »? Mais en vérité, a-t'on jamais vu cette herbacée bisannuelle, de la famille des amaryllidaceae, se disposer spontanément de la sorte? Alors pour quelle étrange raison employons-nous cette formulation devenue si banale que les jardiniers, eux-même, l'emploient communément sans plus se poser de questions? En réalité, malgré les apparences, cette délectable bulbeuse et son supposé sens inné de l'ordonnancement linéaire ne sont en rien à l'origine de cette tournure de langage. Et là vous vous dites: ah, ben mince alors!

 

En 1588, Henri III convoque les Etats Généraux pour faire voter les subsides dont il a besoin pour guerroyer contre les Protestants. Cette honorable assemblée, composée des représentants du clergé, de la noblesse et du Tiers Etat, est réunie dans une grande salle quadrangulaire du château de Blois. Artus Fontaine Solaro, grand maître de cérémonie du roi, est chargé de l'organisation. Et devinez un peu quel est le titre de noblesse de ce prestigieux personnage? Eh bien, figurez-vous qu'il est baron d'Oignon. La place qu'il assigne, avec fermeté, à chaque participant de la réunion, mécontente certains grands aristocrates. Ceux-ci trouvent indigne de se trouver placés aux côtés de nobles d'une classe inférieure à la leur. De là naît la locution « se mettre en rang d'Oignon» qui signifie, dans un premier temps, s'installer parmi des gens d'une condition supérieure à la sienne puis, par la suite, s'imposer là où vous n'avez pas été invité.

 

Avec le temps, Artus Fontaine Solaro sombre dans l'oubli. Il s'ensuit, fort logiquement, oserais-je dire, une confusion sémantique entre son titre de noblesse et la plante potagère bien connue. « Se mettre en rang d'Oignon » se transforme alors en « se mettre en rang d'oignons » et prend le sens que nous lui connaissons aujourd'hui.

 

Je me demande quel eut été le cours de l'Histoire si le seigneur Artus Fontaine Solaro avait été baron d'Echalote. »

 

Communiqué: mille pardons pour le retard, mais j'ai été victime d'une panne de réseau indépendant de ma volonté.

Nervien

 

288 - Samedi 05 août 2017

 

Avis éclairés derechef

 

Vous vous souvenez certainement de monsieur Anaxagore Triergol, démarieur automnal d'aspartame d'hiver. Eh bien, lui aussi ne nous a pas oubliés et il nous fait à nouveau l'inestimable cadeau de nous gratifier de quelques-unes de ses irremplaçables recommandations:

 

« Ne faites pas comme monsieur Sacha Guitry. Ne dites jamais : « Lorsqu’on vient d’entendre un morceau de Mozart, le silence qui lui succède est encore de lui », parce que si quelqu'un vous affirme que c'est du Laurent Voulzy, comment ferez-vous pour prouver le contraire?

 

Ne cherchez pas à vous faire passer pour la petite-fille ou le petit-fils du Pape. Il porte déjà les titres d'évêque de Rome, de vicaire de Jésus-Christ, de successeur du prince des apôtres, de pontife suprême de l’Église universelle, de primat d’Italie, d'archevêque métropolitain de la province romaine, de souverain de l’État de la cité du Vatican et de serviteur des serviteurs de Dieu. Alors y rajouter « Pépé », ne lui apporterait vraiment rien de plus.

 

Si les Hommes Bleus du désert, les Russes Blancs et les flamands roses, sont une réalité, par contre n'accordez aucun crédit à la rumeur prétendant qu'il existe des Auvergnats magentas.

 

Vous êtes inspecteur pour une société d'audit. Vous êtes chargé de vérifier que les saucisses soient bien en nombre pair dans les boîtes de cassoulet et vous souhaitez devenir poète? N'hésitez pas. Après tout, Lamartine était ministre, Alfred de Vigny, gendarme et Rimbaud, trafiquant d'armes.

 

Quand votre chère et tendre vous demande d'aller faire une petite course pour lui ramener un beau lion, n'omettez pas de lui faire préciser si elle souhaite un spécimen de la savane africaine, de l'Atlas, ou de l'Asie, et si elle le veut en laisse ou en barquettes surgelées. Pensez bien également aux tickets restaurant.

 

Si un gars vous aborde dans la rue et vous dit « Nous sommes tous un peu fous! A différents degrés et de différentes manières mais chacun cultive sa folie avec soin.», il s'agit forcément de François de La Rochefoucauld. Mais ne vous inquiétez pas, il y a peu de chances que vous le rencontriez.»

 

 

289 - Dimanche 06 août 2017

 

Nos ancêtres les Mérovingiens

 

Monsieur Théodebert Poudevigne, dresseur international héliporté de sonneurs à ventre jaune aérophagiques (mais il préfère que l'on dise bombinateurs aérogastriques, il trouve que ça fait plus chic), tient absolument à apporter son total et enthousiaste soutien à monsieur Graccus-Jugurtha Tigranon qui eut l’excellente initiative de remettre monsieur Mithridate VI Eupator1 sous les feux brûlants de l'actualité:

 

« Comme l'a, avec grande maestria et fort justement, suggéré monsieur Graccus-Jugurtha Tigranon, des pans entiers d'Histoire et bon nombre d'illustres aimables personnages du passé ont été arbitrairement refoulés de notre mémoire collective. Ainsi, par exemple, de nos jours, je vous le demande, qui à l'heure de l'apéritif ou à table, parle encore, avec ses enfants, de la France mérovingienne et en particulier de Chilpéric Ier (539-584), roi de Soissons et de Neustrie? Et pourtant, c'était un type vraiment épatant!

 

Un de ses contemporains, l'évêque Grégoire de Tours, témoigne de son tempérament singulièrement violent et colérique. Il le dépeint également et fort chrétiennement comme « le Néron et l'Hérode de son temps», ajoutant qu'en ce qui concerne ses mœurs « il est impossible d'imaginer un acte de luxure que Chilpéric n'ait accompli ». Il est vrai, qu'il ne manque jamais une occasion de tromper la reine Audovère. Il finit d'ailleurs par la répudier et la faire enfermer dans un couvent du Mans.

 

Puis, les affaires étant les affaires, il se remarie avec Galswinthe, fille d'Athanagilde Ier de Wisigothie, le très puissant roi des Wisigoths d'Espagne. Les deux époux étant constamment en désaccord sur tous les sujets, le mariage tourne assez vite au désastre. Mais cette fois-ci, impossible pour Chilpéric de procéder comme il l'avait fait avec Audovère. Le papa de Galswinthe ne plaisante pas avec ce genre de chose. Ce qui signifie pour Chilpéric le risque de passer un très, très, mauvais quart d'heure. Alors, il décide d'agir dans le feutré et la finesse. Il fait étrangler Galswinthe dans son sommeil. La nuit du crime, il va, sans vergogne, la passer avec une certaine Frédégonde dont la réputation est des plus sulfureuses. Elle est l'une de ses anciennes maîtresses. Il l'a connue alors qu'elle était suivante d'Audovère. Par le plus grand des hasards, l'individu chargé de faire passer l'infortunée Galswinthe de vie à trépas, décède à son tour très rapidement et de manière violente.

 

Au cours des grandioses funérailles de la reine défunte, Chilpéric pleure toutes les larmes de son corps. Ensuite, après une période de deuil réduite à sa plus simple expression, il s'empresse d'épouser Frédégonde. Un peu plus tard, celle-ci pousse deux des leudes de Sigebert à le poignarder. Cet homme n'est rien moins que le roi d'Austrasie mais également le frère de Chilpéric. Pourtant, Chilpéric ne fait aucun reproche à sa compagne, bien au contraire, parce que l'envie de mettre la main sur l'Austrasie le démange depuis bien longtemps. A quelque temps de là, il est frappé par un autre drame familial. Le dernier enfant mâle, que lui a donné Audovère, se nomme Clovis. Le suspectant de haute trahison, Chilpéric décide de le mettre au secret. Malheureusement, ses gardiens ne peuvent empêcher le pauvre garçon de se suicider dans des conditions qui ressemblent, étrangement et sans aucun doute possible, à celles d'un bel homicide.

 

En septembre 584, au cours d'une chasse sur son domaine de Chelles, Chilpéric Ier est retrouvé sans vie, le corps transpercé de deux coups de scramasaxe. Le mystère de cette triste et regrettable disparition n'a, à ce jour, toujours pas été élucidé.»

 

1: Bêtise 255 du dimanche 09 avril 2017: « Renommée, renommée, qui es-tu, renommée? »

 

Commentaire

Quand on voit des trucs pareils, on se dit que pour être historien, il ne faut pas être une petite nature et avoir le cœur bien accroché.

Jules Michelet

 

290- Samedi 12 août 2017

 

Entretien à cœur ouvert

 

- « Monsieur Nervien, à l'ébahissement général auquel j'ajouterai le mien, certains incongrus ont l'estomac tout contracté par les crampes d'une curiosité qui les poussent à fiévreusement s’interroger sur la méthode de production de vos bêtises. Or comme le monde n'est pas toujours aussi bien fait que nous serions en droit de l'espérer, le seul initié susceptible de révéler un tel secret se trouve être vous. Etant donné qu'il faut savoir se contenter des choses, je vous questionne donc.»

 

- « Eh bien, monsieur, avant même que ne résonne le chant du coq, dévoré par le feu brûlant de l'inspiration et déjà tout réjoui de la tâche qui m'attend impatiemment, j'ouvre cul sec mes deux beaux grands yeux romantiques puis, sans désemparer, tel un diable sortant de sa boîte, je bondis de ma couche. Ensuite, avec la grâce féline du guépard, je me rue virilement vers ma salle de bain en marbre rose des Galápagos pour ma douche glacée matinale, que je prends en chantant du Luis Mariano. Après quoi, je me vêts élégamment. Puis, Je me sustente d'une anecdotique collation, arrosée d'un café sibyllin, avant de rejoindre mon ordinateur afin de me jeter sans retenue dans la création. Je m'y dédie jusqu'au petit matin, ne m'interrompant que le fugitif instant d'une pensée philosophique ou pour reprendre un texte, car il n'est pas de critique plus exigeant de mon travail que moi-même.»

 

- « Bon d'accord, je vous remercie monsieur Nervien, mais ce que l'on vous demandait c'est de réellement nous expliquer comment vous arrangez vos bidons et pas de nous pondre une histoire de science-fiction.»

 

 

291 - Dimanche 13 août 2017

 

C'est pas toujours facile pour tout le monde

 

Bien que l'on vécût une époque contemporaine où, normalement, « tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté », force-lui fut de rageusement constater qu'il n'en allait pas toujours ainsi. Les choses ne présentaient pas systématiquement et benoîtement le visage avenant qui auraient dû être le leur. Elles pouvaient même désagréablement placer l'homme moderne dans des circonstances positivement embarrassantes.

 

Ce fait fâcheusement regrettable lui était précisément apparu dans sa froide et dure réalité après qu'il eut pris la décision tout à fait banale, anodine et bénigne, d'assumer affectueusement l’entretien d'animaux de compagnie. A sa grande surprise, il devint l'objet de tous les ostracismes. Son propriétaire et ses voisins lui rappelèrent, sans ménagement, qu'aucune bête, vivante, n'était acceptée dans l'immeuble. La même mesure restrictive fut invoquée lorsqu'il chercha une location ou une place de camping pour ses vacances. Quant à simplement boire un verre de limonade bien fraîche à la terrasse d'un café, il n'était plus question d'y songer un seul instant.

 

En outre, il rencontra les pires difficultés pour trouver dans le commerce les produits permettant de répondre aux besoins du gîte et du couvert de ses petits compagnons. Il est vrai qu'il se montrait des plus exigeants, pour ne pas dire intraitable, sur la qualité, la salubrité et l’hygiène, de la marchandise. Pour autant, cela ne suffisait pas à expliquer qu'il ne put jamais être mis en présence de ce qu'il cherchait désespérément. Il lui fut impossible de trouver des niches ou, au moins, des couche-couche-paniers, adéquats et confortables. De croquettes ou de pâtées appropriées, il n'en était point non plus d'existant. Et en ce qui concernait les laisses et les colliers, il n'en vit aucun capable de répondre à ses desiderata.

 

Non vraiment, cela n'avait rien d'une sinécure que de vouloir avoir chez soi, en toute innocence, un couple de cafards.

 

 

292- Samedi 19 août 2017

 

Gargantuesque

 

- « Salut à toi, ô gracieux et noble artisan ! J'ai pris céans l'état de chaland et me voici qui m'avance dans ta vénérable échoppe afin de faire avec toi - heureux homme que tu es - de réciproques et fructueuses affaires. Et là, je sens alors en toi l’irrépressible désir de te jeter dans mes bras pour me remercier éperdument. Mais, je te prierai de n'en rien faire. Ne nous laissons pas aller à la sensiblerie. Soyons dignes. Restons-en aux mâles relations de bon aloi qui ont habituellement cours dans le domaine du négoce et des transactions pécuniaires. Par conséquent, sans préambule ennuyeux, ni verbiage inutile, j'irai droit au but pour te demander à brûle-pourpoint: marchand, puis-je, à l'instant, passer commande?»

 

- « Client, je suis tout ouïe et dévotement dévoué à votre service. Pour vous, qu'est-ce que ce sera?»

 

- « Boutiquier, étant donné que votre vocation vous a poussé à commercer dans le produit de bouche premier choix, à prix néanmoins abordable, je souhaiterais, s'il vous plaît, au nom de mes trois collègues de travail et du mien, effectuer l'achat de trois sandwiches aux rillettes d'Honnecourt-sur-Escaut, de sept autres avec steak tartare de dindonneau, puis de six aux boudins truffés à l'ancienne et enfin de quatre au maroilles, avec beaucoup de compote de pommes, bien entendu.»

 

- « Eh bien dites-moi, vous et vos petits copains devez faire un boulot qui ne manque pas de vous ouvrir l'appétit.»

 

- « Vous ne croyez pas si bien dire, mon brave et bon ami. Nous sommes conseillers spéciaux d'une commission permanente chargée de la lutte contre la faim dans le monde.»

 

 

293 - Dimanche 20 août 2017

 

Angoisses nocturnes

 

Qu'était-ce à dire ? Par quel extravagant phénomène pouvait-il se trouver en un tel état ? La situation était à ce point singulière qu'il se demandait s'il n'était pas plongé dans un rêve dont le thème s'apparentait fortement à celui d'un cauchemar. Mais non, il devait se rendre, pieds et poings liés, à l’évidence. Il se trouvait bel et bien en train de désagréablement expérimenter une réalité aux qualités des plus saumâtres.

 

Il s'était levé et debout près de son lit, les bras croisés serrés contre sa poitrine, la mine sévère, il ne possédait d'autre choix que d'établir l'implacable constat sans appel qui s'imposait. Lorsqu'il s'était alité, il n'avait pas éprouvé cette sensation familière qui habituellement se propageait doucereusement en lui pour moelleusement l'envelopper dans l'apaisante et feutrée plénitude du sommeil. Au contraire, il avait insolemment bon pied, bon œil, le jarret frémissant et l'esprit clair. Le doute ne pouvait être permis, inutile de se voiler la face: il était outrageusement éveillé.

 

C'était l'insomnie radicale et sans appel. Pourtant, il ne lui semblait pas avoir commis de bévue. Les lourds volets en bois plein étaient hermétiquement fermés à double tour. Il ne manquait à son bonnet de nuit aucune de ses élégantes rayures rouges et blanches. Le pilou pilou cent pour cent coton gratté de sa liquette, glamour et décontractée, ne présentait aucun faux pli. La couette chaleureuse et rebondie était bien en place. Alors qu'était-ce que quoi donc?

 

Quelles dispositions étaient à prendre dans un pareil cas? Devait-il différer à la nuit prochaine son rendez-vous avec Morphée? Certes non, puisqu'il ne faut jamais remettre au lendemain ce que l'on peut faire le jour même. Etait-il plus judicieux de se rabattre sur la consommation d'un verre d'eau ou de lait? Il en doutait sérieusement. Si ces boissons avaient possédé une quelconque vertu soporifique, il y a belle lurette que poissons et veaux auraient été atteints de narcolepsie chronique.

 

Il se trouvait devant le mur infranchissable de la plus noire des impasses. Son regard désespéré se posa machinalement sur son réveil matin et, tout soudain, il se rendit penaudement compte qu'il avait confondu dix heures du matin avec dix heures du soir.

 

 

294 - Samedi 26 août 2017

 

« Allô! Maman, bobo »

 

- « Cher monsieur, ami et patient, je suis formel. Après vous avoir médicalement et minutieusement ausculté de droite à gauche puis de bas en haut, après avoir religieusement et cliniquement entendu vos paroles mezza voce puis fortissimo, je conclurai que: oh! Le beau cas que voilà!

 

Nonobstant, je suis en mesure de pouvoir affirmer que j'ai décelé et diagnostiqué l'origine du mal. Votre consommation chocolatière présente un caractère exagérément boulimique. Ce dérèglement est révélateur de la nécessité d'un puissant dérivatif pour votre subconscient dont il ne fait aucun doute qu'il est rongé, jusqu'à l'os, par une anxiété latente.

 

Ce trouble est la conséquence pathologique logique et inévitable d'une carence affective créée par un vide rempli à ras bord de solitude. Vous êtes, voyez-vous, un déshérité de la sociabilité, un désavantagé du relationnel. Vous refoulez inconsciemment toutes les opportunités d'attachement sentimental. La conséquence de cet ennuyeux comportement est que vous êtes désespérément solitaire, esseulé, isolé, seul.

 

Je ne vous cacherai pas que votre état n'est pas de ceux qui incitent à l'optimisme. Mais ne nous affolons pas. Le remède existe. Je vous fais une ordonnance immédiatement. Pour que tout soit bien clair et qu'il n'y ait pas de confusion, je vous la lis: convolez de toute urgence.»

 

- « Dans ce cas, docteur, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir m'accorder la main de Bubule, votre poisson rouge nain, et de me permettre de vous appeler beau-papa. »

 

 

295 - Dimanche 27 août 2017

 

« Les petits cadeaux entretiennent l'amitié »

 

Oh! Vraiment, vous n'auriez pas dû, leur dit-il, en sortant le présent de son beau papier d'emballage. Non, effectivement, ils n'auraient, vraiment, pas dû, mais alors là, il n'aurait pas dû, du tout. Comment pouvait-on seulement imaginer offrir une chose pareille. Renseignements pris, il s'avéra qu'il s'agissait d'un pied de lampadaire de salon, en fer forgé, ouvragé de motifs ornementaux polychromes symbolico-bucoliques inédits; produit exclusif d'une société anonyme qui préférait le rester. Simplement entr'apercevoir cette chose était une épreuve qui lui donnait la nausée. Face à un tel déchaînement de laideur, seule sa bonne éducation l'empêcha de hurler la question qui lui brûlait les lèvres: mais pourquoi?!

 

Si dès l'Antiquité, on avait disposé de ce hideux machin, bien des invasions nous auraient été épargnées. Il aurait suffi de l’exhiber à nos frontières pour faire fuir, ventre à terre, les hordes guerrières ayant d'hostiles arrière-pensées d'envahissement. Pour avoir l'inconscience de fabriquer un objet aussi révoltant, il fallait certainement être une incarnation infernale du mauvais goût. Le citoyen devait être protégé contre les personnes s'étant rendues coupables d'une aussi inexcusable horreur. Il était urgent et primordial qu'elles fussent, sans ultimatum, poursuivies et sévèrement condamnées pour agression aggravée et barbare contre le bon sens esthétique.

 

Sans vouloir traiter cavalièrement un objet affectueusement offert en toute confraternité, il était positivement hors de question et au-dessus de ses forces, pourtant conséquentes, qu'il gardât par devers lui cet épouvantable bidule. Il envisagea, tout d'abord, de s'en débarrasser en le faisant furtivement et nuitamment sombrer au plus profond des eaux du lit d'une rivière. Seulement, à la minute même où lui vint cette idée, il y renonça parce qu'il trouva cette méthode indélicate et polluante. Il conçut alors d'aller le perdre très loin, dans une zone rurale déserte et reculée. Malheureusement, il considérait que la campagne était un milieu des plus sauvages et dangereux. Il était persuadé qu'elle était pleine de poules psychopathes qui, à tout moment, pouvaient surgir de leurs taupinières pour mortellement vous picorer les orteils. Il croyait également qu'elle était remplie de vaches venimeuses qui volaient sournoisement en rase-mottes avec l'intention de vous enfoncer leurs crocs dans le cou. Par conséquent, il ne pouvait être question qu'il s'y rendît.

 

Allait-il donc être dans l'obligation de conserver cet affreux et insoutenable truc, ad vitam æternam? Non seulement il finit bel et bien par s'en défaire mais de plus il réalisa un substantiel bénéfice. Il réussit à le vendre comme enseigne pour une décharge publique.

 

 

296 - Samedi 02 septembre 2017

 

A un détail près

 

Depuis qu'il avait rencontré cette charmante demoiselle, il affinait son idée persistante de lui donner un rendez-vous. Elle avait promis de l'accepter dès qu'il lui ferait le plaisir de l’appeler. A n'en pas douter, elle avait été séduite de fond en comble. Il aurait fallu que cette frêle et innocente enfant soit ignifugée pour résister au feu brûlant de son charme incendiaire.

 

Et comment aurait-elle pu l'être ? Lui-même avait beaucoup de mal à ne pas succomber. Ainsi, chaque matin, dans le huis clos de sa salle de bain, était-il fermement contraint à de rudes efforts pour parvenir à s'interdire de passionnément embrasser son image dans le miroir.

 

Aujourd'hui, le soleil brillait, le ciel était bleu et les petits z'oziaux chantaient, donc le moment était propice. Il allait inviter cette exquise jeune fille dont la vie devait, maintenant, se résumer à se languir de lui. Il était d'avance mathématiquement assuré de l'heureuse issue de cette romantique rencontre. Pour autant, il n'était pas question de bâcler la chose et de risquer d'être victime de l'impair inopiné qui vous met irrémédiablement à mal une situation pourtant bien acquise. Aussi, avant de se lancer, effectua-t-il une vérification exhaustive: haleine fraîche, cheveu bien ordonné, goutte de parfum capiteux mais néanmoins viril, bouquet de roses, petite phrase qui va bien:

           

« Précieux et magnifique joyau de mes rêves, je viens fougueusement déposer à vos pieds mutins et captivant mon cœur bouleversé, gage de mon adoration aussi illimitée que respectueuse ».

 

C'est à la fin de ce passage en revue, qu'il débusqua le petit grain de sable qui fichait tout par terre: elle ne lui avait donné ni son nom, ni son adresse, ni son numéro de téléphone...

 

 

297 - Dimanche 03 septembre 2017

 

Je n'invente rien

 

En résumé et s'il avait bien compris, le projet Blue Beam ou projet Rayon Bleu serait un programme ayant été élaboré par la NASA, en collaboration avec Russie. Son objectif serait de contrôler la planète par le biais d'une nouvelle religion universelle. L'opération se déroulerait en quatre temps.

 

Le premier consisterait à présenter de soi disantes découvertes démontrant que les conceptions scientifiques fondamentales et les croyances religieuses traditionnelles sont erronées.

 

Le second serait consacré à créer l'illusion d'interventions divines en utilisant des satellites qui, d'une part, diffuseraient, dans le monde entier, la voix censée être celle de Dieu et, d'autre part, feraient croire à l'accomplissement des grandes prophéties grâce à la projection de scènes holographiques. Plus tard, viendraient des hologrammes de Jésus, Mohammed, Bouddha, Krishna, dont les images se fondraient en une seule figure pour donner celle de l'antéchrist. Ce dernier expliquerait que toutes les écritures sacrées ont été mal interprétées et comprises.

 

Le troisième temps aurait pour finalité de persuader les gens que Dieu s'adresse directement et individuellement à l'âme de chacun d'eux, afin de leur confirmer la réalité des miracles qui se sont déroulés. Le système employé pour réaliser cette opération serait, une nouvelle fois, les satellites qui, en plus de leurs projecteurs holographiques, seraient dotés de moyens électroniques capables d'envoyer des messages subliminaux par télépathie.

 

Le quatrième et dernier temps serait celui où la télépathie éléctronico-satellitaire serait à nouveau mise en oeuvre. Cette fois, son but serait de créer des hallucinations qui persuaderaient la population de l'imminence d'une invasion ou d'une intervention extraterrestre. Il en résulterait un effondrement mondial des structures politiques, économiques, sociales et des relations internationales. C'est alors qu'apparaîtrait un messie se prétendant extraterrestre et vers lequel se tournerait l'humanité en mal de paix, d'ordre et de prospérité. Une fois au pouvoir, il imposerait une caste de grands prêtres et de technocrates avec lesquels il exercerait, au nom de Dieu, une tyrannie atroce et sans pitié.

 

Il ne pouvait imaginer une seule seconde qu'une histoire aussi abracadabrante puisse être véridique. Il suffisait simplement de faire preuve d'un peu de cartésianisme, de rationalisme, de logique, pour ne posséder aucun doute à ce sujet. Il fallait cesser de prendre les gens pour des imbéciles. Il était évident que si elle avait réellement existé, une telle conspiration eut été rapidement démasquée et annihilée par Zorro.

 

 

298- Samedi 09 septembre 2017

 

Sylviculture

 

II songeait au marchand de réclame Jacques Ségula qui clama péremptoirement: « Si à cinquante ans, on n'a pas une Rolex, c'est qu'on a quand même raté sa vie!» et au talentueux monsieur Compay Segundo qui a dit: « Pour réussir sa vie, un homme doit faire un enfant, écrire un livre et planter un arbre ». A l'issue de sa méditation, le plus sage lui parut de commencer par planter un arbre, ou du moins de s'y préparer dans l'attente de la sainte Catherine, date à laquelle tout bois prend racine, comme chacun sait.

 

Il entama son action en creusant hardiment une large et profonde excavation dans son jardin. Il réserva soigneusement le déblai dans une brouette et le recouvrit d'une bâche assortie. Il ameublit scrupuleusement le fond du trou avec sa bêche avant de le garnir soigneusement de cailloux et de graviers dûment sélectionnés. Puis, afin d'enrichir la terre de ce dernier, tout guilleret, il s'enfonça au plus profond des bois où il s'en fut quérir un grand seau du meilleur humus. Il termina ses préparatifs en s'occupant maternellement de la maintenance de l’arrosoir destiné à l'aspersion du futur plant.

 

Ces dispositions prises, il se préoccupa de passer commande chez le pépiniériste le plus proche. Malgré la demande qui lui fut faite, le détaillant en essences ligneuses resta impassible et eut la bonté de répondre d'une manière que n'aurait pas désapprouvée le plus fin des diplomates.

 

- « Si je puis me permettre, monsieur, je vous suggérais de reconsidérer votre choix, parce que, voyez-vous, les sols et le climat de notre région sont fort peu favorables à l'épanouissement des arbres généalogiques. »

 

- « Je vois, dit-il. Serait-il alors plus indiqué de faire pousser un arbre à cames? »

 

 

299- Dimanche 10 septembre 2017

 

« Les conseilleurs ne sont pas les payeurs »

Les maîtres dans l'art de manipuler les esprits avaient insidieusement réussi leur œuvre. Ils avaient fini par lui bourrer le crâne de leurs mielleux et patelins discours. Ils l'avaient sournoisement convaincu que les rêves tentants des temps d'antan étaient révolus. Il ne pouvait plus être question d'un monde tourné vers le droit de chacun et de tous à pleinement profiter de la vie. Aujourd'hui, il n'y avait que les surannés, les vieillots, les dépassés, les désuets, les obsolètes, les caducs, qui restaient indécrottablement aveuglés par le trompeur scintillement du miroir aux alouettes de cet obscurantisme périmé. L'homme moderne devait se montrer réaliste. Il n'avait d'autre alternative que de se soumettre et de vouer son existence à être productif.

Vinrent ensuite ce matin et cette minute émouvante où il prit la décision de passer de la théorie à la pratique. Il allait poser un acte qui l'inscrirait activement aux côtés de ces battants qui avaient vraiment compris les véritables enjeux de notre époque. Ses efforts seraient à la mesure d'un succès dont il pressentait qu'il le laisserait lui-même pantois. Sachant se conduire, il mena son action avec tact, nuance et stratégie. « Il y mit du temps, du talent et du cœur. Ainsi passa sa vie au milieu de nos heures. Et loin des beaux discours, des grandes théories, à sa tâche chaque jour, on put dire de lui» qu'il changea sa vie. Oui! Il n'avait reculé devant aucun sacrifice, aucune peine. Oui! Il était allé jusqu'au bout de ses forces et il avait réussi. Oui! Il était parvenu à installer une super anti-vol sur son auto.

L'appareil fut nuitamment déclenché par une tentative de larcin perpétrée par une paire de flibustiers éméchés en maraude. Il fonctionna si puissamment que sa sirène fut entendue par les gens de la police dont le commissariat se trouvait à trois kilomètres de là. Lorsqu'ils arrivèrent sur les lieux de la scène de crime, ils n'en crurent pas leurs yeux. Epave ou vestige, ils ne surent lequel de ces deux mots pouvait le mieux qualifier ce que, faute de mieux, il fallait bien appeler un véhicule. Aussi refusèrent-ils de croire qu'il existât, par ce vaste monde, un seul psychopathe assez dérangé et désaxé pour avoir l'idée malsaine de voler ce tas de ferraille monté sur roues. C'est pourquoi, ils verbalisèrent notre bricoleur pour mobilisation injustifiée des Forces de l’Ordre et tapage nocturne intempestif.

 

300 - Samedi 16 septembre 2017

 

Quiproquo

 

En général, il se fait rarement remarquer et lorsqu'il souhaite manifester sa présence, il le fait discrètement, sobrement, sans excès sonores ou gesticulatoires. De ce fait, beaucoup se font une fausse opinion de lui; elle le sait. Ils le croient taciturne, renfermé, indifférent aux choses. S'il est excusable, ce malentendu n'en est pas moins assez lourd et bien tassé pour outrepasser les bornes du champ objectif de la réalité. Ce que le commun considère comme les marques d'une réserve et d'un désintérêt intrinsèques, caractéristiques d'un égoïste repli sur soi-même, ne sont en vérité qu'une simple apparence derrière laquelle se cache pudiquement une richesse intérieure d'une grande beauté et d'une rare complexité.

 

Pour qui veut bien prendre un peu la peine de le connaître, il devient explicitement limpide et tangible que l'on est en présence d'un être dont la sensibilité est tout bonnement tapie. Et si ses émotions sont aussi peu ostensibles, il ne faut pas aller en chercher la raison ailleurs que dans ses fondements sémiotiques restreints dont les limites physiques contingentent et autodéterminent l'expression structurée d'une affectivité pourtant bien réelle.

 

Elle ne laisse jamais passer l'opportunité de présenter à autrui ces arguments d'une élémentaire simplicité. Cela lui vaut toujours d'être félicitée pour avoir tant à coeur le souci de défendre et protéger son mari. Elle en est toujours fort étonnée parce que, en fait, elle parle de son chat.

 

 

301 - Dimanche 17 septembre 2017

 

Histoire contemporaine: il n'y a pas que Bill Gates

 

Monsieur Alexandre-Mathilde Haunecourt de la Mortemoulaine réside sur le territoire de la communauté de communes Sensescaut et est employé au célèbre grand restaurant «Y'a du rab», en tant que chef métreur. Il est responsable des avant-métrés pour les gratins d'émincés de moules marinières flambées au genièvre, les consommés d'aiguillettes de bœuf mode à la gelée de potiron au maroilles, les brochettes de harengs saurs bourguignons à l'ail laqués au miel de pissenlits, les médaillons de salades d'andouillettes primeur en croûte à l'huile essentielle de champignons des bois aux trois parfums et pour la cassonade dans les yaourts nature. Il n'en pose pas moins à brûle pourpoint la question suivante:

 

« Monsieur Nervien, connaissez-vous la signification du WWW se trouvant en tête de votre adresse internet? Ce sont les premières lettres des mots World Wide Web, autrement dit, en français, la toile d'araignée mondiale. Le premier site internet est né il y a seulement un peu plus de vingt huit ans, le 13 mars 1989. Son père n'est pas Américain, comme on serait tenté de le croire, mais Britannique. Il s'agit de sir Timothy Berners-Lee. En 1980, ce diplômé de l'illustre université d'Oxford, avait déjà inventé le lien hypertexte. C'est donc également grâce à lui que vous pouvez automatiquement vous rendre d'un document à un autre, par l'effet d'un simple clic sur un mot ou une phrase.

 

En 1989, il intègre le Conseil Européen pour la Recherche Nucléaire (CERN), l'un des plus grands et des plus prestigieux laboratoires scientifiques du monde, situé en Suisse, à Meyrin, près de Genève. A cette époque, le réseau internet est encore empirique. Sir Timothy Berners-Lee ne se satisfait pas d'une telle situation. Il décide alors de transformer ce système rudimentaire en un outil destiné aux scientifiques. Il souhaite leur permettre d'avoir, enfin, la possibilité de partager leurs informations et découvertes de manière simple et rapide. Afin d'y parvenir, il a l'idée géniale d'appliquer le système de l'hypertexte au réseau internet. Le premier site créé est, fort logiquement, celui du CERN: www.info.cern.ch. Pour pouvoir développer son innovation, il travaille ensuite en collaboration avec l'ingénieur belge, Robert Caillau.

 

Aujourd’hui, le nombre des sites dépasse le milliard et il en apparaît sans cesse de nouveau, chaque jour. Une seule conclusion s'impose :

 

God save the web et l'union fait le web!

 

 

302 - Samedi 23 septembre 2017

 

Coup de foudre

 

- « Ah mademoiselle, je bénis impétueusement, au plus haut des hauts des cieux, ce miraculeux instant qui m'a offert l'inimaginable chance de croiser votre lumineux chemin. J'en suis tout estourbi de bonheur. Mon cœur subjugué cogne plus fort qu'un marteau-pilon enragé. Vous êtes l'irréfutable et délicieuse preuve que les fées existent; de plus vous êtes la plus merveilleuse d'entre elles. Si j'eusse eu un chapeau, je l'eus ôté bien bas devant vous. Si j'eusse eu un tapis, je l'eus foulé pour m'y agenouiller à vos pieds. Si j'eusse eu des Roses de Picardie, j'en eus fait, pour vous, le plus somptueux des bouquets.

 

Désormais, je ne puis plus, penser, concevoir, imaginer, songer, me faire à l'idée, prendre en considération, qu'il me soit désormais possible de me trouver en un temps et en un lieu où vous ne seriez pas. Mon sort tout entier repose entre vos douces et adorables mains. Aussi vous implore-je de toutes mes forces; forces que, par ailleurs, je cultive soigneusement grâce à une pratique saine et régulière d'exercices physiques adaptés.

 

Si vous vous voulez ne point m'entendre, si vous me rejetez, me repoussez, m'abandonnez, je n'y survivrais pas. Il ne me resterait plus alors d'autre choix que de me draper dans le funèbre et glacial himation du désespoir pour attendre la prompte venue de mon trépas.

 

Mademoiselle, je vous en supplie, voulez-vous m'épouser? »

 

- « Mais enfin, j'ai déja répondu à cette question! »

 

- « Ah bon... Mais... Quand, comment? »

 

- « Mais enfin, Louis-Urbain, il y a une semaine, à Blécourt, lors de notre mariage. »

 

 

Communiqué

Monsieur Nervien, nous informe que pour toutes celles et tous ceux qui éprouveraient, tout soudain, un impérieux et bien compréhensible besoin d'expression, le livre d'or est, enfin, fonctionnel.

Est désormais également à leur disposition une rubrique « Contact », accessible en cliquant sur l'onglet se situant près de          « Livre d'or ».

Monsieur Nervien prie de bien vouloir l'excuser que cela n'eût pas été fait plus promptement.

303 - Dimanche 24 septembre 2017

 

On ne le répétera jamais assez

Il se refusait d'avoir parti liée avec ces moralisateurs qui appelaient à la raison tous les fols se disant angoissés de vivre dans un monde, soi-disant, dramatiquement assailli par la multitude agressive des dangers d'une insécurité généralisée de plus en plus omniprésente. Il méprisait ces condescendants prétentieux qui n'avaient pas de ricanements assez hautains, assez dédaigneux, pour se railler de ce qui n'était, à leurs yeux, que sornettes et fariboles. Selon eux, le déficit de sécurité n'était qu'une aimable chimère, née d'esprits rabougris et pusillanimes, particulièrement doués dans le développement abusif de psychoses et paranoïas infondées. Ces craintifs chroniques avaient simplement besoin d'une bonne transfusion sanguine pour remplacer le jus de navet qui coulaient dans leurs veines.

 

Il n'avait cure des rodomontades de ces pédants matamores vivant loin des réalités de la vie quotidienne. Il restait fermenent attaché à ses convictions et avait calmement, paisiblement, décidé de préventivement opter pour l'action défensive de choc. Pas question que pour un oui ou un non, voir un sans doute, il devienne la victime de malintentionnés. Absolument catégorique était son refus qu'il puisse être désobligé, de quelque manière que ce soit, par le premier malandrin venu. N'ignorant pas qu'il ne suffisait pas de fusiller du regard un scélérat pour lui faire rendre gorge et n'étant pas particulièrement passionné d'affrontements à mains nues, il se procura l'instrument qu'il jugea le plus apte au maintien en respect des pernicieux.

 

Il l'inogura contre un intrus ayant nocturnement et illégalement pénétré dans son jardin. En fait, il s'agissait de Heinrich-Anselmus, son berger allemand du Bade-Wurtemberg. Par bonheur, il manqua ce brave et inoffensif animal. Ses tirs n'en eurent pas moins d'ennuyeuses, pour ne pas dire fâcheuses, conséquences. Ils allèrent se perdre chez le voisin dont la maison fut entièrement éparpillée dans tout le quartier. Malencontreux incident dû à un manque certain de savoir-faire. On ne le répétera jamais assez. Un mortier de 120 mm, c'est comme un        grille-pain. Avant de vous en servir pour la première fois, lisez d'abord le mode d'emploi.

 

 

304- Samedi 30 septembre 2017

 

Le sport dans la peau

 

Il s'était essayé au golf, mais non, finalement, bof. Aussi estimable et passionnante que puisse être cette discipline, elle ne lui convenait pas. Elle ne répondait pas aux attentes profondes de sa personnalité. Aussi abandonna-t-il assez rapidement ses clubs pour se tourner vers un sport qui lui parut plus adéquat: la lambada. Las! Une fois encore, il fut déçu, déçu, déçu, oh oui, comme il fut déçu. Onduler en rythme des épaules et des hanches ne lui apporta guère ce à quoi aspirait sa nature véritable.

 

Il finit cependant et heureusement par dénicher ce qui lui convenait dans l'ensemble à tous points de vue. Aussi vrai que la basane était faite pour le gant du cavalier, il était fait pour l'alpinisme. Ah, l'alpinisme! Il représentait la plus merveilleuse et la plus incomparable des écoles du courage, de l'abnégation, de la persévérance, de l'humilité. Il était bouillonnant d'exaltation à l'enivrante perspective de planter ses pitons à côté de ceux de Maurice Herzog, Louis Lachenal, Gaston Rébuffat, Roger Frison-Roche, Maurice Baquet et tant d'autres.

 

Il était tout de même conscient que pour seulement arriver à la moitié inférieure de la cheville de tels héroïques champions, il lui faudrait consentir à énormément d'efforts et de patience. Il s'y était préparé. Pour atteindre les sommets aux neiges éternelles, il était prêt à vaillamment et patiemment attendre que les montagnes fussent équipées d'ascenseurs.

 

 

305 - Dimanche 01 octobre 2017

 

A côté de la plaque

 

- « Monsieur, je suis le célèbre journaliste que, forcément, vous savez. Si je vous offre, aujourd'hui, le bonheur d'apparaître sous vos grands yeux ébahis, c'est qu'il est maintenant particulièrement en vogue et dans le vent de se rendre chez le particulier pour lui tendre nos micros avides, sous l'oeil de nos caméras inquisitrices. Il arrive même que cela ait parfois quelque intérêt. Et voilà que je vous sens sur le point de défaillir d'extase à l'idée de pouvoir me serrer la main. »

 

- « Ben, non.... »

 

- « Face à la chance que vous avez de me rencontrer, votre calme est tellement impressionnant qu'il en est presque exaspérant. Mais entrons sans plus attendre et diligemment dans le vif de la besogne. Je suppose que votre mine et votre apparence générale, impersonnelle et sans intérêt, ne sont que subterfuge et leurre pour ingénieusement camoufler votre véritable nature qui est surhumaine, n'est-ce pas? »

 

- « Ben, non... »

 

- « Comment cela, vous voudriez prétendre nous laisser supposer que vous ne faites l'objet d'aucune métamorphose particulière et décisive lorsque vous devez affronter une péripétie majeure? »

 

- « Ben, non... »

 

- « Je vois. Je subodore instinctivement que vous ne souhaitez pas divulguer votre secret. »

 

- « Ben, non... »

 

- « Mais dites-moi, comme costume, vous revêtez un justaucorps moulant bleu fluo, ou rouge fluo, ou jaune fluo, avec votre initiale, ou un éclair, ou un Z, imprimés sur la poitrine et vous vous chaussez de bottes souples? Ou bien alors, vous préférez peut-être le genre sobre et élégant: smoking moulant, haut de forme, loup, canne à pommeau argenté et cape de soirée? A moins que vous ne soyez en cagoule et armure noire moulante en poly-paraphénylène téréphtalamide mou? »

 

- « Ben, non....»

 

-« Cela suffit maintenant! Le monde à le droit de savoir! Il exige la vérité! Vous ne pourrez tout de même pas toujours nier que vous soyez un super héros, mon cher! »

 

- « Ben, non... C'est seulement que monsieur Superman et tous ses collègues, c'est de l'autre côté de la rue qu'ils habitent. Mais moi, je suis quand même aussi un super héros: je suis marié. »

 

 

Commentaire

Avant que madame Olympe de Gouges, présidente de l'Association Féminisme et Poliorcétique, ne m'adresse un ferme et sévère rappel à l'ordre quant à mon incurable propension à l'expression compulsive de la plus rebutante des misogynies, je tiens à solennellement protester de mon innocence parce que, très, très, honnêtement, je ne saurais être tenu pour responsable des propos tenus ci-dessus. Je ne fais que rapporter un dialogue que j'eus l'occasion d'ouïr lors d'une mission de protection rapprochée d'une personnalité journalistique. Si, si, je vous assure, c'est la stricte vérité.

Nervien

 

306 - Samedi 07 octobre 2017

 

Bonne volonté

Il se demandait pourquoi sa digestion n'était pas aussi paisible et satisfaisante qu'à l'ordinaire. Un soudain accès de clairvoyance lui fit appréhender que ce trouble était tout bonnement l'interprète discret, mais néanmoins insistant, d'une conscience souhaitant l'informer qu'elle avait un reproche à lui signifier. Sans cette subreptice sollicitation psychosomatique, il n'aurait pas réfléchi pour penser à y songer.

 

L'introspection à laquelle il fut ainsi amené, lui fit rapidement réaliser qu'il lui arrivait de ne pas être toujours équitable avec son prochain. En effet, il se montrait parfois injuste avec son beauf et c'était là que se situait l'origine de son tourment. Même si avec ses sarcasmes éculés et ses stupidités consternantes, cette espèce d’analphabète se trouvait toujours être le boute feu allumant la mèche de leurs explosives querelles, il devait honnêtement reconnaître que tous les torts n'étaient pas systématiquement du côté de cet âne décervelé. Il comprit alors de quelle légitime, souhaitable et saisissant ressaisissement il devait se saisir. Il était de son devoir qu'il se décidât à sonner à grand fracas le glas de leurs éternelles dissensions.

 

Il ne se déroberait pas. Il allait chevaleresquement mettre un terme à cette ère de ténèbres en scellant une fraternelle réconciliation marquée du sceau de l'absolution, du désintéressement et de la noblesse de cœur. Il était prêt à scrupuleusement s'appliquer à faire plaisir à cet imbécile heureux, à l'enfouir sous des monceaux de bonne volonté, à le submerger sous des flots de compréhension.

 

Et puis, non... Finalement, il préféra tout simplement prendre une cuillère à café de bicarbonate de soude délayée dans un verre d'eau.

 

307 - Dimanche 08 octobre 2017

 

Un bout de terre

 

C'est un petit coin caché dans la campagne, charmant et singulier, presque irréel. Il surgit soudain au détour d'un chemin qui va on ne sait où, à travers champs. A deux pas d'un ruisseau, une haie de troènes entoure une pelouse et quatre grands saules majestueux sous lesquels est installé un vieux banc blanc, aux lignes si fines que l'on à peine à croire qu'il est en béton. L'entrée n'est barrée d'aucun portail. Y entre, qui veut. Bien qu'il soit situé au milieu de nulle part et paraisse oublié de tous, ce lieu est parfaitement entretenu.

 

Il le connaît depuis qu'il est gamin. Bien qu'il l'ait toujours intrigué, il s'y est toujours senti bien. Quand le ciel est bleu, iI y revient de temps en temps, pour oublier ses tracas et retrouver le parfum nostalgique de ses rêves d'enfant. « Nul ne guérit de son enfance», dit la chanson...

 

Il n'avait jamais croisé personne dans cet endroit perdu. Aujourd'hui, pour la première fois, quelqu'un vient d'y pénétrer. Après l'avoir aimablement salué, l'inconnu s’assit près de lui. Il ignore pourquoi et comment mais il a tout de suite compris qui il est. Ce n'est que pour confirmation qu'il demande:

 

- « Vous êtes le propriétaire ? »

 

- « Bien qu'effectivement je le sois, je ne me considère pas pour autant comme tel. Voyez-vous, en 1917, un soldat anglais a été tué, ici même. Il s'appelait Edwin Shepherd. En 1919, monsieur Alan Brixton, son meilleur camarade, est venu trouver mon arrière-grand-père. En mémoire de son ami, il voulait acheter le bout de terre où il était tombé. Mon arrière-grand-père, qui avait aussi fait la guerre, le lui a cédé avec quelques dizaines de m2 de terrain tout autour, gratuitement. C'est également lui qui a planté la haie, les arbres et installé le banc, pour que monsieur Brixton puisse se recueillir en paix, à chaque fois qu'il viendrait honorer la mémoire de son ami. Monsieur Brixton est décédé avant mon arrière-grand-père. Dans son testament, il lui demandait d'accepter de lui faire le plaisir et l'honneur de reprendre la parcelle qu'il lui avait offerte. Jusqu'à la fin de sa vie, mon arrière-grand-père s'attacha à la préserver. Mon grand-père, puis mon père, et enfin moi, avons pris sa suite; en souvenir de lui, en souvenir de monsieur Brixton, en souvenir de son camarade Edwin. »

 

 

308 - Samedi 14 septembre 2017

 

Nul n'est parfait

 

Il aimait à dire qu'il était vital de reconnaître le droit universel au respect des aspirations intimes et profondes de chacun, dès lors qu'elles tendaient au désir de culture. Pour sa part, il versait dans la picturologie préhistorique abstraite et la conceptualisation philosophique premium, réservées au gotha très fermé des esthètes d'élite et à la sphère élevée des phares de la pensée haut de gamme.

 

Il n'avait jamais cherché à en tirer le moindre avantage. Il honnissait avec la dernière des énergies les chasseurs d'honneurs, les brigueurs de prébendes, les traqueurs de lucre. Bien qu'il ne craignît nullement de le faire, il se refusait à exprimer ouvertement cette honorable désapprobation. Il considérait que se navrer coram populo eût été accorder trop d'honneur à ces déplorables vénaux qui ne méritaient aucunement qu'on leur prêtât plus d'importance qu'ils n'en avaient.

 

Lui, ne se concevait que dans l'apostolat de l'acte bénévole. Il voulait que sa contribution à l'élévation artistique et intellectuelle de ses contemporains, fût marquée du sceau de la générosité et de l'abnégation. Sa seule gratification, il la puisait dans le regard embué d'admiration et d'émotion de ses auditeurs submergés de respect devant une si grande noblesse d'âme.

 

Si jamais personne ne s'inscrivit en faux contre lui quant à la réalité de son distingué désintéressement, d'aucuns se permirent de relever que sa fameuse contribution à l'élévation artistique et intellectuelle de ses contemporains consistait, en tout et pour tout, à affirmer qu'il versait dans la picturologie préhistorique abstraite et la conceptualisation philosophique premium, réservées au gotha très fermé des esthètes d'élite et à la sphère élevée des phares de la pensée haut de gamme, qu'il n'avait jamais recherché à en tirer le moindre avantage, qu'il honnissait avec la dernière des énergies ceux qui … etc, etc...

 

 

 

 

S.V.P, descendre pour avoir accès au texte suivant, merci

 


 

 

 


 

 

309- Dimanche 15 octobre 2017

 

Physionomiste

 

Cambrai - avenue Victor Hugo - 23h15:

 

- « Excusez-moi monsieur, je vais sans doute vous paraître bien cavalier de m'adresser à vous sans plus de préambule et je vous prie de bien vouloir être assez aimable pour me pardonner de me laisser ainsi aller à une telle familiarité. Croyez bien qu'il a fallu que mon étonnement et ma curiosité fussent à leur comble pour que je me départisse de la réserve dont doit toujours savoir faire preuve le gentilhomme bien éduqué. »

 

- « Soyez sans crainte, monsieur, je ne saurais vous en vouloir le moins du monde. »

 

- « Je vous en remercie chaleureusement. Or donc, en venant quérir, en cette heure tardive, quelques menues monnaies à ce distributeur de billets, je vous avouerai que j'étais à mille lieues d'imaginer y trouver un personnage tel que vous. »

 

- « Je comprends tout à fait que cela vous désempare. »

 

- « Je me permettrai donc de m'interroger. Car enfin, sans vouloir vous offenser ou vous manquer de respect, de quelque manière que ce soit, je suis dans la plus grande des expectatives quant à la définition exacte de votre nature.»

 

- « Je serais bien le dernier à vous en faire reproche. »

 

- « Vous voudrez bien m'accorder, j'en suis sûr, que l'homme moderne ne saurait rester dans le champ hérissé des puits abyssaux de l'ambiguïté. Il y perdrait et son latin et la face. »

 

- « Cela tombe sous le sens. »

 

- « Aussi, vais-je tenter une hypothèse. Monsieur, ne seriez-vous pas scaphandrier? »

 

- « Nous sommes présentement bien éloignés de toute étendue d'eau, qu'elle soit douce ou salée. Je ne porte pas de tenue étanche composée d'un casque pèlerine à hublots, d'une combinaison étanche inesthétique et de lourds sabots. Donc, nous pouvons formellement en déduire que je n'appartiens, en aucune manière, à la catégorie de ces individus de type amphibie.»

 

- « Je ne peux que louer votre sens de l'observation et vous féliciter de votre sagacité. Je vous suis très reconnaissant d'avoir aussi rapidement et brillamment réparé l'erreur dans laquelle je m'étais fourvoyé.»

 

- « Mais de rien, c'est bien naturel, tout le plaisir est pour moi. Puis-je, cependant, vous demander de simplement me regarder avec, peut-être, un petit plus d'attention. Je gage que vous reconnaîtrait alors celui que je suis »

 

- « Si scaphandrier vous n'êtes point, dans ce cas, vous ne pouvez être que... Mon Dieu! Un Martien!»

 

- « Absolument pas, cher ami, rassurez-vous. Certes je suis un touriste qui vient de loin mais je n'ai rien d'extraterrestre,  je vous assure. Je ne suis seulement que l'abominable homme des neiges. »

310 - Samedi 21 octobre 2017

 

Décadence

 

Il était profondément incertain de l'avenir de cette attachante pratique traditionnelle qui remontait à l'orée de notre vieille civilisation bimillénaire. Tout à bord, il avait relevé, avec tristesse, qu'elle était victime d'une raréfaction aussi manifeste que chronique. Sans aller jusqu'à évoquer une extinction prochaine, le phénomène ne laissait pas de préoccuper l'observateur averti. Fallait-il y voir le contrecoup de l'apparition de nouvelles distractions, la conséquence d'un changement de mentalité, ou bien les répercussions de l'informatique ? Allez donc savoir...

 

Ensuite, il avait noté, avec chagrin, un affaiblissement qualitatif des plus désolants. Le style s’était abâtardie. Il se réduisait fréquemment à un jargon sommaire et malhabile, voire primaire. La pensée ne présentait souvent aucune nuance ni finesse.

 

Pire encore, dans une majorité écrasante des cas, l'humour ne possédait plus la place privilégiée qui lui était autrefois réservée. S'il n'avait pas purement et simplement disparu, il était devenu épais, gras, vulgaire et dénué de la moindre touche de subtilité, d'ironie, d'autodérision.

 

Si envers et contre tout, il espérait tout de même secrètement sa renaissance, pour l'heure, il était dans l'attristante obligation de constater que l'art du graffiti n'était plus ce qu'il était.

 

 

Commentaire

Je me permets de discrètement rappeler que le fait de tracer des inscriptions sans autorisation préalable, sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain est passible de 3750 euros d'amende et d'une peine de travail d'intérêt général.

Victor Alexis Désiré Dalloz

 

311 - Dimanche 22 octobre 2017

 

Question de contexte

 

- « Caporal, je crois sans peine qu'il est pleinement mérité que vous soyez ignominieusement qualifié d’inconscient, de criminel, de très vilain garçon. Quand bien même serait-il congénitalement affligé d'une dramatique carence de raison, aucun être vivant de la vaste famille des homos sapiens n'aurait jamais eu l'inconséquence de commettre, ou de seulement penser, ce que vous osâtes perpétrer. Vous êtes un irresponsable, permettez-moi de vous le dire. »

 

- « Pourtant, mon adjudant, vous voudrez bien m'accorder et reconnaître que nous étions dans une atmosphère aussi tendue et électrique qu'une ligne à très haute tension de Gravelines. Il est de fait qu'il en résultait une ambiance générale n'ayant franchement aucun rapport avec la joie délirante et le bonheur infini des foules, un jour de soldes à la baraque à frites. Tout le monde arborait un visage sur lequel se lisaient les marques d'une extrême anxiété. Les gars semblaient plus angoissés que des supporteurs de foot pendant une séance de tirs au but.

 

Partout où je posais mon regard acéré et compatissant, je ne voyais que des êtres qui n'avaient manifestement pas le cœur à rire. Je n'ai que simplement cherché à soulager leur stress en leur apportant, charitablement, une modeste occasion de se dérider un peu. Ma petite blague familiale et bon enfant, rehaussée d'une petite note de poésie, n'avait donc d'autre intention que de détendre un brin ce climat ambiant si pénible et pesant. Je ne pensais absolument pas causer la moindre contrariété ou réprobation en commettant cette innocente facétie. »

 

- « Non, caporal, c'est inutile, plus un mot! Toute défense est illusoire. Vos pathétiques et creuses arguties sont récusées. A l’unanimité, la section, la compagnie, le bataillon, le régiment, l'Armée, le monde entier, choqués dans leur intégralité, vous rejettent, vous relèguent, vous renient, vous nient. En aucun cas et sous aucun prétexte, il ne saurait être justifiable et acceptable de considérer comme une farce, l'acte de faire exploser, par surprise, un pétard, dans le dos d'un camarade démineur en plein travail. »

312 -Samedi 28 octobre 2017

 

Altruiste mais néanmoins circonspect

 

A l'occasion d'une mésaventure majeure, n'importe quel premier quidam venu peut soudainement voir sa vie déraper et se retrouver, contre sa volonté, projeté dans un environnement hostile. C'est-à-dire être brutalement placé dans un contexte inhospitalier où il n'a plus à sa disposition les moyens matériels habituels d'assurer son quotidien. Et là, il faut être honnête, le dénuement amène les conditions d'existence à rapidement devenir incommodes. Si cette inconfortable situation perdure, à plus ou moins long terme, il faut alors sérieusement envisager la possibilité d'être prématurément retiré à l'affection des siens et de son boucher charcutier préféré.

 

De ce fait, il se demandait s'il ne s'avérerait pas utile qu'il fasse profiter ses semblables d'une partie de son savoir. Ces derniers pourraient tirer profit des techniques particulières qui lui furent enseignées et qu'il eut la joie de concrètement mettre à l'épreuve. Cela procurerait aux infortunés en détresse les moyens de savoir comment s'hydrater, s'alimenter, s'abriter, se soigner, se signaler et aussi résister psychologiquement.

 

Il lui parut que la rédaction d'un guide de survie serait la solution la plus appropriée. Mais en dernière analyse, il refréna ce généreux élan et renonça à ce projet. Après mûre réflexion, il craignait que ne se trouvât parmi ses lecteurs des personnages dont il n'était pas certain qu'il fût bénéfique à l'humanité qu'ils puissent échapper à leur tragique et funeste destin.

313- Dimanche 29 octobre 2017

 

Pourfendeur de contre-vérités

 

Monsieur François Hannibal Hugote, aérostier subaquatique tyrosémiophiliste, ne peut rester plus longtemps sans laisser s'exprimer son indignation.

 

- « Parce qu'elles sont colportées de génération en génération et qu’elles sont inculquées dès la plus tendre enfance, une quantité impressionnante d'idées fausses n'en finissent pas de polluer les esprits. Alors, j'interviens et je dis stop, feu rouge, arrière, halte, aux certitudes erronées. Mais ce site étant trop exigu pour que puisse s'y étaler l'entière vérité, je me vois, en désespoir de cause, obligé de me limiter aux cas les plus pernicieux.

 

Monsieur Nervien, si je vous demande quel est l'être vivant le plus long du monde, vous me répliquez, à coup sûr, sans hésiter et très fier de vous, la baleine bleue. Eh bien, non! Archi faux, mon petit bonhomme! Il s'agit du némerte, qui peut mesurer de cinquante-cinq à soixante mètres. Cette brave bête, trop injustement méconnue, est un ver aquatique carnivore. Outre sa taille, il possède la particularité de n'avoir pas de cœur et pour certains d'entre eux de se reproduire en se fragmentant.

 

Maintenant, à la question suivante: à qui peut-on attribuer une mémoire ne dépassant pas cinq secondes, vous allez - non ne le niez pas - vous allez, disais-je donc, répondre, le poisson rouge. Les recherches menées par l'université de Plymouth, au Royaume-Uni, ont démontré que le carassius auratus possède une mémoire d'au moins trois mois et qu'il est capable de distinguer les formes, les couleurs et les sons. Alors cessez de discréditer votre poisson rouge et faites attention comment vous êtes habillé et à ce que vous dites quand vous passez devant son aquarium.»

 

- « En fait, monsieur Hugote, je n'ai pas de poisson rouge.»

 

- « Ce n'est pas une raison pour lui manquer de respect, monsieur Nervien. Mais revenons à nos moutons. Selon vous, quel est l'animal le plus dangereux pour l'homme ? Et là, paf ! Vous voyez tout de suite le tigre, le loup, la mygale ou bien encore le producteur de télé réalité. Eh bien, pas du tout, c'est (et n'y voyez aucune misogynie de ma part) la femelle du moustique, à cause des maladies mortelles qu'elle peut transmettre, comme par exemple la fièvre jaune ou la malaria.

 

Pour finir, je suis certain que vous pensez que l'activité humaine la plus meurtrière est la guerre. Afin de vous éclairer, je vous livrerai simplement deux chiffres issus des travaux du très sérieux Bureau of Labor Statistics. En moyenne, dans le monde, la guerre cause annuellement la mort de six centcinquante mille personnes. Le travail en tue plus de deux millions. »

 

314- Samedi 04 novembre 2017

 

On n'arrête pas le progrès

 

Il était convaincu et affirmait avec certitude et sans affolement que l'époque n'était plus à l'explication, à la discussion, à l'enseignement. Aujourd'hui, pour mater et subjuguer le sceptique, il n'y avait d'actif et d'agissant que le test objectif, la démonstration grandeur nature. L'heure était à l'action. Il avait enfin abouti au dénouement scientifique de ses travaux. La présentation physique du produit fini allait faire si grand bruit, qu'il allait se répandre jusque dans les contrées les plus reculées des deux hémisphères de notre planète.

 

Tout avait été rationnellement supputé, chiffré, induit, vérifié, au centième de millimètre près. Son appareil était la concrétisation du fruit de l'union entre l'intelligence à l'état pur et l'ingéniosité à son plus haut niveau. Son concept de base était étonnamment prodigieux et excessivement innovant. Il était génialement fondé sur une heureuse mise à profit des propriétés de l’électricité et du processeur informatique conjuguées à celles de la nitrocellulose.

 

Bien que cette réussite exemplaire lui en eut donné le droit, il refusa de se reposer sur ses lauriers et de s'accorder un quelconque repos. Sans même le temps de reprendre son souffle, il s'attaqua à un nouveau défi bien plus complexe et ardu encore que celui qu'il venait d'affronter avec succès. Il devait résoudre une question autrement plus embarrassante. Il s'interrogeait avec perplexité sur la nature de la réponse à lui apporter. En effet, le problème était de savoir à quoi pouvait bien servir le machin qu'il venait d'inventer.

 

315 - Dimanche 05 novembre 2017

 

L'Histoire n'est pas toujours celle que l'on croit

 

Monsieur Clovis-Pacôme Laquarmagnaul, passionné d'épigraphie offset, d'anesthésiologie chaolin, et de cervalobélophilie ésotérique, souhaite associer sa voix à ceux qui nous ont déjà fait le plaisir d'aimablement nous apporter quelques mises au point historiques.

 

« Monsieur Nervien, vous ne manquerez sans doute pas, comme tant d'autres, de vous offusquer lorsque vous apprendrez que je vais ici oser me faire l'avocat de l'avocat Maximilien Robespierre. Le portrait que l'on fait communément de ce personnage historique est peu flatteur. De nos jours, il est en général de bon ton et politiquement correcte de le présenter sous les traits d'un dictateur, d'un va-en guerre, du père sanguinaire de la terreur, du bourreau sans pitié de la Vendée.
Il faut gravement méconnaître la manière dont la France est alors gouvernée pour penser que Robespierre, ou qui que ce soit d'autre, aient pu avoir les moyens de se comporter en dictateur. Le pouvoir excécutif est sous la reponsabilité du Comité de Salut Public. Robespierre y siège avec onze autres membres. Le fonctionnement de cette institution est collégial et Robespierre est loin d'y être l'homme le plus influent. D'ailleurs, bon nombre de ses propositions sont refusées par ses collègues. Le Comité de Salut Public est réélu chaque mois par la Convention et doit lui rendre compte de son action chaque semaine. Pour conclure sur ce chapitre, rappelons que Robespierre s'est battu pour le suffrage universel, pour la défense de la liberté de la presse, de réunion, pour la création de l'ancêtre des syndicats et pour l'abolition de l'esclavage.
Bon, maintenant, parlons un peu de la guerre. En fait, elle est voulue par les Girondins et Louis XVI. Le roi espère bien qu'elle entraînera la chute de la Révolution et permettra le rétablissement de la monarchie absolue de droit divin. Robespierre est totalement opposé au déclenchement d'un conflit. Il déclare: « Faire la guerre? Mais pourquoi? Pour exporter la Révolution, disent certains? Très mauvaise idée, personne n'aime les missionnaires armés. Pour la liberté disent d'autres? Pas du tout. La guerre fait le lit du despotisme ». Robespierre considère comme l'un de ses pires échecs ne n'avoir pas réussi à sauvegarder la paix.
La terreur ? Ah, cette fameuse terreur ! Eh bien, sachez donc qu'elle est votée par la Convention, le 05 septembre 1793, non sur demande de Robespierre mais sur celle de Barrère, membre du Comité de Salut Public. Robespierre est étranger à la plupart des mesures d'exception temporaires qui sont alors prises. Leur application est du ressort du Comité de Sûreté Général, dirigé par Vadier. Robespierre ne siège, en aucune manière, au sein de cette instance et ne possède aucun pouvoir sur elle. Il en va de même en ce qui concerne le tribunal révolutionnaire de Paris, créé à l'initiative de Danton. Robespierre désapprouve totalement les excès commis par l'accusateur public qui y requière, Fouquier-Tinville. Il tente tout ce qui est en son pouvoir pour le faire destituer, mais sans succès.
Le 30 mai 1791, à la tribune de l'Assemblée Constituante, Robespierre, soit-disant sans pitié, soit-disant coupeurs de têtes, soit-disant assoiffé de sang, est le premier député français de l'Histoire à réclamer l'abolition de la peine de mort. Il intervient également, personnellement, pour éviter l'échafaud à des députés girondins et des prisonniers royalistes. Les lettres de remerciements qu'ils lui envoient en atteste. Lorsqu'il est informé des exactions sanglantes perpétrées dans plusieurs provinces, il obtient le retour à Paris des représentants en mission qui en sont responsables, afin qu'ils rendent des comptes devant la Convention. Et c'est ce qui causera sa perte.
Pour ce qui est de l'implication de Robespierre dans la guerre civile vendéenne, sa seule action avérée est d'avoir fait rappeler Carrier, après avoir appris les massacres ordonnés par ce dernier, à Nantes.
Si vous en exprimez la demande, je vous raconterai, bien volontiers, pourquoi il existe une telle distorsion entre l'image que nous avons aujourd'hui de Robespierre et la réalité. Allez! Liberté, Egalité, Fraternité, Citoyen Nervien ! »

316 - Samedi 11 novembre 2017     

 

 

Dans les champs de Flandre    

Dans les champs de Flandre, les coquelicots fleurissent
Entre les rangées de croix qui marquent notre place.

Et dans le ciel, des alouettes, continuent vaillamment de chanter, de voler,

Leur chant étouffé par le grondement des canons.

Nous sommes morts et pourtant il y a quelques jours encore

Nous regardions l'aurore poindre et le soleil se coucher en rougeoyant.
Nous aimions et étions aimés et aujourd'hui
Nous gisons dans les champs de Flandre.


Poursuivez le combat contre l'ennemi,
De nos mains tremblantes, nous vous confions
Le flambeau qui sera vôtre et que vous tiendrez haut.


Si vous nous oubliez, nous qui mourrons, jamais nous
Ne trouverons le repos, là où fleurissent les coquelicots,

Dans les Champs de Flandre.
 

Lieutenant-colonel John McCrae - 1915

317 - Dimanche 12 novembre 2017

 

Problème cornélien

 

Il avait les nerfs plus crispés que deux grands zygomatiques en mode sourire forcé, plus tortillés qu'une wassingue en cours d'essorage, plus tendu qu'une arbalète à moufle prête au tir. Les vestiges réunis du château des Créquy et de celui de la Royère étaient certainement moins en ruine que ne l'était son état nerveux. Avec la vie frénétiquement stresso-trépidante qu'il menait, le contraire eût été singulièrement étonnant. Qu'il restât plus longtemps sans se sentir affecté par une telle tension de ses axones, eut relevé du miracle homologable par la Congrégation des causes des saints. Bien que le XXIeme siècle fût tant et si fertile en multiples potentialités de toutes sortes, pour soigner une fébrilité endogène de ce type, il ne se trouvait que deux solutions à sa disposition: se retirer du monde de manière prolongée et hermétique où s'en remettre aux bons et dévoués soins de la médecine moderne.

 

Il envisagea d'abord d'opter pour la première de ces deux possibilités. Il fit donc projet d'acheter un billet d'embarquement pour une croisière en sous-marin nucléaire lanceur d'engins. Malheureusement, bien qu'ils ne fussent en aucune façon des êtres inhospitaliers, les sous-mariniers n'ont jamais jugé utile de disposer à leur bord de chambres d'hôte. De toute manière, le séjour qu'aurait pu lui offrir ce genre de retraite aurait été trop bref. La célérité subaquatique des submersibles était devenue telle, qu'ils vous effectuaient la traversée de l'océan avant même que vous ayez eu le temps de déballer votre brosse à dents de votre sac de voyage à roulettes, au design sobre et décontracté, ultra-léger, spacieux et doté de multiples poches astucieuses, pour 320,99€, seulement!

 

En désespoir de cause, il allait donc devoir se tourner vers l'unique ressource restant à sa disposition. Le recours aux services médicaux d'un praticien dûment diplômé et répertorié devenait inévitable. Un docteur saurait le faire bénéficier des avancées les plus récentes de la recherche et lui prodiguer expertement les précieux bienfaits d'une thérapeutique salutaire. Il s'était laissé dire qu'il existait désormais certains comprimés salvateurs dont l'efficacité relaxante et tranquillisante était des plus spectaculaires. Il y avait cependant un obstacle de taille. Rien ne l'énervait davantage que d'aller chez le médecin.

318 - Samedi 18 novembre 2017

 

Sricto sensu

 

Pour les compétents et sourcilleux forcenés de littérature, il est le maître grandiose et incontesté, le seigneur absolu, l'étoile la plus étincelante brillant au firmament des écrivains de romans d'aventures galactiques. Sans lui, ce genre eut été comme une tasse sans son café, une tartine sans son maroilles, un cornet sans sa portion de frites. Il est, par exemple, le génial auteur des sublissimes « Chroniques de S/2000 J7-Praxidike », de « Le cycle de Gliese 667 Cf » ou bien encore de « KOI-4054.0 ». Ses admirateurs considèrent que son talent est à ce point incomparable, que même en cumulant ceux de messieurs Jack Vance, Edmond Hamilton, Isaac Asimov et Alfred Elton van Vogt, il est rigoureusement impossible qu'une oeuvre puisse, un jour, oser espérer rivaliser avec la sienne.

 

Ses récits sont de prodigieuses sagas racontant les guerres menées, au fin fond du cosmos, contre de tyranniques empires ou de brutales dictatures. Ils décrivent d'épiques et titanesques combats interplanétaires entre les immenses vaisseaux de gigantesques flottes spatiales, avec pour champs de bataille, l'espace intersidérale, impressionnant d'immensité et de beauté. Mais ce que ces histoires possèdent de plus extraordinaire encore, réside dans le réalisme authentiquement hallucinant des descriptions du monde interstellaire, des détails techniques, des connaissances scientifiques, auxquelles s'ajoute un vérisme des situations et des personnages proprement saisissant.

 

Les détracteurs - il y en a malheureusement toujours - soutiennent mesquinement qu'on ne peut, stricto sensu, parler d'ouvrages de science-fiction. Selon eux, il s'agit plutôt d'une autobiographie en plusieurs volumes, étant donné que, pour écrire ses livres, le romancier puise dans les souvenirs de l'extraterrestre qu'il est, tout de même et avant tout.

 

 

319 - Dimanche 19 novembre 2017

 

Un homme, une vie, une œuvre

 

Dans une France signataire du CETA, il lui apparut que le moyen le plus plausible d'être premier de cordée et de se faire une place au soleil était de devenir trappeur du Grand Nord. Il était d'autant plus convaincu du bien-fondé de ce choix qu'il se croyait naturellement adapté. Natif et habitant du département Nord, il saurait forcément et instinctivement comment s'y prendre, parce qu'il fût grand ou non, qu'il ait pour capitale Québec ou Lille, pour lui, le Nord ça restait toujours le Nord.

 

Esprit méthodique et organisé, il commença tout d'abord par devenir linguiste, puis coiffeur-barbier, modiste, couturière, cordonnier, racketteur... Charpentier de marine et ouvrier du bâtiment. Ainsi sut-il comment il fallait en user pour acquérir un accent québécois pur sucre d'érable, donner à sa barbe et à sa chevelure une longueur de, respectivement, 17,03 cm et 39,5 cm, confectionner un bonnet en raton laveur synthétique de l'Ontario, tailler une tunique et un pantalon en cuir de skaï sauvage du Manitoba, coudre des mocassins doublés en fourrure de paillasson mâle du Nunavut, confectionner des raquettes à neige Babolat Pure Aero, fabriquer un canoë en peau de caoutchouc butyle de Gaspésie, construire une cabane domotisée cossue.

 

Une fois et enfin fin prêt, il se jeta avidement dans l'aventure, à pleine vitesse et sans attendre la neige (contrairement aux croyances méridionales, le flocon neigeux n'est pas aussi courant que cela en Cambrésis). Il fut immédiatement ralenti dans son élan, étant donné qu'il était plutôt malaisé de se mouvoir en raquettes dans les champs de betteraves en fleurs. Le déplacement en canoë se révéla plus rapide mais plus dangereux. A plusieurs reprises, il faillit être pulvérisé par les péniches navigant sur le canal et dû essuyer les bordées d'imprécations haddockiennes des mariniers ulcérés.

 

Il parvint tout de même à atteindre la sylve, qui est au trappeur ce que le vaste océan est au porte-avions. Le bois des Trois Mal Mariés s'étendant, au maximum, sur deux cents mètres de long et une cinquantaine de large, sa traversée aurait dû se montrer sans difficulté et sommaire. Pourtant, tel ne fut pas le cas. Il se perdit et mit tellement de temps avant de trouver la sortie, qu'il fut bien prêt de périr. Quoi qu'il ait pu arriver, il se devait cependant, envers et contre tout, d'accomplir la tâche à laquelle il s'était destiné. Hélas, la ressource en bêtes à poils de la campagne cambrésienne était des plus limitées. Il ne débusqua, en tout et pour tout, qu'un garde champêtre, dont il ne put rien faire car il faisait partie des espèces protégées.

 

Et voilà comment et pourquoi il revint à la civilisation et mena une très longue et très brillante carrière de patron de baraque à frites.

320 - Samedi 25 novembre 2017

 

« Savez-vous planter les choux à la mode de chez nous »

 

- « Que tout soudain illuminée par les lumières de je ne sais quelle subite inspiration, tu te piquas de te métamorphoser en jardinière, la chose relève de ton droit le plus strict à disposer de toi-même. Pour que nul entrave ne vint faire obstruction à cette liberté fondamentale, il n'était que de la respecter. Ce que je fis volontiers, dans la plus pure tradition républicaine.

 

Que dans un monde où les terres fertiles sont tant et plus sauvagement dévorées par les insatiables et vénaux appétits des bétonneurs sans pitié, tu estimas qu'il fut bon de se rappeler les paroles avisées du sage Candide : « il faut cultiver son jardin », je voulus bien en convenir de bonne grâce et par respect pour la mémoire de ce bon vieux Voltaire.

 

Que la manière dont tu as complètement encerclé notre maison de rangs de carottes, de pommes de terre, de navets et de petit radis, me donne furieusement l'impression de vivre à Alésia au milieu de lignes de circumvallation romaines, je m'en suis accommodé grâce aux capacités d'adaptation de mon esprit militaire.

 

Mais aujourd'hui, c'en est trop. Je veux bien que potager rime avec caillasseux, boueux, crotté et ongles en deuil, mais le déguenillé, le dépenaillé, le loqueteux, laisse-moi te dire que là, nous sombrons dans le douteux, le problématique, le contestable. »

 

- « Ben, en même temps, mon gros hamster rosé des Ardennes, la tenue de soirée, ce n'est pas trop le style, non plus. Parce que le déguenillé, le dépenaillé, le loqueteux, c'est quand même un petit peu le principe de l'épouvantail, tu vois ... »

321-Dimanche 26 novembre 2017

 

Cui prodest

 

La Révolution s'est battue pour la Liberté, l'Egalité, la Fraternité. Le Comité National de la Résistance voulait « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale, impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie ». Aujourd'hui, l'idéal qui nous est offert, est, ô combien, plus grandiose, plus enthousiasmant, plus exaltant, plus bouleversant : respecter coûte que coûte le critère de convergence des moins de 3%.

 

Voilà pourquoi, il faut se faire une joie de poser la tête sur le billeau et hardiement tendre le cou à la lourde ache de la restriction budgétaire. Mais, attention, que c'est de la restriction qu'elle est bien parce ce qu'elle est avec plein de gros morceaux de bonnes mesures dedans, qu'elles sont tellement bonnes, qu'elles sont trop bonnes. Bon ... Les populations, tant rurales que prolétaires, elles n'en veulent pas. Ça, en fait, c'est parce qu'ils ne sont pas assez cultivés et intelligents pour se rendre compte que c'est de la restriction qu'elle est bien parce ce qu'elle est avec plein de gros morceaux de bonnes mesures dedans, qu'elles sont tellement bonnes, qu'elles sont trop bonnes; et que en plus c'est pour leur bien.

Puisque pléthores de dynamiques et hauts personnages s'évertuent à nous en convaincre, c'est que tout cela ne peut être que fatalement et forcément vrai, se dit-il. Il ne pouvait donc rester sans apporter, en personne, sa contribution personnelle. Il avait pensé à la langue française. Les sources d'économies possibles n'y manquent pas. Par exemple, pourquoi parler de « couper les cheveux en quatre » et pas seulement « en deux »? Dire « un tien vaut mieux que deux, tu l'auras » relevait de la gabegie. « Un demi tien était bien suffisant ». Il fallait également passer de « se mettre sur son trente et un », à « sur son vingt et un ». Au lieu de « voir trente-six chandelles », il serait bon de se limiter à « sept bougies». Sans compter que cela permettrait de faire, en même temps, des éconmies d'énergie. De « recevoir quelqu'un 5 sur 5 », on pouvait passer à « 3,25 sur 3,25» et « quoi de neuf ? » devait, impérativement, être remplacé par « quoi de sept ? ».

322 - Samedi 02 décembre 2017

 

Civisme et principe de précaution

 

Afin de complètement profiter de ce beau jour d'automme à la météorologie particulièrement clémente, vous allez, avec une belle conviction, judicieusement prendre le parti de généreusement vous octroyer un peu de détente, en vous offrant les joies saines et simples d'une sortie de plein air. Mais prenez garde.Veillez à ne pas trop vous laisser emporter par les débordements d'un enthousiasme incontrôlé. En sortant de chez vous, soyez particulièrement vigilant. Respectez scrupuleusement les règles de sécurité. Avant d'entreprendre votre traversée de la Manche, en brasse coulée et à contre-courant, attendez bien patiemment que le feu soit complètement passé au rouge et regardez, avec attention, à droite puis à gauche, pour vérifier que la voie est bien dégagée. Si chemin faisant, vous croisez la route d'un taureau, ne tentez pas de lier connaissance avec lui, cela risquerait de vous causer d'amères désillusions, pour ne pas dire de graves avanies.

 

Personnellement, il n'avait aucunement l'intention de rallier Douvres, Deal ou Broadstairs, de quelque manière que ce soit. Cependant, par sens civique, il crut bon de téléphoniquement prévenir les autorités maritimes que les flots, sis entre les côtes françaises et les rivages britanniques, risquaient, d'ici peu, d'être fréquentés par une population, aussi inhabituelle qu'importante, de gens en maillots et bonnet de bain, nés entre le 23 octobre et le 22 novembre et entre le 20 avril et le 21 mai.

 

Ce n'est pas qu'il croyait aux horoscopes. Mais mieux valait être prudent ... On ne sait jamais.

323 - Dimanche 03 décembre 2017

 

Et cela n'étonne personne

 

« Pour lui, tout a commencé par une nuit sombre, le long d'une route solitaire de campagne, alors qu'il cherchait un raccourci que jamais il ne trouva ». Le froid était si glacial qu'aucun des arbres de la forêt environnante ne pouvait s'empêcher de grelotter et de claquer des dents. Un brouillard angoissant formait un mur ouateux d'un blanc sale, sur lequel s'écrasait le halo flou et blafard de ses phares. De cette brume opaque et compacte, il vit soudain brutalement surgir une véritable vision de l'enfer en 3D. Tous feux éteints, un escargot de bourgogne, gros comme une balle de tennis, lui fonçait droit dessus, à pleine vitesse, plus inexorable et fatal qu'une torpille vérrouillée sur sa cible. La collision, le téléscopage, l'impact, paraissaient logiques, manifestes, obligatoires. Mais n'étant pas homme à se résigner devant la fatalité, aussi implacable soit-elle, il fit une tentative, aussi magnifique que désespéré, de freinage d'urgence. Bien lui en prit, puisqu'il s'arrêta juste à temps pour échapper à l'inéluctable heurt avec l'impétueux et imprudent gastéropode.

 

Par contre, ce ne fut pas le cas du conducteur du véhicule qui le suivait et qui ne put éviter de lui emplâtrer, de fort belle manière, tout l'arrière de sa voiture. Ce dernier ainsi que son passager ne manifestèrent aucun des signes d'animosité qui sont, malheureusement, trop souvent habituels dans ce genre de circonstance. Le constat qui, somme toute et de toute évidence, s'imposait, fut établi de la manière la plus courtoise.

Sur ces entrefaites, les membres d'un binôme de la maréchaussée motocyclettoportée firent leur apparation, tels deux anges du destin conduits en ces lieux perdus par la volonté de la divine providence. Après avoir militairement et poliment salué l'assistance, ils procédèrent aux constatations réglementaires d'usage, puis vérifièrent avec bienveillance le constat auquel ils ne trouvèrent rien à redire. S'étant assurés que nul n'avait besoin de leur assistance, comme « les papillons vont où le vent les porte », ils s'en furent vers d'autres ailleurs.

Au final, ce n'était qu'un accident aux conséquences mineures, comme il en arrive des dizaines chaque jour. Il se demandait tout même comment cela allait se passer avec les assurances de Promixa Centauri B, planète d'origine du propriétaire de la soucoupe volante qui venait de lui rentrer dedans.

 

324- Samedi 09 décembre 2017

 

Incompréhension

 

- « Pourrais-tu, s'il te plaît, être assez aimable pour ajouter, aux vingt ans d'amitié qui nous unissent, une toute petite minute afin de gentiment, clairement et posément, m'expliquer comment il a pu se faire qu'une idée aussi extravagante soit venue germer dans ton esprit habituellement raisonnable et réfléchi. Pourquoi diantre, as-tu donc décidé de te hasarder à vouloir remettre en état ta voiture? Elle est tellement avariée que sa seule vue ferait vomir d'horreur n'importe quel propriétaire de casse.

 

Pour les réparations, tu n'auras pas d'autre solution que de chercher à la rubrique restauration pour choses et objets vénérables en péril. Vu le millésime de l'engin, le garagiste capable de l'entreprendre ne pourra être qu'un Ancien ayant appris la mécanique à l'époque où Armand Fallières venait à peine d'être élu président de la République. Il faudra également que l'homme soit complètement masochiste ou possède une solide vocation de martyr.

 

Et puis l'air du temps n'est pas à la relance du déplacement individuel pétroléomotorisé. Maintenant, l'orientation générale est à l'écologique, au vade retro auto! Alors plutôt que de tenter un rafistolage de la dernière chance sur ton tacot grabataire, pourquoi ne pas continuer à prendre le train comme tu en avais jusqu'ici l'habitude? Pourquoi renoncer à cette pratique qui est des plus estimables et bénéfique pour la planète? »

 

- « Parce que, en parfaite cohérence avec les déclarations d'engagement sur l'application de la transition écologique, la politique générale des transports actuelle a entraîné la fermeture de la gare où je me rendais et de la ligne de chemin de fer que j'empruntais. »

 

325- Dimanche 10 décembre 2017

 

Qui aurait pu croire que ce fut de lui

 

Monsieur Féodor-Azor Labidouche, célèbre tailleur de pierre dont les bas-reliefs grecs sur pneus de tracteurs expriment la recherche d'un monde perdu et la quête d'un humaniste dépouillé et se trouvent à la limite d'un art sacré traduisant une expression universelle de l'âme humaine commune à toutes les civilisations, nous invite ludiquement à deviner l'auteur des lignes suivantes :

 

« Monseigneur, je n’ai pas assez de vanité pour espérer que ces fruits de ma solitude vous puissent plaire: les plus beaux vergers du Parnasse en produisent peu qui méritent de vous être offerts. Votre esprit est doué de tant de lumières et fait voir un goût si exquis et si délicat pour tous nos ouvrages, particulièrement pour le bel art de célébrer les hommes qui vous ressemblent, avec le langage des dieux, que peu de personnes seraient capables de vous satisfaire (...)

 

Certes, votre mérite nous réduit tous à la nécessité d’un choix bien difficile; il est malaisé de s'en taire, et l’on ne saurait en parler assez dignement. Car, quand je dirai que l’Etat ne peut se passer de vos soins et que les ministres de plus d’un règne n'ont point acquis une expérience si consommée que la vôtre; quand je dirai que vous estimez nos veilles et que c’est une marque à laquelle on a toujours reconnu les grands hommes; quand je parlerai de votre générosité sans exemple, de la grandeur de tous vos sentiments, de cette modestie qui nous charme; enfin, quand j’avouerai que votre esprit est infiniment élevé, et qu’avec cela j’avouerai encore que votre âme l’est davantage que votre esprit, ce seront quelques traits de vous à la vérité, mais ce ne sera point ce grand nombre de rares qualités qui vous fait admirer de tout ce qu’il y a d’honnêtes gens dans la France. Et non seulement, Monseigneur, vous attirez leur admiration, vous les contraignez même par une douce violence de vous aimer. (...) Vous savez bien qu’ils vous regardent comme le héros destiné pour vaincre la dureté de notre siècle et le mépris de tous les beaux-arts (...)

 

Si la matière vous en semble assez belle et que je sois assez heureux pour obtenir quelques moments de votre loisir, ne jugez pas de moi par le mérite de mon ouvrage, mais par le respect avec lequel je suis, Monseigneur, votre très humble et trés obéissant serviteur ».

 

Solution de l'énigme : le texte ci-dessus présente quelques extraits de la dédicace qui accompagnait un poème de vingt pages intitulé « Adonis ». Elle était destinée et a été et envoyée à monsieur Nicolas Foucquet, ministre d’Etat, surintendant des finances, de Louis XIV, et Procureur général au parlement de Paris. L'écrivain l'ayant composée, espérait ainsi obtenir une juteuse pension de ce haut personnage. Il s'agit d'un poète fort connu. Il est celui là même qui, la main sur le coeur et plein d'un sainte indignation, écrivit : « Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute », Monsieur Jean de la Fontaine, en personne.

 

Cela étant dit, question style, nos grands cireurs de pompes actuels peuvent sacrément en prendre de la graine.

 

324- Samedi 16 décembre 2017

 

Cossu

 

Plus, il la contemplait, plus il considérait qu'elle commençait à accuser son âge. Il ne l'en aimait pas moins pour autant, cependant il ne pouvait s'empêcher de penser qu'un sérieux rafraîchissement lui serait des plus bénéfiques. Aussi décida-t-il de convoquer le ban et l'arrière-ban des corps de métier adéquats. Le temps était venu de laisser la parole à la truelle, à la taloche et à l'échafaudage.

Il commanda tout d'abord et en toute simplicité, l'installation d'une terrasse couverte, en verre de cristal d'Arque. Ensuite, il remplaça l'entrée, trop convenue, trop exigüe, par un hall d'honneur, flanqué d'un grand escalier de cérémonie en marbre rose. Une salle de billard, lui parut couler de source tout en étant de bon goût. Quant aux chambres d'amis, voulant que leurs nombres fussent un chiffre rond, il demanda que l'on en fît dix. L'indispensable petite touche finale fut apportée par un balcon monumental avec vue sur le papillon du jardin public.

 

Cette rénovation suscita parmi les membres son entourage une incrédulité et un ahurissement désapprobateurs. Avoir entrepris de tels travaux pour la niche de son chien, sans lui avoir demandé son avis sur les papiers peints, c'était tout bonnement inconcevable.

325 - Dimanche 17 décembre 2017

 

Avant, avant

 

II lui avait été rapporté que, en des temps tellement anciens qu'ils remontaient à bien avant l'invention du calendrier, les premiers hommes préhistoriques ressemblaient davantage à des primates qu'à un musicien de la Garde républicaine à cheval.

 

Antérieurement aux préhistoriques et à la Garde républicaine à cheval, il existait de corpulentes et énormes grosses bêbêtes appelées dinosaures, qui formaient un clade extrêmement diversifié de vertébrés diapsides. Tout en étant, par ailleurs, des archosaures ovipares ayant en commun de partager un certain nombre de synapomorphies. En résumé, et pour simplifier, certainement un genre de bestiole à l'haleine épouvantable parce qu'elles devaient passer leur temps à voracement brouter de l'ail comme quatre.

 

Auparavant, étaient les trilobites, sympathiques et émouvants arthropodes antennates marins, dont l'apparence n'était pas sans rappeler celle d'un engin blindé tout droit sorti d'une page de BD de science-fiction. Comme ils comptaient quinze mille espèces quand ils venaient à la piscine, cela devait faire un sacré populo dans l'eau et le maître nageur de service ne devait pas chômer.

 

Précédemment à ces charmants et attachants animaux aquatiques, l'unicellulaire régnait. Il le fit fort discrètement et en toute humilité. En même temps, quand on est composé d'une seule cellule et que l'on est microscopique, on peut difficilement rouler des mécaniques ou alors il faut avoir un naturel plus suicidaire que réaliste.

 

En continuant ainsi à travers les âges, bon an mal an, on arrive tranquillement à moins 13,7 milliards d'années. Alors là, il n'est plus question d'unicellulaire, de trilobite, de dinosaure, de préhistorique ou de garde républicain à cheval. Il n' y avait pas assez de place pour. En effet, à cette époque on affichait complet. La matière en fusion, avec un grand M, remplissait l'univers à ras bord. Pour une raison qui lui appartient et connue d'elle seule, c'est à cette période qu'elle décide d'entrer en expansion et de se refroidir, autrement dit, de déclencher le grand boum (ou big-bang en version originale). Grand boum qui, n'étant pas fainéant, créa les galaxies, les étoiles mais également, excusez du peu, le temps et l'espace.

 

Tout cela est bel et bien bon, pensa-t-il, mais avant le grand boum, avant l'espace, avant le temps, il y avait quoi? Et nous, quel est exactement notre rôle dans toute cette histoire qui donne le vertige et devient encore plus incompréhensible à chaque fois que nous lui arrachons un de ses secrets.

 

26- Samedi 23 décembre 2017

 

Autobiographie

 

- « Notre chaland voguait à travers la mer du Nord. Sur le pont, Mademoiselle Magali Léger allait joindre sa merveilleuse voix à l'orchestre des Musiciens du Louvre, qui interprétaient le Rondeau des Indes Galantes, de Rameau; lorsque, paf! Sans crier gare, un sous-marin a fait surface. Pris par surprise, nous n'avons pas pu éviter l'abordage. S'ensuivi un féroce et acharné combat au corps-à-corps, avec distribution générale de baffes, claques et autres torgnoles, en tous genres. Nous avons eu l'ingénieuse et tactique idée de saborder notre bateau afin de contraindre l'ennemi à battre en retraite. Nous avons ensuite rejoint les plages de Provence à la nage. Cela nous a pris plus de temps que prévu, à cause d'un embouteillage causé par un porte-avions sans permis qui n'avançait pas.»

 

- « Honnêtement, votre récit du débarquement du 15 août 1944 me parait, pour le moins, peu plausible. »

 

- « Monsieur, vous doutez? Comment osez-vous! Je suis indigné, scandalisé, outré ! C'est une ignominie! Je vous donne ma parole que tout cela est vrai. »

 

- « Si vous aviez été boulanger, routier ou marchande de fleurs, j'aurais peut-être pu me laisser aller à croire en votre parole, mais ...vous êtes politicien. »

 

https://www.youtube.com/watch?v=RKvd4tMkFHc

 

327 - Dimanche 24 décembre 2017

 

C'était donc tout simplement ça

 

Monsieur Audouin-Aldemar Marmarenmakenenbeck, mécanicien diéséliste homéopathe hemilengletois et vendeur de traineaux d'occasion du Père Noël (premières mains, pieces et main-d'oeuvre garanties deux ans), nous propose, à la bonne franquette et en toute simplicité, un petit impromptu exégétique.

 

« Monsieur Nervien, il m' a semblé que cette période de fêtes de fin d'année était particulièrement propice aux sujets légers et bon enfant, aussi vais-je vous entretenir de l'interprétation historique des dix plaies d'Egypte. Non, ne me remerciez pas, tout le plaisir est pour moi.

 

Première plaie - L'eau du Nil se change en sang : nous savons qu'à l'époque des faits, l'Egypte subit un réchauffement climatique. Il a pu favoriser l'apparition, dans le Nil, du phénomène connu sous le nom de sang des Bourguignons. Il s'agit de la prolifération intempestive de cyanobactéries affectueusement appelées oscillatoria rubescens. En outre d'être particulièrement toxiques, ces petites chéries possèdent la particularité de prendre une couleur d'un beau rouge émoglobine et de donner à l'eau une consistance proche du sang, lorsqu'elles décèdent.

 

Deuxième plaie - L'invasion des grenouilles : l'arrivée de nos amies les oscillatorias rubescens a forcément perturbé l'environnement aquatique. Or, s'il en est qui n'apprécient pas du tout, mais alors pas du tout, ce genre de pagaille, ce sont bien les têtards. Dès lors que l'on touche à leur milieu naturel, hop! Ils se métamorphosent en grenouilles,  au bout de cinq semaines au lieu de dix. Il en découle une augmentation soudaine et impressionnante du nombre de ces sautillants batraciens. Cela explique leurs multitudes lorsqu'elles sont obligées de fuir sur la terre ferme, après que les oscillatorias rubescens aient complètement et joyeusement empoisonné le Nil.

 

Troisième plaie et quatrième plaie - L'invasion des moustiques et des mouches : précisons tout d'abord que l'on est certainement en présence de phlébotomes et de mouches charbonneuses. Leur déferlement, apparemment comparable au rush des touristes du mois d'août vers les plages, implique qu'ils se soient multipliés d'une manière colossale. Cela est tout à fait possible, dans la mesure où, tout d'abord, une part importante de leurs effectifs ne termine plus sa brillante carrière dans l'estomac de gourmands poissons ou de grenouilles gastronomes. Les premiers, à cause de l'oscillatoria rubescens, flottent tous le ventre en l'air, quant aux secondes, loin de l'eau, elles sont toutes mortes déshydratées. Ensuite, les dizaines de millions de cadavres de poissons et de batraciens fournissent aux mouches et à leur progéniture, une nourriture surabondante qui leur permet de connaître une explosion démographique auprès de laquelle le baby boum fait figure de baby pchitt.

 

Cinquième plaie - L'épidémie qui s'abat sur le bétail et les chevaux : il se trouve que les phlébotomes et les mouches charbonneuses n'ont jamais pu entrer dans la grande famille des animaux de compagnie à cause de leur fâcheux penchant à jouer les vecteurs pathogènes, en particulier au sein des troupeaux d'animaux domestiques. Il n'est pas besoin de sortir de Saint Cyr pour comprendre que l'accroissement de leurs effectifs a de graves conséquences épidémiologiques pour les populations équines, bovines et autres.

 

Sixième plaie - Les hommes et les bêtes sont couverts de furoncles bourgeonnant en pustules : cette poétique et appétissante description correspond, en tout point, aux symptômes d'une maladie bactérienne délicieusement appelée la morve. Elle aussi se propage grâce aux bons soins attentionnés de notre amie la mouche charbonneuse.

 

Septième plaie ... Ah, ben non, je n'ai plus le temps, j'ai piscine. Si vous le voulez bien, je vous donne rendez vous à la semaine prochaine.

 

328- Samedi 30 décembre 2017

 

Come prima, più di prima t'amerò

 

- « Ah ma chérie! Me voici z'enfin de retour et ce soir, je voudrais être Italien et te dire :

Comme avant, la nuit descend, magique, la lune brille, et te voilà. Je suis troublé... Je ne sais pourquoi.

Et je ne peux te le dire autrement : comme avant, plus qu'avant, je t'aimerai pour la vie, ma vie je te donnerai.

Cela ressemble à un rêve de te revoir, de t'étreindre, tes mains, entre mes mains, serrées encore.

Mon monde, le monde entier, tu es pour moi. Je n'aime personne autant que toi.

Chaque jour, chaque instant, doucement, je te dirai : comme avant, plus qu'avant, je t'aimerai.

Comme avant, plus qu'avant, je t'aimerai. »

- « Bon, mais que cela ne t'empêche pas pour autant d'essuyer tes pieds sur le paillasson. Et sinon, tu as pensé à rapporter du produit pour nettoyer la cuvette des toilettes? »

 

 

329 - Dimanche 31 décembre 2017

 

C'était donc tout simplement ça (suite et fin)

 

Comme promis, Monsieur Audouin-Aldemar Marmarenmakenenbeck, mécanicien diéséliste homéopathe hemilengletois et vendeur de traineaux d'occasion du Père Noël (premières mains, pièces et main-d'oeuvre garanties deux ans), nous propose, toujours à la bonne franquette et en toute simplicité, la suite de son petit impromptu exégétique.

 

« Donc, Mesdames, Mesdemoiselles et Messieurs si mes souvenirs sont exacts, nous en étions restés à la septième plaie.

 

Septième plaie - La grêle : vers 1500 avant notre ère, le volcan Théra, situé à 700 km des rivages de l’Egypte, entre en éruption et provoque la plus grande catastrophe naturelle de l'histoire de la Méditérranée. Le ciel, qui n'en demandait pas tant, se retrouve alors envahi de pyrocumulonimbus qui sont de bons gros nuages composés de cendres volcaniques et de vapeur d'eau. Les vents dominants n'ont rien eu de plus pressé que de les emporter. Or, dans cette région, la direction générale des fils d'Eole est orientée vers l'Egypte. Et devinez de quoi est capable un pyrocumulonimbus en bonne santé? Il peut, selon son humeur, générer de fortes pluies, souvent noires, des vents plutôt musclés, voire même des tornades, et, cerise sur le gâteau, de terribles averses de grêle, garanties d'origine contrôlée.

 

Huitième plaie - Les sauterelles : sans doute désireuses de ne pas laisser aux seuls phlébotomes et mouches charboneuses le fin plaisir de mettre un bazar sans nom de Gizeh à Abou Simbel, les sauterelles déboulent à leur tour. Et là, pardon camarade, mais sur l'échelle de la casse et de la dévastation, elles explosent tous les compteurs. Les petites frangines, question dégâts sur le végétal, elles en connaissent un rayon. Ce sont de véritables défoliants et glyphosate naturels à six pattes. A côté d'elles, le gars Attila et toute sa bande de joyeux lurons font figure de gentils petits boys scouts coincés. Ces adorables petites créatures prolifèrent plus que de raison dès que pluies diluviennes et taux d'humidité s'accroissent - je parle ici des sautrelles, pas d'Attila et de ses joyeux lurons. Or, elles bénéficient justement de telles conditions météorologiques grâce à la persistance d'importantes masses nuageuses, dues à nos turbulents copains pyrocumulonimbus, dont la présence prolongée en Egypte s'explique, sans doute, par leur souhait de visiter tous ses pittoresques sites touristiques.

 

Neuvième plaie - Les ténèbres : je tiens tout de suite à faire taire certaines rumeurs selon lesquelles nous ne serions ici qu'en présence d'une simple coupure générale d'électricité. Des personnes puissamment savantes et qui n'ont pas besoin de leurs doigts pour compter, estiment que l'éruption du Théra a envoyé se balader dans la stratosphère plus de 12 000 tonnes de cendres. Bien plus qu'il n'en faut pour masquer le soleil et plonger tout un pays dans l'obscurité pendant plusieurs jours.

 

Dixième plaie - La mort des premiers nés : avec le bétail décimé par la maladie, les récoltes dévastées par les intempéries, la crise de subsistance est aussi inévitable qu'une hausse des carburants avant les départs en vacances. Dans le même temps, le peu de céréales qui subsistent est touché par l'ergot. Le développement de ce  champignon toxique microscopique est, lui aussi, favorisé par les pluies et l'humidité. Consommé régulièrement via les aliments à base de céréales, et en particulier le pain, il provoque une maladie mortelle appelée ergotisme ou mal des ardents. Les premiers nés sont plus que les autres exposés à ce danger et en sont donc les principales victimes parce que la coutume égyptienne veut que, lors des repas, ils soient toujours les premiers et les mieux servis, mais aussi qu'ils soient les seuls à l'être, en cas de disette.

 

Voyez-vous, monsieur Nervien, que Dieu ne soit en rien responsable de toutes ces horreurs, ne pourra que conforter dans leurs certitudes aussi bien les athées que les croyants. N'est-il pas?»

 

Commentaire :

Je me permettrais d'ajouter qu'une stèle égyptienne d'une hauteur de 1,80m, érigée au XVIeme siècle avant J.C, relate le même type d'évènements, sans leur donner aucune dimension religieuse. Il en va de même concernant le papyrus d'Ipuwer ou d' Ipou-Our, qui date du XIIIeme siècle avant notre ère.

Jean-François Champollion

 

330 - Samedi 06 janvier 2018

 

L'espoir de jours meilleurs

 

 

Téléspectateur affuté, voire intransigeant, il passait assidûment l'entièreté de son temps libre et de ses loisirs confortablement assis devant ce que certains désuets appellent encore le petit écran, alors que le sien faisait un bon 229 cm. En son temps, le développement de la télévision numérique terrestre fut pour lui une occasion de transports émotionnels intenses. La divine promesse de multiplication des chaînes qu'elle représentait, l'emplit jusqu'au ras du goulot d'un délirant et fol enthousiasme.

 

Pour autant, il n'en garda pas moins le sens de la réalité et de la mesure. La fougue de son emballement ne le rendit pas sourd à la voix de la sagesse lui rappelant, avec discernement, que l'évolution télévisuelle, comme toutes les mutations en ce bas monde, demandait temps, patience et persévérance. Il ne fut donc qu'amour et débonnaireté. Il attendit sagement et sans maugréer qu'apparaissent sur le nouveau réseau les changements culturels et artistiques tant espérés. Hélas, trois fois hélas, en leur lieu et place, ce fut la désillusion qui se présenta au rendez-vous.

 

Aujourd'hui, il avait abandonné tout espoir. Désenchanté, désabusé, consterné, il lui était difficile de ne pas se laisser aller à profondément sombrer dans l'amertume. Les grilles de programmes n'avaient en rien évolué vers un décuplement de la qualité. Elles continuaient à consacrer le plus clair de leurs temps d'antenne à la diffusion d'émissions, de séries, de films, qu'il fallait supporter avant de pouvoir enfin, l'espace de trop brefs instants, s'enrichir l'esprit des mille et un trésors d'intelligence et de désintéressement offerts par le prodigieux et éblouissant spectacle des spots publicitaires.

 

331 - Dimanche 07 janvier 2018

 

« Toute ma vie j'ai rêvé de voir le bas d'en haut »

 

- « Je ne suis pas sans savoir qu'aux yeux surpris de certains et en particulier des vôtres, caporal, mon impétueux amour du transport aérien est un phénomène des plus énigmatiques. Il occasionne un étonnement d'une ampleur pachydermique. Il soulève une montagne himalayenne d'interrogations ontologiques. Il provoque des vagues scélérates de questionnements métaphysiques. Magnanime et bienveillant, je conçois volontiers que ma passion effrénée pour l'avion peut foncièrement déconcerter l'observateur affectueux, mais néanmoins superficiel, qui ne voit en ma fascinante personne que le fantassin viscéralement attaché à ses rangers et à la tradition du déplacement pedibus cum jambis. »

 

- « Mon adjudant, je vous confirme humblement, avec respect et dévotion, que je fais effectivement partie du nombre de ceux qui restent ébahis et tout ébaubis par votre furieux empressement dès qu'il s'agit de faire usage des engins ailés, gracieusement mis à notre disposition par nos affables et obligeants collègues de l'Armée de l'Air. »

 

- « Eh bien, caporal, l'explication de cet emballement tient dans le simple fait qu'à chaque fois je m'enthousiasme, je m'émerveille, je m'extasie, je me pâme. Parce que pour être l'incarnation d'airain de l'homme d'action en action, je n'en suis pas moins esthète. Or, avec l'altitude, on ne distingue plus le laid, le disgracieux, la hideur, le moche, qui défigurent tant notre malheureux monde. Regardée du ciel, la Terre est d'une magnificence insensée, d'une perfection inouïe. Elle est de toute beauté! »

 

- « Je m'excuse, mon adjudant, mais mon incompréhension persiste et demeure toujours aussi cyclopéenne. Je continue fermement à m'interroger. Comment vous est-il réellement possible de vous délecter d'une quelconque vue lors de nos périples aéroplanesques en Transall ou en A 400? Non seulement, les carlingues de ces remarquables appareils ne sont que très parcimonieusement agrémentées de hublots, mais de plus les positions assises leur tournent le dos. »

 

- « Non, alors franchement, caporal, écoutez, moi, je suis là à vous faire dans la poésie, le lyrisme, l'existentiel et vous, vous pinaillez mesquinement sur des questions d'aménagement intérieur à deux balles...»

332 - Samedi 13 janvier 2018

 

Comme disait William, c'est « une affaire de feeling »

 

- « Plastique de rêve, visage d'ange, port de reine, vous êtes, madame, une nymphe dont la divine splendeur et le charme sont sans égal. Votre féérique apparition m'a forcé à baisser le regard car mes yeux ont été éblouis par la lumière de votre céleste beauté. Et votre ravissante image restera à jamais inscrite dans mon esprit embrasé et dans mon coeur ardent. Désormais, pour moi, il n'y aura plus un jour, une nuit, où l'une de mes pensées, l'un de mes rêves, se puissent être sans que vous n'y soyez adorablement présente.»

 

- « Cher monsieur, n'espérez point que je puisse vous faire l'honneur d'accorder le moindre intérêt à cet écoeurant et hypocrite étalage de flatteries. Je vous avouerai, en toute modestie, que je ne possède pas, loin s'en faut, le tempérament d'un Nicolas Foucquet et, sans vouloir vous vexer outre mesure, vous n'avez pas l'étoffe de Jean de Lafontaine. Alors si vous me disiez plutôt, directement et sans détours, ce que vous attendez de moi. »

 

- « "Donnez-moi, madame, s'il vous plaît, du ketchup pour mon hamburger. Donnez-moi, madame, s'il vous plaît, du gasoline pour mon chopper." »

 

333 - Dimanche 14 janvier 2018

 

Rompons l'omerta et réagissons

 

La nouvelle le surprit plus vivement que l'éclair inattendu et son coup de tonnerre soudain dans le pur azur du ciel ensoleillé d'un calme après midi d'été bercé par le léger murmure des vagues venant langoureusement s'étendre sur le sable satiné de la plage alanguie. L'information l'offusqua si vigoureusement qu'il en eut les yeux tout submergés de larmes d'indignation, tant et si bien que pour les sécher, il lui fallut user d'une franche et bonne dizaine de mètres d'étoffe absorbante.

 

Ainsi, depuis des temps immémoriaux, la population française est-elle l'inconsciente et innocente cible d'un mal aussi matois que subreptice. Génération après génération, la plus totale des lois du silence règne sur ce danger auquel elle est ignoblement exposée. Et le scandale auraient sans doute tranquillement continué, jusqu'à la fin des temps, son petit bonhomme de chemin, si de remarquables travaux de nos amis scientifiques américains n'étaient venu fermement y mettre un terme définitif et sans appel. Grâce à eux, la vérité a pu enfin sortir des obscures profondeurs de son puits et abondamment illuminer de sa probe et intègre lumière les aimables et verdoyantes terres de la noble, belle et douce France.

 

Victimes de la méconnaissance dans laquelle elles sont à dessein plongées, les foules héxagonales ingèrent goulument, en toute ingnuité et de bonne foi, de conséquentes quantités de casomorphine. Mais Grand Dieu, comment cela se fait-ce? Cela se fait-ce quotidiennement, à l'heure familiale et conviviale du plateau de fromages. En effet, la casomorphine est sournoisement et chimiquement présente en chacun de ces produits laitiers. Or, les recherches menées outre - Atlantique ont brillamment mis en évidence que cette substance engendrait des effets de dépendance comparables à ceux des opiacés. En résumé, le Français moyen est un drogué qui s'ignore.

 

Par conséquent, pensa-t-il, il est urgent pour la protection de la santé et de la salubrité publiques, qu'au même titre que la cocaïne ou le aschish, soient, au plus tôt, prohibées la production et la libre circulation des mille productions fromagères recencées sur le territoire national. A l'exception, bien entendu, du maroilles qui est un fromage doux dont les effets ne sont pas aussi nocifs que ceux des fromages durs, comme le camembert, le brillat-savarin, le roquefort ou bien encore le cantal.

 

334 - Samedi 20 janvier 2018

 

On ne s'attendait pas à ce que les choses finissent ainsi

 

C'était un temps plein d'ardeur, d'enthousiasme et d'espérance. Il était fol, il était « jeune et large d'épaules ». Il avait le cheveu long et buissonneux. Vestimentairement, il faisait plutôt débraillé. Il portait toujours « des boots blanches, un gros ceinturon, une chemise ouverte sur un médaillon ».

 

Il était tout empli de hautes ambitions et de méritoires aspirations. Il était résolument décidé à devenir le plus grand journaliste du temps présent, passé et à venir. Il s'était d'ailleurs préparé à « recevoir d'un même front » les manifestations de rancoeurs, les marques de ferveur, les opinions contradictoires, que ne manquerait pas de susciter son insolente réussite.

 

Il refusait de se laisser aller à la facilité. Il ne voulait traiter que de sujets de fond, de questions essentielles. Aussi son premier article fut-il un véritable nouveau « J'accuse ...! ». Il était courageusement consacré à la dénonciation de l'injustice faite aux betteraves sucrières, qui n'étaient jamais mises sur le devant de la scène, alors que les chicons, eux, bénéficiaient régulièrement de campagnes de publicité massives et intensives. Son papier parut dans « La voix du betteravier libéré » et déchaîna l'enthousiame délirant de sa bonne douzaine d'abonnés.

 

Mais, aujourd'hui encore, on ne sait pourquoi, immédiatement après ce grand moment de journalisme, poignant, prodigieux et inégalable, il dérailla complètement et sombra sans espoir de rédemption. Il entra et fit carrière au Journal officiel de la République française.

335 - Dimanche 21 janvier 2018

 

Garde le silence et le petit doigt sur la couture du pantalon

 

Que l'année dernière, le Chef d’État-major des Armées eut démissionné au prétexte qu'il estimât avoir été tancé sur un ton et en des termes offensant la dignité de sa charge, peu me chaut, pensait-il. Cet officier général aurait dû savoir que, de nos jours, le respect des usages militaires, du savoir-vivre et de la courtoisie, ne fait pas partie des seules valeurs jugées dignes d'intérêt, à savoir celles cotées en bourse.

 

Par contre, le fait que ce Cinq Etoiles eut également renoncé à son poste, à cause de l'insuffisance des moyens financiers alloués à la sécurité de ses hommes et du pays, l'horripila au point de lui faire sévèrement dresser le poil sur l'échine. En voilà encore un qui n'avait pas conscience de l'absolue nécessité des sacrifices demandés par la sacro-sainte nécessité d'honorer, coûte que coûte, l'intangible règle du critère de convergence des moins de 3%. Et avait-il pensé, un seul instant, que les frais occasionnés par les forces armées représentaient une pernicieuse entrave à la compétitivité fiscale de notre belle et grande nation? Croyait-il que c'est en augmentant les crédits militaires qu'il sera possible de calmer les justes craintes de tous les honnêtes et respectables malheureux contribuables durement contraints à l'évasion ou à l'exil fiscal?

 

Il était foncièrement persuadé qu'il était possible d'envisager des économies dans n'importe quel domaine. Il en avait brillamment apporté l'éclatante preuve en se penchant sur le cas de la langue française (cf. bêtise n° 321). Alors pourquoi donc, mutatis mutandis, ne pas appliquer ce même pragmatique et sain principe aux Armées? Par exemple, elles pourraient opérer une substantielle diminution de leurs dépenses en licenciant l'ensemble de leurs personnels, afin de les remplacer par des sous-traitants ou des travailleurs détachés. Bien entendu, une mise en concurrence permanente et sans concessions de ces derniers devra être effectuée pour optimiser cette réduction des coûts. Il existait une autre mesure possible, encore plus avantageuse, bien qu'elle ne soit pas applicable à la Gendarmerie. Elle consistait, tout bonnement et sans complexe, à avoir recours à une bonne vieille délocalisation.

336 - Samedi 27 janvier 2018

 

Sortir du piège

Tous les ans, c'est le même guet-apens qui se répète. Avec la trêve des confiseurs, les fêtes de fin d'année, les festins, les chocolats, les fruits déguisés, les couchés à point d'heure et tutti quanti, il laisse la désinvolture s'installer insidieusement et l'avachissement profite perfidement de ce relâchement passager pour furtivement s'engouffrer dans la brèche qu'il a imprudemment et innocemment ouverte. Le laisser aller ne devrait jamais pouvoir gagner tant de terrain aussi facilement. Mais face à une coupable absence d'opposition, la partie lui est forcément toujours gagnée d'avance.

Le constat final est alors sans appel et sans aucune pitié. Inutile de se voiler pudiquement la face, de refuser lâchement de regarder la vérité en face, droit dans les yeux. Sa forme olympienne est devenue lamentablement vacillante, sa vitalité d'hercule flageole misérablement, son tonus de titan titube pitoyablement, sa musculature d'Appolon mollit piteusement. Il lui fallait, au plus tôt et une bonne fois pour toutes, retrouver le droit chemin.

D'une poigne de fer chauffée à blanc dans un gant d'acier en fusion, il allait sévèrement se reprendre en main. Le garde-à-vous moral et physique s'imposait, littéralement, sans hésitation ni murmure. Son plan est aussi simple que drastique : lever au chant du coq, activités sportives intensives et régulières, régime alimentaire sain et équilibré, pour toute boisson désaltérante et roborative: de l'eau largement additionnée d'eau. Afin de tenir psychologiquement, il se blinde le mental en n'ayant qu'une seule et unique pensée en tête : après ça, comment aux prochains réveillons, il va méchamment se goinfrer comme un malade!

337 - Dimanche 28 janvier 2018

 

Les personnages historiques ne sont pas toujours ce que nous croyons qu'ils sont

 

S'il vous en souvient, monsieur Juan-Diego-Esteban Dubois, vaquero pédestre de l'hacienda piscicole « El Pueblo de Nuestra Señora la Reina de los Ángeles », à Hem lenglet, nous avait cordialement proposé, si nous en exprimions le souhait, de nous expliquer pourquoi il existait une telle distorsion entre ce que nous pensons savoir de Robespierre et la réalité. Pour l'heure, absolument personne ne s'est manifesté mais cela n'a nullement entamé sa sympathique volonté de nous informer.

 

« Tout a commencé dès le lendemain de la mort de Robespierre. Les thermidoriens, ses accusateurs, devenus maîtres du pouvoir, s'attachent à lui donner l'image d'un tyran sanguinaire et glacial afin qu'il devienne un objet de dégoût et de haine. Leur but est de cacher les véritables raisons de l'exécution de Robespierre mais également de faire oublier qu'elle a eu lieu sans procès préalable et dans des conditions inhumaines.

 

Il faut attendre plusieurs décennies pour que des personnalités, et non des moindres, rappellent qui était vraiment celui que l'on appelait, non sans raison, l'Incorruptible. On compte parmi eux des hommes tels que Louis Blanc, journaliste, défenseur du suffrage universel et du principe de fraternité, membre du gouvernement provisoire de la IIe République, Anatole France, Républicain par excellence et prix Nobel de littérature, Jean Jaures, Georges Lefebvre, grand historien, Léon Blum.

 

Puis, dans les années 1970, un historien entreprend de démontrer que la Révolution ne pouvait, par nature, que mécaniquement et inéluctablement conduire à la dictature. Pour développer sa thèse, il reprend et s'appuie sur la légende noire de Robespierre, créée par les thermidoriens. Son portrait de Robespierre est diffusé par de nombreux médias et revues historiques, des intellectuels, de vrais ou de pseudo historiens, des cinéastes et il est intégré dans les programmes d'Histoire de l'Education Nationale.

 

Dans les années 1980, 1990 et 2000, les travaux d'une nouvelle génération d'historiens démontrent clairement que les récits thermidoriens concernant Robespierre ne correspondent pas à la réalité. Mais cette vérité historique a du mal à s'imposer. L'ancienne vision des choses, aussi erronée soit-elle, reste dominante, même et y compris jusque dans dans l'Education nationale.»

338- Samedi 03 février 2018

 

« J'irai jusqu'au bout de mes rêves »

 

Que d'aucuns reconnaissent et encouragent le droit de chacun à pleinement aller jusqu'au bout des ses projets; après tout, pourquoi pas, pensait-il. Qu'à grands coups de discours officiels, plus au moins pompeux, certains rendent de vibrants hommages à ceux qui n'hésitent pas à le faire, cela ne heurtait pas davantage sa conscience. Il faut dire qu'il était d'une nature encline à débonnairement estimer qu'il était toujours préférable de considérer les choses sous leur jour le plus favorable.

 

Cependant, devait-on, pour autant, aller jusqu'à accepter l'assourdissante et pondéreuse chape de silence pesant lourdement sur le sort des honnêtes contribuables qui, eux, subissent. Car la liberté d'assouvissement forcené et intégral de ses aspirations ne s'arrête-t-elle pas là où commence celle des autres à avoir le droit qu'on leur fiche la paix? L'acuité philosophique de cette interrogation était directement issue de son expérience individuelle. Il faisait partie de la masse anonyme des victimes collatérales de ceux pour qui ne compte que la satisfaction de leur ambition.

 

Si aujourd'hui il était devenu un homme accablé, exténué, à bout de forces, si sa femme avait sombré dans l'alcoolisme mondain et si son chien l'avait quitté, c'était à la suite d'un tel drame. Son voisin s'était hardiment lancé dans la conception et la mise en oeuvre d'un dessein qui lui tenait à coeur depuis des décennies. Et depuis, tous le jours, y compris dimanche et jours fériés, quelles que soient les conditions météo, entre deux et trois heures du matin, de son balcon, il fait du saut à l'élastique, entièrement nu, en hurlant Banzaï dans un mégaphone.

339- Dimanche 04 février 2018

 

Histoire à couteaux tirés

 

Comme tout un chacun, il savait que la commune de Laguiole, située dans le Massif Central, sur le plateau de l'Aubrac, dans le département de l'Aveyron, à 44° 41′ 06″ de latitude nord et 2° 50′ 53″ de longitude est, tirait une vaste et juste notoriété des excellents couteaux portant son nom. Par contre, jusqu'à ce qu'il en fît la découverte, hier, vers 15h36, il ignorait totalement que cette charmante localité de 1279 habitants avait, pendant un temps, perdu le libre usage de son nom.

 

En 1993, sans demander leur avis aux Laguiolais, un homme d'affaires du Val de Marne a l'idée de déposer le nom du bourg aveyronnais auprès de l'Institut national de la propriété industrielle. Il en devient ainsi le propriétaire officiel et incontestable. Dès lors, il peut l'utiliser à son profit et il ne s'en prive pas, le bougre! Il importe joyeusement et massivement de Chine et du Pakistan, des articles de coutellerie, des couverts, mais aussi des lunettes, des jouets, des briquets, des barbecues, du linge de maison, des vêtements, qu'il fait estampiller Laguiole, sans vergogne.

 

En 1997, la commune laguiolaise parvient tout de même à le faire condamner pour contrefaçon. Mais l'affairiste fait Appel et, incroyable mais vrai, obtient l'annulation de cette décision de Justice, en 1999. La municipalité ne renonce pas à faire valoir la validité de sa cause et arrive, en mai 2010, à porter l'affaire devant la Cour d'Appel de Paris. Cette dernière rend son arrêt en avril 2014 : la demande est déboutée! De plus, comme si cela ne suffisait pas, la commune est condamnée au remboursement des frais de Justice de la partie adverse, soit 102 000 €, somme dépassant, de très loin, le budget municipal. Les édiles laguiolais déposent alors un pourvoi en Cassation. En octobre 2016, cette juridiction, casse l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris.

 

Parallèlement, les forgerons laguiolais mènent une action auprès de la Cour européenne de Justice. Et c'est elle qui rétablira la commune de Laguiole dans son bon droit et enlèvera à l'affairiste la possibilité de saisir à nouveau la Justice, en édictant un arrêt définitif annulant les droits de ce dernier sur la marque Laguiole, pour tout ce qui touche à la coutellerie et aux couverts. Autrement dit, les Laguiolais pourront de nouveau utiliser le nom de leur commune pour les produits traditionnels qu’ils y fabriquent, depuis des générations. La Cour européenne a cependant reconnu au mercanti val-de-marnais le droit de continuer à utiliser la marque Laguiole pour les productions autres que la coutellerie et les couverts.


Il aura donc fallu plus de vingt avant de pouvoir mettre un terme à cette situation ubuesque faisant que les couteaux produits à Laguiole étaient, légalement parlant, considérés comme des contrefaçons par rapport à ceux usinés au Pakistan et en Chine. Au vu d'une telle histoire, il serait peut-être judicieux, pensa-t-il, d'introduire dans les notions du Droit français, les principes de bon sens et d'absurdité et dans les pratiques de certains hommes d'affaires, celles de morale et d'honnêteté.

340 - Samedi 10 février 2018

 

Il en est certain que ça énerve

 

- « Tu me connais. Homme placide, pondéré, posé, je ne peux être taxé d'être adepte de l'outrancier, de l'excessif, de l'éxagéré. Par conséquent, si, en toute modestie, je t'annonce avoir largement gravi et atteint les plus hauts sommets de l'insupportabilité et de l'agacement, c'est que nous sommes dans de la question fondamentale, du sujet majeur.

 

Pour régler le problème, j'avais d'abord, en toute simplicité, songé au rétablissement de la peine capitale. Et puis, j'ai réalisé que cela occasionnerait des frais de remise en marche et de fonctionnement, qui ne peuvent économiquement s'envisager à l'heure où l'économie budgétaire est de rigueur. Alors, j'ai penché pour la rédaction et le vote d'une loi de prohibition. Chacun, majeur ou non, serait obligé de solennellement lui prêter serment sur le Code Civil et la photo du président de la République en fonction. Les contrevenants ou parjures seraient frappés de déchéance de nationalité, de bannissement, se verraient saisir tous leurs biens, deviendraient interdits de casino et de cassoulet. »

 

- « Mais quel est donc cet intolérable et impardonnable fléau qui a, si fort, engendré en toi une telle horripilante exaspération que tu en sois venu à ces pensées coercitives? »

 

- « Les renvois, à bas les renvois! Les renvois dont certains auteurs truffent leurs livres à tout bout de champ. Rien ne me crispe tant, ne m'enquiquine, ne me barbe, que d'être obligé d'interrompre le cours de ma lecture pour me rendre en fin de page, de chapitre ou d'ouvrage, voire les trois à la fois. Et tout cela pourquoi? Eh bien, tout bonnement pour avoir la joie et le plaisir de lire des trucs du genre : Cic. Ad Att. 12.40, 13.28 . »

341- Dimanche 11 février 2018

 

Apocalypse reportée sine die

 

En l'an 2012, à grand renfort de titres à la une, les médias lui avait annoncé et promis la fin du monde pour le 21 décembre de cette même année. La vie ne fait pas de cadeau, pensa-t-il alors, un brin désabusé. Cela étant dit, cette cataclysmique information ne le surprit pas outre mesure. En 1971, monsieur Gérard Palaprat avait déjà évoqué l'évènement, sans s'avancer sur sa date, il est vrai. Il avait entendu ses paroles et, 41 ans plus tard, l'occasion lui était donnée de se les rappeler:

 

« Pour la fin du monde prends ta valise

Et va là-haut sur la montagne on t'attend.

Mets dans ta valise une simple chemise,

Pour la fin du monde pas de vêtements.

Laisse tes bijoux, tes machines à sous.

Pour la fin du monde pas besoin d'argent.

N'aie plus peur de rien tout ira très bien.

Pour la fin du monde viens tout simplement ».

 

Sauf que lui, il résidait dans la grande banlieue ouest d' Eswars et, aussi huppé soit-il, ce quartier se situait, pour le moins, à une distance plus que marathonienne des pistes de ski enneigées de Courchevel. C'est pourquoi, pour assurer sa survie, il lui parut plus pratique et fonctionnel de descendre dans sa cave, avec une conséquente réserve de maroilles et un copieux assortiment de bières régionales et vins de Bourgogne.

 

Mais, finalement, au jour dit: rien, il ne se passa absolument rien. Tout fut désespérément et banalement normal. Le soleil ne s'était pas transformé en naine noire, aucun astéroïde potentiellement dangereux de la nouvelle branche de l'essaim des Taurides n'était violemment entré collision avec la planète, pas même l'ombre d'une petite troisième guerre mondiale nucléaire à l'horizon.

 

Dubitatif, il en vint à se demander si certains journalistes ne s'étaient pas laissés aller à la facilité du sensationnel plutôt que de se consacrer au difficile et long travail inhérent au traitement des véritables sujets de fond. Mais pouvait-on raisonnablement croire qu'il puisse exister au sein de cette estimable profession des individus à ce point oublieux des règles déontologiques de leur métier? Certes non; journaux, stations radiophoniques et télévisuelles avaient certainemen été, à l'insu de leur plein gré, traitreusement abusés par de malveillants colporteurs de fausses nouvelles, agissant en sous-main pour le compte de cupides marchands de maroilles et d'assortiment de bières régionales et vins de Bourgogne.

 

342 - Samedi 17 février 2018

 

Home, sweet home

- « A la campagne riante, paisible et ressourçante, elle ambitionnait depuis moult temps de transférer notre foyer. Après d'ardues, difficultueuses, piégeuses et abondantes études, recherches et prospections, suivies de scrupuleuses et sourcilleuses inspections, je trouvais enfin la résidence champêtre appropriée. Elle possède des lignes hors du temps et un caractère affirmé mais n'est pas pour autant ostentatoire, ni ostensible. Au contraire, elle se fond discrètement dans le paysage, permettant ainsi aux propriétaires jaloux de leur intimité de se mettre à l'abri des regards indiscrets. C'est une demeure ancienne, qui se peut même qualifier d'historique. Ayant vaillamment affronté les outrages du temps, elle n'en porte aucun stigmate et a conservé son aspect et ses caractéristiques d'origine.

Pour l'intérieur, j'ai tenu à préserver son esprit, son âme, son ambiance, son cachet primitifs. J'ai profusément et durement chiné afin de lui restituer son mobilier patiné d'autrefois, ses couleurs passées d'antan, ses accessoires spécifiques de naguère, sa décoration particulière de jadis. Il est ainsi redevenu un lieu de vie idéal exsudant de confort et de convivialité. Logiquement, mon épouse aurait dû inéluctablement tomber sous le charme. Eh bien, non, elle refuse, elle désavoue, elle récuse, notre nouveau logis. Je nage dans la plus complète et la plus tempétueuse des incompréhensions, chef.»

- « Mon adjudant, je ne peux que rendre hommage à votre sens inné de l'immobilier, cependant, avec tout le respect réglementaire et naturel que je vous dois, je pense qu'il serait bon que vous preniez en considération ce petit détail. Aussi cossu soit-il - à ce propos, j'adore vos petits rideaux en vichy rose - un ancien blockauss de la wehrmacht reste tout de même un ancien blockauss de la wehrmacht , si vous voyez ce que je veux dire... Mon adjudant. »

 

343- Dimanche 18 février 2018

Le verre de l'amitié

En témoignage d'affection, à un ami grand amateur de spiritueux de haute qualité, un homme voulut un jour offrir un splendide et prestigieux flacon de cognac. Mais ce fraternel et généreux quidam se plaçait incontestablement au premier rang des plus beaux spécimens de néophytes en matière de boissons alcoolisées. Pour sa part, il faisait personnellement et crânement partie de la fière race des buveurs invétérés et exclusifs d'aqua simplex, cuvé robinet de la cuisine. Aussi, fallut-il qu'il se documentât d'importance sur le sujet afin de se montrer apte à effectuer un choix averti et adéquat. Pour ce faire, il se plongea, sans modération, dans une studieuse lecture de savants écrits expertement rédigés par les meilleurs spécialistes.

Il put ainsi recueillir à loisir de précieuses et doctes informations concernant quatre breuvages, unanimement et chaudement plébiscité par l'ensemble des ouvrages de référence qu'il avait scrupuleusement consulté. Les pages parlant du premier de ces produits le dépeignait comme « une essence rare, un élixir enraciné dans un terroir unique, avec une gamme aromatique incomparable, un nez élégant, avec une bouche évoluant sur le réglisse et le caramel ». Elles qualifiaient le deuxième de « franc, vif, droit, au nez tirant sur la rose et évoluant en bouche sur des notes de zeste d'orange amère et de moka ». Au troisième, elles conféraient « un nez aux arômes floraux tirant sur la noisette grillée et le raisin de Corinthe et une bouche suave, caressante, ouvrant sur des arômes de cumin et de badiane à peine boisés ». Du quatrième, elles disaient qu'il possédait « un bouquet de miel offrant une bouche pleine, bien fondue, subtilement charpenté et nantit d'incroyables arômes d'amende ».

Ces appréciations le laissèrent positivement déboussolé et désemparé. Moi, résuma-t-il, ce que je souhaite c'est simplement faire cadeau d'une bouteille remplie d'un savoureux cognac titrant ses quarante cinq degrés réglementaires et pas d'un truc qui sent la rose, la noisette grillée, le raisin de Corinthe et qui a un goût de réglisse, de caramel, de zeste d'orange amère, de moka, de cumin, de badiane, de  miel et d'amende!

344- Samedi 24 février 2018

En toute franchise

 

Sans être d'un naturel expressément taciturne, il était toutefois d'une constitution le prédisposant largement à une certaine sobriété de propos. De ce fait, il ne possédait pas pour principale habitude de gloser avec excès. Il ne pouvait pas non plus être considéré comme susceptible de pouvoir entrer dans la volubile catégorie des discoureurs incontinents ou des spécialistes du commentaire instantané en rafales. Mais la situation était devenue telle, qu'il était forcé de se départir de sa tranquille réserve coutumière et de sa retenue innée.

 

Afin de mettre un terme à une rumeur dont il était l'involontaire objet, il n'avait pas d'autre solution que de se résoudre à promptement et ouvertement s'exprimer. Il en allait de la sauvegarde de sa réputation mais également de la tranquillité de son foyer. L'on colportait, dans le village et ses environs, que sa personne ne laissait pas les dames indifférentes. Il ne pouvait honnêtement nier qu'il en fût surpris. Sa modestie eut-elle durement à en pâtir, il paraissait vraisemblable, pour ne pas dire tout à fait probable, que d'aucune ait pu succomber à l'envoutante fascination de son béret landais, au charisme ensorcelant de son marcel roannais, au charme captivant de ses charentaises charentaises.

 

Cependant, il tenait à apporter le plus ferme des démentis aux informations fantaisistes selon lesquelles sa femme, se sentant écrasée par le poids d'un aussi grand pouvoir de séduction et ne se reconnaissant pas le droit de garder un tel homme pour elle seule, avait décidé de le quitter. Pour qu'il en fut ainsi, il aurait fallu qu'elle soit capable de se rendre compte à quel point il était un être rare et délicieux.

 

345 - Dimanche 25 février 2018

Vive l'Empereur, qu'ils disaient

 

Monsieur Alban-Philéas de Bégarenemferdeke, fabricant exclusif et consciencieux, de père en fils, d'espagnolettes solaires espagnoles, à Walincourt Selvigny, plus précisément à environ deux kilomètres sept cent cinquante deux du Moulin Brunet, souhaiterait informer les lecteurs susceptibles de parcourir les lignes de ce modeste site, des faits suivants.

 

« Je voudrais dans un simple but historique, sans esprit de polémique et de dénonciation, évoquer la réelle nature du dévouement de certains maréchaux du Ier Empire. Si les Grognards, les sous-officiers et officiers des armées napoléoniennes combattirent pour l'Empereur par pure loyauté et fidélité à son égard, il n'en a pas été forcément toujours de même en ce qui concerne certains maréchaux. En effet, si l'on a la possibilité et la curiosité de consulter les livres de comptes de Napoléon, l'on y découvre, avec étonnement, les noms de certains d'entre eux. Ils y figurent parce que ces bénéficiaires de la plus haute distinction militaire française ne consentaient au combat qu'après avoir reçu de substantiels encouragements sonnants et trébuchants.

 

Ainsi par exemple, Oudinot, qui fut présenté par Napoléon à l'empereur de Russie comme étant le Bayard de son armée, affirma à la veille de livrer une bataille qu'il valait mieux demander la paix. Très étonné par ces propos, Napoléon lui en demanda la raison. « Sire, répondit-il, vous n'êtes plus aussi généreux qu'avant ». Quelques jours plus tard, il reçut 15 000 napoléons, soit 114 504 euros1. Il se rendit alors chez l'Empereur pour lui déclarer, sans vergogne : « S'il en est ainsi, Sa Majesté, qui connaît mon dévouement, peut compter sur moi ».

 

Pour leur part, Berthier, Masséna, Davout, Ney, Lannes, furent payés avant chaque bataille, l'équivalant de 381 679 euros. Ces sommes, bien entendu, étaient en sus de leurs traitements, de leurs dotations, de leurs petits avantages en nature, tels qu'hôtels particuliers et châteaux. Mais celui qui se révéla le plus onéreux fut Soult qui, avant de prendre part à la bataille de Waterloo, toucha la coquette somme de 763 358 euros.

 

Visiblement, à cette époque, pour quelques-uns, guerre rimait avec bonne affaire. »

 

1 : à l'époque, le salaire mensuel moyen d'un ouvrier correspondait à 11 euros.

346 - Samedi 03 mars 2018

Conclusion logique

 

Fréquemment, pour ne pas dire souvent, le trépident tourbillon de la vie moderne ne laisse pas à l'homme moderne le loisir de tourner à loisir ses pensées modernes vers lui-même, songeait-il, assis sur un banc du jardin public. Il s'était installé dans un coin discret et verdoyant afin de pouvoir commodément et paisiblement déguster sur le pouce sa petite collation, simplement composée d'une baguette généreusement garnie d'épaisses doubles couches de beurre, de jambon, de maroilles, de tomates, de salade, de thon, d'oeuf dur, de mayonnaise, de saucisson à l'ail fumé, de cornichons, de pâté de campagne et de piccalilli.

 

Tout en mordant à belle dent dans son modeste en-cas, il poursuivit plus avant le fil de son abstraite réflexion. Oui, se dit-il, nous ne pouvons décemment nier, qu'en général, nous ne cherchons pas sincèrement à le connaître, nous répondons rarement à ses attentes, à ses besoins. Et pourtant, si nous ne le délaissons pas, si nous ne le négligeons pas, rien n'est plus beau qu'un beau muscle correctement bien entretenu. Considéré, choyé, le muscle transforme le pékin de base en un être qui, bien huilé, peut fièrement exhiber une esthétique irréprochable faisant l'admiration de tous.

 

Qui d'entre nous n'en a-t-il pas rêvé? Mais pour que ce rêve devienne réalité, il faut consentir à de durs et longs efforts. De durs et longs efforts... Mais dans ces conditions, comment s'étonner que nous ne soyons pas suffisamment à l'écoute, que nous nous préoccupons peu, que nous ne soyons pas proches, de nos muscles ?

 

347 - Dimanche 04 mars 2018

 

Séance d'instruction spéciale pour forces très spéciales

 

- « Messieurs, aujourd'hui, je vais avoir l'extrême honneur et l'exceptionnel avantage de savamment vous instruire de deux faits propres et habituels à la saison hivernale. Il vous sera donc forcément donné d'y être confrontés. C'est pourquoi, il est de la plus haute importance d'être bien et supérieurement préparés afin de n'être pas inquiété ou surpris et ainsi pouvoir fermement rester maître de la situation.

En ce qui concerne le premier, il est avant tout primordial et impérativement capital d'être en capacité de savoir immédiatement l'identifier de manière sure et certaine. La chose se présente sous la forme d'objets chutant des cieux, par centaines de millions. Ils sont constitués de cristaux d'eau congelée et facilement reconnaissable grâce à leur couleur : ils sont blancs. Les spécialistes, dont j'ai le privilège de faire partie, les dénomment flocons. Une fois au sol, ils constituent un tapis, plus ou moins épais et compact, appelé neige. Il convient de faire preuve de la plus extrême des défiances envers la neige. En effet, la neige est traitreusement et désagréablement humide, froide et glissante. Contrairement au premier automobiliste civil venu, vous voici donc maintenant capables de reconnaître la neige au premier coup d'oeil. De plus, à l'issue de cette séance, des fiches récapitulatives et mnémotechniques vous seront gracieusement distribuées.

Mais auparavant, passons à notre second sujet. Les plus observateurs d'entre vous ne sont pas sans méconnaître d'avoir remarqué que, chaque dernier dimanche du mois d'octobre, nous devons passer en heure zoulou, plus connue sous le nom d'heure d'hiver. Pour être réussie, cette opération doit être pleinement comprise dans son principe. Il s'agit en fait de retrouver l'heure usité avant le passage à l'heure d'été, dite également heure bravo, en soustrayant 3600 secondes pour consécutivement et automatiquement sortir de l'horaire estival. Concrètement, cela signifie que pour se mettre en conformité avec l'heure d'hiver, il suffit de retarder votre montre d'une heure pour ensuite en déduire l'ajout de 60 minutes supplémentaires. Pour le passage à la pratique, des exercices de nuit ont été prévus

Je vous remercie de votre attention.

Alors, chef, qu'en avez-vous pensé? Comment ai-je été? »

 

 

- « Comme à votre habitude, vous avez été sublime et limpide, mon adjudant. Cependant, avec tout l'immense et spontané respect que je vous dois, puis-je me permettre de me demander s'il n'eût pas été plus judicieux que vous évoquiez les méfaits relatifs au coup de soleil ou à l'insolation, étant donné que nous sommes, présentement, début d'août. »

- « Mais, ça, je l'ai déjà fait, au mois de décembre! »

 

348 - Samedi 10 mars 2018

 

Rogatur et ultra concedo

 

Accoudé au bar du mess, le petit doigt levé avec élégance et distinction, l'adjudant soufflait délicatement sur sa tasse de verveine menthe citronnelle fumante. Sans que rien n'y paraisse, en son for intérieur, il pensait pensivement à des pensées. Son esprit méditatif et songeur réfléchissait, en particulier, aux périls de l'existence, en général.

 

Le monde, soupirait-il en lui-même, est intrinsèquement insécurisé. La menace est partout et omniprésente. En tout lieu, en tout temps, elle peut brutalement porter atteinte à notre sécurité. En fait, la vie constitue, de facto, un parcours semé d'embûches et il faut s'appliquer à zigzaguer avec dextérité et clairvoyance si l'on veut esquiver les périls qui parsèment notre route. Sans vouloir se laisser aller à une quelconque extrapolation interprétative exagérée et critiquable, il faut bien constater, qu'à bien des égards, plutôt fâcheux et regrettables, nous autres militaires sommes davantage exposés que le commun des mortels.

 

Voilà pourquoi, conscient des dangers qui pèsent sur nous, je me suis fait un devoir et une priorité de parler à mes hommes de l'heure d'hiver et de leur expliquer comment reconnaître la neige. Demain, je leur ferai un topo sur la pluie.

 

349- Dimanche 11 mars 2018

 

 

Autrefois, aux temps barbares


Il était abasourdi. Il en tremblait presque de frayeur. Le journal que son père avait tenu pendant son enfance, venait de lui révéler des histoires tellement affolantes, effarantes, qu'elles en étaient difficiles à croire.

Ainsi par exemple, bien que cela dépasse l'entendement, selon les écrits de son père, il semblait que les parents de ce dernier ne l'emmenaient pas à l'école. Il fallait qu'il y aille seul et à pied! Sans compter que l'hiver, le jour n'était pas encore levé quand il partait et lorsqu'il revenait, la nuit était tombée. Le cauchemar ne s'arrêtait pas là. Une fois en classe, son papa se retrouvait complètement coupé du monde parce que - c'est complètement fou - il n'y avait visiblement pas le téléphone mobile. S'il ne réussissait pas à obtenir la moyenne à la fin de son année scolaire, il redoublait. Inutile de compter sur une quelconque intervention des parents, ils étaient toujours du côté du maître, même en cas de punition.

Autre fait tellement inimaginable qu'il en relut par trois fois la relation afin de s'assurer qu'il ne l'avait pas rêvée : on envoyait son paternel faire les courses! La tâche devait être d'autant plus rude que supermarchés ou centres commerciaux étaient inexistants. On devait se rendre chez les commerçants du quartier. Le boulanger qui faisait vraiment son pain lui-même, le crémier qui vendait du lait cru sans salmonelle, l'épicier qui vous servait, le boucher, le quincailler, le marchand de journaux...

Par ailleurs, à cette époque, visiblement, les gens se complaisaient à laisser leurs enfants végéter dans les obscures impasses de l'obscurantisme le plus noir, sinon comment comprendre qu'ils aient pu accepter de ne disposer de n'avoir à leur disposition qu'une seule et unique chaîne de télévision. En plus, elle était en noir et blanc et n'émettait que quelques heures par jour. Quant aux jeux vidéo, les ordinateurs portables, les tablettes, personne n'avait eu la bonne idée de les inventer. Alors son père était obligé de lire ou de s'imaginer des histoires. Il rêvait de devenir corsaire ou chevalier. Il inventait des jouets avec des morceaux de bois, des boîtes, des bouts de ficelle. Il grimpait dans les arbres, sautait du haut des murets, il jouait aux cow-boys et aux Indiens avec des copains. Alors forcément, chutes, coups, bleus, coupures, égratignures, faisaient partie de son quotidien.

Par quel miracle son père avait-il réussi à supporter un tel enfer et à y survivre ? Jamais, il ne s'était douté que le monde avait pu un jour posséder un tel visage. Maintenant qu'il savait, il ne regarderait plus jamais son père comme avant. Désormais, l'admiration et de compassion se liraient dans ses yeux à chaque fois qu'il les poserait sur lui.

350 - Samedi 17 mars 2018

 

Confidentiel déefense, sans doute

 

Monsieur Euzébe Alaric de la Mariguette, enlumineur d'étiquettes de pots de moutarde de Cagnoncle, nous a fait parvenir cet étonnant cliché, accompagné du commentaire suivant:

 

« Ne me demandez pas de quel engin à roues il s'agit et comment il peut faire ça.»

 

 

351- Dimanche 18 mars 2018

 

Nouvelle de dernière minute

Toujours au sommet du faîte de l'actualité innovante la plus torridement récente, monsieur Albert Boeuf-Mairie, fondateur, directeur, unique journaliste et seul client de l'agence de presse « Le pingouin menotté de Cauroir », va nous délivrer, en exclusivité et en avant-première, la teneur de sa dernière enquête dont le bouclage est si récent que l'encre de ses notes n'a pas encore eu le temps de sécher.

« Tout à fait,  tout à fait, cher monsieur Nervien, c'est avec une fulgurante célérité que j'ai réservée, à vos lecteurs et à vous-même, la primeur de mes dernières investigations. Elles m'ont implacablement contraint à ne pas me montrer avare de mes efforts et à affronter sans protester de tonitruants dangers. Mais la découverte de la vérité était à ce prix et j'ai vaillamment consenti au sacrifice de la payer cash. Il faut dire que cette affaire peut, à juste titre, être positivement considérée comme l'une des plus brûlantes et des plus inédites qui soient, puisqu'elle ne remonte à pas plus tard que le Veme siècle de notre ère et concerne l'histoire du bon roi Arthur.

Or donc, selon mes sources, que la déontologie m'interdit de dévoiler, Arthur ne serait pas qu'une légende. Son véritable nom aurait été Riothamus. Pour les uns, il était roi des Bretons, sans que l'on sache exactement si son royaume se situait en Grande-Bretagne actuelle, en Armorique, ou sur ces deux contrées à la fois. Pour d'autres, Riothamus était un général de l'armée romaine, d'origine bretonne. Roi ou général, ce gars était certainement sympa et de bonne composition. En effet, en 468, il accepte de venir en Gaule pour donner un coup de main aux Romains méchamment embêtés par les Wisigoths. Noble et beau geste, s'il en fut, mais néanmoins funeste et fatal, vu que le dit Riothamus est vaincu à la bataille de Déols en 469 et tué en 475, en Bourgogne, peut-être à Avallon.

D'autres sources, que la déontologie m'interdit également de dévoiler, affirment de leur côté, haut et fort et sans aucun complexe, que celui que l'on nomme Riothamus, au mieux, est un illustre inconnu, au pire, n'a jamais existé, étant donné que riothamus n'est en rien un patronyme mais un terme signifiant « grand roi ». En réalité, derrière le personnage d'Arthur se cacherait le général romain Ambrosius Aurélianus, dit Ambrosius le Jeune, pour le différencier de son père, Ambrosius l'Ancien. Apparemment, ce type ne chômait pas du glaive et faisait plutôt dans l'efficace. Il combat victorieusement Vortigern, un roi breton dont les ambitions hégémoniques ont mis à feu et à sang l'île de Bretagne. Il lutte avec le même succès contre les envahisseurs saxons. Il aurait tiré de ses actions guerrières une popularité qui lui aurait permis de devenir le roi de toute la nation bretonne. Mais il ne nous est parvenu aucun élément concret prouvant qu'il ait réellement gouverné.

Pour une troisième source, que la déontologie etc.. etc... le personnage d'Arthur serait issu, si je peux me permettre cette expression, d'un mixte de Riothamus et d'Ambrosius le Jeune.

La conclusion qui s'impose est simple, évidente et définitive. Le roi Arthur ne peut être que Monsieur Alexandre Astier, et personne d'autre. La photo ci-dessous vous montre son château de Kaamelott .

A propos de photo, je vais soumettre le cliché de Monsieur Euzébe Alaric de la Mariguette à l'agent spécial Mulder. »

 

352 - Samedi 24 mars 2018

 

Santé et gastronomie

 

Comme tout un chacun, il était devenu plus attentif à son alimentation quotidienne. De ce fait, il portait désormais un intérêt grandissant aux avis et recommandations diététiques des nutritionnistes diplômés. Tous s'accordent à unanimement reconnaître que pour lui permettre de correctement et efficacement fonctionner, il est nécessaire de pourvoir notre corps humain en produits comestibles et nutritifs. Mais encore faut-il s'assurer de le faire en veillant à la diversification et à la variété des substances nourricières qui sont fournies à notre organisme biologique.

 

Et pourquoi donc ne pas en profiter, se dit-il, pour saisir l'opportunité de sortir de la banalité alimentaire et élargir ainsi les horizons gustatifs du délicat palais de fin gourmet qu'il était. Il était convaincu que l'originalité sustentatoire n'était pas antinomique avec l'excellence gastronomique. Elle pouvait parfaitement et honnêtement laisser augurer de la dégustation de plats sans aucun doute aussi novateurs que délectables. Il fallait simplement audacieusement sortir des sentiers battus et se laisser porter par son inspiration culinaire.

 

Curieusement, dès qu'elle eut connaissance des fruits de ses cogitations nutritionnelles, son épouse le déclara, ad vitam aeternam, persona non grata dans la cuisine. Ainsi dut-il à jamais rester éxilé loin des feux et fourneaux où il aurait tant aimé mitonner sa carbonade de hérisson lyophilisé flambée à l'alcool à brûler, sa flamiche briochée à la betterave fourragère, son gratin d'ensilage de maïs au jambon de soja et son gâteau fourré de maroilles au lait cru de puceron.

 

Commentaire :

J'ai eu un retour de l'agent spécial Mulder concernant le cliché de Monsieur Euzébe Alaric de la Mariguette. Il a répondu, je cite : « Oh, my God! ».

Albert Boeuf-Mairie

353 - Dimanche 25 mars 2018

Polémique

Depuis quelque temps, sa quiète petite ville, douillettement nichée entre le paisible cours de l'Escaut et les opulents champs de betteraves sucrières, était secouée par les soubresauts d'une effervescente agitation d'une ampleur sans précédent. D'aussi loin qu'ils puissent s'en souvenir, les plus anciens des Anciens certifiaient n'avoir jamais connu ou entendu parler de remous comparables.

Cette situation troublée était le corolaire d'une action en Justice menée par l'un des habitants de cette modeste agglomération autrefois si calme. La presse s'était avidement emparée de l'affaire et avait ouvertement pris fait et cause pour le plaignant. Elle le soutenait fermement et sans condition dans son combat obstiné et sans concessions contre la municipalité qui avait pris un arrêté qu'il jugeait discriminatoire. Les journalistes saluaient le courage exemplaire et la force de caractère de cet homme, simple juste et bon, engagé dans le noble combat pour le respect du droit à la différence que, malheureusement, nous serions de moins en moins nombreux à défendre.

Lorsqu'il lui fut enfin donné la possibilité de s'exprimer, monsieur le maire fit républicainement la déclaration officielle suivante:

« Contrairement à ce qui est tapageusement colporté par les journaux, radios et télés, il n'est ici nullement question de ségrégation. Notre cité a toujours naturellement su se montrer ouverte d'esprit et tolérante. Nous n'avons, en aucun cas, prétendu arbitrairement et racistement forcer l'un de nos administrés à renoncer aux pratiques culturelles et religieuses de ses ancêtres nerviens qui, soit dit en passant, sont également les nôtres. Il n'a, au grand jamais, fait l'objet d'un quelconque ostracisme ou d'actes hostiles. Par exemple, personne dans la commune ne lui fait grief de régulièrement ravager l'élevage de sangliers du village voisin, ou de se jeter sur les Italiens de passage et de les assommer à grands coups de billon en les traitant de sale Romains.

Le fond de cette affaire est tout autre. En effet, si le conseil municipal et moi-même avons voulu interdire à ce concitoyen de porter son casque gaulois, c'est uniquement parce qu'il est surmonté d'un coq empaillé et quand il va avec au cinéma, il empêche les gens assis derrière lui de voir quoi que ce soit.»

354 - samedi 31 mars 2018

 

Educateur dans l'âme

 

Sortant de chez lui pour faire urgemment une emplette quelconque et de peu d'importance, il avise une bruyante bande de galopins, à peine âgés d'une trentaine d'années chacun. Cette troupe de turbulents galapiats chahutent en toute innocence et de bon coeur autour de son automobile, récemment achetée crédit. Crédit aux conditions si avantageuses que sa durée n'est que 25 ans et que les traites mensuelles amputent, seulement, de 30% son maigre budget familial.

 

Tout soudain, l'un des tapageurs garnements bondit sur le rutilant capot de sa voiture flambant neuve. Puis, ce chenapan entreprend singulièrement d'y effectuer une série de bonds et rebonds. Ne se sentant plus de joie, ses petits copains, tout à la fois, scandent son nom de leurs grosses voix rauques: « Gros Lulu! Gros Lulu! Gros Lulu! », l'applaudissent avec enthousiasme et bourrent les portières de massifs et tonitruants coups de rangers.

 

Il faut bien que jeunesse se passe, se dit-il, cependant ces polissons pourraient se faire mal. Face à une telle manifestation d'inconscience juvénile, je ne puis décemment rester sans réagir. Il se dirige donc d'un pas ferme et décidé vers le groupe d'impétueux dissipés en train d'allègrement et méthodiquement massacrer son véhicule. Il demande calmement à gros Lulu de cesser et d'user de son prestige auprès de ses camarades de jeu afin qu'ils se montrent plus paisibles. Faute de quoi, il se verrait dans l'obligation de contacter leurs parents et de laisser ces derniers exprimer de sévères réprimandes.

 

Après, il y a eu un grand noir et il s'est réveillé aux urgences, à l'hôpital.

355 - Dimanche 01 avril 2018

 

 

Rebelles d'aujourd'hui et d'hier

 

Le grand-père et son petit-fils étaient allongés, côte à côte, sur les chaises longues installées sur la terrasse ombragée, tout au fond du jardin. Se glissant entre les feuilles de la frondaison, les rayons du soleil trouaient l'ombre et parsemaient la terre battue de dansantes petites  taches dorées. L'aïeul et son héritier savouraient tous deux la douceur de vivre de ce bel après-midi et le plaisir de converser ensemble, accompagnés par le chant et les bruissements d'ailes des mésanges.

 

- « De nos jours, une quantité respectable de vedettes respectées ne manquent pas de publiquement et courageusement signifier leur indéfectible intérêt pour les grandes causes de notre temps, qu'elles soient d'ici ou d'ailleurs. Leur réputation en la matière n'est plus à faire. Dans la presse, sur les écrans, sur les ondes ou bien encore sur scène, leurs propos engagés témoignent profusément de leur émouvante et vaillante implication. Se départir de la facilité et du confort du silence de l'indifférence pour avoir le courage de faire entendre une voix concernée, voilà la belle carte de visite de bon nombre de nos talentueux artistes contemporains. A maints égards, il n'en allait pas ainsi de ton temps. De ce point de vue, les vedettes d'alors ne se peuvent comparer à celle d'aujourd'hui, n'est-ce pas, Grand-Papa? »

 

- « Assurément, assurément, mon petit, tes propos sont d'une indéniable pertinence et d'une indiscutable justesse. Tiens, je m'en vais même, sans plus de détours, te donner à l'instant un exemple qui me vient subitement à l'esprit. L'acteur dont je vais te parler était la star des stars de son époque. C'était un type d'un talent et d'une classe exceptionnels. Il crevait l'écran. A son époque, un film où il figure, est assuré du succès. Après l'armistice de 1940, les Allemands lui offrent un pont d'or pour qu'il accepte de tourner avec leur studio. Il refuse net, en sachant parfaitement que cela signifie pour lui la fin immédiate de sa carrière.

 

Il gagne clandestinement les Etats-Unis où il s'engage dans les Forces Navales Françaises Libres. Il est affecté comme canonnier chef de pièce sur un escorteur de pétroliers. Lors de la traversée de l'Atlantique, le convoi qu'il protège et son navire sont, par deux fois, attaqués par des avions et des sous-marins allemands. Il se porte ensuite volontaire pour servir comme chef de char dans le Régiment Blindé de Fusiliers-Marins de la 2e Division Blindée du général Leclerc. Il participe à la libération de Royan, à la campagne d'Allemagne, qui le conduit jusqu'au Nid d'aigle d'Hitler, à Berchtesgaden. Il est décoré de la Médaille militaire et de la Croix de guerre. La paix revenue, il lui faut attendre plus de dix ans avant d'obtenir à nouveau un rôle au cinéma.

 

Que ce soit pendant ou après la guerre, il ne fit jamais étalage de cette histoire. Tu vois, mon garçon, tu as donc effectivement le droit d'affirmer que les héroïques vedettes d'aujourd'hui ne se peuvent comparer à ce genre d'artiste d'antan. Tu as peut-être vu l'un de ses films à la télévision. Il s'appelait Jean Gabin. »

 

 

Samedi 07 avril 2018

 

Panne de réseau, désolé.

 

 Dimanche 08 avril 2018

 

Panne de réseau, désolé.

 

356 - Samedi 14 avril 2018

 

 

Mousse, millésime et pensées profondes

 

Il se prélassait paresseusement dans l'émolliente touffeur de son bain à la mousse délicatement parfumée. Pour ne point demeurer totalement passif durant cette relaxante ablution, il dégustait un champagne millésimé de renom, dûment rafraîchi et non frappé. La qualité du moment l'empreignit d'une sérénité qui l'incita à la réflexion philosophico-méthaphysique.

Les fulgurantes avancées de l'informatique, médita-t-il, offrent à l'homme moderne la possibilité de silloner le monde sans avoir à s'expatrier de sa chambre, voire de ses toilettes, s'il est l'heureux propriétaire d'un PC portable. Mais d'aucun et certains se demandent avec gravité, si les pérégrinations touristiques virtuelles ne risquent pas de conduire l'individu vers une nouvelle forme de repli sur soi, créant ainsi un nouveau type de solitude.

Mais ont-ils, un seul instant, considéré que l'énorme majorité de nos concitoyens n'ont pas la chance de posséder les moyens qui leur permettraient d'effectuer réellement le voyage de leurs rêves. Une fois alloués les fonds nécessaires au crédit de leur ordinateur, à la nourriture, la boisson et autres contingences matérielles de base, il ne reste guère dans leurs modestes cagnottes. En sus du fait qu'il est peu coûteux, le cybertourisme présente en outre l'avantage de ne pas obliger à se parer d'horipaux locaux, à apprendre les rudiments d'un sabir incompréhensible et à se forcer d'adopter un comportement convivial, afin de s'intégrer aux populations autochtones.

Nous vivons une époque vraiment formidable, conclut-il, en buvant une nouvelle coupe.

357 - Dimanche 15 avril 2018

 

 

Cri d'alarme

 

 

Il lui semblait que la question était maintenant devenue assez majeure et récurrente pour qu'il puisse considérer comme légitime d'épistolairement en référer à qui de droit.

Monsieur mon président de ma République française,

Voici bientôt plusieurs décennies que des générations d'enfants sont, les unes après les autres, maladivement hynoptisées par les écrans télévisuels. Seuls, quelques trop rares parents ont été capables de faire preuve d'assez de lucidité pour prendre conscience de ce préocupant problème. Maniant la promesse attrayante, prodiguant la parole bienveillante, n'hésitant pas parfois, en désespoir de cause, à user de la menace coercitive, ils ont été à la peine et n'ont pas ménagé leurs efforts pour arracher leur progéniture à la néfaste emprise de programmes télévisés de plus en plus navrants et ineptes. Mais rien n'y fait et force leur est de constater qu'ils sont réduits à l'impuissance.

C'est pourquoi, monsieur mon président, je m'adresse à vous pour, qu'en vertu des pouvoirs qui vous ont été conférés par le Peuple souverain, vous fassiez interdire de télévision les moins de dix ans et, qu'en lieu et place, il soit obligatoire de leur lire les bons vieux contes de fées d'antan; dans leur version d'origine. Ce dernier point est crucial. En effet, il ne faut, sous aucun prétexte, laisser les précieux esprits de nos bambins à la polluante merci des fallacieux récits issus des trompeuses adaptations waltdysniennes. La culture littéraire et l'édification morale de nos chers petits exigent qu'ils n'ignorent pas que, par exemple, la jolie petite sirène a tenté de poignarder le prince charmant, avant de se suicider, ou que l'adorable Blanche-Neige et les gentils sept nains ont obligé la méchante reine à danser jusqu'à ce qu'elle en meure d'épuisement.

En toute Liberté, Egalité, Fraternité, daignez agréer, monsieur mon président de ma République française, la sincère expression de mes sentiments citoyens distingués ainsi que de ma parfaite démocratique considération et gros bisous.

 

358 - Samedi 21 avril 2018

 

 

Vocation

 

C'est grâce à sa constance, à son énergie, à son abnégation et surtout à l'argent de son père, qu'il est parvenu à réaliser ses rêves d'enfant. Le temps n'a en rien altéré l'attendrissant engouement de ses jeunes années. La touchante passion de sa tendre jeunesse ne s'est jamais démentie et demeure aussi vivace qu'au premier jour.

Chaque heure ouvrée que Dieu fait, il s'y consacre corps et âme. Véritable bourreau de travail, il oeuvre sans cesse, avec conviction et acharnement. Il se donne à sa tâche en y mettant le meilleur de son être, en lui offrant ce qu'il a de mieux en lui. Il besogne avec application et ferveur. Malheureusement, d'aussi si loin qu'il s'en souvienne, il n'a jamais été payé de retour pour toute la force de conviction, la joie, l'appétence, qu'il met dans l'accomplissement sa tâche. S'il tient à garder un visage digne et stoïque face à cette ingratitude criante d'injustice, il n'en demeure pas moins une âme sensible qui souffre de ce manque de reconnaissance.

Et ce n'est pas sans une réelle déception et une profonde amertume, qu'il se demande pourquoi les familles dont ils s'occupent ne lui montrent jamais, au minimum, au moins un peu d'estime. Il ne rencontre que grises mines et hostilité chez ces chômeurs ou salariés pauvres qu'il vient expulser de leurs logements, parce qu'ils n'ont plus les moyens de payer leur loyer. Vraiment, les indigents ne savent pas reconnaître à sa juste valeur l'homme qui a l'amour de son métier et du travail bien fait.

 

359 - Dimanche 22 avril 2018

 

 

« A l'immortalité »

 

Monsieur Ambroise Asse de Rognage, planteur indépendant de poils de brosses à dents électriques et président de la SGFB (Société de Glandophilie1 Franco-Belge), vient généreusement et cordialement étancher notre intarissable soif d'érudition.

« Chers amis lecteurs et cher Nervien, n'ignorant point que votre amour pour le maroilles au lait cru n'a d'égal que votre passion pour l'histoire des vénérables institutions, j'ai pensé pouvoir vous être agréable en vous entretenant de la naissance de l'Académie française.

Selon les historiens, dans les années 1630, il vint aux ecclésiastiques et ministérielles oreilles de Richelieu que de beaux esprits tenaient régulièrement assemblée chez un conseiller de Louis XIII, nommé Conrart (le T, se prononce-t-il? Je ne sais.). D'une nature plutôt méfiante, le cardinal soupçonna Conrart et ses comparses de possibles traitreuses obscures manigances. Aussi, afin de les avoir à l'oeil, eut-il la matoise idée de leur faire une proposition qu'ils ne pouvaient refuser: transformer leur groupe informel en une institution officielle dont il serait lui-même et en personne « le chef et le protecteur ».

Le titre d'Académie française fut adopté et ses statuts stipulèrent que: « La principale fonction de l’Académie sera de travailler avec tout le soin et toute la diligence possibles à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences... A cet effet, il sera composé un dictionnaire, une grammaire, une rhétorique et une poétique ... et seront édictées pour l’orthographe des règles qui s’imposeront à tous ».

La création de l'Académie ne fut donc en rien une mesure culturelle mais bel et bien une opération de basse police politique.

Pour Monsieur Pierre Desproges2 la vérité historique, vrai de vrai, est tout autre. Au XVIIeme siècle, les locaux de l'Académie française étaient occupés par la boulangerie d'un certain Jean-Baptiste Quai Conti. A l'époque, on ne faisait pas le pain de la même façon qu'aujourd'hui. La croûte et la mie étaient fabriquées séparément. Géographiquement parlant, Jean-Baptiste Quai Conti produisait la croûte dans le bâtiment situé à gauche des murs surmontés de la coupole et la mie dans l'enceinte construite à sa droite.

Les gens riches avaient, comme il se doit, les moyens de se payer croûte et mie. Les pauvres, eux, devaient se contenter de morceaux de croûte. Lorsqu'ils arrivaient devant l'établissement de monsieur Quai Conti, ils demandaient: « Pardon not' bon maître, où c'est-y qu'y a des croûtes? ». Invariablement, le fariné artisan pointait son index tout en leur disant: « C'est là qu'y a des croûtes et c'est là qu'y a des mies », d'où le nom d'académie.

Un jour, passant devant la boutique du bon Jean Baptiste, Richelieu fut choqué par les croûtes de pain traînant sur le trottoir. Il convoqua le producteur de bâtards dont l'impertinence l'irrita tant qu'il le fit décapiter, séance tenante. Louis XIII demanda au cardinal ce qu'il allait advenir de l'immense échoppe prématurément privée de son fournier. Richelieu répondit qu'il allait tout simplement remplacer les vieilles croûtes qui s'y trouvaient par de vieux croutons. Ainsi naquit l'Académie française; selon Monsieur Pierre Desproges. »

1: consultez un dictionnaire et vous verrez que la glandophilie et les glandophiles ne sont pas ce que vous croyez.

 2: tribunal des flagrants délires, réquisitoire du 16 septembre 1982.

Commentaire :

 

Je confirme à 100% la version de Monsieur Desproges.

 

Armand Jean du Plessis, cardinal-duc de Richelieu et duc de Fronsac

 

360- Samedi 28 avril 2018

 

 

Absit reverentia vero

 

Son épouse s'est jovialement exclamée que c'était une merveilleuse, une splendide, occasion qui s'offrait à lui. Ce n'est pas tous les jours qu'il était donné au commun des mortels d'avoir l'exceptionnelle opportunité de pouvoir prendre un vivifiant bol d'air rural au sein d'une verdoyante nature campagnarde, tout en bénéficiant du privilège d'assister au fantastique spectacle du ciel qui se fait d'or et de pourpre pour saluer l'arrivée des premiers rayons du soleil se levant majestueusement sur l'horizon infini.

Sa conjointe était d'un tempérament foncièrement optimiste. Elle possédait une vision extraordinairement positive de la vie. Elle faisait toujours la part belle aux souriants et bons côtés de l'existence.

Loin de lui l'idée de l'en blâmer, cependant il était bien obligé de tenir compte des statistiques. Sans vouloir se montrer outrageusement pessimiste, elles indiquaient que, dans ce genre d'affaire, aussi bucolique soit-elle, il y a obligatoirement une chance sur deux pour que les choses tournent mal. Et quoi qu'on dise, dans ce cas précis, il était difficile de contester la validité des résultats de l'arithmétique. L'expérience montrait, qu'effectivement, la situation virait toujours plus ou moins au drame pour l'un des deux protagonistes engagés dans un duel.

 

361 - Dimanche 29 avril 2018

 

 

La leçon de Ferdinand-Eude

 

 

A peine avait-il eut le temps d'achever de prononcer le mot réception que son ami Ferdinand-Eude, gentilhomme accompli et racé, se fit un devoir de fraternellement lui remettre en mémoire quelques préceptes fondamentaux :

« L'art de l'hospitalité est une pratique à laquelle la France est particulièrement attachée. Notre pays peut d'ailleurs, fort légitimement, se prévaloir et se glorifier de posséder en ce domaine une tradition aussi ancienne qu'ancestrale. Afin de préserver ce précieux patrimoine et de le léguer dans toute son immaculée splendeur aux générations futures, nous ne devons pas simplement nous contenter de le vénérer, il faut également nous monter attentivement vigilant au respect de ses règles. Même pour un homme du monde averti, cela n'est pas aussi facile qu'il peut y paraître au premier abord.

En effet, le bien recevoir à la française requiert de savoir faire preuve de la plus exquise des simplicités dans la plus sophistiqué des distinctions. Par exemple, pour tes menus, veille à ce que leur formulation soit frappée du sceau de l'élégance et du raffinement, mais sache faire bonne mesure afin de ne pas verser dans l'énnoncé prétentieusement abstrait, voire ésotérique. Par exemple, garde-toi de poétiser un hareng saur, pommes de terre à l'eau, en boucanné des mers avec sa ribambelle de baigneuses des champs. Il est également de première et impérieuse nécessité d'être capable de garder une parfaite maîtise de soi en précence de comportements foncièrement inacceptables. Ainsi, si des invités se présentent trop tôt à ta porte, reste d'une impassibilité de marbre rose. Accorde leur un accueil courtois et surtout ne te laisse pas aller à ton envie de leur fracasser la face contre le grand miroir du corridor d'entrée, en hurlant que s'il est très grossier d'arriver en retard, il l'est bien davantage encore d'être en avance. »

Il ne disconvint pas de la légitimité des propos de son ami Ferdinand-Eude et les approuva même totalement dans leur pleine et entière intégralité. Pour autant, il considéra ne pas être présentement et directement concerné puisque la réception, qu'il envisageait, était celle d'un modeste colis postal.

 

 

362 - Samedi 05 mai 2018

 

 

Choix stratégique

 

- « Mon adjudant, avec un respect confinant à la soumission, puis-je révérencieusement vous demander pourquoi vous voulez absolument refuser le nouveau sergent qui nous a été gracieusement affecté? »

- « Tu as jeté un petit coup d'oeil à son dossier? »

- « En tant que votre adjoint, il était réglementairement de mon devoir de le faire, mon adjudant. »

- « Bon, alors qu'est-ce que tu en as tiré? »

- « Sa photo montre un jeune sous-officier au regard droit, direct, profond mais néanmoins empreint de retenue. Son port de tête est, à n'en pas douter, celui d'un garçon pleinement franc et honnête. Il est dit que sa tenue est toujours impeccable et peut même être qualifiée d'élégante, qu'elles que soient les circonstances. Il est également noté qu'il fait preuve d'un sens de la discipline particulièrement aigu. »

- « Et quoi d'autre? »

- « J'ai lu que sa puissance de travail et son endurance sont exceptionnelles. Son courage et sa ténacité sont remarquables. Son caractère simple, modeste et bienveillant, le rend sympathique auprès de tous. Ses qualités physiques et de combattant sont hors pair. »

- « Eh ben voilà, pourquoi! »

- « Comment cela? Je crains de ne pas vous comprendre mon adjudant. »

- « Mais, si j'avais gardé un type aussi parfait, franchement, de quoi aurions-nous eu l'air à côté de lui? »

- « Et en plus, mon adjudant, ma femme dit qu'il est beau... »

363 - Dimanche 06 mai 2018

 

La leçon de Ferdinand-Eude - II

 

 

Dans le cadre des ses causeries culturo-récréatives du mercredi soir à la bibliothèque du très fermé MEC (Mondain Elitiste Club), son ami Ferdinand-Eude, gentilhomme accompli et racé, entretenait son auditoire pasionné d'un sujet d'ordre pratique.

« Une minorité d'entre vous, fort ténue, il est vrai, pensent que leur image tirerait avantage et bénéfice d'un affichage public aux côtés d'une foule au comportement protestataire. L'idée me semble des plus surprenantes pour ne pas dire énigmatique, cependant ma conscience me fait devoir de ne point la dédaigner et de vous apporter le soutien de mes sages et avisées recommandations.

Tout d'abord et en premier lieu, je ne saurais trop vous enjoindre d'avoir grand soin d'arborer une mise irréprochable. Quelle que puisse être le débraillé vestimentaire et la nature triviale des individus vous entourant, ils ne sauraient en rien excuser une faute d'élégance ou de goût de votre part.

Pour ce qui est de l'action revendicative, choisissez, sans hésiter, une occupation de site par des grévistes de la faim. Je vois l'étonnement se peindre sur vos visages. Mais sachez, qu'aussi insensé que cela puisse paraître, il y a des gens qui vont jusquà tomber dans de telles extrémités. Il existe vraiment des femmes et des hommes qui se laissent mourir de faim pour essayer de faire reconnaître leur droit au travail, à la Justice, à un toit, j'en passe et des meilleurs.

Mais revenons à nos moutons, si vous le voulez bien. Evidemment et cela va sans dire, il n'est pas question de vous astreindre à sauter des repas. Il vous suffit d'intégrer le mouvement le jour où il entre dans sa quatrième semaine. En effet, traditionnellement, c'est à ce moment-là qu'il se termine, grâce à l'intervention des autorités publiques qui ordonnent aux forces de l'ordre de faire prestement évacuer les lieux. Rassurez-vous, aucune échauffourée n'est à craindre. Les affamés volontaires sont trop faibles pour avoir la moindre vélléité de se montrer vindicatifs à l'égard des CRS ou Gendarmes Mobiles.

Dernier détail, mais il a son importance : veillez à ce que caméras et photographes soient bien présents lorsque vous prodiguerez sourires et encouragements aux jeûneurs que l'on embarque dans les ambulances.

Je vous remercie de votre attention et de vos applaudissements. »

364 - Samedi 12 mai 2018

 

 

Déconvenue

 

Las des passe-temps ordinaires et populaciers, une envie pressante d'activité saine et enrichissante l'envahit de toutes parts. De prime abord, il pensa satisfaire à son besoin en se lançant dans la construction d'un juggernaut en cure-dents chromés. Puis, finalement, il jugea l'idée sans véritable grande originalité. De plus, il n'était pas garanti, qu'une fois fini, il pourrait circuler avec ce véhicule en étant seulement titulaire d'un permis B. Se posait également les questions légales de l'homologation par le Service des Mines et du montant de l'assurance.

Il ne se laissa pas désarçonner par le cuisant accablement de l'amère désillusion qui chut alors en son coeur. Sans mollir, il reprit et poussa plus avant encore sa quête. Il ne persévéra pas en vain puisque c'est ainsi qu'il en vint à la lecture. Il se plongea audacieusement dans les prestigieux ouvrages de Julien Torma, Alain Decaux, Jean Piat, Marceline Desbordes-Valmore, Jacques Duquesne, Maxence Van der Meersch, Antoine François Prévost d'Exiles, « Astérix chez les Belges », les pages 15 et 16 de l'album « Le tour de Gaule », la page 09 de « Canon bleu ne répond plus », la page 04 de « La terreur vient du ciel », ainsi que « Le vol 501» et « Taïaut sur bandits », des aventures de Tanguy et Laverdure.

Ce fut pour lui source de délices sans mélanges mais aussi de grande frustration. Source de délices, parce que toutes ces oeuvres débordaient d'un prodigieux talent. Source de grande frustration, parce que aucune d'elles ne parlait de lui.

 

365 - Dimanche 13 mai 2018

 

 

H comme Histoire, H comme héliciculture

 

 

Monsieur Luis-Mariano Van Woertheubiste, pilote d'aiguiseuse laser pour emporte-pièces en kevlar servant au découpage de précision des chips glacées, à la vanille pour les filles et au chocolat pour les gars, nous accorde l'immense grâce de nous associer à ses méditations historico écologiques. L'instant est donc précieux. « Ô temps ! Suspends ton vol, et vous, heures propices! Suspendez votre cours », serais-je même tenté de dire.

« Salut à vous, chers amis et cher monsieur Nervien! Comme tout un chacun, vous êtes de plus en plus fiévreusement à la recherche de moyens alternatifs susceptibles de se substituer aux technologies dévastatrices que nous impose le monde moderne. Vous êtes habité par le noble souci de préserver l'avenir de notre planète; et c'est bien légitime. Christine Ockrent a dit : « La science de ton passé est ton passeport pour l'avenir ». Fort belles et très justes paroles, s'il en est. Oui, car en vérité, je vous le dis, il est bien des choses que notre futur à apprendre de notre passé.

Tenez, prenons simplement comme exemple l'envoi de messages par ordinateurs, tablettes ou téléphones mobiles. Cette technique est particulièrement énergivore et nocive, eu égard à sa consommation en électricité et à ses maints composants hautement polluants. Eh bien, figurez-vous qu'en 1870, durant le siège de Paris, monsieur Jules Allix, ancien professeur et ancien député, avait imaginé une méthode de communication exempte de ses fâcheuses tares. Son génial procédé reposait sur l'utilisation d'escargots. Tout d'abord, il fallait dresser les gastéropodes à se mouvoir deux par deux, de façon parallèle, afin qu'ils acquissent un synchronisme de mouvement. Ensuite, il suffissait de faire se déplacer l'un des deux colimaçons sur un damier comportant l'alphabet pour que le second, installé sur un damier identique, passât sur les mêmes lettres et cela quelle que soit la distance le séparant de son collègue.»

Commentaire:
Monsieur Van Woertheubiste, je me permets, en toute amitié et humilité, de vous signaler que la phrase que vous attribuez à Christine Ockrent a pour véritable auteur Christine de Suède. J'ajouterai également que monsieur Jules Allix eut aussi l'idée de faire lâcher les lions et tigres du Jardin d'Acclimatation contre nos amis Prussiens qui encerclaient la capitale. A ceux qui lui firent remarquer que les félins ne feraient pas de distinction et s'attaqueraient aux soldats des deux camps, il opposa cet argument imparable : « Mais enfin, ces lions et ces tigres sont français!». Sans vouloir préjuger de la santé mentale de monsieur Jules Allix, l'on doit tout de même à la vérité historique de dire qu'il avait été, pendant un temps, pensionnaire d'un asile d'aliénés et qu'il le redevint, le 18 mars 1871, jour de la proclamation de la Commune de Paris.

Alain Decaux

366 - Samedi 19 mai 2018

 

 

Scoop

 

L'entrefilet qui venait de lui tomber incidemment sous les yeux était de ceux que l'on peut indubitablement qualifier de toute première importance. Il ne s'agissait rien moins que de l'annonce du déclenchement d'un probable bug informatique à l'échelle planétaire.

Son interprétation des informations fournies fut, somme toute, très personnelle. En effet, ce que son esprit retint, fut que le backup des pixels de l'antémémoire de Firefox qui transite par son shareware n'aurait pas besoin d'un reset de Thunderbird. Par contre, il fallait que Qwant et l'interface du serveur câblé en wifi au disque externe du navigateur de l'imprimante fussent rebootés. En d'autres termes et en résumé, il était impératif de ne toucher à rien et de simplement débrancher son ordinateur. Cette délicate opération, d'une folle technicité, devait être très précisément effectuée entre 23h59 et 00h02, au moment du passage à l'an 2000.

Du passage à l'an 2000! Mais de quand datait cet article? Il est vrai, se dit-il, que pour être sûr d'avoir des nouvelles fraîches, je devrais prendre le journal au kiosque plutôt que dans les corbeilles à papier du bureau. Mais, quand même ... Je ne pensais pas qu'elles étaient vidées si peu souvent.

 

367- Dimanche 20 mai 2018

 

Tant de questions, et si peu de réponses

Il sombrait dans un vertigineux émerveillement toutes les fois qu'il levait les yeux vers les cieux. C'est-à-dire, si la météo lui en donnait le loisir, le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, le vendredi, le samedi et le dimanche, à partir de 22h00, 22h08. Il contemplait, ému jusqu'aux larmes, les étoiles. Perdues dans les espaces sans fin de l'univers, elles scintillaient  pour parer nos nuits de mille éclats de diamants. Etait-ce dans les proches ou lointains parages de l'une d'elles, se demandait-il à chaque fois, que résident ces mystérieux êtres interstellaires dont je brûle de faire la connaissance?

Comment être absolument certain que je me montrerai à la hauteur, le moment venu? Serai-je assez lucide pour parvenir à objectivement interpréter et fermement assumer ce que mes yeux forcément incrédules percevront? Saurai-je faire preuve de suffisamment de courage afin de ne pas céder à la méprisable et honteuse étreinte de la panique ? Suis-je certain de pouvoir conserver assez de discernement pour pragmatiquement me conformer à l'attitude sensée que me dictera la raison? Devrai-je, confiant, hors de toute crainte, demeurer solidement debout, le front haut, ou alors, circonspect, me faudra-t-il faire profil bas et discrètement chercher à me dérober?

Pourquoi viennent-ils nous rendre visite en catimini? Pourquoi se soustraient-ils à notre contact? Serait-ce par timidité ou parce qu'ils ne supportent pas le parfum de l'après rasage dont s'inondent certains mâles de notre espèce? Ne se garent-ils jamais en ville pour la simple et bonne raison qu'il leur est moralement et déontologiquement impossible de se soumettre au principe du stationnement payant? Lorsqu'ils se coiffent, se font-ils la raie à droite ou à gauche? Savent-ils que le café est bien meilleur en le passant avec un peu de chicorée? Dans leurs soucoupes volantes, écoutent-ils des CD de Raoul de Godewarsvelde?

Ses amis alléguaient que le seul fait avéré concernant les ressortissants du cosmos, était qu'ils ne fréquentaient pas le Cambrésis, que ce soit à titre professionnel, touristique ou familial. Ils étayaient leur affirmation en s'appuyant sur la criante et totale absence de cercle de culture dans les champs de la région. Mais, il ne se laissait pas impressionner par de telles assertions. Il fallait rester factuel et réaliste. La production agricole locale ne se prêtait guère à la composition d'agroglyphes. Extraterrestre ou pas, fabriquer un agrogramme en tiges de céréales est une chose, essayez de le faire avec des feuilles de betteraves sucrières, en est une autre!

368- Samedi 26 mai 2018

 

 

Tout problème a sa solution

 

Personnellement et pour sa part, il s'en faisait de plus en plus souvent la remarque : non de non, de non, de bon sang, de bonsoir, la situation empire subrepticement de manière lancinante. Assurément, le phénomène n'en était qu'au début du commencement liminaire de ses premières prémices. Pour autant, il ne le laissait pas de le préocuper. Si aucune réplique appropriée n'était mise en oeuvre, ce problème allait continuer de croître et prospérer jusqu'à en devenir dramatique.

En fait, il se trouvait confronté à une lente et irréversible érosion de l'intérêt qu'il portait à l'emploi qui était le sien. Travailler dans les luxueux locaux d'un respectable grand centre d'affaires situé sur la plus illustre des artères du centre urbain, ne le satisfaisait plus guère. Il aspirait furieusement à une activité écologico-rurale de plein-air, au milieu de la flore chatoyante et parfumée où s'ébat la faune aimable et pétulante.

Il décida donc de se lancer, sans tarder, dans la passionnante aventure d'un nouveau métier mêlant l'habileté manuelle au goût du vivre au sein et au service de la nature. Pour accomplir ce noble dessein, il lui apparut qu'il ne pourrait embrasser profession plus adéquate que celle de conducteur d'abatteuse d'arbres sur le chantier de l'autoroute transamazonienne.

369- Dimanche 27 mai 2018

 

A l'extrême bord du gouffre

L'information lui fit le déplaisant effet d'un regrettable coup de massue s'abattant violemment sur son os pariétal innocent et sans défense. Il en resta tout étourdi d'incrédulité et d'incompréhension. Mais, l'enquête était scientifique et formelle. Elle avait abouti à des résultats indéniablement patents et incontestables. L'intérêt, l'engouement, la passion, se situaient loin de leur haut niveau d'antan. Par contre, désormais, l'indifférence, le désintérêt, voire l'antipathie, tenaient impudemment le haut du pavé. Rien ne semblait pouvoir parvenir à enrayer l'expansion de ce dramatique phénomène : une majorité sans cesse grandissante du public se détournait massivement des mots croisés.

Comment eut-il été possible d'imaginer que ce divertissement cérébral, valeur sûre et indémodable des loisirs de qualité, puisse un jour se trouver en une si fâcheuse situation? Pourtant, au regard de la modestie de son prix, il demeure pécuniairement plus avantageux que les dispendieux et onéreux jeux vidéo. Certes, les efforts qu'il requiert sont réels, nous ne pouvons le nier. Cependant, ils sont loin d'être aussi contraignants que ceux imposés par une activité sportive. Il en va de même en ce qui concerne les fonctions sudoripares. Elles sont, et de loin, bien moins sollicitées qu'au cours d'une séance de sauna. Et puis surtout, existe-t-il activité récréative plus exaltante que celle de se confronter hardiment aux subtilités de la langue de Molière, que de mettre sévèrement à l'épreuve la solidité de son bagage culturel, que de s'éreinter à percer le sens obscur d'absconds et perfides énoncés.

Monsieur Arthur Wynne aura donc travaillé à rassembler tant de trésors d'initiative et de goût pour que finalement, au bout de quelques générations à peine, il ne restât bientôt plus rien de sa géniale création. Ô, humanité ingrate et inconsciente, ne vois-tu pas qu'en agissant de la sorte, tu es en train d'aller droit dans le mur du gouffre où tu vas sombrer dans les abysses noirs et sans fond du retour à la décadence et à l'inesthétique?

 

Commentaire:

 

Monsieur, je n'aurais su mieux dire mieux.

Max Favalelli

 

370 - Samedi 02 juin 2018

 

 

« Léger est le fardeau porté par autrui »

 

Deux millénaires bien tassés de civilisation pour en arriver là, pestait-il! Etre en vue de la fin de la première décennie du XXIeme siècle et continuer à imperturbablement subir le lamentable règne de l'approximatif et du sommaire. A quels incultes primaires devait-on attribuer l'accablante responsabilité d'une aussi impensable incurie?

Le rythme trépidant du monde moderne n'est pas toujours aisé à suivre. Aussi, comme bon nombre de ses contemporains, n'était-il pas rare qu'il fût parfois dépassé par les évènements. En effet, il était fréquent qu'il n'arrivât point à accomplir la totalité des multiples petites besognes itératives que nous imposent tyranniquement les incontournables impératifs de la vie quotidienne. En conséquence de quoi, il se dit que l'heure était positivement venue d'avoir recours à une assistance.

A l'époque de progrès scientifiques qui est la nôtre, il ne doutait pas un instant qu'il fût possible de compter sur l'appui d'une technologie innovante capable de le libérer de ce fardeau. Sa profonde déception fut à la hauteur de son fol espoir. Il eut beau écumer en long et en large toutes les grandes surfaces commerciales de sa contrée, il n'y trouva point le rayon qu'il cherchait : celui où il pensait pouvoir acheter un clône qui le remplacerait dans l'exécution des tâches ménagères.

371 - Dimanche 03 juin 2018

 

 

Espérance de vie

 

C'est dans le traditionnel discret et chaleureux confort propre aux conviviaux intérieurs d'outre Quiévrain, qu'il écouta une amie bruxelloise lui expliquer comment Dieu avait accordé plus ou moins longue vie à ses créatures.

« Bois ta bière pendant qu'elle est encore bien fraîche et écoute-moi bien. Le premier jour Dieu fit la vache et Dieu dit : tu devras aller au champ avec le fermier, toute la journée, peiner sous le soleil, avoir des veaux et produire du lait pour la famille du fermier. Je te donne soixante ans d'existence. La vache hocha la tête et répondit : Mon Dieu, c'est une vie vraiment dure que Vous m'accordez pour soixante ans. Alors, vingt ans me suffiront largement. Gardez et faites ce que Vous voulez des quarante ans restants. Et Dieu a été d'accord.

Le deuxième jour, Dieu fit le chien et Dieu dit : tu resteras assis toute la journée sur le seuil de la porte de la maison de ton maître et tu aboieras après tous ceux qui passeront ou entreront. Je te donne vingt ans d'existence. Le chien se leva et répondit : Mon Dieu, passer vingt ans à aboyer, le temps risque de me paraître bien long. Alors, dix ans me suffiront largement. Gardez et faites ce que Vous voulez des dix ans restants. Et Dieu a été d'accord.

Le troisième jour Dieu fit le singe et Dieu dit : u amuseras les foules en faisant le pitre et en jouant des numéros savants. Je te donne vingt ans d'existence. Le singe sautilla sur place et répondit :
Mon Dieu, faire toujours les mêmes singeries pendant vingt ans, au bout d'un moment cela va devenir insupportable. Alors dix ans me suffiront largement. Gardez et faites ce que Vous voulez des dix ans restants. Et Dieu a été d'accord.

Le quatrième jour Dieu fit l'homme et Dieu dit : mange, dors, joue, amuse-toi, sois amoureux, insouciant, profite de la vie. Je te donne vingt ans d'existence. L'homme écarquilla les yeux et répondit :
Comment ? Seulement vingt ans ? Vous plaisantez, j'espère! Non soyons sérieux, s'il Vous plaît. Voilà ce que l'on va plutôt faire. Je prends mes vingt ans et je récupère ceux que les bébêtes ont laissés: les quarante ans de la charolaise, les dix ans du beauceron et les dix ans du ouistiti. Résultat des courses, ça me fait au minimum quatre vingt ans d'existence. Ça roule? On marche comme ça? Et Dieu a été d'accord (décidément, Dieu n'est pas contrariant).

Voici donc pourquoi durant les vingt premières années de sa vie, l'homme mange, dort, joue, est amoureux, insouciant et profite de la vie; pourquoi dans les quarante années suivantes, il est obligé de peiner sous le soleil pour nourrir sa famille; pourquoi il passe ensuite dix ans à faire le singe pour distraire ses petits-enfants et pourquoi il finit ses dix dernières années en aboyant sur tout le monde. »

 

372 -Samedi 09 juin 2018

 

« Pourtant que la montagne est belle.
   Comment peut-on s'imaginer,
   En voyant un vol d'hirondelles,
   Que l'automne vient d'arriver? »

Au détour d'un miroir, il aperçut un aperçu de son visage et s'aperçut que le teint frais, le trait fin, le nez distingué, l'oeil azuré et le sourire bifluoré, il avait. Se considérant dans son ensemble, il constata qu'il était bien fait de sa personne. Le torse était avantageux, la taille bien prise, la jambe aimable et le muscle présent à tous les étages.

Se penchant alors sur ses qualités intrinsèques, il se reconnut habile dans l'art de manier le fleuret et d'une grande élégance lorsqu'il croisait le fer. Ses dons équestres faisaient de lui un cavalier d'une classe étourdissante. Enfin, il s'y entendait plutôt bien pour tourner de manière exquise rondeaux et madrigaux.

Mais pourquoi n'y ai-je pas pensé plus tôt, se dit-il ? En fait, j'ai tout ce qu'il faut pour faire prince charmant de contes de fées. Il ne me manque qu'une bergère pour le: « Ils se marièrent, eurent beaucoup d'enfants et vécurent heureux ». Il partit donc en quête d'une vaillante surveillante d'ovins. Il grimpa hardiment dans son sport utility vehicle pour se rendre en terre de montagnes. Dans un hameau, il s'enquit du pâturage, voire de l'estive, où il lui serait loisible de rencontrer une pastourelle.

- « Oh! Mais mon bon monsieur, lui fut-il répondu, il y a belle lurette que ces pauvrettes ont disparu du paysage. Aujourd'hui, avec l'ours et le loup, on est obligé de faire garder nos blancs moutons par de trapus et velus snipers, bâtis comme des armoires à glace normandes ».

373 - Dimanche 10 juin 2018

 

 

« Ne grattez jamais les pages de vos manuels d'Histoire, vous verriez apparaître une autre Histoire, d'autres évènements, d'autres personnages, très différents de ceux que vous connaissez »

 

 

Monsieur Sigebert-Amadeus Montoya Vargas Van Den Basten Batenburg, Leus1 et tégestologiste professionnel, considère être de son devoir d'intervenir fermement pour la défense et la préservation de notre mémoire historique collective. Hé bien, je vous en prie monsieur Sigebert-Amadeus Montoya Vargas Van Den Basten Batenburg, faites donc.

« L'admiration sans bornes que je leur porte m'en est témoin, je suis sans doute le plus indéfectible et le plus irascible des nombreux admirateurs de cette paire de héros sans pareil que sont Astérix et Obelix. Mais, il ne faudrait pas pour autant accroire que je puisse être capable d'une quelconque déshonorante partialité dans le jugement que je porte sur les qualités d'historiens de leurs créateurs. Aussi, est-ce avec une parfaite objective neutralité que je me permets de taxer de pompeux présomptueux et d'incultes ignares, tous ceux qui osent mettre en doute la totale historicité de l'oeuvre de messieurs Uderzo et Coscigny. Les faits valant mieux que les paroles, je prendrais quelques exemples patents de la parfaite mauvaise foi de ces vils contempteurs.

Ainsi, l'archéologie a révélé que nos braves ancêtres Gaulois n'étaient pas, comme on le croient communément, de francs et gros mangeurs de sangliers. Le gibier ne représente que 10% de la viande qu'ils consomment et la part du sanglier n'y est que de 1%. En fait, le Gaulois consomme avant tout la viande fournie par les animaux d'élevage: chèvres, moutons, porcs, vaches, veaux, boeufs, taureaux, oies, poules, canards. En sus, il mange également de fortes quantités de céréales et de légumineuses. Je n'y crois pas un seul instant et déclare dédaigneusement que ces affirmations ne sont que billevesées.

De la même manière, est erronée l'image du village gaulois composé de simples huttes. Les fouilles ont mis à jour des vestiges démontrant l'éxistence de fermes couvrant une surface de plus de 200 m2. Quant aux techniques architecturales utilisées pour leur construction, elles sont particulièrement sophistiquées. La densité de ces exploitations agricoles peut aller jusqu'à une tous les 700 m. Ce qui indique que les espaces cultivés étaient nombreux et que la forêt était loin de couvrir la majorité du territoire. Par ailleurs, le village n'était pas la seule forme d'habitat. Il existait de nombreuses villes. Je réponds: balivernes!

La construction des routes par les Romains est une idée également fausse. D'ailleurs, César n'aurait jamais pu faire se déplacer ses troupes avec autant de rapidité si la Gaule n'avait pas disposé d'un réseau routier dense et praticable. Là, je n'aurais qu'un mot : sottises!

Enfin, cerise sur le gâteau, et je m'arrêterai là car je suis près de défaillir d'indignation, à l'époque de César, les Gaulois ne portent pas forcément la moustache et ont souvent le cheveu court. Non mais, qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre, tout de même! »

1 : habitant d'Awoingt

374 - Samedi 16 juin 2018

 

A l'assaut!

 

L'action se déroule dans une nature verdoyante, grandiose et majestueuse, quelque part entre Cambrai et Quiévrechain.

- « Repos! Il est très exactement midi moins quatre. Si j'ai voulu un rassemblement à une heure aussi matinale, c'est que des évènements d'une extrême gravité viennent de se produire. Il y a six minutes de cela, nos services d'écoute ont intercepté le message d'un individu cachant sa véritable identité sous le terrifiant nom de code de Grand JoJo. Ce mystérieux et inquiétant personnage donnait des instructions concernant la commande de deux pistolets américains. L'homme est donc, sans aucun doute, une créature dangereuse et des plus infernales. Grâce à leurs moyens radiogionométriques d'avant-garde, nos spécialistes ont réussi à le localiser dans le quartier Marais-Jacqmain, à Bruxelles.

La rapidité d'action qu'exige ce genre d'affaire ne nous permet pas de disposer du temps nécessaire pour alerter les autorités belges afin qu'elles prennent les mesures qui s'imposent. Aussi, avons-nous reçu l'ordre d'intervenir directement, promptement et personnellement, sur le sol ami de la patrie de Tintin et Milou. La chose n'est ni vraiment diplomatique, ni très légale, mais l'efficacité prime: qui veut la fin veut les moyens et nécessité fait loi.

Inutile de préciser que nous devrons faire preuve de furtivité, force et fougue. Questions ? Problèmes ? Etats d'âme ? »

- « Mon adjudant, avant que votre mâle et mélodieux organe n'ordonne « dispositions de combat! », je pense, en toute humilité, qu'afin de nous éviter de commettre un regrettable impair, il serait bon de prendre en considération l'information suivante. Outre Quiévrain, le pistolet américain désigne un type de sandwich fort appétissant et parfaitement pacifique. »

375 - Dimanche 17 juin 2018

 

« Les maîtres sont ceux qui nous montrent ce qui est possible dans l’ordre de l’impossible »

L'action se déroule dans un salon verdoyant, grandiose et majestueux, quelque part entre Cambrai et Quiévrechain.

- « L'entièreté des amoureux et fins connaisseurs des belles-lettres se plaisent à unanimement reconnaître qu'ils n'attendaient que votre plume pour que leur fussent pleinement révélées les beautés et merveilles du monde de l'écriture. Dès lors, il n'est pas étonnant que de nombreux auteurs novices viennent vous quémander quelque avis. Alors, qu'est-ce que l'étourdissant seigneur de la littérature, le saisissant souverain du roman, le prodigieux titan de l'édition que vous êtes, répond à ces petits nouveaux gauches et malhabiles ? »

- « Etant donné l'immensité de mon génie et l'étendue de ma célébrité, tous les écrivains contemporains sont forcément voués à une carrière bien moins glorieuse que la mienne. Aussi, lorsqu'un débutant, tout tremblant d'admiration, vient se jeter à mes pieds afin que je lui prodigue de précieuses recommandations, je ne puis humainement le laisser se bercer de fausses illusions. Et sachez bien, cher ami, qu'à être ainsi obligé de briser tant de rêves et tant d'espoirs, ma sensibilité à fleur de peau est mise à rude épreuve.

Mais, il est de ma responsabilité de leur apprendre qu'il n'existe aucun espoir que leur nom vienne, un jour, briller auprès du mien, au firmament des grands auteurs. Il serait méprisable et malhonnête de ma part de leur cacher la vérité : il n'est aujourd'hui d'autre talent que le mien. Il faut se rendre à l'évidence. Comparée à la mienne, toute oeuvre livresque nouvelle est une entreprise obsolète et dépassée, toute oeuvre livresque ancienne est une somme vaine et superfétatoire.

Pour autant, je n'abandonne pas à leur triste insignifiance ces malheureux qui cherchent à se tirer de leur néant. Débordant de générosité et de bienveillance, je leur offre l'ombre tutélaire de mon illustre notoriété et de ma puissante aura. En effet, je ne manque jamais de leur accorder le privilège de profiter du prestige que leur apporte le fait de pouvoir se prévaloir d'avoir eu la chance inouïe de me rencontrer. Je n'ai à cela aucun mérite car mon incommensurable bonté n'a d'égale que mon incroyable modestie. »

376 - Samedi 23 juin 2018

 

 

Liberté mais aussi Egalité et Fraternité

Revenant de ses vacances à Saint Barthe, les yeux encore tout emplis du bleu lapis-lazuli des eaux translucides de la mer des Caraïbes, la chevelure fleurant bon les mille parfums exotiques du souffle chaud et caressant des alizés, Ferdinand-Eude, gentilhomme accompli et racé, avait soudainement été frappé par une conscience aigüe des misères de ce monde.

Prospère opulence, opulente prospérité, éminent degré de confort, accroissement exponentiel du progrès scientifique, extrême sophistication technologique et haut niveau d'hygiène, sont les admirables et bienheureuses caractéristiques de notre société. Malheureusement, une trop grande part de la population est privée de ces agréables et douillets bienfaits. Maintenant qu'il en avait eu la révélation, Ferdinand-Eude, gentilhomme accompli et racé, ne pouvait passivement consentir à cette inconcevable situation. Aussi décida-t-il d'entreprendre, d'opérer, de procéder, d'agir, en faveur des défavorisés.

Il s'inspira du fameux principe de Mao Tsé Toung: « Ne me donne pas de poisson, apprends-moi plutôt à pêcher ». Aussi, les fonds qu'il parvint à récolter devaient-ils servir à financer le parachutage, sur nos villes et nos campagnes, de milliers de modes d'emploi expliquant comment faire usage d'un ouvre-boîte. Grâce au généreux don d'un mécène resté anonyme, devaient également être largués 5237 démonte pneus de poche suisses.

 

 

377 - Dimanche 24 juin 2018

 

 

Belles lettres

 

 

L'action se déroule sur une aire de repos de l'A2, verdoyante, grandiose et majestueuse, quelque part entre Cambrai et Quiévrechain.

 

- « Ah! priscilla-Prue, vous souvient-il qu'il fut un temps où partir en voyage participait, à la fois, de l'aventure et de l'agrément. Qu'il fut un temps où, par les chemins, il ne se rencontrait point de poids lourds et radars. Qu'il fut un temps où l'honnête homme n'avait point pour coutume d'user de téléphones, SMS et mails, tout au long de ses pérégrinations. Qu'il fut un temps où le voyageur se devait d'être épistolier s'il souhaitait donner signe de vie.

C'est de la sorte qu'il en allait des choses et de la vie à l'époque de notre bon Jean de La Fontaine. Ainsi, en 1663, lors du déplacement qui le mena de Vaux-le-Vicomte à Limoges, le célèbre fabuliste prit-il sa plume pour relater son périple à son épouse. Il lui conta que dans le carrosse qui le menait à Poitiers, il demanda à une comtesse Poitevine :

« s’il y avoit de belles personnes à Poitiers; elle nous en nomma quelques-unes, entr’autres une fille appelée Barigny, de condition médiocre car son père n’étoit que Tailleur, mais au reste on ne pouvoit dire à ces deux choses de la beauté de cette personne. C’étoit une claire brune de belle taille, la gorge admirable, de l’embonpoint ce qu’il en falloit, tous les traits du visages bien faits, les yeux beaux; si bien qu’à tout prendre il y avoit peu de chose souhaiter; car rien, c’est trop dire. »

Finalement, la Fontaine ne passa pas par Poitiers. Il en fut bien fort mari parce que, écrivit-il à sa femme, il avait ouï dire qu'en cette ville « il y a nombre de belles ». Il narra également à sa conjointe, qu'arrivé à Blois, il se fit nommer quelques jolies femmes y résidant. Enfin, il lui rapporta que, dans une auberge de Bellac, « il s'amusa à cajoler la fille du logis. »

 - « Et sait-on, mon cher Adémar-Arthus, comment ce bon monsieur de La Fontaine fut accueilli à son retour par madame de La Fontaine? Connaît-on la taille du rouleau à pâtisserie avec lequel elle l'attendait ? Parce que je suppose, qu'à l'époque de notre bon monsieur de le Fontaine, il n'existait point encore de batte de base ball. »

378 - Samedi 30 juin 2018

 

 

« L’homme ne peut supporter une vie dénuée de sens »

 

Eh, ben non! Aujourd'hui, l'action ne se déroule pas dans un endroit verdoyant, grandiose et majestueux, quelque part entre Cambrai et Quiévrechain. Aujourd'hui, l'action se déroule devant une télévision majestueuse, grandiose et verdoyante, quelque part entre Quiévrechain et Cambrai.

Après avoir regardé le match de foot et finit les dernières cahouètes, il s'était demandé s'il était satisfaisant que sa vie se résumât à la resplendissante classe et à la distinction de bon aloi, à la limite de la sophistication, qui étaient les siennes. Il lui sembla alors qu'il était de toute première nécessité qu'il s'interrogeât sur la possibilité qu'il soit éventuellement, voire potentiellement, en manque de souffle philosophique. Sans lui, l'homme est « comme une forêt sans écureuil », pensa-t-il.

Aussi, tel l'antique sage rempli de sagesse antique, décida-t-il d'effectuer une profonde et ascétique introspection interne, intime et exempte de pléonasme. Il aspirait à se détacher des illusoires vanités de ce bas monde pour mieux pouvoir se retirer en sa thébaïde intérieure afin de s'y mettre en quête d'une nouvelle sagesse. Il se voulait tout entier consacré à l'exploration des mystérieux arcanes de l'esprit afin qu'ils lui apportassent une réponse claire et conscise aux questions existentielles de son existence.

Or donc, après avoir passé une longue retraite vouée à la méditation méditative, à la contemplation contemplative et à l'étude étudative, il eut enfin la révélation. En fait, pour dire les choses franchement: il n'était pas plus avancé qu'avant. Aussi, tel l'antique sage rempli de sagesse antique, il alla voir s'il ne restait pas un paquet de cahouètes dans le placard de la cuisine.

Commentaire:

Ah! La vache! C'est tellement profond que j'en ai encore les larmes au bord des yeux et des sanglots au fond de la gorges

 

Platon

379 - Dimanche 01 juillet 2018

 

« Un reporter ne connaît qu'une ligne: celle du chemin de fer »

 

Une fabuleuse carrière journaliste s'était ouverte à lui grâce au retentissant écho de son article « J'accuse! »  , consacré à la dénonciation de l'injustice dont sont victimes les betteraves sucrières (bêtise n° 334 - Samedi 20 janvier 2018). Mais, inexplicablement, immédiatement après avoir écrit ce papier exemplaire qui marqua à tout jamais le journalisme d'investigation, il choisit de prendre les chemins de l'exil pour s'en aller officier au Journal officiel de la République française.

Tout aussi énigmatiquement, il a récemment quitté cette respectable et serviable institution afin de créer l'APIJ (Agence de Presse International pour les Journals). Ses articles sont écrits en français et en Ch'ti. Ils sont diffusés à travers le monde entier du département du Nord. Plus de quatre périodiques sont affiliés. Les trois dernières dépêches, qui viennent de tomber sur leurs téléscripteurs, reflètent parfaitement la haute et constante qualité du travail de cette agence :

APIJ - Politique et horoscope - Dimanche 01 juillet 2018 - 00h18 - 478 caractères

Du jamais vu encore

Un certain Nostradamus a fait éditer le tout premier recueil de recettes de confitures. L'ouvrage portera le titre, pour le moins original, de « Livre des confitures ». Rappelons pour mémoire que ce délicieux met apprécié de tous et de nos chers bambins en particulier, fut importé du Proche-orient, au Moyen Age, par les Croisés. Utilisée comme médicament, la confiture portait, à cette époque, le nom d'électuaire, qui signifie « médicament à lécher ».

 

APIJ - Economie et rock and roll - Dimanche 01 juillet8 - 00h23 - 405 caractères

Une sympathique mais néanmoins époustouflante innovation

Jusqu'alors employée pour nettoyer les papiers peints encrassés par la suie des chauffages au charbon, la pâte à modeler vient de trouver un nouvel usage. En effet, une ingénieuse institutrice a dernièrement eu l'astucieuse idée d'emporter ce produit domestique dans sa classe et de l'utiliser pour faire réaliser des décorations de Noël à ses élèves.

 

APIJ - Sports et météo maritime - Dimanche 01 juillet 2018 - 00h38 - 779 caractères

Tout est bien qui finit bien

Le kidnapping perpétré à Hanovre, en Allemagne, a connu un heureux dénouement. On se souvient que le petit-beurre géant en métal doré, d'une vingtaine de kilos, servant d'enseigne aux établissements Bahlsen, avait été enlévé par un individu prétendant se prénommer Krümmelmonster (Macaron le Glouton, en français). Le ravisseur réclamait, en guise de rançon, la distribution de biscuits au chocolat au lait pour tous les enfants de l'hôpital de la ville. La biscuiterie ayant offert 52 000 paquets de biscuits à l'établissement hospitalier et à 51 oeuvres sociales, son enseigne lui a été restituée, saine et sauve. Quant à Krümmelmonster, malgré tous ses louables efforts et sa remarquable diligence, la police hanovrienne ne l'a toujours pas interpelé.

 

Commentaire:

 

Loin de moi l'idée de critiquer l'un de mes plus éminents collègues, cependant il me semble que ses nouvelles ne le sont pas tout à fait. Le « Livre des confitures » est paru en 1555. L'utilisation de la pâte à modeler à des fins ludiques date de 1965. L'affaire Bahlsen remonte à 2013 et Krümmelmonster n'a finalement jamais été arrêté. Monsieur Nervien, je tenais également à souligner que vous avez omis de préciser l'endroit où se déroule l'action.

Albert Londres

 

 

380 - Samedi 07 juillet 2018

 

« On ne lutte pas contre la force du destin »

 

 

Cher Albert Londres, je vous laisse, de bonne grâce et avec plaisir, le choix du lieu où se déroule l'action.

Il venait d'avoir 18 ans, il était beau comme un enfant, fort comme un homme et avec la candeur infernale de sa jeunesse, il voulait ardemment devenir commis boucher charcutier connu. Ce qui le passionnait par-dessus tout dans ce métier, c'était l'utilisation de la trancheuse à jambon électrique, parce que l'affection qu'il avait pour le jambon n'avait d'égal que celle qu'il éprouvait envers l'électricité.

Chacun sait, qu'aussi sympathique et attirante soit-elle, une trancheuse à jambon électrique n'est pas sans présenter quelques dangers si elle n'est pas manipulée avec assurance et dextérité. Or notre candidat commis boucher charcutier aspirant à la célébrité, qui venait d'avoir 18 ans, qui était beau comme un enfant, fort comme un homme, se montrait d'une affligeante maladresse en tout chose. Il se griffait les gencives en se lavant les dents, s'égratignait le cuir chevelu en se peignant, se coinçait les doigts dans les fermetures éclairs en se vêtant, se piquait la main avec sa fourchette en mangeant. Bref, quel qu'il fût, aucun de ses gestes n'échappait à son incurable gaucherie.

C'est pourquoi, la mort dans l'âme, ce pauvre garçon, qui venait d'avoir 18 ans, qui était beau comme un enfant, fort comme un homme, abandonna son rêve et décida sagement de devenir apprenti remplisseur de bouteille de nitroglycérine.

381- Dimanche 08 juillet 2018

 

« Les principes sont les principes, dussent les rues ruisseler de sang »

 

- « Monsieur Eugène Laure Haie-Halle, shampouineur artistique pour salades et choux frisés, souhaiterait, sans causer de dérangement, porter à la connaissance du grand public un fait historique qu'il pense être plutôt méconnu. Monsieur Eugène Laure Haie-Halle, je vous en prie de grand coeur, allez-y, portez. »

- « Si vous le voulez bien, chers amis, commençons d'abord par la présentation des personnages de cette singulière et pourtant véridique histoire. »

- « Nous le voulons bien. »

- « Parce que vous le voulez bien, alors allons-y. Edouard Daladier est né à Carpentras, dans le Vaucluse. Il est élu maire de cette charmante cité en 1911, député en 1919, Président du Parti radical en 1927. Il occupe les postes de ministre des Colonies en 1924, de ministre de la Guerrre en 1925, de ministre de l'Instruction publique en 1926, de ministre des Tavaux publics en 1930, de président du Conseil en 1933 et il redevient ministre de la Guerrre en 1936. Il est titulaire de quatre citations et de la Légion d'Honneur, à titre militaire.

Louis Rivet, né à Montalieu-Vercieu, dans le département de l'Isère, intègre l'Ecole d'Infanterie de Saint-Maixent en 1908 et en sort avec le grade de sous-lieutenant en 1909. Il rejoint le Deuxieme Bureau1 en 1919. Il est affecté à la 1er Région militaire, à Lille, où il crée et dirige le Bureau d'étude du Nord-Est afin de traiter la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et le sud de l'Allemagne. En juin 1936, il devient chef du Deuxième Bureau. Il est alors lieutenant-colonel.

Paul Paillole est né à Rennes, chef-lieu du département d’Ille-et-Vilaine, comme chacun sait. Il entre à Sain-Cyr en 1925 et à l'Ecole des Officiers de Gendarmerie de Versailles, en 1930. Après avoir accédé au grade de capitaine, il est nommé au Deuxieme Bureau, en 1936. Il y devient responsable de la section Allemagne du Service de Centralisation du Renseignement et de Contre-Espionnage.

En 1937, Paillole rend compte à Rivet d'une information provenant de l'ambassade de France, à Berlin. Elle a reçu la visite d'un citoyen français qui vit dans la capitale allemande depuis plusieurs années. L'homme a expliqué qu'il possède des fusils de gros calibres, avec toutes les munitions nécessaires et il est un excellent tireur. Il pratique le tir et il est aussi chasseur. Devant ses fenêtres, il voit souvent passer Adolf Hitler, qui se rend régulièrement dans une caserne située dans son quartier. Abattre le fürher serait pour lui un simple jeu d'enfant et il se dit prêt à le faire. Il est parfaitement conscient qu'il n'aura ensuite aucune chance de s'en sortir. Mais, peu lui importe : atteint d'un cancer, il n'a de toute manière plus que quelques mois à vivre.

Paillole, présente à Rivet un rapport de ses agents indiquant que l'homme est parfaitement fiable, déterminé et que ses propos sont en tout point exacts. Il lui montre également le plan que ses services et lui-même ont déjà établi pour un passage à l'action. Accompagné de Paillole, Rivet amène ce rapport et ce plan à Daladier. Il indique à ce dernier que le succès de l'opération est assurée et qu'une telle opportunité ne se représentera plus jamais. Sans même jeter un regard aux documents apportés par Rivet, Daladier lui répondit instantanément, d'une manière cinglante et définitive : « On n'assassine pas le chef d'Etat d'un pays voisin ».

1 : service de renseignements de l'Armée

383 - Dimanche 15 juillet 2018

 

 

Il descend de la montagne en S.U.V, singing I, I, youpee, youpee I

 

N'ayant oncques trouvé bergère en les vertes estives et herbeux pâturages des lointaines montagnes, notre néo prince charmant de contes de fées se trouva fort dépité et contrit ( bêtise no 372 - Samedi 09 juin 2018 ). Il reprit cependant bien vite espoir en se disant qu'à défaut de bergère, une belle au bois dormant pourrait aussi bien faire l'affaire pour le: « Ils se marièrent, eurent beaucoup d'enfants et vécurent heureux ». Sans attendre davantage, d'un bon tout en souplesse, il sauta prestement dans son sport utility vehicle ( garantie tous risques 3 ans) et piqua des deux vers les plaines enfôrestées, en brâmant: « singing I, I, youpee, youpee I » .

Après une longue, harassante et vraiment pas facile du tout nouvelle quête de deux heures trente-cinq minutes (pause repas comprise), il fit découverte, en une campagnarde et reculée contrée, d'un manoir où reposait une princesse assoupie depuis, sans doute, cent un ans, onze jours et deux heures vingt-cinq. La charmante et attendrissante enfant était étendue sur une couche toute simple, au beau milieu d'une modeste chambre. Il en fut tout ému jusqu'au tréfonds du fond de ses chausettes de sport, rayées de bleu, de blanc, et de rouge (anti transpirantes, antdérapantes et tissées en fibres de bambou naturel du Caudrésis). Mais alors qu'il se penchait sur la ravissante endormie pour lui donner le baiser réanimateur, il fut interrompu par les éclats d'une voix féminine venant de derrière son dos.

- « Non mais des fois, faut pas vous gêner! Où vous croyez-vous donc, mon gaillard?!»

- « Oh là, tout doux maraude! Par ma foi et ne vous en déplaise, je me pense, d'évidence, être auprès de la belle au bois dormant et suis venu céans pour la délivrer de son endormissement, lui répondit-il fièrement, en bombant le torse. »

- « Sauf que là, mon bon monsieur, vous vous trouvez dans une maison de repos et de convalescence et que la demoiselle ici présente, est en fait et en réalité une de nos patientes en pleine cure de sommeil. Si vous me la réveillez, je peux vous assurer qu'après le pain maison que je vous mettrai sur le sur le museau, c'est vous qui allez jouer à la belle au bois dormant. »

 

555 - Dimanche 15 mars 2020

 

Pourquoi, on ne nous en a pas parlé avant ?

 

- « Monsieur Gisèle Sidonie Poupouillette, négociant en marteaux piqueurs pneumatiques d'appartement, exige de pouvoir prendre la parole afin de briser le silence qui, depuis bien trop longtemps, règne sur un fait historique majeur. Mon cher Gisèle Sidonie, il ne sera pas dit que nous nous ferons complices d'un mutisme injuste et scandaleux, alors brisez, mon cher, brisez. »

 

- « Et ça va faire mal, croyez-moi. On n'a pas fini dans parler dans le landernau. Alors, mettez vos lunettes de soleil et attachez vos ceintures de sécurité, c'est parti ! François Ier , roi de France de son état, se servait de sa tête non seulement pour porter sa couronne mais également pour avoir des idées. Le 6 janvier 1521, il en eut une en particulier : celle d'aller fêter l'Epiphanie, avec toute sa cour - soit 15 000 personnes - à Romorantin, en Berry. Ma foi, c'est une idée qui en valait une autre. Maintenant, pourquoi se rendre tout spécialement à Romorantin dans le but spécifique de s'envoyer une part de galette à la frangipane, honnêtement, il faudrait le demander à l'intéressé lui-même, parce que moi, je n'en sais fichtrement rien. En plus, personnellement, je n'ai jamais la fève.

 

Cela étant dit, une fois sur place et après s'être enfilé son morceau de tarte épiphanienne, François Ier eut une autre idée : une bataille de boule de neige. A son âge, 27 ans, cela peut paraître surprenant, mais enfin c'était son idée et puis c'était le roi, alors ... Henri Martin, historien et auteur de "Histoire de France depuis les temps les plus reculés jusqu’en 1789", a relaté cet évènement capital dans on ouvrage : comme il se doit en la circonstance, les paricipants usèrent de " pelotes de neige, armes convenables à la saison; enfin, les munitions manquant, quelque mal avisé jeta par la fenêtre un tison" qui ne touva rien de mieux que d'aller rebondir sur la royale face. Bien que du genre costaud, le François n'en tomba pas moins dans le coma dont il sortit cependant assez rapidement.

 

Cependant, il conserva des séquelles de cette tragique et brûlante mésaventure. Tout d'abord, afin de pouvoir lui prodiguer les soins nécessaires, on dut lui couper les cheveux. Ensuite, ses joues conservèrent d'importantes cicatrices. Cela lui donna deux nouvelles idées : renoncer aux cheveux longs et au visage glabre, pour cacher ses balafres. François Ier relança ainsi la mode du cheveu court et de la barbe.

 

Alors, c'est pas de l'évènement capital, ça, c'est pas du changement essentiel, du bouleversement fondamental ? »

679 -Dimanche 06 juin 2021

 

Les devoirs du brave

Ils voyaient en lui un véritable demi -dieu. Ils savaient son coeur droit et équitable. Ils admiraient sa haute stature, son allure aristocratique, son courage chevaleresque. Pour eux, il représentait l'exemple le plus achevé de la perfection. Ils attendaient, avec une intense impatience et émotion, les rassemblements durant lesquels il ne manquait jamais de leur parler.

- « Je souhaitais aujourd'hui effectuer un rappel sur un sujet que, par modestie naturel, vous avez tendance à perdre de vue. Messieurs, n'oubliez jamais que vous faites partie de la race des héros épiques. A ce titre vous êtes contractuellement tenus, sans hésitation et avec abnégation, d'essuyer les tirs de toutes armes et de tous calibres, les bombardements aériens ou d'artillerie, de subir l'effroi, l'éreintement, la déshydratation, l'inanition, les averses, les gelées, la canicule, les cyclones, la boue, les moustiques et les blagues nulles. »

- « Euh... Mon adjudant, m'autorisez-vous à humblement me permettre de poser une infime et très respectueuse question? »

- « Je t'en prie, caporal, je suis tout ouïe. »

- « Mon adjudant, ne sommes-nous pas également astreints à endurer la privation de maroilles ? »

- « J'ai dit que vous étiez des héros, caporal, pas des martyrs. »

 680 - Samedi 12 juin 2021

 

Grande déception

Mi-homme, mi-brute, d'une stature gorillesque, le personnage présentait indiscutablement un physique qui ne laissait pas indifférent. Sa lederhose en peau de saucisse de Francfort, ses hautes chaussettes blanches à double pompons rouges, ses sabots en saule, ses lunettes et son casque en cuir de pilote de la RAF de la seconde mondiale, sa barbe à la ZZ Top, lui donnaient une allure des plus originales.

Sa pesante rustauderie et son intelligence basico-élémentaire, ne lui valaient pas une réputation d'illustre intellectuel. Dormant toute la journée, en ronflant abominablement, il ne se levait qu'au crépuscule pour ensuite passer la nuit à se saouler monstrueusement. Sur le chapitre des bonnes manières, il manquait assurément du comportement délicat qui sied aux gentilshommes bien élevés. Par exemple, il dévorait, d'un coup, des pièces de maroilles de 750gr, sans enenlever le papier d'emballage et en poussant d'horribles grognements de sanglier courroucé.

Sous ces dehors bourrus, il possédait néanmoins la sensibilité d'un câble de MI AP MB 51-55. Aussi fut-il au bord des larmes lorsque qu'il reçut le courrier lui signifiant le rejet de sa candidature à l'école de danse des petits rats de l'Opéra de Paris.

681 - Dimanche 13 juin 2021

 

Le véritable visage « d'Olaf Grossebaf »

- « Monsieur Zélophon du Lac de Maisonfort, informaticien poliorcète itinérant, résidant à Saint Vaast en Cambrésis, manifeste un vif désir d'amender nos idées reçues sur les Vikings. Zélophon qu'il en soit ainsi. Amendez, amendez, tant qu'il vous plaira. »

 

- « Bon, alors, j'y vais. Dans l'esprit du bourgeois, il ne fait aucun doute que le Viking est un terrifiant barbare coiffé d'un agressif casque à cornes, venu de Scandinavie sur un drakkar pour sauvagement massacrer la population du royaume de France et piller malhonnêtement ses biens. »

allait autrement ? »

 

- « Il en allait effectivement autrement. D'abord le véritable sens du terme de viking ne possède aucun rapport avec la désignation d'un peuple. En réalité, il signifie marchand. Au Moyen Age, on parlait de Normands, en France, de Danois, en Grande-Bretagne, de Rus ou Varègues, dans l'empire byzantin et le monde arabe. »

 

- « Donc, je peux légitimement qualifier mon commerçant habituel de Viking. »

 

- « Sil possède une masse musculaire conséquente et une susceptibilité ombrageuse, à votre place, j'éviterais quand même d'aller lui annoncer cela en face. Mais revenons à nos moutons du Gotland. Sur le casque des Normands ne se trouvait pas plus de corne que sur votre casque de mobylette. »

 

- Euh... En fait, il y a des cornes sur mon casque de mobylette et je porte un blouson de cuir avec dans le dos l'inscription "Hell's Maroilles". »

 

- « Eh ben ! Votre mobylette doit déborder de fierté lorsqu'elle vous charrie. La véritable appellation des bateaux normands ne fut jamais drakkars mais herskips. Le terme de drakkar est dérivé du suédois drake, dragons en français. Bestiaux légendaires dont le frais et ravissant minois servait de modèle pour les figures de proue des herskips. »

 

- « Et si je mettais une tête de dragon à l'avant de ma mobylette. Qu'est-ce que vous en pensez ? »

 

- « Rien. La sauvagerie, bien réelle, des raids normands ne fut cependant en rien supérieure à celle des autres troupes armées de l'époque. Par ailleurs, les Normands ne se livraient pas qu'à l'action musclée et au pillage. Ils pratiquaient tout autant, et peut-être même davantage, le négoce international. Pour cette activité, ils n'utilisaient pas l'herskip mais le skúta, le karfi, le gokstad ou le knarr. »

 

- « Le nom de ma mobylette est moins compliqué. Je l'ai simplement appelée Ultrogothe-Vuldetrade la Burgondine. »

682 - Samedi 19 juin 2021

 

Noble ambition

 

Il s'efforçait opiniâtrement de se détacher du vulgum pecus. Il tendait à se différencier explicitement de la masse. Il s'employait avec entêtement à adopter un comportement sociétal, intellectuel et moral, radicalement distinct de l'ordinaire. Il ne souhaitait rien de moins que d'apparaître étonnamment original, singulièrement atypique, follement insolite. Et tant pis, s'il provoquait l'incompréhension des uns et des autres, voire les choquait. Il ne redoutait aucunement le scandale.

 

La raison de cette volonté de se distinguer de la multitude ne résidait pas dans ses origines bourgeoises. Son désir de se démarquer ne correspondait nullement au conformisme et à la discrétion de mise dans le milieu opulent et cossu auquel il appartenait.

 

En fait, il cherchait, non seulement, à devenir snob, mais également à être considéré comme le maître étalon en ce pédant domaine. Néanmoins, pour qu'il en fut ainsi, était-il suffisant d'ostensiblement manger son maroilles à la cuillère à soupe ?

683 - Dimanche 20 juin 2021

 

Satisfait de son sort

 

Aujourd'hui, sans qu'il ne puisse se l'expliquer, plus qu'à l'accoutumée, il se sentait intensément comblé d'être né si riche. S'il eut cru en lui, il eut chaleureusement remercié Dieu de lui avoir accordé cette grâce. Parce que, franchement, on pouvait dire ce que l'on voulait, mais une existence de nanti : l'aisance, l'abondance, la profusion, le luxe, etc... Tout de même, il n'y avait vraiment pas de quoi se plaindre.

 

Il avait donc clairement conscience qu'il était des conditions d'existence plus rudes et moins enviables que les siennes, comme par exemple vivre dans la pauvreté. II savait que ses victimes devaient affronter maints embarras, qu'ils ne subsistaient qu'à grand peine. Parfois, les malheureux ne possédaient même pas les moyens de se payer leur morceau de maroilles quotidien.

 

Cependant, il ne s'offusquait point, ni ne se désolait, de la déplorable situation des indigents. Au contraire, il s'en félicitait et souhaitait instamment que les choses demeurassent ainsi, car pour que le plaisir d'être riche soit complet, encore fallait-il qu'il existât des pauvres.

684 - Samedi 26 juin 2021

 

« On n'est jamais trahis que par les siens »

Il était son seul véritable ami, son unique authentique camarade. Ce dernier avait toujours été fidélement présent à ses côtés, des bancs de la communale au parcours du combattant du régiment. Il pouvait compter sans restriction sur son aide, même dans les affaires les plus incertaines. Comme ce jour où il avait oublié de se coiffer le matin et où sa chemise présentait un boutonnage approximatif. Son vieux complice ne lui en fit pas reproche. Il usa de trésors de diplomatie et de tact pour lui signaler l'ordonnancement chaotique de sa chevelure et la fermeture déphasée de sa liquette.

 

Comme convenu, ils se retrouvèrent samedi, à 16h00, pour goûter ensemble. Au cours de ces agapes, alors qu'il trempait sa tartine de maroilles dans son bol de café à la chicoré au lait, il vit son seul véritable ami, son unique authentique camarade, tordre furtivement le nez de dégoût.

 

Alors, lui qui passait, à juste titre, pour un homme paisible et mesuré, pour un fervent pacifiste, pour un non-violent tenace, il sentit monter en lui une sourde envie de puligistiquement envoyer son poing dans le visage de son seul véritable ami, son unique authentique camarade. Le respect des traditions gastronomiques ch'ti ne souffrait pas la moindre manifestation de réprobation, fût-ce une mimique d'aversion de son seul véritable ami, son unique authentique camarade.

 

685 - Dimanche 27 juin 2021

 

Perturbant

 

La sensation d'une vague anxiété, d'un déplaisant préssentiment, lui avait fugacement parcouru l'échine. Pourtant, il n'existait aucune raison pour qu'il éprouva la plus infime appréhension. Il avait maintes fois mené ce genre d'opération, sans qu'il n'eut jamais à connaître de contretemps. Alors pourquoi devrait-il s'inquiéter aujourd'hui plus qu'à l'acoutumé ?

 

Il haussa les épaules, souffla profondément, pour complètement chasser cette désagréable et absurde sensation. Ainsi rasséréné, il termina sa tranche de maroilles avant de partir parfaitement tranquillisé. Mais une fois arrivé sur le terrain, sa belle assurance s'effondra instantanément. Sa furtive intuition se révélait pleinement fondée.

 

La sidération le paralysa sur place. De l'environnement habituel, il ne subsistait rien. Il se trouvait dans un milieu étranger, inconnu. Une fois sorti de sa léthargie , il erra déconcerté, désemparé, hagard. Il était dérouté, désorienté, complètement perdu. Sans avertissement, ni sommation, on avait traitreusement procédé au réaménagement des rayons de son supermarché.

686 - Samedi 03 juillet 2021

 

Mélomane affûté

Ils sortaient pleinement ravis du Palais des Grottes où ils avaient assisté au concert donné par l'Orchestre national de Lille.

- « Rassurez-moi, Igdeburde, ma très chère, notre garde-manger renferme bien encore quelque bel et bon morceau de maroilles? »

 

-  « N'ayez aucune inquiétude à ce sujet, Gracchus. Depuis les aurores, un majestueux maroilles, flambant neuf, se trouve au frais sur l'une des étagères de notre cellier. »

 

- « Igdeburde, je ne puis que vous bénir pour votre prévoyance. »

- « Vous me flattez outrageusement, Gracchus.»

 

- « Ah ! Ce concerto pour violons et orchestre, quelle splendeur ! Ses superbes accords résonnent encore en moi, me remplissant délicatement d'une suave onde de béatitude. Je ne crois point me fourvoyer, ni sombrer dans l'exagération, en affirmant que cette sublime pièce musicale se doit de figurer à la première place dans la catégorie des chefs-d'oeuvres. Et, ce Mozart, un génie, un pur génie. Qui plus que lui mérite l'épithète de divin ? »

 

- « Sauf que... »

 

- « Sauf que ? »

 

-  Sauf qu'il ne s'agissait pas d'une sonate, mais d'une symphonie, Gracchus. »

 

-  Ah bon... la n° 29 ou la 40 ? »

 

- « Non, la 7eme »

 

- « La 7eme ? »

 

- « Oui, la 7eme , de Ludwig van Beethoven. »

 

- « Sinon, vous disiez, Igdeburde, que nous avions du maroilles à la maison. »

 

687 - Samedi 10 juillet 2021

 

Protecteur de l'environnement

 

Loin de l'odieux et épouvantable tumulte urbain qui trouble la sérénité de l'homme de bien, il avait fait halte sur une bucolique aire de repos, sise le long d'une route départementale reculée, aussi paisible que champêtre. Il avait décidé de cette pause parce que, à en croire l'horloge numérique du tableau de bord de son automobile, était venue l'heure de la vieille coutume consistant à se sustenter, chaque fois que sonnait midi.

En ouvrant son panier pique-nique avec compartiment isotherme intégré, il se demanda pourquoi les lieux de commerce ne proposaient pas de sandwiches au maroilles. Il soupira et mordit mornement dans son triangle de pain de mie au ragondin fumé. La barquette en plastique, d'où il avait tiré sa triste pitance, éveilla sa réflexion.

 

Imaginons qu'au lieu de déposer cet emballage plastique dans la poubelle installée à cet effet, je le jette dans les buissons alentour, il paraît que je pourrais toujours le voir en train de polluer la nature, si je reviens ici dans un siècle. Balivernes et billevesées que tout cela, se dit-il résolument. Il n'y a vraiment aucune raison que je mette les pieds en cet endroit dans cent ans.

688 - Dimanche 11 juillet 2021

 

Prise de conscience sportive

 

Son journal quotidien usuel se montrait catégorique : l'homme moderne et avisé ne pouvait, en conscience, ignorer obstinément les magnifiques effets bénéfiques de l'exercice physique. L'article précisait concrètement l'ensemble des avantages que le citoyen précautionneux pouvait retirer de la pratique régulière d'une activité sportive.

 

Grâce à elle, les dangers de contracter le diabète, de faire un accident vasculaire ou d'une crise cardiaque, se trouveraient considérablement diminués. Elle permettrait en sus d'éviter certains cancers, de soutenir le moral, de fortifier les os et les muscles, d'accroître les capacités respiratoires, de faciliter la perte de poids en excès. Au total, le particulier s'adonnant couramment aux joies athlétiques du sport, pouvait légitimement espérer prolonger son existence de deux à huit ans.

Mazette, en conclut-il, l'affaire paraissait bougrement sérieuse. Il faut, au plus tôt, vivement et très sérieusement m'y mettre, se dit-il. Lorsqu'il doit renouveler sa réserve de maroilles, il se rend toujours en voiture à la crèmerie située à cent mètres de chez lui, mais maintenant, au préalable, il revêt un jogging.

689 - Dimanche 11 juillet 2021

 

Mise au point

 

Il portait en lui toutes les qualités humaines dûment et officiellement répertoriées. Magnifiquement génial, superbement grand, formidablement indispensable, sublimement inaltérable, il possédait l'âme bien trempée du meneur d'hommes né. Son élégant maintien aristocratique ne se teintait d'aucune arrogance ou affèterie et n'excluait pas de sa part une sincère simplicité voire, parfois, une certaine gaillardise. Il se montrait spontanément capable de connivence avec les plus humbles, n'hésitant pas à partager avec eux le maroilles, en usant d'un modeste opinel n°8. Voilà pourquoi ses hommes lui vouaient une admiration sans bornes et une affection quasi-filiale et lorsqu'il s'adressait à eux, ils buvaient avidement ses paroles.

 

- « Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

 

- « Merci sergent, repos messieurs. Messieurs, loin de moi l'idée de remettre en cause votre qualité de personnes éminemment cultivées. Je demeure indéfectiblement convaincu de l'étendue de votre savoir dans les domaines les plus variés et les plus pointus. Cependant, il semblerait que votre érudition ne soit pas tout à fait complète et que je doive vous apporter une petite précision afin qu'elle le devienne. Notez et retenez donc bien ceci : contrairement à ce que vous croyez, ce n'est pas le guide Michelin qui donne deux, trois, quatre ou cinq étoiles, aux généraux. »

 

- « Et pour les maréchaux, mon adjudant ? »

690 - Dimanche 17 juillet 2021

 

Cérébral

En sacrifiant au rituel matinal du rasage facial, qui seul différencie l'homme du yéti et du père Noël, il pensait, non pas à devenir président de la République, mais au maroilles de son déjeuner et à la dernière rumeur en vogue. Il se disait que nous n'userions que de 90% des capacités de notre cerveau.

Si nous savions utiliser les 10% restantes, nous pourrions accomplir des exploits surhumains confinant au surnaturel. Ainsi serions-nous aisément capables de sucrer à point un yaourt nature, de mettre tout seul et du premier coup une couette dans sa housse ou bien encore de danser la macarena sans avoir l'air ridicule.

Grâce aux seuls pouvoirs de l'esprit, posséder les formidables moyens d'effectuer de telles prouesses allant bien au-delà de nos facultés usuelles, ne pouvait que fasciner l'honnête citoyen, même le plus réservé. Fort logiquement, la perspective de se métamorphoser en une sorte de demi-dieu faisait follement rêver et suscitait un légitime attrait.

En attendant, songea-t-il, il serait déjà pas mal que chacun se serve des 90% accessibles à tous.

 

691- Samedi 24 juillet 2021

 

Le grillon et le maroilles

Commodément installé sur un banc du jardin public, indifférent à la beauté des parterres de fleurs aux chaudes couleurs et aux déambulations à pas mesurés des flâneurs, il se préparait de manière sévèrement approfondie à la dégustation de son maroilles. La chose était des plus sérieuses et ne tolérait aucun amateurisme, aucune improvisation. Ici, le n'importe quoi relevait du criminel, de l'impossible pardon.

Un misérable grillon efflanqué survint « à jeun qui cherchait aventure et que la faim en ces lieux attirait ». Depuis un temps bien trop long, « pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau, quelque grain », il n'avait eus « pour subsister ».

Mais qui rend ce famélique gryllidé si hardi de troubler mon encas, se demanda-t-il ? La pauvre bête me paraît « fort dépourvue ». Je me veux grand seigneur et charitable, c'est là mon « moindre défaut ». Aussi, contrairement à une certaine fourmi avec la cigale sa voisine, je partagerai volontiers mon fromage en compagnie de cet indigent insecte affamé.

Commentaires

Tu parles, le gars, il l'a un peu facile de jouer les saint Martin du maroilles. Vu ce que mange un grillon (une demi-miette et il se retrouve sur le dos, les pattes en lair, à te faire une indigestion grand siècle) il est restera toujours, à ce généreux donateur, assez de fromage pour largement se caler les gencives.                                                                La fourmi

Ça c'est bien vrai.

Le corbeau et le renard

 

Mais dites donc, tous les trois, qui vous a demandé votre avis ?

Jean de la Fontaine


 

692 - Dimanche 25 juillet 2 021

 

Anonymographe

 

Ayant terminé son dernier bout de maroilles, il se lécha soigneusement les doigts, un à un, avant de décacheter le courrier qui venait de postalement lui parvenir. La missive commençait par un fort classique et banal : « Cher Monsieur ». En revanche, la suite ne manquait pas d'une certaine originalité :

 

« Parmi les multiples plaisirs dont je puis jouir, ne figure malheureusement pas celui de vous connaître et croyez bien que je le regrette amèrement. D'autant plus que je me propose, par la présente, de porter atteinte à votre honneur. Vous voudrez bien m'accorder qu'accomplir cette tâche sans ne rien savoir de vous, relève de la gageure, même pour l'auteur de lettres anonymes chevronné que, sans fausse modestie, je me targue d'être. Mais, conscience professionnelle oblige, je ne me dérobe pas. Donc, si vous le voulez bien, passons à la calomnie. Coquin, fripon, faquin, scélérat, gredin, canaille, maraud, filou, chenapan, escroc, tu parais être ce que tu n'es pas, alors qu'en vérité tu es ce que tu ne parais pas être. »

 

La lecture de cette épître le plongea dans une stupéfiante stupéfaction. Comment, se demanda-t-il, cet épistolier masqué, qui ignore tout de moi, a-t-il réussi à cerner aussi justement et précisément mon intime personnalité ?

693- Samedi 31 juillet 2021

 

Servitude et grandeur journalistique

 

L'aube se levait à peine et le coq n'avait pas encore terminé de chanter, lorsque la sonnerie de son téléphone1 le tira brusquement des bras soporifiques de Morphée. Il s'agissait de son rédacteur en chef surexcité par une nouvelle toute nouvelle. Depuis la question de l'affinage du maroilles, rien n'avait autant éveillé l'intérêt des foules. N'en déplaise à Monsieur Desproges, les masses survoltées vibraient de curiosité à l'évocation de la production du chicon.

 

Le journal se vouant au devoir sacré de l'édification morale de la population et à l'obtention du prix Albert Londres, il ne pouvait faire l'impasse sur ce sujet crucial. A charge pour son meilleur journaliste de le traiter. Nul doute qu'il saurait apprécier avec fougue et entrain l'exaltant honneur qui lui échoyait. Personne ne doutait qu'il possédât, à en revendre, le talent nécessaire à l'accomplissement de cette héroïque tâche.

 

Il débuta son article par : « La consommation du chicon (Cichorium intybus), également appelé endive par les béotiens, existe, au moins, depuis le début du XVIIeme siècle». Fort tard dans la nuit, il le termina par cette splendide et louable considération : « En somme, la culture du chicon, quoi de plus agricole, de prime abord ? Mais si l'on veut bien s'efforcer d'y prêter quelque attention, on constate rapidement, qu'à l'évidence, c'est effectivement très agricole ».

 

 

1: à l'intention des passionnés de téléphonie, précisons qu'en lieu et place d'une sonnerie préprogrammée, il avait installé la chanson « Quand la mer monte », interprétée par Raoul de Godewarsvelde.

694 - Dimanche 01 août 2021

 

Brillantissimement ingénieux

Par bien des aspects, l'affaire témoignait d'une épineuse complexité susceptible d'en rebuter définitivement plus d'un. Mais en ce qui le concernait, il ne doutait pas un instant que les complications multidimentionnellement ardues du projet ne puissent longtemps résister à l'incomparable génie dont l'avait gorgé une généreuse mais néanmoins avisée providence.

 

Dans un délai, certes beaucoup plus long que prévu, il parvint effectivement à surmonter les multiples éprouvantes difficultés inhérentes à cette entreprise. Par la seule puissance de son intelligence et de sa détermination, il avait réussi là où tout autre aurait indubitablement échoué. Il avait touché au but, il avait concrétisé l'oeuvre.

 

Nonobstant sa volonté de faire preuve d'une modestie exemplaire, il se devait de convenir qu'un tel résultat ne pouvait que l'amener à objectivement se penser indispensable et impossible à remplacer par qui que ce fut. Mais laissons là l'autocritique, se dit-il, et allons de ce pas annoncer la grande nouvelle à cette chère Aldebarde.

 

« Aldebarde ! Aldebarde ! Jouez hautbois ! Résonnez musettes ! Je viens d'accomplir cette avancée capitale que depuis plus de quatre mille ans nous le promettaient les prophètes. »

 

« Fernandeau, qu'avez-vous encore inventé qui n'existe déjà1 : le chausse pied, le poil à gratter, le passage clouté, la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le maroilles, le gras de jambon ? »

 

« Non, répondit-il, en dévoilant sa création avec un sourire plein de suffisance. »

 

« Bien, vraiment très bien, formidable, Fernandeau : vous avez donc inventé le gant de toilette. »

695- Samedi 07 août 2021

 

L'ami du petit déjeuner

Le soleil vient de se lever, encore une belle journée et il va bientôt arriver, l'ami Rocoré. Il vient toujours au bon moment avec ses pains, son maroilles et ses croissants, l'ami du petit déjeuner, l'ami Rocoré. Il choisit toujours la bonne heure, celle où on chante tous en coeur, l'ami du petit déjeuner, l'ami Rocoré. Le soleil vient de se lever, un copain est venu partager, l'ami Rocoré, l'ami du petit déjeuner.

Il n'empêche que lorsque l'ami du petit déjeuner survint chez lui, il ne le reçut pas vraiment à bras ouverts. Au lieu de se confondre en nombreuses manifestations d'affection, en multiples transports d'allégresse, en maintes démonstrations de félicité, en moults ris et pleurs de joie, il lui fit ouvertement grise mine et bien mauvaises manières. Il se saisit de l'ami du petit déjeuner par le collet de sa chemise et le fondement de son pantalon pour prestement le reconduire vers la sortie, puis le jeter, sans ménagement, dans son tacot de livraison jaune et noir.

Non, parce que, quand on pense que la bonne heure pour livrer, ses pains, son maroilles et ses croissants, le dimanche, c'est au lever du soleil, à cinq heures du matin, l'heure où on ronfle tous en coeur, faut tout de même pas s'attendre à être accueilli comme le Messie.

696 - Dimanche 07 août 2021

 

Notoriété

Il se montrait particulièrement attentif à son image, à la façon dont ses contemporains le percevaient. Cet intérêt ne procédait en aucune manière d'un quelconque besoin de satisfaire aux exigences d'un narcissisme actif ou du désir de conforter un amour-propre pointilleux et encore moins du souci d'etoffer une sourcilleuse estime de soi. Cela n'avait pas non plus le moindre rapport avec une affable considération pour l'opinion de ses concitoyens à son propos.

En fait, seule une curiosité chafouine expliquait pourquoi il se préoccupait de l'avis d'autrui. Il supposait posséder la réputation d'un personnage à l'intelligence déplorable, d'une stupidité remarquable, d'une inculture sidérale, ne connaissant même pas la recette de la tarte au maroilles. S'il fallait dire les choses crument, il pensait passer pour une grosse buse.

Mais il n'en était rien. Il se méprenait sévèrement. Le portrait que l'opinion publique se faisait de lui s'avérait sensiblement différente. Quelle que soit la personne à laquelle vous vous adressiez, elle le qualifiait de sale type sans scrupules , d'individu méprisable, ignoble, moralement répugnant.

Comme quoi, souvent, on se sous-estime.

697 - Samedi 14 août 2021

 

Les sentiers de la gloire

Ils avaient beau le connaître depuis des temps pas complètement immémoriaux mais presque, ils ne cessaient de s'étonner à quel point il pouvait se dégager de lui un génie si lumineux, à quel point il pouvait se montrer aussi sophistiqué qu'authentique, à quel point il pouvait être beau comme un maroilles.

Ils ressentaient un émerveillement proche de la sidération devant l'ampleur de ses qualités et vertus tant martiales qu'humaines. Voilà pourquoi, chacun d'eux ne manifestait aucune objection à remettre aveuglément son destin entre ses mains fines et racées. Et à chaque fois qu'il leur parlait, ils l'écoutaient religieusement.

- « Messieurs, je n'ignore rien de vos rêves insatiables de gloire. Vous êtes en cela les dignes héritiers de l'esprit éternel qui, de millénaire en millénaire, sous toutes les latitudes et quelles que soient les contrées, anime les vrais guerriers sursaturés d'impavide intrépidité. Aller au bout de ses rêves est la plus belle des destinations et je ne saurais vous en faire grief. Cependant, les enfants, n'oubliez jamais que pour nous, il n'existe que deux chemins conduisant à la gloire : celui de la victoire ou celui du sacrifice. »

- « Il n'y aurait pas moyen de prendre discrètement un petit raccourci plus tranquille, mon adjudant ? »

698 - Dimanche 15 août 2021

 

Expertise médico-amicale

 

Il trouva son ami effondré au fond de son fauteuil, dans la pénombre d'une pièce aux volets à demi fermés. Il lui trouva le teint terreux, les yeux vitreux, le cheveu ébouriffé.

- « Mais que t'arrive-t-il, mon pauvre Philéodore ? »

- « Mon bon Nanias, je suis la pauvre victime sans force d'une amnésie post-léthargique qui se caractérise par une carence mécanique du système psychique de réminiscence épisodique. Cette déficience résulte d'une incidence organique impactant les fonctions de mémorisation. Concrètement, ce trouble affecte spécifiquement la souvenance des évènements s'étant déroulés la veille de l'apparition de l'altération mémorielle. L'oubli est opaque, tenace, total. Il se conjugue avec une L'oubli est opaque, tenace, total. Il se conjugue avec une céphalgie aigüe, douloureusement avivée à la moindre manifestation sonore intempestive. S'ajoute à cela une inhibition nutritive se traduisant par un dégoût à l'idée d'ingérer le moindre aliment, même un infime morceau de maroilles. » aigüe, doulourousement avivée à la moindre manifestation sonore intempestive. S'ajoute à cela une inhibition nutritive se traduisant par un dégoût à l'idée d'ingérer le moindre aliment, même un infime morceau de maroilles. »

- « Oui, je vois ce que c'est. Hier, tu as dû picoler comme un vrai sauvage et tu as terminé saoul comme un Polonais. Résultat, aujourd'hui, tu ne te souviens de rien et en plus tu as explosé le record du monde de la gueule de bois, catégorie super-lourds. » 

Commentaire

Faute d'en connaître l'origine, l'expression « saoul comme un Polonais » se trouve, une fois encore, utilisée mal à propos. Son origine remonte au 30 novembre 1808. Ce jour-là, les mille cavaliers du régiment de chevau-légers polonais de la garde impériale de Napoléon Ier chargent une armée espagnole de 15 000 hommes, appuyée par seize canons, et retranchée sur les hauteurs du col de Somosierra, à plus de 1500 mètres d'altitude. Les chevau-légers ne reviennent qu'à quinze, mais victorieux. Des généraux quelque peu jaloux de ce glorieux fait d'armes racontèrent à Napoléon que les Polonais avaient combattu en étant fin saouls. L'empereur sachant parfaitement que cela était faux, leur répondit : « Alors messieurs, la prochaine fois, sachez être saouls comme des Polonais. »

Frédéric Chopin

699 - Samedi 21 août 2021

 

Broken arrow

- « Monsieur Anthanase Mortelune, secrétaire perpétuel de la section bonsaï de l'Académie française de dentochronologie de Boursies, ressent un tel empressement à nous communiquer des informations lui paraissant de première importance, qu'il en a différé son rendez-vous gastronomique quotidien avec un maroilles de bon aloi. Anthanase, en vous souhaitant de retrouver votre maroilles au plus tôt, nous vous invitons à communiquer.»

- « Cher Nervien, pensez-vous qu'en matière de transport, celui des bombes nucléaire est parfaitement sûr ?»

- « Que voilà une bien étrange question. Cela me semble aller de soi.»

- « Pardonnez-moi de vous le dire, monsieur Nervien, mais vous vous vautrez crassement dans l'erreur. Si vous le permettez, je me propose de vous exposer quelques exemples, afin d'éclairer votre lanterne, apparemment quelque peu obscurcie »

- « Je vous en prie, Anthanase, éclairez, éclairez. »

- « Le 17 janvier 1966, au large des côtes méditerranéennes de l'Espagne, un terrible accident implique deux avions militaires américains. En explosant en plein vol, un KC-135 met en perdition le bombardier B52 qu'il devait ravitailler en carburant. Les quatre membres d'équipage du KC-135 sont tués ainsi que trois des sept aviateurs du B52.

Au cours de sa chute et avant qu'il ne s'écrase près du village de Palomares, les quatre bombes nucléaires transportées par le bombardier se sont éjectées d'elles-mêmes. Trois sont tombées près de la bourgade. Elles n'explosent pas mais leurs fuites radioactives infectent plus de 70 hectares. La décontamination du secteur, effectuée par l'armée américaine, se révèlera très imparfaite. Quant à la quatrième bombe, trois mois s'écoulent avant que la marine US ne la retrouve dans la Méditérranée, par 650 mètres de fond. Alors que pensez-vous de cette charmante histoire ? »

- « J'en ai le poil tout hérissé. »

- « Mais écoutez encore ceci...»

- « Pardonnez-moi de vous couper ainsi la parole, Anthanase, mais consentiriez-vous à m'accorder un délai de 24 heures avant d'aller plus avant, afin que je puisse me remettre des révélations que vous venez de nous asséner ? »

- « J'y consens bien volontiers.»

- « Je vous remercie. Bon, ben, en attendant, accepteriez-vous de m'accorder la grâce de partager un maroilles avec moi ? »

700 - Dimanche 22 août 2021

 

Broken arrow one more time

- « Anthanase, nous voici fin prêts pour vous écouter à nouveau de toutes nos oreilles attentives et impatientes. »

- « Le 21 janvier 1968, un B52, armé de quatre bombes H, s'écrase sur la banquise, dans la région de la base américaine de Thulé, au Groenland. Six membres d'équipage s'éjectent. Le septième, n'étant pas équipé d'un siège éjectable, ne parvient pas à sauter en parachute et est tué. Les charges nucléaires de trois bombes sont dispersées sur 6 km2.

Des centaines d'employés danois de la base de Thulé sont envoyés dans la zone pour y recueillir les débris. Ils le font sans équipement de protection et sans être informés des dangers qu'ils courent. Par la suite, un grand nombre d'entre eux contractent des maladies imputables à la radioactivité et beaucoup décèdent. Les demandes d'indemnisation auprès des autorités américaines essuient des fins de non-recevoir.

Malgré les recherches secrètes entreprises par l'armée américaine après que les glaces aient libéré les lieux de la catastrophe, la quatrième bombe ne sera jamais retrouvée. »

- « Vous en connaissez encore beaucoup des anecdotes comme celles-là ? »

- « Ces anecdotes, comme vous dites, sont poétiquement désignées par l'armée américaine sous le nom de code : broken arrow, flèche brisée, en français. Le département américain de la Défense a officiellement reconnu au moins trente-deux incidents Broken Arrow. De son côté, l'Agence de réduction des menaces de défense, dépendant du département de la Défense des États-Unis, affirme avoir dénombré des centaines de flèches brisées.

Pour être précis et vous permettre de mieux appréhender ces chiffres, sachez qu'est catégorisé broken arrow tout accident impliquant une arme atomique sans risque de déclenchement d'une guerre nucléaire. »

- « Et concernant les autres heureux possesseurs d'armes atomiques de part le monde ? »

- « A ma connaissance, s'ils ont connu des mésaventures de ce genre, contrairement aux Etats-Unis, ils n'ont déclassifié aucun document relatif à ce sujet ou rendu public la moindre statistique. »

- « Bon, ben, accepteriez-vous de m'accorder la grâce de partager un maroilles avec moi ? »

701 - Samedi 28 août 2021

 

Diététique

Lorsqu'il vit revenir vers lui le garçon du restaurant, il eut immédiatement l'intuition qu'il allait l'informer d'un contretemps, d'un désagrément. Aussi se prépara-t-il mentalement à affronter l'inéluctable épreuve. Il se devait d'accueillir avec calme et philosophie la fatidique catastrophe dont il subodorait l'annonce. Il inspira profondément, se tapota la narine droite, détendit ses muscles de bas en haut, de gauche à droite, décontracta l'un après l'autre ses dix doigts et ses dix orteils, afin d'atteindre un état de relaxation maximum de ses nerfs. Il put ainsi conserver tout son calme lorsqu'il demanda au serveur, avant que celui-ci ait le temps d'ouvrir la bouche :

- « Alors, il n'y a plus de maroilles, c'est ça ? »

 

- « Non monsieur, je vous rassure. Cependant, nous rencontrons tout de même un problème en ce qui concerne la préparation de votre gratin d'andouillettes de Cambrai aux maroilles et courgettes paillencourtoises fourrées de pruneaux flambées au genièvre, de langue de boeuf à la sauce gribiche, de raviolis al dente à la crème chantilly, le tout macéré dans une marinade à la bière et raisins secs hachés. Malheureusement, nous sommes en rupture de stock de raisins secs. »

 

- « Dans ce cas, donnez moi juste un croque-monsieur à l'andouillette de Cambrai aux maroilles et courgettes paillencourtoises fourrées de pruneaux flambées au genièvre, de macarons sauce marchand de vin, de raviolis al dente à la crème chantilly, le tout macéré dans une marinade à la bière. Inutile d'y ajouter une olive hachée, j'ai peur que ce soit un peu lourd.»

702 - Dimanche 29 août 2021

 

Histoire sans parole

 

Il accourut au chevet de son compère Babylas, aussi vite que le permettaient les Transports Urbains du Cambrésis. Il tenait à lui apporter son amical, psychologique et humanitaire, soutien. Son malheureux camarade souffrait d'une pernicieuse aphonie. Lui, le virtuose de l'éloquence, le loquace de premier plan, le prolixe prépondérant, l'éloquent majeur, le disert suprême, se trouvait tragiquement privé de parole. A cause des voies de fait hooliganesques d'une laryngite iconoclaste, une grande voix se trouvait misérablement réduite au silence.

Il rapporta à l'infortuné muet qu'il se racontait que pour ce mal et pour moults autres, le sirop de maroilles se révélait souverain. Il lui recommanda surtout de veiller à ne pas brusquer les choses, à faire preuve d'une grande patience, de bien prendre tout son temps pour assurer sa guérison. Avant de prendre congé de son mutique camarade, il l'assura une fois encore de sa franche sympathie et de sa sincère compassion.

Il n'empêche qu'une fois dehors, il se dit que, tout ami qu'il fut, ce fichu Babylas était avant tout un verbeux désespérant, un logorrhéique inendigable. Aussi se réjouit-il à l'idée qu'on allait pouvoir, pendant un bon moment, savourer de longues heures providentielles de silence bienfaisant, grâce au blocage de bec de cet assommant bavard.

703- Samedi 04 septembre 2021

 

On veut bien être tolérant, mais faut pas pousser

Avec cet acte abject qu'il avait vu se produire sous ses yeux effarés, deux mille ans de civilisation s'écroulaient, jetés à bas avec une sauvagerie sans nom. L'homme de bien au coeur pur ne pouvait manquer de se sentir révulsé par un comportement aussi inacceptablement déplorable.

Dès lors, un diagnostic s'imposait, indéniable, indiscutable, irréfutable : il se devait, plein d'une sainte révolte, se dresser pour faire fièrement barrage afin de défendre avec pugnacité les fondements des piliers de la culture occidentale aussi sauvagement menacés. Car si l'on n'y prenait garde, si l'on se laissait aller à la permissivité, on sombrerait incessamment dans la décadence, le délabrement, la décrépitude. Bientôt, on ne saurait plus se conduire ainsi qu'il convient devant un maroilles.

Aussi, ne tolérerait-il plus une telle transgression désinvolte des règles de base du savoir-vivre. Que les mal-élevés éhontés se le tiennent pour dit, il dévisserait la tête du premier qui oserait encore marcher du côté droit d'une femme au lieu du gauche, sauf, bien sûr, s'il s'agissait d'un militaire en uniforme, toujours susceptible de croiser un supérieur qu'il devra réglementairement saluer de la dextre.

704- Samedi 11 septembre 2021

 

Bon voisinage

Assis dans son moelleux divan de style byzantino carolingien, installé devant la cheminée du salon, vêtu d'une veste d'intérieur en peau tannée de banane tachetée, ne portant aux pieds que des chaussettes entièrement coloriées au stylo-feutre par le grand peintre Alexandrou Constantinéchessecou, il pensait en son for intérieur à sa destinée personnelle.

Il se comportait comme il l'entendait, sans se préoccuper des convenances, sans se soucier du qu'en-dira-t-on. Pour autant, il fallait honnêtement reconnaître que personne n'avait jamais blâmé ses manières, réprouvé sa façon de vivre. Il n'avait également jamais été colporté le moindre commérage, le plus infime ragot, à son propos. Il ne possédait vraiment aucun motif qui aurait pu l'inciter à se plaindre des ruraux environnants, aussi bien individuellement que collectivement.

Il habitait en une gentille gentilhommière perdue dans les solitaires lointains des profondeurs du fin fond de l'endroit le plus reculé du monde, là où pas même le chicon ne pousse et le maroilles ne s'achemine. Son isolement était tel que les campagnards ignoraient totalement son existence. C'était sans doute pour cette raison, se dit-il, qu'il s'entendait si bien avec eux et réciproquement.

705 - Dimanche 12 septembre 2021


Angoisse existentielle

Son indiscutable technicité, son indéniable compétence, son indubitable efficacité, son exceptionnel comportement, son incomparable psychologie, son indestructible moral, ses remarquables qualités relationnelles, son imbattable force physique, son inoubliable allure et par-dessus tout son indiscutable instinct pour détecter le meilleur maroilles au plus juste prix, lui assuraient un rayonnement qui en faisait le maître-étalon de l'excellence. Et voici, qu'une fois encore, il venait, en toute simplicité, leur dispenser mille inestimables trésors de sagesse, de sagacité, de clairvoyance. Tous frémissaient à l'idée d'entendre, de recevoir sa parole.

 

 - « Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

 

- « Merci sergent, repos messieurs. Messieurs, Il se dit ici ou là que vous vous interrogeriez substantiellement sur votre spécificité, que vous seriez cruellement tourmentés à ce sujet. Vous vous demanderiez comment caractériser votre condition, comment définir précisément votre statut de soldat ? Je répondrai judicieusement à cette légitime interrogation en vous citant cette lumineuse et pertinente citation de Talleyrand : " Nous appelons militaire tout ce qui n'est pas civil " Question, problème, état d'âme ? »

 

- « Mon adjudant, ce Talleyrand, est-ce qu'il est adjudant, lui aussi ? »

 

706 - Samedi 18 septembre 2021

 

Vedette

 

Rien ne l'avait autant tenaillé que l'envie de devenir célèbre, plus célèbre encore que le maroilles lui-même. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, cet ardent désir l'avait toujours farouchement habité et n'avait cessé de croître de jour en jour.

 

Il n'avait jamais imaginé avoir pour vocation de se fondre anonymement dans la masse des citoyens bourgeoisement satisfaits de leur paisible petite vie anonyme. Lui, éprouvait une soif inextinguible de reconnaissance, brûlait de la sourde volonté de se démarquer de la masse.

 

Il ne fut pas chiche de l'huile de coude pour faire des pieds et des mains afin de satisfaire cette ambition qui dévorait les entrailles de l'esprit de sa tête. Il n'hésita pas à accepter les pires compromissions , à consentir aux plus vils arrangements, sans le moindre remords. Il brisa dans l'oeuf l'ascension des audacieux susceptibles de lui de faire de l'ombre, en les dénigrant odieusement, en les diffamant abjectement.

 

Grâce à tous ces opiniâtres et surhumains efforts, il finit par triomphalement réussir à entrer dans le cercle très fermé des célébrités légendaires. Alors, tout comme eux, il n'eut rien de plus empressé que de dire pis que pendre de la notoriété.

707- Dimanche 19 septembre 2021

 

Gauloiseries gréco-romaines

 - « Monsieur Hydulphe Sombreval de Songecreux, permaculteur producteur de zizanie aquatique et urbaniste hippodamien bénévole, résidant à Oisy le Verger, localité célèbre pour son gros caillou, serait fort aise de se pencher sur les circonstances de la réddition de monsieur Vercingétorix, à Alésia. Nous vous savons franchement gré de nous accorder une telle grâce. Alors penchez-vous, Hydulphe, penchez-vous. »
- « Soyez en grandement remercié jusqu'à la cinquantième génération, monsieur Nervien. De la relation de cet événement, pour l'heure, ne nous sont parvenus que quatre textes. Ceux de Publius Annius Florus, de Lucius Dion Cassius, de Plutarque et celui de Jules César, bien sûr. Etant donné l'universalité bien connue de la flamboyante culture qui est vôtre, je ne vous ferai pas l'affront de vouloir vous apprendre que le premier était un historien romain, le deuxième, un consul et historien, lui aussi romain, le troisième, un biographe, moraliste, penseur, d'origine grecque. Quant à Jules César, qui ne le connaiît pas ? »
- « Effectivement, je dois à la vérité d'avouer, en rougissant de modestie, que je n'ignorais rien de ces personnages. »
- « Jules César écrit simplement, dans sa "Guerre des Gaules", que Vercingétorix "est mis en son pouvoir; les armes sont jetées à ses pieds". Plutarque, affirme, et il est le seul, que Vercingétorix fait, à cheval, le tour de César assis. Le fait que le chef gaulois, après avoir sauté de sa monture, jette ses phalères et armes aux pieds du vainqueur, est conté, non seulement, par Plutarque, mais également par Florus.»
- « A moins de me tromper, il me semble bien que Vercingétorix a aussi lancé son dernier maroilles à Jules. »
- « J'avoue n'avoir pas connaissance de ce geste projectilo-fromager. Quoi qu'il en soit, Plutarque rapporte qu'ensuite Vercingétorix s'assit aux pieds de César. Selon Dion Cassius, il tomba à genoux, "tendant en avant les deux mains". Pour Florus, il prit la pose du suppliant. Plutarque et Dion Cassius, affirment formellement que Vercingétorix ne prononça pas un mot. Au contraire, d'après Florus, il dit : " Habes ! fortem virum, vir fortissime, viscisti ", (Prends-les! Je suis brave, mais tu es plus brave encore, tu m’as vaincu). »
« D'accord, ils sont très gentils vos Romains et votre Grec, mais de leurs différents récits, quel est donc celui qu'il faut sérieusement prendre en compte ? »
- « Vous me demandez mon avis, intime et personnel, si je comprends bien ? »
- « Précisément »
- « Pour ma part, je considère que la seule version qui vaille, à laquelle on peut se fier avec certitude, est celle donnée dans "Le tour de Gaule" et dans"Le bouclier Arverne", de messieurs René Goscigny et Albert Uderzo.

711- Samedi 25 septembre 2021

 

Terra incognita

Ah! Il aurait pu en narrer de palpitantes et épiques péripéties. L'impressionnant carrière d'explorateur qu'il mena superbement avec un exceptionnel panache et à grands renforts de maroilles, lui avait offert moultes téméraires occasions de fréquenter intrépidement les hasardeux périls de l'aventure farouchement trépidante.

Posséder un coeur solidement accroché et savoir garder la tête sur les épaules, s'avéraient impérativement indispensables à celui qui veut pénétrer en terra incognita. Il avait réussi à surmonter tous les piégeux aléas inhérents à ses fonctions exploratives grâce à l'inouïe maîtrise de ses émotions et à l'humilité avec laquelle il s'était confronté au danger. Jamais, il ne se permit de stupidement sous-estimer le risque hostile, de jouer prétentieusement au fier-à-bras face à l'obstacle inamical.

La sagesse et l'expérience ne lui avaient que trop remontré qu'il fallait savoir estimer, à leurs justes et intrinsèques intensités, les menaces tapis dans les sombres recoins d'un milieu encore méconnu. Les sauvages immensités vierges réservaient à l'imprudent, à l'irréfléchi, à l'étourdi, de bien déplaisants désagréments. S'aventurer en ces lieux indomptés, exempts d'estaminet et de baraque à frites, ne se devait faire à la légère. Voilà pourquoi, fort de ces principes et tout imprégné de cette philosophie, il avait toujours et sans faiblir sagement circonscrit son champ d'exploration aux champs de betteraves sucrières du Cambrésis.

712 - Dimanche 26 septembre 2021

 

Intello de choc

 

Sans le vanter excessivement, ni le flatter exagérément, force était d'honnêtement admettre que l'on devait, à la pure vérité sortant nue du puits, de reconnaître que s'il ne s'avérait pas aussi niais que son air pouvait légitimement le laisser penser. Cependant, il ne fallait pas non plus tomber dans l'excès inverse. S'il lui était venu l'idée de renoncer aux joies de la civilisation pour aller vivre le reste de son âge en anachorète , son ascétique retraite ne risquerait nullement d'occasionner à la société la perte irréparable d'un représentant essentiel du génie universel.

 

Il s'inscrivait dans la lignée des intellectuels heureux qui pensent avant de raisonner, plutôt qu'à celle des esprits sérieusement réfléchis. Ainsi possédait-il des avis tranchés sur tous les sujets, même sur le maroilles. Ses idées étaient solidement arrêtées. Rien ni personne ne pouvait l'en faire démordre. Et cela d'autant plus qu'il refusait catégoriquement le débat avec qui que ce fut.

Il estimant qu'à partir du moment où il avait raison, nul n'était besoin de perdre son temps et sa salive à le prouver. Si d'aventure un contradicteur voulait tout même s'essayer à argumenter, il lui opposait promptement des arguments aussi brefs que violemment contondants car, disait-il : « Pour être cérébral, je n'en suis pas moins brutal. »

713 - Samedi 02 octobre 2021

 

Justicier implacable

 

L'heure de la divulgation tapageuse sonnait enfin. A la face du monde vivant jusqu'ici dans l'ingénuité, la vérité sans fard allait pouvoir être dévoilée dans toute sa limpide transparence. La société ne manquerait pas de s'en trouver profondément bouleversée. Ses révélations allaient résonner comme un monstrueux coup de tonnerre, aveugler comme un effroyable éclair.

 

Il allait raconter dans leur pleine et entière intégralité chacun des inimaginables détails de cette hallucinante affaire. Elle représentait le plus grand des scandales historiques de l'histoire des plus grands scandales de l'Histoire. Il serait, à la fois, le héros et le héraut des droits du Citoyen à l'information pure et dure, un droit aussi sacré et inaliénable que celui du maroilles quotidien.

 

Il ne reculerait pas d'un seul pas, représenterait l'incarnation de l'incorruptibilité absolue, lutterait sans trêve ni repos jusqu'à ce que justice soit faite.

 

Les mauvaises langues, les pinailleurs professionnels, les jamais contents, remarquèrent sournoisement qu'avant que ce journalistique preux ne s'emparât du sujet, ils leur semblaient déjà avoir entendu parler du tragique destin qui fut celui du chevalier de la Barre.

714 - Dimanche 03 octobre 2021

 

Martiales recommandations

 

Le muscle proéminent, la mâchoire virile, l'épaule large, ferme du jarret, sa formidable stature laissait à croire qu'il lui fallait davantage d'air à respirer qu'au commun des mortels. L'espace semblait saturé de lui et tout ce qui l'environnait paraissait soudain se rétrécir, se fragiliser, s'insignifier.

A cette constitution exceptionnelle, s'ajoutait une légèreté d'humeur, un goût des plaisirs de l'existence et en particulier du maroilles, qui en faisait le plus joyeux des compagnons. Dès lors, comment s'étonner, qu'à sa vue, ses hommes fussent éblouis et pantelants d'admiration.

 

- « Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

 

- « Merci sergent, repos messieurs. Messieurs, je vous saurai gré de vous concentrer et d'accorder une vive attention aux mises en garde que je vais vous adresser à l'instant. »

 

- « Nous sommes concentrés, mon adjudant. »

 

- « Attention ! Le premier qui ajoute : "de tomate", il va entendre parler du pays ! Bon ... Premièrement, dans le cadre d'un déplacement des troupes en mouvement allant de l'avant afin d'atteindre les arrières de l'adversaire, il importe de bien s'imprégner des ordres reçus afin de ne pas se tromper de sens, ce qui conduirait à un déplacement des troupes en mouvement vers l'arrière les amenant à atteindre l'avant de l'adversaire. »

 

« Et réciproquement, je suppose, mon adjudant. »

 

- « Euh... Je vous prierais de m'adresser votre remarque par écrit et en trois exemplaires, caporal. Bien, secondement, ne vous fiez au grand jamais à un ennemi qui vous sourit. Ce ne peut être qu'une manoeuvre déloyale pour vous désarmer. »

 

- « Mais comment ça, mon adjudant ? »

 

- « Sergent, vous n'avez jamais entendu dire qu'un sourire pouvait être désarmant ? »

 

A la suite d'opérations techniques indépendantes de notre volonté, il existe un risque qu'il ne soit pas possible de mettre des bêtises en ligne la semaine prochaine, voire la semaine suivante également. Cordialement

715 - Samedi 16 ctobre 2021

 

Question de propreté

- « Monsieur Gonzague Sainte Maure de Touraine des Buchettes de la Paturejoly du Grosbois Apoire, biérologue honoris causa de l'académie de sélénographie de Bantouzelle, serait vivement honoré de pouvoir nous éclairer sur l'affirmation alléguant que la wehrmacht fut propre. Faites comme chez vous, Gonzague, éclairez, éclairez.»

- « Soyez follement loué pour votre exquise amabilité, mon bon Nervien.»

- « Cher Gonzague, vos louanges mettent durement à l'épreuve ma remarquable modestie et vous me voyez le front tout cramoisi de confusion. »

- « Mon bon Nervien, il n'aura finalement suffi que de trois guerres, dont deux mondiales, pour que les gouvernants des deux côtés du Rhin se rendent judicieusement compte de l'intérêt qu'il y avait à entretenir d'amicales relations plutôt que de périodiquement s'entre massacrer à qui mieux mieux. Aussi, serais-je le premier marri que la question de la propreté de la wehrmacht vienne ranimer la flamme des funestes animosités franco-allemandes. »

- « Nous vous en sommes considérablement reconnaissants. Il est vrai que le chapitre de l'hygiène fait partie de ces sujets sensibles avec lesquels il faut prendre garde de ménager des susceptibilités pouvant s'avérer exacerbées. »

- « Vous vous fourvoyez, mon bon Nervien. L'innocence de votre candide ingénuité m'émeut. Le thème qui nous intéresse ne se rapporte nullement aux bonnes pratiques savonistiques, shampoinesques, ou douchistiques, de la wehrmacht. L'assertion selon laquelle la wehrmacht fut propre exprime le fait que ses troupes ne perpétrèrent pas crime de guerre. »

- « Mille maroilles ! Suis-je donc simplet. Excusez ma sottise, cher Gonzague. Mais, je vous en prie, veuillez poursuivre. »

- « Vous faites montre de bien trop de sévérité envers vous-même, mon bon Nervien. Donc, je poursuis. Eh bien non, la wehrmacht ne fut pas propre. »

- « Ne confondriez-vous pas avec la SS, cher Gonzague ? »

- « Certes non, mon bon Nervien. Le fait est indiscutablement attesté par les recherches historiques menées dans les années 1980. Pour vous en convaincre, je vous donnerai deux exemples parmi les milliers d'exactions commises en France, Belgique, Pays-Bas, Italie, dans les pays scandinaves, les Balkans, en Europe de l'est et en URSS. Lors de l'offensive contre la France, en 1940, les soldats de la wehrmacht exécutèrent sommairement 1500 Tirailleurs sénégalais prisonniers de guerre. On estime qu'au cours de la campagne de Pologne, en 1939, la wehrmacht se rendit responsable de la mort de 50 000 civils. »

- « Euh... cher Gonzague, dites-moi, vous êtes certain qu'aujourdh'ui les Allemands sont toujours copains avec nous ? »

- « Mais oui, mon bon Nervien, mais oui, rassurez-vous, rassurez-vous... »

716 - Dimanche 17 octobre 2021

 

Limpide

 

Habituellement, il recevait son ami à la bonne franquette. L'un comme l'autre appréciaient de s'asseoir dans sa cuisine pour y discuter, tout en partageant le maroilles posé sans cérémonie sur la toile cirée de la table. Mais aujourd'hui, parce qu'il seyait de donner une certaine solennité à leur rencontre de ce jour, il accueillait son camarade dans son bureau, style Innocent XII.

 

- « Zosime, les contingences qui nous réunissent présentement, possèdent une portée dont l'importance ne peut qu'apparaître évidente à ceux qui, comme toi, ne se laissent pas aller à l'irréflexion et à la superficialité. Tu sais te démarquer distinctement de l'agglomérat des ignares impulsifs uniquement guidés par leurs certitudes irrationnelles.»

 

- « Ouais... Ouais... Continue, Gélase... »

 

- « Nous nous devons de perpétuer l'exemple de nos illustres et splendides aïeux du passé d'autrefois afin de combler le présent des espérances qui nous assurerons un avenir affranchi des sombres nuages sous lesquels pousse la mauvaise herbe des fatalités néfastes et fallacieuses.»

 

- « Ne t'arrête pas, je t'écoute, vas y, marche. »

 

- « C'est pour cette raison que je souhaite que nous levions nos verres en exprimant le fervent souhait de voir sur notre sol se lever la récompense des efforts que nous aurons courageusement consentis.»

 

- « Eh bien, tout cela me semble très bien et éperdument intéressant mais voudrais-tu, s'il te plaît, être assez aimable pour me le redire en clair et en français afin que je comprenne ce que tu veux ? »

 

- « Ben, pourrais-tu venir samedi prochain pour m'aider à planter mes pommes de terre ? »

717 - Samedi 23 octobre 2021

 

Dites le avec des fleurs

Aucun être sensé n'aurait pu concevoir l'idée saugrenue de le taxer de plantophile distingué. De fait, il éprouvait pour l'ensemble du règne végétal une indifférence incommensurablement abyssale. Ainsi, s'il s'offusquait colériquement de l'absence de maroilles aux menus de ses repas, il ne se formalisait nullement de se trouver privé de salade verte.

 

Cependant depuis quelque temps, il parcourait avec une méticuleuse attention toutes les pages des catalogues d'horticulture passant à sa portée, explorait consciencieusement les allées des jardineries des environs. Il voulait entourer sa demeure de massifs d'une plante bien particulière, sortant de l'ordinaire, loin du genre de celles qui agrémentaient le jardin public. Il désirait une espèce qui devrait s'admirer de loin parce que capable d'arracher le pied ou la jambe du quidam s'en approchant de trop près. En résumé, il cherchait fébrilement une fleur carnivore anthropophage.

 

Aussi se trouva-t-il fort désappointé et dépité lorsqu'il finit par apprendre que ces végétaux ne consommaient que des insectes, des acariens, de petits invertébrés et ne manifestaient aucun goût pour la chair humaine. En leur lieu et place, il décida alors de semer tout autour de sa maison quatre rangs de mines antipersonnel.

718 - Dimanche 24 octobre 2021

 

Parlons certitude

Il ne se sentait sûr que d'une seule chose : une vie dénuée de maroilles ne valait guère d'être vécue. Pour le reste, le doute dominait largement son existence. Quelle partie prendre, derrière quelle bannière se ranger, à qui aliéner sa foi ? Ce questionnement le tourmentait tellement que son esprit s'en trouvait complètement désorienté.

 

Il considérait que rien ne se révélait plus délicat que de juger, statuer, trancher. Adopter un avis plutôt qu'un autre, représentait pour lui une épreuve insurmontable. Comment avoir la certitude de ne pas se tromper, de ne pas se méprendre ? Comment déceler l'argument digne de confiance ? Comment détecter la conviction de valeur ? Face à cette angoissante indécision chronique, il ne trouva d'autre alternative que de donner sans réserve raison à chacun, d'acquiéser avec enthousiasme à tout et son contraire.

 

Mais un beau jour, bien qu'il fût froid, brumeux et pluvieux, il prit soudainement conscience qu'il possédait le droit et la capacité de se faire, seul, sa propre opinion et que par conséquent celle d'autrui ne lui était pas forcément nécessaire. Alors, grâce à sa seule réflexion, il déduisit, sans hésitation possible, que finalement, en définitive, au bout du compte, en dernière analyse, la seule certitude qui vaille était que l'on ne pouvait jamais être assuré de rien, sauf qu'une vie dénuée de maroilles ne valait guère d'être vécue.

719 - Samedi 30 octobre 2021

 

Comment voulez-vous que dans ces conditions que le rêve devienne réalité et la réalité devienne rêve ?

Il décida de s'accorder quelques instants d'expertise poussée afin de faire exhaustivement le point sur la conjoncture générale. Pour ce faire, avant toute chose, il s'enjoignit, fort poliment, d'effectuer avec soin un historique exhaustif du contexte. Prenant un ample recul chronologique, il remonta la pente du temps de plusieurs mois à un certain nombres d'années en arrière.

 

Il tira de l'examen de ce retour vers le passé une conclusion aussi adéquatement pertinente qu'impartialement objective. Ainsi avait-il déterminé, sans contredit, que la situation contemporaine pour n'être pas plus dramatique que les circonstances d'autrefois, ne se révélait pas non plus meilleure et préférable. Avant de poursuivre plus avant son diagnostic, il ressentit le besoin de s'accorder une pause maroilles nutritivo-relaxatoire.

 

Après son maroillesque entracte, ragaillardi, il reprit allègrement sa perspicace analyse. L'évolution des évènements prouvait explicitement qu'il ne fallait, en aucune façon, laisser accroire que les dirigeants contemporains n'étaient pas au niveau par rapport à leurs prédécesseurs. Il en voulait pour preuve qu'ils se montraient parfaitement capables de se montrer, au moins, aussi vains qu'eux, voire même davantage.

720- Dimanche 31 octobre 2021

 

Pas de pot

Le mauvais sort ou, à défaut, la première infortune venue, lui prodiguaient à plaisir moult situations incommodes, foule d'ombres au tableau, abondance de préjudices déplaisants, pléthore d'accidents de parcours, foultitude de coups perfides. Bon nombre de gens croient ingénument que les calamités n'arrivent qu'aux autres, mais ils se trompaient lourdement. Lui savait d'expérience que les calamités n'arrivaient pas qu'aux autres mais à lui.

Il endurait ce cortège d'épreuves avec philosophie, flegme, stoïcisme et abnégation. Personne ne l'avait jamais entendu prononcer le moindre mot d'indignation ou de révolte. Il n'en voyait pas l'utilité. Il pensait que geindre ne pouvait, en fin de compte, qu'être vain.

Le fait que parmi toutes les avanies l'accablant ne figurât jamais la pénurie de maroilles, ne pouvait expliquer une telle impavidité face aux inconvénients, justifier que contre mauvaise fortune il puisse toujours faire bon coeur. L'origine de son flegme avait pour source la certitude que ce n'était pas une raison parce que rien ne marchait droit qu'il fallait considérer que tout allait de travers.

721 - Samedi 06 novembre 2021

 

Antiparisianiste primaire

N'ayant rien de mieux à faire, il s'assit dans son fauteuil Hellin, les mains jointes sur la poitrine comme en prière, les jambes croisées et allongées comme... comme des jambes croisées et allongées. Il se sentit intégralement détendu, de la racine des cheveux au bout du gros orteil gauche. Les conditions favorables à l'accomplissement d'une douillette sieste se trouvaient donc réunis.

Mais, les pensées peuplant son esprit ne lui laissèrent pas le loisir de s'abandonner aux plaisirs de l'assoupissement . Il songeait à Jean Bart, Charles François du Perrier du Mouriez, Felix Bollaer, Henri Matisse, Louis Blériot, Alfred Fronval, Roger Salengro, Pierre Nord, Charles de Gaulle, Jean Mineur, Maxence Van der Meersch, Paul Meurisse, Jean Lefebvre, René Dumont, Pierre Mauroy, Line Renaud, Philippe Noiret, Louis Malle, Pierre Richard, Isabelle Aubret, Brigitte Fossey, Bruno Masure, Etienne Chatiliez, Nicolas Hulot, Paul Rouve, Paul Fauquet, Dany Boon, pour ne citer qu'eux.

Ces personnes, à l'instar du maroilles, avaient toutes en commun d'avoir acquis une notoriété, un succès, une réputation, d'ampleur nationale, voire internationale. Tout comme le maroilles, elles étaient également natives du Nord, et plus précisément de Cambrai en ce qui concernait Charles François du Perrier du Mouriez, Louis Blériot et René Dumont. Alors gare à ceux qui les prendraient pour des Parisiens, clama-t-il en lui-même ! Idem pour le maroilles !

722 - Dimanche 31 octobre 2021

 

Féministe actif

 

Il existait chez le mâle une supériorité originelle et naturelle intrinsèque qui expliquait la prééminente suprématie de l'homme sur la femme. Il en était intimement et virilement convaincu. A ce sujet, il aimait volontiers citer les doctes propos du si génial Pythagore ou du très saint Saint Augustin.

 

Le trouveur de théorème affirmait ingénieusement : « Il y a un principe bon qui a créé l'ordre, la lumière et l'homme. Il y a un principe mauvais qui a créé le chaos, les ténèbres et la femme. ». Le Père de l'Eglise prêchait religieusement : « Homme, tu es le maître. La femme est ton esclave. C'est Dieu qui l'a voulu. Sarah appelait Abraham, "mon maître". Vos femmes sont vos servantes. Vous êtes les maîtres de vos femmes ! ».

Pour autant, il déniait à quiconque la liberté de le penser atteint de machiste hypertrophié galopant. Au contraire, il se considérait en pointe dans les combats sur le front de l'émancipation féminine. Il en voulait pour preuve qu'il coupait lui-même son maroilles. Quand il fallait laver le carrelage, il ne rechignait jamais à passer la wassingue... à sa conjointe. Lors de ses soirées téléviso-footbalistiques, il buvait sa bière directement à la canette, pour que son épouse ait un verre de moins à laver et passe ainsi moins de temps dans sa cuisine à faire la vaisselle.

Commentaire

 

Madame la présidente de l'Association Féminisme et Poliorcétique, bien que je sois le modeste auteur de ces misérables lignes, il va sans dire je ne saurais pour autant souscrire à leur contenu.

Nervien

 

723 - Samedi 13 novembre 2021

 

Bison futé et indigné

Posant son couteau sur le bord de son assiette dans laquelle il avait déposé un généreux morceau de maroilles, il demanda à brûle-pourpoint :

- « Igor Ivanovitch Jacky, n'as-tu pas remarqué qu'un certain nombre de citoyens subissent une étrange métamorphose, dès lors qu'ils s'assoient derrière un volant ? Ces personnes habituellement parfaitement calmes, pleinement réfléchis, véritablement paisibles, se muent en êtres brutalement surexcités, terriblement brusques et particulièrement violents. »

- « Effectivement , Bogdan Miroslav Raymond, il m'a été maintes fois donné d'assister à ce curieux phénomène. »

- « Ainsi donc, avez-vous assisté au spectacle de ces particuliers qui se mettent à coller haineusement aux pare-chocs des voitures qui les précèdent, qui se soucient comme d'une guigne de mettre leurs clignotants pour signaler leurs changements de direction, qui franchissent avec désinvolture les lignes blanches, qui chevauchent sans vergogne les terre-plain. Sans oublier ceux qui profèrent de tonitruantes et ignobles insultes à l'adresse des piétons ou cyclistes, voire à celle de leurs congénères automobilistes. »

- « De plus, ces périls ambulants possèdent une dangeureuse propension à scandaleusement se moquer des limitations de vitesse. »

- « Ne m'en parle pas, mon vieux. Chaque fois qu'il s'en trouve un sur ma route, tu ne peux t'imaginer à quelle allure de malade je dois rouler pour le doubler. »

724 - Dimanche 14 novembre 2021

 

Race de champion

Athlète d'exception, il s'astreignait à un entraînement d'une telle rudesse, d'une telle âpreté, qu'il reléguait ceux des Marines, des SAS, ou de la Légion étrangère, au rang d'aimables jeux de jardins d'enfants. Il se livrait à une préparation physique à la limite de l'insoutenable, si harassante, si exténuante, qu'il suait bien davantage de sang que d'eau. Il lui fallait l'héroïsme, le courage, la volonté, de celui qui sourit aux portes de l'enfer.

Sa préparation mentale répondait à des exigences non moins sévères. Il s'accrochait par les pieds, à une poutre de son grenier, la tête en bas, comme une chauve-souris, les bras croisés sur la poitrine avec les mains posées sur les épaules. Ainsi installé, il se livrait, pendant de longues heures, à une méditation transcendantale alliant les principes du son primordial à ceux du zazen, du kundalini, du tongle et du tricotage à mailles cueillies.

Enfin, il suivait un régime alimentaire draconien. Le matin, il consommait un maroilles entier, buvait une grande jatte de café chicoré au lait. A midi, il consommait un maroilles entier, buvait une grande jatte de café chicoré au lait. A 16h30, il consommait un maroilles entier, buvait une grande jatte de café chicoré au lait. Le soir, il consommait un maroilles entier, buvait une grande jatte de café chicoré au lait et mangeait une Bêtise de Cambrai.

Cette existence toute en discipline, rigueur, efforts, sacrifices et souffrances, lui avait donné l'endurance de l'albatros fuligineux et la rapidité de la gazelle à poche dorsale. Aussi, n'avait-il jamais perdu aucune compétition et cela d'autant plus qu'il prenait la précaution de ne jamais participer à aucune d'elles.

725 - Samedi 19 novembre 2021

 

Sens de l'orientation

 

Colosse au muscle protubérant, au poil viril, il était néanmoins bâti tout en finesse : traits raffinés, taille bien prise, jarrets majestueux, mollets ronds, il incarnait la perfection esthétiquo-militaire absolue. Ses hommes le tenaient en très belle et forte estime. Pour eux, il n'existait pas, en ce bas monde et dans sa proche ou lointaine périphérie, un gars, fut-il héros antique, pouvant prétendre arriver à la cheville du brodequin à tige attenante de celui qui les commandait. Ils le considéraient comme la divinité protectrice à qui ils devaient de connaître une existence pleine d'aventures, de bruits et de fureur. Toutes ces remarquables qualités n'empêchait pas ce chef fabuleux de toujours demeurer d'une exquise modestie. Que vous dire de moi, déclarait-il ? Je ne suis qu'un être merveilleux, sans plus.

Pour l'heure, ils marchaient dans l'horreur d'une profonde nuit au coeur d'une forêt non moins horrible et profonde. 


- « Sergent, donnez-moi un morceau de maroilles et notre position. »
 

- « Mon adjudant, en tenant compte de la déclinaison magnétique et des variations des données saisonnières, nous nous trouvons par 59 degrés de latitude Nord et 24 degrés de longitude Est.»
 

 

- « Le sérieux et la précision de ces coordonnées me paraissent des plus passionnantes, sergent, et pour que mon bonheur devienne complet, pourriez-vous, sans chichi, me dire, en termes simples et clairs, où nous sommes exactement. »

 

- « En termes simples et clairs mon adjudant, je peux vous dire sans chichi, que nous sommes très exactement complètement paumés. »
 

- « Sergent, il m'en coûte de vous l'avouer mais vous me décevez. Je comptais sur vous pour nous guider et voilà que vous m'annoncez que nous sommes perdus dans l'horreur d'une profonde nuit au coeur d'une forêt non moins horrible et profonde. Je suis déçu. »
 

- « Mon adjudant, je vous l'avais bien dit, c'est pas parce que je m'appelle Lepetitpoucet que je suis capable de ... »

726 - Dimanche 20 novembre 2021

 

C'est Boccuse qu'on assassine

 

Il estimait que Fleurinard Journaël représentait une insulte vivante à l'art aussi raffiné qu'élégant du bien-manger à la française, que le monde entier alléché nous envie. Il rêvait de murer les portes et fenêtres de la cuisine de ce lamentable maître-queux, afin que plus jamais rien ne puisse jamais en sortir.

 

Heureusement que dans sa grande sagesse Comus accorda à d'autres la sainte mission de créer le maroilles, sinon nous aurions aujourd'hui dans nos assiettes un fromage thiérachien possédant un fumet, une consistance et un goût, de vieille chambre à air brûlée d'épandeur à fumier d'occasion. D'un plat concocté par Fleurinard, les innocentes papilles du gastronome sans défense n'avaient rien d'autre à espérer qu'un intense effarement et une profonde affliction.

 

Que ce Fleurinard ait toujours légalement le droit de se mettre librement aux fourneaux, le dépassait. Il allait bien au-delà de son entendement que les autorités ne requièrent pas l'intervention de la force publique pour protéger la population de l'odieux contenu des casseroles de cet antéchrist de la bonne chère. Considérant les productions culinaires de ce dernier, en bonne logique et depuis longtemps, la Justice aurait dû le condamner au titre de l'article 221-5 du code pénal.

27 - Samedi 27 novembre 2021

 

Imbroglio

Par un après-midi que l'on pouvait qualifier de bel puisque, sans conteste, il avait vraiment fait tout ce qu'il fallait pour être beau, il se trouvait en toute innocence dans un gentil petit coin tranquille du jardin public. Soudain, un attroupement de cinq ou six particuliers se forma autour de lui. Ils le dévisageaient avec insistance. Il ne les avait jamais vus auparavant et ainsi qu'il convenait à de parfaits inconnus, il ne les connaissait absolument pas.

 

Un point d'interrogation format baobab adulte bien portant clignotait dans son esprit comme l'enseigne lumineuse d'une baraque à frites pourvue d'une enseigne lumineuse clignotante. Il entendit l'un des individus qui l'entouraient lui parler. D'une voix qu'il s'efforçait visiblement de rendre persuasive, il lui demandait de rester calme et de ne surtout pas essayer de bouger, de ne pas tenter le moindre geste. Ensuite, il ajouta qu'on allait s'occuper de son cas.

 

Il commença par trouver cette situation plutôt inquiétante, puis complètement incompréhensible et surréaliste lorsque qu'un quidam annonça qu'il appelait séance tenante les pompiers. Il se rebella alors. Il déclara énergiquement, dans un style Shakespearien, qu'il y avait quelque chose de pourri dans le royaume du Danemark, si les premiers mêle-tout venus alertaient le ban, l'arrière ban et la cavalerie, à chaque fois qu'un amateur de maroilles s'allongeait mollement sur un bout de gazon pour se consacrer à une sieste régénératrice.

28 - Dimanche 21 novembre 2021

 

Ubi solitudinem faciunt, pacem appellant

Il éprouvait un sincère apitoiement pour le crédule ingénu, l'intellectuel approximatif, le journaliste superficiel, qui se satisfont pleinement de ce que leur content quotidiennement les gens de pouvoir ou les manipulateurs d'opinion. Il avait une sainte horreur des esbroufeurs salariés, des baratineurs présidentiels, des beaux parleurs institutionnels, des enfumeurs étatiques, des menteurs gouvernementaux.

 

A l'ingurgitation goulue de leurs boniments, il préférait de toute évidence privilégier l'esprit critique, le doute, le scepticisme. Il refusait d'approuver, de souscrire, d'accepter, d'admettre, tant qu'il n'était pas mis en présence de preuves concrètes témoignant de l'irréfutable réalité. Et encore, estimait-il fréquemment que seul apparaissait le sommet de l'iceberg, donc que 92% de la vérité demeuraient cachés.

 

Alors, inutile d'espérer lui faire prendre ce vieux camembert kalmoukaque au bord de l'éclatement pour un maroilles de quatre semaines d'appellation d’origine protégée.

729 - Samedi 03 décembre 2021

 

Leçon de modestie

Il trouvait l'homme moderne pour le moins imprégné de suffisance, voire nettement empli de prétention, pour ne pas dire éhontément boursouflé d'outrecuidance. Le contemporain ne doutait pas être solidement perché à la pointe extrême du haut sommet de la pyramide de l'évolution humaine.

 

Il se considérait complaisamment comme l'ultime et le plus sophistiqué des maillons de cette longue chaîne dont le commencement se situait aux âges obscurs de la lointaine aube de l'humanité naissante. Pour ce présomptueux, l'individu préhistorique n'était qu'un être primitif fruste et velu, plus proche du primate que de l'homme du monde, symbole chic et sophistiqué de notre civilisation raffinée.

 

Certes, nos ancêtres de la préhistoire avaient une existence quelque peu différente de la nôtre et ne connaissaient pas le maroilles. Mais cela, pensait-il, ne nous octroyait pas le droit de nous croire supérieur à eux. Sur certains points, nous leur sommes objectivement inférieurs. Par exemple, essayez donc de peindre des animaux sur les parois des grottes avec une palette graphique ou de faire du feu en frappant l'un contre l'autre deux smartphones.

730- Dimanche 05 décembre 2021

 

Du hasard et de la nécessité

 

L'été pourri avait enfin décidé de décréter une trêve. Pour l'heure, cieux gris, brumes, pluies et froidure, restaient l'arme au pied. Tout en dégustant une glace italienne au maroilles, il profitait de ces clémentes conditions météorologiques pour flâner sous l'ombreuse feuillée de « ce petit chemin qui sent la noisette, qui n'a ni queue ni tête, qui fait trois petits tours dans les bois... ».

Cette pédestre et sylvestre promenade l'incita à la réflexion. Sa méditation l'amena à songer aux recherches hautement scientifiques soutenant que l'impensable complexité de la composition et du fonctionnement de notre univers ne pouvaient être que le fruit d'une succession d'heureux hasards.

Et il a fallu, je ne sais combien de dizaine et dizaine d'années aux astrophysiciens les plus éminents pour en arriver aujourd'hui à cette conclusion, se dit-il, alors qu'il y a beau temps que la sagesse populaire sait que le hasard fait bien les choses.

731 - Samedi 11 décembre 2021

 

Amoureux de la musique

 

Inécroulable muraille de courage cyclopéen et de bravoure monumentale, il ne redoutait pas plus les vilains antipathiques que les xylostomiases post-festives. Il pouvait endurer n'importe quelle douleur physique, sauf celle qui faisait mal. Surdoué de l'intellect, privilégié du sens artistique, il n'en possédait pas moins le biceps olympien, le torse spartiate, l'abdominal mycénien, le mollet athénien. Pourtant, il ne se prenait nullement pour un dieu grec. Sachant humblement demeurer d'une touchante modestie, il considérait, en toute simplicité, n'être rien de plus qu'un demi, dieu grec.

 

Aussi quoi de plus logique à ce qu'il fût le héros, l'idole, la star, de ses hommes. Ce matin, au point du jour, comme tous les matins au point du jour, ils se trouvaient impeccablement alignés pour le rassemblement qui ne pouvait donc qu'être matinal.

 

- « Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

 

- « Merci sergent, repos messieurs. Depuis aussi longtemps que le guerrier existe, il s'est toujours montré un mélomane exigeant. Ainsi par exemple, Gaulois et Romains se rentraient dedans au son mélodieux du bugle et du carnyx. Messieurs, votre réputation de fiers et dignes successeurs ces glorieux ancêtres musicomanes, a depuis longtemps franchi les murs de cette compagnie et l'enceinte de cette caserne. La multitude, tant civile que militaire, se plaît à vous qualifier de subtils passionnés de l'appoggiature et du biniou à coulisse. En conséquence, je ne devrais rencontrer aucune difficulté à trouver parmi vous des volontaires pour accomplir une mission musicale. Je précise qu'ils se verront généreusement gratifiés d'une ration supplémentaire de maroilles. »

 

- « Que ce soit pour renforcer la chorale de la paroisse ou constituer un boys band, nous sommes tous, comme un seul homme et d'un seul bloc, volontaires, mon adjudant. »

 

- « Je n'en attendais pas moins de vous, mes enfants. Sergent, veuillez, s'il vous plaît, désigner les quatre petits privilégiés qui auront la chance de pouvoir monter le Bösendorfer du colonel jusqu'au bureau de ce dernier, sis au sixième étage de l'état-major.»

732 - Dimanche 12 décembre 2021

 

La marche inexorable du progrès

Les savants, les scientifiques et leurs pareils sont des êtres aussi délicieux que merveilleux, affirmait-il, avec une conviction ne laissant aucune place au doute. Ce sont de superbes personnes débordant de raison pure et bardées de facultés intellectuelles scintillantes, disait-il, la voix tremblante d'émotion.

 

Ils observent, scrutent, sondent, passionnément, notre monde. Ils explorent sans relâche les contrées inexplorées de l'infiniment minuscule, de l'immensément vaste. Ils relèvent le défi des insondables mystères de l'univers et du maroilles. Leurs esprits supérieurs se trouvent toujours en éveil. Et c'est ainsi que naissent les géniales intnuitions d'où éclosent de miraculeuses découvertes.

 

Il ne pouvait souffrir ceux qui n'accordaient pas une confiance aveugle aux serviteurs de la science. A la face de ces passéistes, de ces obscurantistes, de ces rétrogrates, de ces soupçonneux, il proclamait, avec colère, que seul le génie des chercheurs a permis d'offrir à l'humanité le parachute pour bouchon de champagne et le gratteur de mollet, sans lesquels il n'est pas de bonheur possible pour l'homme moderne.

733 - Samedi 11 décembre 2021

 

Question d'ambiance

Paul-Emilien avait invité chez lui son ami Edouard-Pierrick. A la fin du souper, après le maroilles, le dessert, le petit coup de genièvre qui va bien, ils se levèrent de table pour se rendre dans leur chambre respective. Avant d'y pénétrer, Paul-Emilien souhaita une bonne nuit et de beaux rêves à Edouard-Pierrick. Ce dernier répondit à voix base :

- « Paul-Emilien, ta maison est une ancienne et vénérable demeure et comme toutes les anciennes et vénérables demeures, ses parquets grincent horriblement, elle regorge de recoins sombres fort inquiétants, son éclairage aux chandelles créent sur les murs de très effrayantes ombres fantomatiques. »

 

- « Ah, bon... »

 

- « De ce fait, il y règne une atmosphère générale franchement angoissante. »

 

- « Ah, bon... »

 

- « De plus, dehors, la nuit est d'une funèbre obscurité, avec un ciel vide de lune et d'étoiles. Entre deux lugubres mugissements du vent, on entend se répercuter le glaçant écho du macabre hululement d'un hibou démoniaque, certainement venu des enfers dans un sinistre sépulcral bruissement d'ailes. »

 

- « C'est pas faux. »

 

- « Et malgré tout cela, toi, Paul-Emilien, tu oses me souhaiter une bonne nuit et de beaux rêves ! »

735 - Samedi 25 décembre 2021

 

Chef de chorale


Sa sculptuturale plastique kingkonguesque s'harmonisait délicieusement avec son émouvant charme romantique. La sophistication achevée de son puissant goût pour les choses de l'esprit ne connaissait d'égal que l'élégante distinction de son goût raffiné pour le maroilles. Il représentait l'exemple accompli, le modèle absolu, l'idéal intégral, du mens sana in corpore sano. Eux, disaient plus simplement de lui qu'il était du genre bien bâti, façon colosse grand format, que question intelligence, il n'avait pas laissé sa part aux chiens et avait même sacrément reprit du rab. Ils l'admiraient éperdument, le respectaient révérencieusement. Comme les Rois Mages en Galilée suivaient des yeux l'étoile du Berger, comme Christophe Colomb et ses trois caravelles ont suivi le soleil avec obstination, où il irait, ils iraient, fidèles comme une ombre, fidèles comme Sheila, jusqu'à destination. Aussi ressentaient-ils une indicible impatience à attendre sa venue en ces premières heures de cette triste, froide, brumeuse, neigeuse, mais néanmoins, belle matinée.

 

- « Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

 

- « Merci sergent, repos messieurs. Messieurs, connaissant le niveau formidablement exceptionnel de votre clairvoyante sagacité, je ne doute pas que vous ayez remarqué ce je ne sais quoi de pèrenoëllesque qui flotte actuellement dans l'atmosphère. Sachez qu'il s'agit là du signe avant-coureur annonçant l'imminence de l'annuel et traditionnel retour du premier jour des fêtes de fin d'année. Afin de nous y préparer tant dignement que joyeusement, nous allons répéter le chant imprimé sur la feuille qui vous a été distribué, bien qu'elles soient gelées, en mains propres. Attention, je donne le ton, trois, quatre : Léon ! Léon ! Léon ! »

 

- « Euh... Excusez-moi d'intérrompre aussi brutalement votre lyrique envolée dont nos oreilles se ravissaient, mon adjudant, mais, si je peux me permettre, il semble que vous ne lutes pas correctement et dans le bon sens les trois paroles que vous venez de si magnifiquement interpréter. »

 

- « Je vous remercie, chef. Voyons cela. Si je prends en compte vos observations, cela nous donnerait donc : Noël, Noël, Noël. »

736 - Dimanche 26 décembre 2021

 

Rien à voir avec la valse

 

- « Cher Gontran Haloéopinseck, manucure/toiletteur d'hippopotame de compagnie, à Eswars, vous ne tergiversâtes pas lorsqu'il vous fallut délaisser temporairement, grattoirs, tondeuses, séchoirs, brosses, ciseaux, limes, coupe ongles, polissoirs, stylos repousse cuticules, vernis, dissolvants et maroilles, afin de vous en venir affablement conférer avec nous d'un sujet, dont vous ne me dîtes rien, mais qui me passionne déjà tant je suis convaincu de son captivant intérêt1. Aussi, Gontran, allez y, conférer, conférer, sans peur et sans reproche. »

 

- « Monsieur Nervien, saviez-vous qu'une ville européenne abrite en son sein une pyramide ? »

 

- « Coquefredouille ! Que me bayez-vous là, sans crier gare, distingué Gontran ? »

 

- « Vous connaissez Vienne ? »

 

- « Alors, Vienne : capitale et plus grande ville de l'Autriche, située dans l'est du pays, traversée par le Danube, 1,9 million d'habitants, prin... »

 

« Vous me voyez profondément contrits de présentement vous couper la parole, mais je voulais parler de Vienne, en France, dans le département de l'Isère. »

 

- « Ah, oui ! Vienne, Vienne près de Saint-Roman-en-Galle, Vienne où en 1311, le pape Clément V et ses cardinaux tinrent, en la primatiale Saint-Maurice, le concile qui prononça, non pas la condamnation, mais la dissolution de l'ordre des Templiers. »

 

- « Précisément... Cette Vienne là... Des récits remontant au Moyen-Age, expliquent qu'après la mort du Christ, l'empereur romain Galligula exila Ponce Pilate, en Gaule, à Vienne. Ponce ne supporta cette relégation et se suicida en se jetant dans le Rhône. Il fut inhumé à Vienne même et l'on édifia une pyramide sur sa tombe. »

 

- « Quelle fa-bu-leu-se histoire ! »

 

- « Fabuleuse, certes, mais peu conforme à la réalité. Tout d'abord, cette fameuse pyramide n'en est pas une. En fait, il s'agit d'un obélisque de forme pyramidale, d'une hauteur de 15,50 m, reposant sur un tétrapyle de 7,45m de haut. De plus, il n'a rien à voir avec un quelconque monument funéraire. Ce monument est l'ultime vestige de l'hippodrome de l'antique Vienna. Quant à Pilate, il n'existe aucun élément matériel prouvant qu'il n'ait jamais posé la semelle de ses caligæ à Vienne. »

 

- « Voyez-vous, mon cher Gontran, je me demande si parfois la vérité historique ne devrait pas fiche la paix aux légendes.»

 

1: Je m'entraîne pour le concours de la plus longue phrase en apnée                                                                                                                  NERVIEn

737 – Samedi 01 janvier 2022

 

 

Après mûre réflexion

 

Comme chaque soir, depuis qu'il ne se trouvait plus soumis à l'injonction parentale d'aller se coucher tôt parce que demain il y a école, il regardait la télévision, assis dans son fauteuil en fibre d'ananas du Caaguazú, avec une assiette de maroilles sur les genoux. Mais aujourd'hui, quelque chose troublait le confort de cette rituelle routine télévisuello-vespérale. Pour la première fois de sa très longue carrière de spectateur accroc, il ressentait le perturbant besoin de réfléchir sur ce que lui donnait à voir l'écran de son téléviseur.

 

En y songeant sérieusement, il lui semblait que plus le nombre de chaînes devenait pléthorique, moins il y trouvait son bonheur. Poursuivant plus avant sa réflexion, il parvint à la conclusion suivante. La chose allait de soi. A y regarder de plus près, s'il soustrayait de l'ensemble des programmes télévisuels actuels les multitudes de daubes et les monceaux de pubs, il restait au total moins d'émissions dignes d'intérêt qu'aux temps anciens où il n'existait qu'une seule chaîne.

 

Il prit alors la décision de fermer définitivement son téléviseur et de le remplacer par la radio. Mais dès le lendemain. il ressentit le perturbant besoin de réfléchir sur ce que lui donnait à entendre son transistor. En y songeant sérieusement, il lui semblait que s'il soustrayait de l'ensemble des programmes radiodiffusés actuels les multitudes de daubes et les monceaux de pubs, il restait au total moins d'émissions dignes d'intérêt qu'aux temps anciens où il n'existait que peu de chaîne.

 

Il prit alors la décision de ne plus réfléchir sur ce que lui donnait à voir l'écran de son téléviseur et sur ce que lui donnait à entendre son transistor.

38 – Dimanche 02 janvier 2022

 

« Tu t'en vas »

 

- « Vous vous en allez. » 

- « Et dans mon cœur, non ce n'est rien
Que quelques jours à s'attendre. »

- « Vous vous en allez. » 

- « Mes joies, mes rêves sont pour vous
Impossible de vous y méprendre. »

- « Vous vous en allez. »

- « Mais notre amitié nous appartient
Nul ne saurait nous le reprendre.

- « Vous vous en allez. »

- « L'éloignement aide parfois
À mieux s'estimer, mieux se comprendre. »

- « Vous vous en allez
Comme un soleil qui disparaît
Comme un été, comme un dimanche
Nous avons peur de l'hiver et du froid
Nous avons peur du vide, de l'absence
Vous vous en allez
Et les oiseaux ne chantent plus
Le monde n'est qu'indifférence
Nous avons peur de vous, nous avons peur de nous
Nous avons peur que vienne le silence
Vous vous en allez. »

- « Et dans mon cœur ce n'est rien
Rien qu'un départ sans importance. »

- « Vous vous en allez. »

- « Ce n'est les gars, vous le savez bien
Qu'un caprice de l'existence. »

- « Vous vous en allez. »

- « Le temps, l'espace ne sont rien
Si vous me gardez votre confiance.»

- « Vous vous en allez. »

- « Chaque matin qui vient vous le savez
Pour tant de section tout recommence.»

- « Vous vous en allez
Nous restons là seuls et perdus
Comme aux pires heures de l'enfance
Nous avons peur de l'hiver et du froid
Nous avons peur du vide, de l'absence
Vous vous en allez
Soudain pour nous tout s'assombrit
Le monde n'est qu'incohérence
Nous avons peur de vous, nous avons peur de nous
Nous avons peur que vienne le silence. »

- « Non, mais mon p'tit Barrière, je pars juste chez ma Môman et mon Pôpa, juste le temps de leur souhaiter une bonne année et une bonne santé, de manger un morceau de maroilles et hop ! je suis de retour. Bon, sergent Cordier, mouchoir pour tout le monde et faites rompre les rangs. »

- « Snif, à bos ordes, bon abjubant. »

http s://www.youtube.com/watch?v=r0vb8Vx3qX8

739 - Samedi 08 janvier 2022

 

Suffit pas toujours d'avoir la vocation

Il n'aspirait rien tant que de se confronter au danger. Il n'existait pas d'acte intrépide dont il ne rêvât, de péril auquel il ne souhaitât s'exposer. Il se voulait d'une audace sans faille, d'une bravoure inflexible.

Il espérait qu'il existât encore au-delà de l'horizon de brutales contrées imaroillée1 où il pourrait chevaleresquement porter secours à la veuve et à l'orpheline. Le veuf et l'orphelin lui paraissait moins en urgente nécessité de bénéficier d'un appui défensif de sa part, en particulier s'ils mesuraient un bon mètre quatre-vingt-dix, étaient bardés de deux-cent livres de muscles en parfait état de marche et équipé d'une mitrailleuse de 12,7.

Bref, il ne possédait pas de plus cher désir que de se conduire en valeureux. Pour ce faire, il avait étudié avec autant de passion que de sérieux tous les manuels, tous les modes d'emploi, se rapportant à l'apprentissage et la mise ne oeuvre de l'héroïsme. La seule chose qui l'empêchât encore et toujours de véritablement devenir un brave, résidait dans le fait que passer de la théorie à la pratique ne lui semblait pas très prudent.

1- Imaroillé (féminin: imoirallée) : sans maroille - Exemple : une bêtise de Nervien imoirallée - Au figuré : sauvage, non civilisé, obscurantiste

740 - Dimanche 08 janvier 2022

 

Logique implacable

Auréolé de rigueur scientifique, nimbé de principes mathématiques, il se voulait inébranlablement attaché aux valeurs les plus pures du rationalisme sans compromis. En autres conséquences, il en découlait qu'il ne supportait point les esprits incohérents, individuellement et dans leur ensemble.

La seule pensée qu'ils puissent exister l'horripilait à lui en faire avaler son maroilles de travers. Endurer stoïquement leur seule présence se situait bien au-delà de ses forces tant morales que physiques. Ils le plongeaient dans un inconfort intellectuel proprement insupportable. Il ne faisait assurément pas partie des partisans de la peine capitale, loin sans faut, cependant il ne se montrait pas foncièrement opposé à son rétablissement, pour peu qu'elle permît de débarrasser la société de l'agaçant fléau des amoindris de la jugeote.

A ceux qui le qualifiaient d'excessif, il répondait qu'il ne voyait pas par quel miracle on pouvait objectivement éprouver la moindre once de sympathie pour des gens qui ne se montraient pas même fichus de comprendre le bien fondé évident, pour ne pas dire éclatant, du raisonnement économique suivant.

Ce qui est rare, est cher. Cette constante est connue et admises de tous. Un kilo d'or bon marché est chose rare, donc si un kilo d'or bon marché est rare, il est absolument logique qu'un kilo d'or bon marché soit cher. Voilà, CQFD et sic gloria mundi !

741 - Samedi 15 janvier 2022

 

Histoire de l'évolution

 

Profondément satisfait et heureux de rentrer chez lui avec dans son cabas un beau maroilles tout frais, il pensait que l'esprit humain était chose aussi admirable que passionnante. Il ignorait qui avait eu l'idée géniale de d'inventer cette intallation. Mais que ne devions-nous pas à ce remarquable génie demeuré anonyme jusqu'à ce jour. Quelle destinée aurions-nous connu sans sa fantastique intuition ?

 

Avant lui, aucun particulier n'avait, semble-t-il, éprouvé le besoin de faire usage à des fins d'abstractions, du dispositif cérébral installé dans sa boîte crânienne. Le préhistorique se contentait de le solliciter pour des problèmes sommairement concrets. Par exemple, ils s'intéressaient à des trucs comme comment optimiser l'effet contondant de la massue pour lui permettre d'éclater le plus efficacement possible la tronche aux grosses bêbêtes sauvages, aux gars louches ou aux compagnes féministes n'appréciant que modérément d'être traînée par les cheveux.

 

Pour sa part, ce remarquable génie demeuré anonyme élargit le champ d'action de l'activité cérébrale de telle sorte qu'elle décupla ses capacités créatives. Ainsi par exemple : une pomme de terre, une caravane et hop ! L'homme eut l'idée d'inventer la baraque à frites.

742 - Dimanche 16 janvier 2022

 

Pour les mecs, les vrais

 

Parmi les vertus éminemment respectables, il estimait qu'il n'en existait pas de plus honorables que la virilité et son corolaire, courage. La virilité dans chacun de ses aspects : physique, mentale, morale, sportive et poétique, forçait son admiration. Le courage sous toutes ses formes : physique, mentale, morale, sportive et poétique, appelait son respect, corolairement parlant.

 

Il considérait que ces deux attributs étaient intrinsèquement et exclusivement propres au genre masculin. Tout mâle digne de ce nom et fier de l'être, s'en trouvant dépouillé était comme « une bête qui n'a qu'un oeil, un oiseau sans plumage, une forêt sans écureuil », un bon repas sans maroilles.

 

S'il lui arrivait parfois de reconnaître, du bout des lèvres, que la gent féminine pouvait, à l'occasion, se montrer capable de courage, par contre question virilité, quoi qu'elle en dise, elle ne possédait pas le niveau. Voilà pourquoi, il pensait qu'il se trouvait légitimement et objectivement en droit d'affirmer que les femmes n'avaient pas leur place dans les clubs masculins de broderie au point de croix.

 

Commentaire

Madame et chère présidente de l'Association Féminisme et Poliorcétique, je tiens à porter à votre connaissance que je ne saurais être tenu pour responsable des scandaleux propos machistes tenus ci-dessus par un misérable individu dont je vous assure tout ignorer.

Nervien

743 - Samedi 22 janvier 2022

 

Guerre des étoiles

 

De l'aube au crépuscule et du crépuscule à l'aube, tout au long de l'année, même les jours fériés, partout où il passe, il représente le rêve, l'espoir, il apporte la joie, la félicité, il fait l'objet de mille et une louanges, de deux mille et deux éloges. Il est synomyme de lumière rassurante dans l'obscurité épaisse de la nuit, d'ombre bienfaisante contre les rayons brûlants du soleil. Cette aura incomparable, cette plastique parfaite, ce regard bleu horizon, ces cheveux soyeux, ne doivent rien au hasard. Ils découlent d'un régime draconien quotidien : chaque matin, avant l'heure où chante le coq, il découpe en tranches épaisses un pain de quinze cent pourpour se faire d'épaisses tartines de maroilles, qu'il mange en les trempant dans un grand bol de genièvre. Ils savent que nul plus que lui n'est digne de leur admiration.

 

- « Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

 

- « Merci sergent, repos messieurs. Messieurs, le progrès que l'on n'arrête pas comme ça, se prépare à allègrement franchir d'un pas triomphant une merveilleuse nouvelle étape qui permettra à l'Humanité de savourer un incroyable bonheur inédit, à savoir les jouissives joies de la guerre dans l'espace.

 

Bon, me direz-vous, a priori, en tant que fantassins, nous ne sommes pas concernés par ce truc. En principe, les deux éléments de base de notre spécialité sont la ranger et la Terre, la seconde devant toujours se trouver au-dessous de la première pour que la permière puisse se poser sur la seconde. Certes, mais cela ne doit pas nous empêcher de laisser libre cours à notre curiosité intellectuelle toujours en éveil. Des hommes avec une ouverture d'esprit telle que la nôtre, ne peuvent que faire preuve d'un réel et vif intérêt pour les moyens d'avenir qui offriront la séduisante possibilité de s'occire dans le cosmos.

 

Et là, forcément, vous pensez au fracas et éclairs colorés des lasers laser fusant à tout va, comme dans Starwar. Sauf que dans l'espace, mes chers enfants, un laser devient totalement invisible et ne produit pas le moindre bruit. De plus, il possède une facheuse tendance à perdre rapidement de son efficacité avec l'augmentation de la portée. En vérité, pour un appareil de combat spatial, la projection d'un modeste caillou, du fait de l'effet de l'énergie cinétique, se révèlerait bien plus mortelle qu'un rayon laser. Questions, problèmes, etats d'âmes ? »

 

- « Oui, si vous le permettez, mon adjudant. »

 

- « Je t'écoute, caporal. »

 

- « Tout ceci, mon adjudant, tendrait donc à montrer qu'avec les combats dans l'espace, l'arme de l'avenir sera, en l'occurence, le lance-pierre. »

744 – Dimanche 23 janvier 2022

 

En hommage aux frères Bogdanov

- « Je n'ai pas fini mon maroilles afin de répondre sans retard à ton appel pressant. Mais comment ce fait-il qu'il t'est soudain venu le besoin de me convoquer pour nous promener côte à côte, en silence sur les bords du canal, ainsi que nous le fîmes il y a un peu moins de six ans1. Comme alors, l'eau est si calme qu'elle semble avoir été transformée en un long miroir par le coup de baguette magique d'une fée et dans le lointain, en arrière de la berge. Le village et son clocher d'ardoises noires se dessine toujours paisiblement entre le vert tendre d'un rideau d'arbres et le bleu lumineux du ciel, tandis qu'une péniche glisse sans hâte vers un port que nous ne saurons jamais. »

- « Te souviens-t-il de la teneur l'échange verbal que nous eûmes en ce temps-là ? »

 

- « Si ma mémoire ne me trahit pas, tu me livras une réflexion personnelle d'une telle vertigineuse puissance qu'aujourd'hui encore j'en demeure profondément ébranlé. Dépassant de très loin les capacités de cogitation du simple mortel, tu t'étais rendu compte que plus il y avait de gruyère, plus il y avait de trous, mais que, forcément, plus il y avait de trous moins il y avait de gruyère. »

 

- « Oui, et bien figure-toi que je viens d'apprendre que dans le gruyère suisse, il n'y a pas de trous. »

 

1 : bêtise 181 du dimanche 24 juillet 2016

 

745 - Samedi 29 janvier 2022

 

Monsieur Le Prince

- « Monsieur Faramond Pintadoporteau est l'heureux dirigeant d'une petite entreprise familiale de production et de vente par correspondance de nitroglycérine en boîte. Humaniste distingué en diable, il n'a pas fait montre de l'ombre d'une hésitation lorsqu'il fallut sacrifier de son précieux temps pour s'en venir nous redonner la souvenance de l'un de ces trop nombreux personnages que l'inconstance de la mémoire humaine jettent dans les sombres profondeurs des oubliettes de l'Histoire. Faramond c'est donc avec, ô combien, une respectueuse considération que nous vous invitons bien volontiers à redonner. »

- « Très cher Nervien, entre deux consommations de maroilles, ne vous a-t-il été jamais donné d'entendre parler de Louis Aimé Augustin Le Prince ? »

- « Je n'ai jamais eu cet honneur, que ce soit entre deux, pendant ou hors, consommation de maroilles. Il est inconnu au bataillon, comme dirais mon adjudant. »

- « Alors permettez-moi de vous conter sa singulière destinée.

- « Verriez-vous un quelconque inconvénient à ce que nous agrémentions le cours de votre récit d'une dégustation impromptue de maroilles ? »

- « Certes pas ! Or donc, Louis Aimé Augustin Le Prince est né le 28 août 1841, à Metz. Le 16 semptembre 1890, il prend en gare de Dijon l’express de 14 h 37,  à destination de Paris. »

- « Ne le prenez pas en mauvaise part, Faramond, mais je ne vois là rien qui ne soit d'un fol intérêt, d'une délirante originalité et encore moins qui ressemble de près ou de loin à un palpitant évènement historique.»

- « Veuillez me faire la grâce d'écouter la suite. A l'arrivée du train dans la capitale,au-cu-ne tra-ce de Louis Aimé et de ses bagages. L’affaire possède un caractère tellement mystérieux que Scotland Yard s'y intéresse. Malgré l'enquête qui est menée, cette énigme reste inexpliquée. Cependant, la famille de Louis Aimé à son idée sur cette disparition. Elle serait liée au fait que Louis Aimé Augustin Le Prince est l'inventeur de ... Allez, devinez un peu donc de quoi. »

- « Ma foi... Je n'en sais trop rien... Peut-être, lui doit-on l'horloge parlante muette, le fer à friser les moustaches à pédales, ou alors le vélo à moustaches frisées. »

- « Que nenni, il a fait beaucoup mieux que cela : il est le véritable inventeur du cinématographe. En 1888, sept ans avant les frères Lumière, il réalise ses premiers films. »

- « Quel rapport avec l'étrange disparition ferroviaire du sieur Le Prince ? »

- « Eh bien, La famille de Louis Aimé Augustin est certaine que Thomas Edisson a organisé la disparition de leur parent afin de s'approprier son invention.

- « Non !»

- « Si ! Et ce n'est pas tout. Quelques années plus tard, Adolphe, le fils de Louis Aimé, part à la chasse aux canards. Il est retrouvé sur une plage, tué d’une balle, son fusil à ses côtés. La famille ne croit ni à l'accident, ni au suicide. A nouveau, elle accuse Edisson. Et vous, qu'en pensez-vous ? »

746 – Dimanche 30 janvier 2022


Justicier pétaradant

Alors que gastronomiquement comblé, il quittait le restaurant, dont il avait particulièrement apprécié la qualité du maroilles, il avisa quatre personnages s'approchant de son véhicule automobile. L'allure plutôt suspecte, la mine peu engageante, qu'il leur trouva, ne laissa en lui aucun doute quant à leurs coupables desseins. Ces gens possédaient assurément les bas instincts caractéristiques de ceux qui n'éprouvent aucune vergogne à illégalement s'approprier le bien d'autrui.

 

Ah, mais ça ! Il ne serait pas dit qu'il tolérerait les odieux agissements de ces misérables coupe-jarret, qu'il leur permettrait de mépriser de la sorte et la loi et le respect sacré de la propriété. Plein d'une sainte fureur, il se rua tous poings dehors sur ces sordides individus, en hurlant :

 

- « Montjoie Saint Denis ! Taïaut ! Taïaut ! Forbans ! Scélérats ! Canailles ! Si vous en avez une, recommandez votre âme à Dieu ! »


Les quatre hommes, terrifiés par la vision apocalyptique de cet enragé les chargeant avec des intentions visiblement inamicales. Pour s'en protéger, ils tentèrent de se réfugier à l'abri bien illusoire d'un pas de porte.

- « Alors espèces de rufians ! Bande de crapules ! Tas de fils de p...! On croyait pouvoir tranquillement me délester de ma voiture ! »

 

- « Mais, mais, cette auto est à moi, répondit en tremblant l'un des quatre particuliers. »

C'est alors qu'il se rappela être effectivement venu en bus.

747 - Samedi 05 février 2022


Prestige

- « Vois-tu, déclara-t-il solennellement en curant consciencieusement ses ongles endeuillés avec les dents de sa fourchette, il ne faut pas naïvement croire que ce qui séduit chez le Français réside uniquement dans son haut niveau de culture, son romantisme congénital. Non, ce qui plaît en lui, c'est aussi et surtout son attachement aux bonnes-manières. Les Etrangers du monde entier apprécient, admirent, respectent et, ne nous le cachons pas, envient notre comportement stylé, toujours naturellement empreint d'une incroyable classe. Notre attitude innée de grand prince, les impressionnent. »

Il s'interrompit pour nonchalamment cracher sur la table un reliquat de maroilles qui se trouvait malencontreusement coincé entre deux de ses molaires, puis reprit :

- « On peut nous reprocher beaucoup de choses et même plus, mais question savoir-vivre, nous sommes proprement inataquables, plus blindés qu'un char Leclerc double épaisseur. Et tant que les choses demeureront ainsi, la France conservera ce rayonnement, ce prestige, international, qui lui donnent une place si particulière dans le concert de nations. »

Ne voyant rien d'autre à ajouter sur le sujet, il mit un point final et catégorique à ses propos en se mouchant bruyamment dans ses doigts.

748 – Dimanche 06 février 2022

Entre 4 et 211

Il s'était assis au coin de la cheminée, dans son salon rustique où se mariaient en une belle harmonie briques apparentes et autres matières brutes. L'endroit lui paraissait particulièrement propice à la concrétisation de son projet consistant à gastronomiquent faire un sort à un joli quart de maroilles, tout en feuilletant un hebdomadaire dit de référence.

Tout soudain, un article attira son attention. Le papier en question traitait du résultat des travaux menés par une équipe de scientifiques. A l'origine de leurs recherches se trouvaient les découvertes permettant d'affirmer que notre galaxie héberge, possiblement et gracieusement, 400 milliards d’étoiles, ainsi qu'un nombre de planètes vraisemblablement bien supérieur encore.

La chose les amena à penser qu'il fallait utiliser derechef l'équation1 émise par monsieur Frank Drake, en 1961. Ainsi purent-ils déterminer que, dans notre galaxie, le nombre de civilisations capables de communiquer avec la Terre, se situait entre 4 et 211, 36 étant le nombre le plus plausible.

Donc, se dit-il, on peut en déduire qu'il existerait, au minimum, 4 et, au maximum, 211 populations autres que terrestres. Etonnant, vraiment étonnant... Parce qu'en réalité, il y a dans la galaxie qu'un seul et unique peuple d'Extraterrestres et je sais parfaitement de quoi je parle, puisque je suis l'un d'eux.

1: au cas, bien improbable, où quelqu'un l'aurait oubliée, rappelons l'équation de Frank Drake : N=R∗×fp×ne×fl×fi×fc×L

749 - Samedi 12 février 2022

 

Solution alternative

 

Symbole héroïque à l'esprit d'airain, à la volonté de fer, au muscle d'acier, s'il n'avait été homme, il aurait été un beau char d'assaut. Figure tutélaire aux valeurs vraies, à la probité pure, à la morale authentique, s'il n'avait été adjudant, il aurait été un divin saint.

 

L'heure de sa venue approchant, ils avaient précipitamment terminé leur part de maroilles et étaient sortis en hâte de l'ordinaire. Sur Dupoteau de base, ils s'étaient rassemblés en colonne par six et alignés au coude à coude à droite. Et enfin, il arriva.

 

- « Garde à vous ! Repos ! Garde à vous ! Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

 

- « Merci sergent, repos messieurs. Messieurs. Messieurs, la renommée de votre mythique vaillance et de votre téméraire audace nous ont valu l'honneur que nous échoie une mission démesurément périlleuse. Nous nous voyons généreusement et guérrièrement chargés de prendre un bivouac ennemi et de nous y installer. Problème, question, état d'âmes ? »

 

- « Euh... Si je peux me permettre d'oser vous demander de m'excuser de vous demander ça, mais ça veut dire quoi exactement : " s'y installer ", mon adjudant ? »

 

- « Bonne question Dupanneau et je te remercie de me l'avoir posée. Cela consiste à planter nos tentes. »

 

« Ben, dans ce cas-là, mon adjudant, tant qu'à planter nos tentes, est-ce qu'on n'aurait pas meilleur compte à directement se louer un emplacement au camping de coin ? »

750 - Dimanche 13 février 2022

 

Habakkuk

 

- « Cléophard Mabelpimpolaise, pisteur cantonal assermenté d'aigrettes de pissenlits, à Cauroir, forme le voeux de partager avec nous une rafraîchissante anecdote. Allons, prenez donc un morceau de maroilles Cléophard et partagez, partagez donc. »

- « Versé comme vous l'êtes en la chose historique, vous ne pouvez pas être sans savoir que durant la seconde guerre mondiale, les Britanniques n'apprécièrent que fort modérément la manière dont se déroulaient les rencontres entre les sous-marins allemands et leurs bateaux, dans l'Atlantique.»

 

- « Ma modestie dut-elle en souffrir, je me dois de reconnaître qu'effectivement je ne suis pas sans savoir. »

 

- « Pour régler la question, les responsables de la Navy pensent que la meilleure option consiste à adjoindre aux convois maritimes une protection aérienne. »

 

- « Cela était pour le moins plutôt judicieux. »

 

- « C'est pas faux. Hélas, trois fois hélas, les avions de l'époque possédaient un rayon d'action insufisant pour accompagner les navires d'un bout à l'autre de l'océan. »

 

- « Ah, ça, c'est ballot. »

 

- « Oui, mais, fidèles à eux-mêmes, les Anglais ne baissent pas les bras et en 1942 l'amiral Lord Mountbatten, chef des Opérations Combinées, présente à Churchill le projet Habakkuk. Habacuc1 est un prophète biblique connu pour s'être écrié : " Regardez et soyez saisis d’étonnement et d’épouvante ! Car je vais faire en vos jours une œuvre que vous ne croiriez pas si on la racontait." Et c'est exactement ce à quoi tendait le projet Habakkuk. Jugez-en par vous-même. Il était prévu de construire un porte- avions de 610 mètres de long, de 100 mètres de large, avec une coque de 12 mètres d'épaisseur, un tirant d'eau de 46 mètres, un déplacement de 1 814 300 tonnes. A titre de comparaison, le Charles de Gaulle fait 261,50 mètres de long, 64 mètres de large, posède un tirant d'eau de 9,50 mètres et un déplacement de 42 500 tonnes. »

 

- « Mazette ! »

 

- « Je ne vous le fais pas dire ! Mais attendez, ce n'est pas le plus beau. Ce bâtiment devait être constitué de       280 000 blocs de pykrete, un mélange de pâte de bois et... de glace. Churchill fut complètement emballé par l'idéee. Pourtant, le projet fut abandonné fin 1943, parce qu'à partir de cette date, des avions furent capables de couvrir la route des convois. »

 

- « Dommage... »

 

- « C'est pas faux .»

 

1: l'Amirauté a commis une erreur en orthographiant Habakkuk au lieu d'Habacuc.

 


 

751 - Samedi 19 février 2022

Question d'époque

Assis sur un banc à l'ombre des arbres du jardin public, il savourait son maroilles et une fable de monsieur Jean de La Fontaine :

Le loup et l'agneau

La raison du plus fort est toujours la meilleure,
Nous l'allons montrer tout à l'heure.
Un Agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure.
Un Loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage :
Tu seras châtié de ta témérité.
Sire, répond l'Agneau, que Votre Majesté
Ne se mette pas en colère ;
Mais plutôt qu'elle considère
Que je me vas désaltérant
Dans le courant,
Plus de vingt pas au-dessous d'Elle ;
Et que par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles, reprit cette bête cruelle,
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né ?
Reprit l'Agneau ; je tette encor ma mère
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.
Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens:
Car vous ne m'épargnez guère,

Vous, vos Bergers et vos Chiens.
On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus, au fond des forêts
Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

 

Morale, se dit-il, rien de tout ceci ne serait arrivé si, à l'époque de Louis XIV, il avait existé des loups véganes.
 

751 - Dimanche 20 février 2022

 

Sage décision

 

Par ce froid après-midi d'hiver, il descendait le boulevard Vauban, les mains dans les poches de son long manteau. Il avait l'esprit préoccupé par la conversation qu'il avait eu avec son ami Erbogaste, qui l'avait invité à partager un beau maroilles. Les propos de ce camarade modèle tournaient en boucle dans sa tête. Il le savait de bons conseils et ses paroles ne devaient certainement pas être prises par-dessus la jambe. Au contraire, il fallait les prendre sérieusement en considération, les intégrer intelligemment à une réflexion personnelle objective et profitable.

Erbogaste lui avait aimablement dit :

« Mon bon Bélarmain, chaque jour que Dieu fait, tu te jettes derrière la cravate, une petite vodka avec un petit glaçon au déjeuner, une petite téquila avec un petit glaçon au diner, un petit whsky avec un petit glaçon au goûter et un petit gin avec un petit glaçon au souper. Une telle éthylique routine peut t'apporter la certitude de devenir le grand gagnant. Le grand gagnant de, au choix, une splendide cirrhose, une superbe maladie digestive, une magnifique maladie cardiovasculaire ou une chouette maladie du cerveau, voire les quatre en même temps, avec un peu de chance. »

Une fois de plus, force était de reconnaître que la raison se tenait indubitablement aux côtés du sensé Erbogaste. Je vais fermement m'amender et adopter le comportement irréprochable qui indiscutablement s'impose, se sermonna-t-il. Dès aujourd'hui, je fais le serment solennel et irrévocable d'arrêter ces cochonneries de glaçons.

752- Samedi 26  février 2022

Finalement, on verra ça plus tard

Il ne savait si cela tenait à l'effet revigorant de son maroilles déjeunatoire ou à l'incidence vivifiante de l'air matinier, mais il sentait monter en lui une exaltante énergie. Il lui semblait que dans sa poitrine son coeur battait avec plus de force. Un besoin d'action pétillait dans sa tête, à la chevelure soignée, et chatouillait ses jambes musclées, bronzées et velues.

Il fallait qu'il laisse enfin s'exprimer ses qualités de héros illustre et fascinant. Il fallait qu'il laisse libre cours à ses envies de personnage grandiose sauvagement désireux d'aller au combat avec un courage titanesque, une volonté implacable, une ténacité sans limites. Oui, aujourd'hui, il n'allait rien moins que changer le monde !

Ah... Mais, non.... Non, non, là, aujourd'hui, ce n'était pas possible. Il avait oublié que l'on était dimanche. Et le dimanche, il se rendait à l'église pour suivre la messe. Il ne pouvait absolument pas la manquer, parce qu'il ne se permettait d'être chrétien qu'une fois par semaine.

753 - Dimanche 27 février 2022

Cablé

Il se trouvait totalement dominé par deux folles inclinaisons : l'une pour le maroilles, l'autre pour les câbles. Se prendre de passion pour le Maroilles, la chose est, somme toute, des plus compréhensibles, pour ne pas dire parfaitement normal, mais en ce qui concerne les câbles... Aux perplexes légitimement angoissés par cette étrangeté, il répondait en toute simplicité :

« J'ai longtemps hésité entre le câble et le lance-flammes. Finalement, ma préférence est allée au câble parce que, sans nier les qualités poétiques du lance-flammes, elles m'ont paru moindre que celle du câble. »

 

Aussi qu'elle ne fut pas son allégresse et son exaltation, lorsqu'il apprit incidemment qu'il existait des câbles sous-marins. Il voulut alors tout savoir à leur sujet. Ainsi apprit-il que c'est par eux que passaient la quasi-totalité des télécommunications et flux internet entre les continents, notamment ceux de Google et de Facebook. Cela le mit en un état proche du délire. Il découvrit également qu'une seule entreprise produisait à elle seule la plus grande de part de ces câbles. Lorsqu'il sut qu'elle en avait immergés plus de 650 000 kilomètres, soit plus de quinze fois le tour de la Terre et jusqu'à plus 7000 mètres de profondeur, il faillit positivement tomber en pâmoison.

 

Quelle chance inouïe pour la nation possédant une telle société, pensa-t-il. Grâce à cette dernière, elle tient entre ses délicates et blanches mains le moyen de contrôler, voire de dominer, le trafic des télécommunications mondiales et d'internet. Et là, il reçut le choc de sa vie qui faillit le faire défaillir.

 

En 2016, les branquignoles dirigeant cette nation, aux mains blanches et délicates, ont commis, sans sourciller, la plus extravagante des crétineries : autoriser la vente de cette entreprise exceptionnelle à l'étranger ! Mais c'est pas possible, fulmina-t-il ! Dis-moi carrément pas que c'est pas véritablement vrai ! La France n'a pas fait ça ! Et ben, si.

 755- Dimanche 06 mars 2022

 

Il s'en est fallu de peu pour que
- « Monsieur Alphédar de la Ban de Molle Tière, président de la Société d'Encouragement à l' Elevage du Choux de Bruxelles de Course Gouzeaucourtois, est chaud comme une friteuse de baraque à frites. Mais pourquoi Alphédar se trouve-t-il pris d'une aussi incandescente et intempestive température ? Parce qu'il s'est enflammé à l'idée de nous asséner une brûlante révélation. Nous ne vous laisserons pas plus longtemps vous consummer d'impatience, mon cher la Ban de Molle Tière. Prenez donc un morceau de maroilles et assénez, assénez, tant et plus. »
- « Connaissant l'esprit étincelant dont vous êtes doté, sachant quel puits abyssal de science vous êtes, je n'aurais pas l'impensable insolence de penser que vous puissiez ignorer la décision prise au Xeme siècle par le roi des Francs, Hugues Capet. »
- « Vous voulez parler du fait qu'il fit le choix de quitter Noyon pour installer sa royale personne à Paris ? »
- « Permettez-moi de siffler d'admiration afin d'exprimer mon admiration pour l'étendue et la précision de vos connaissances. S'il n'avait agi de la sorte, Noyon serait devenu la capitale de la France. »
- « Cela parait logique. »
- « Mais ce n'est pas tout. A l'époque, à Noyon, on communiquait le ch'ti. Par conséquent... »
- « Par conséquent ? »
- « Par conséquent, si le père Hugues était demeuré à Noyon, ses royaux descendants se seraient majestueusement exprimé en ch'ti. Ce qui signifie que... »
- « Ce qui signifie que ? »
-« Ce qui signifie que c'est le ch'ti qui aurait été consacré comme langue officielle par ce beau gosse de Francois Ier, l'orsqu'il signa l'ordonnance de Villers-Cotterêts, en 1539. Et aujourd'hui, en France, on parlerait le ch'ti, au lieu du français. »

 756- Samedi 12 mars 2022

Automobilophile distingué

Chacun savait, du moins ceux à qui il échût un jour l'heureux hasard d'avoir l'honneur de le connaître, donc chacun savait sa profonde passion de toujours pour les automobiles austro-hongroises d'avant le Traité de Saint-Germain-en-Laye. Présentement, afin de posséder les moyens financiers nécessaires à l'acquisition d'une müllsack 106 break, il proposait à la vente sa mülleimer 105 décapotable.

Le véhicule en question se caractérisait par une carrosserie recouverte d'une peinture pour murs extérieurs passée au rouleau, d'une couleur tellement improbable qu'elle en était indéfinissable. Il fallait un oeil exercé ou de professionnel pour distinguer sans se tromper l'avant de l'arrière. Ses roues voilées aux pneus pleins plus que fatigués, lui conférait une tenue de route pour le moins hasardeuse. Force fil de fers maintenaient quatre gardes-boue piqués de-ci de-là de ravissants points de rouille. Le bruit de son moteur diésel n'était pas sans rappeler celui de pétards à répétition et le son de son klaxon présentait une étonnante similitude avec le beuglement d'une vache enrouée.

Aussi, ne comprenait-il pas pourquoi une telle occasion ne trouvait pas acquéreur. D'autant plus qu'il consentait des facilités de paiement et offrait en prime un maroilles de première main. Il confia son désarroi à un ami. Celui-ci, lui dit qu'il était persuadé que l'unique raison pour laquelle il ne parvenait pas à vendre son auto, était qu'à cause de l'écologie les gens ne s'intéressaient plus qu'aux modèles électriques.

757 – Dimanche 13 mars 2022

« C'est pas l'homme qui prend la mer, c'est la mer qui prend l'homme »

Quand le matin une bise mutine venait bouleverser le bel ordonancement de sa chevelure soignée, il pensait au grand vent du large qui joue avec les voiles de ces majestueux navires voguant élégamment entre ciel et mer. Il aurait voulu se faire marin et partir à l'aventure dans ces lointains pays où il n'est dautre ordinaire que le merveilleux et la magnificence.

 

Il se voyait virevoletant de mât de misaine en grand mât, de grand mât en mât d'artimon. Il se figurait grimpant lestement par les haubans pour se percher fièrement sur une vergue où sur la grande hune. Il s'imaginait droit dans la tempête, le torse mâlement offert aux gifles des bourasques, un sourire narquois aux lèvres malgré les embruns salés fouettant son visage buriné.

 

Il aurait tant aimé être capitaine, seul maître à bord après Dieu, une sirène tatouée sur le biceps, le brûle gueule à la bouche, avec sur la tête une casquette frappée dune ancre. Bien campé sur ses deux jambes, il aurait ferment tenu la barre du Maroilles, son « fameux trois-mâts, fin comme un oiseau. Hissez haut! Santiano! ».

Mais voilà, un petit détail l'empêchait de passer de son rêve à la réalité. Il possédait si peu le pied marin qu'il attrapait le mal de mer rien qu'en ouvrant une boîte de sardines à l'huile.

 

758 - Samedi 19 mars 2022

Beau geste

Il se hâtait de pédestrement rentrer chez lui, où l'attendait bien sagement un bel et appétissant maroilles. Alors qu'il s'engageait sur le boulevard Michelet, à une dizaine de mètres devant lui, un homme passa du trottoir au volant d'une Deux Chevaux Citroën V12, 9,5l, gris perle.

En soi, le fait n'était pas de nature à particulièrement attirer l'attention. A ceci près, qu'il vit un cylindre tomber d'une des poches du citroënesque conducteur. Avant qu'il eût le temps de héler l'homme pour lui signaler l'incident, ce dernier avait démarré et disparu vers le soleil couchant, tel un poor lonesome cowboy à réaction.

Alors, il s'approcha prestement de l'objet chu au sol et le ramassa. Quel ne fut pas son étonnement de constater qu'il s'agissait d'une épaisse liasse de billets roulés sur eux-mêmes et maintenu par un simple élastique. Ils représentaient une somme confortable, pour ne pas dire considérablement considérable.

Son sang de brave homme ne fit qu'un tour. Sans hésiter, il se rendit au commisariat le plus proche. Les policiers furent impressionnés de se trouver en face d'un citoyen qui poussait si haut le sens de l'honnêteté qu'il rapportait un élastique perdu par un inconnu.

 

759 - Dimanche 20 mars 2022

Dur, dur, d'être Parisien

Parisien de père ne fils, sa lignée remontait au premier des Parisii ayant installé ses pénates sur les berges d'une île de la Seine. Il n'avait jamais retiré une franche satisfaction de ses séjours dans ces territoires incertains qu'il appelait : la province. Il trouvait que les conditions de vie s'y révélaient rudimentaires. Quant aux autochtones, la froideur de leur accueil, leur attitude distante, leurs visages fermés, voire leurs mines dégoûtées, le rebutaient.

A l'évidence, hors des frontières de sa cité, un natif de la capitale française ne jouissait pas vraiment de la considération des populations. On pouvait même dire qu'une fois passé les portes de la Chapelle, d'Auteuil, d'Italie, de Bagnolet et autres, être estampillé 75 entraînait le risque de connaître une certaine impopularité.

Afin d'échapper à ce quasi-ostracisme, il lui sembla que la meilleure des solutions, en fin de compte, consistait à se confondre avec ceux qu'il qualifiait de : provinciaux. Aussi, avant de se rendre en Cambrésis, étudia-t-il «Min tchio quinquin» avec une grande attention et une vraie rigueur scientifique.Il prit également soin d'adopter un régime alimentaire à base de maroilles. Il espérait tirer de cette oeuvre lyrique typique la substantifique moelle qui lui permettrait de se faire passer pour le cousin de Pierre Richard et le petit frère de Didier Super.

Et c'est ainsi que sûr et fier de lui, il mit cap au Nord. Alors qu'il se trouvait depuis plusieurs heures déjà dans la ville de Blériot, il fut soudain pris d'un besoin irrépressible de nouvelles fraîches. Il partit alors en quête d'un kiosque à journaux, que fort heureusement il trouva assez rapidement.

- « Je voudrais La Voix du Nord. »

- « Ah, vous, vous êtes Parisien, pas vrai ? »

- « Mais comment ... »

- « Ben, parce que, ici, c'est une baraque à frites, monsieur. »

760 -Samedi 26 mars 2022

Leçon d'écologie

L'écologie, la préservation de la faune, de la flore, en un mot la sauvegarde de la planète, il était impossible d'ignorer le sujet. Le problème était évoqué quotidiennement par télés, radios et journaux, sans parler d'internet. Tant et si bien qu'il finit par s'intéresser à la question. Si elle se trouvait colportée aussi largement, cela signifiait certainement qu'elle revêtait un certain intérêt, voire une véritable importance.

La sagesse commandait donc de ne pas faire preuve d'indifférence à son égard. L'homme moderne éveillé et responsable se trouvait dans l'impérieuse obligation de se sentir vivement concerné. Maintenant, qu'il en avait pleinement pris conscience, il ne comprenait pas que l'on puisse ne pas vigoureusement agir, ne pas hardiment passer à l'action. L'inertie, l'immobilisme, de la population, l'insupportait pire que ne le faisait un repas sans maroilles.

Pourtant, il n'était pas forcément nécessaire de se lancer dans d'immenses sacrifices. Il suffisait à chacun de consentir à quelque effort qui, au fond, ne représentait que peu de chose, comme réduire le plus possible l'usage de son automobile. Pour cela, rien de plus simple : il suffisait d'emprunter le transport ferroviaire. Ainsi, lui ne tergiversa-t-il pas. Il prit le train. Le train privé dont il fit l'emplette pour à peine 30 millions d'euros. Et ben    voilà ! C'est pas plus compliqué que ça de faire un petit geste pour l'environnement !

761- Dimanche 27 mars 2022

Fraternité

Arbogaste écoutait son ami Alexinias, grand amateur de maroilles, lui confier son profond désenchantement. Le monde comme il allait le désespérait douloureusement. Il le trouvait de plus en plus décourageant. Derrière une façade dégoulinante de bons sentiments, il cachait son véritable visage, celui d'une société inhumaine s'enfermant un peu plus chaque jour dans un individualisme crasse.

Le sens de la solidarité faisait désormais partie d'un passé qu'il ne fallait surtout pas rappeler. La règle du chacun pour soi et Dieu pour moi avait été patiemment et sournoisement insinué dans les esprits. Il en avait d'ailleurs fait l'amère expérience pas plus tard qu'hier. Il avait sollicité auprès de son cousin un prêt à court terme de vingt euros. Cette pourriture putride lui avait refusé.

- « Toi, Arbogaste, je suis sûr que tu serais incapable d'agir de la sorte si je te demandais de m'avancer de l'argent, car tu sais que l'amitié n'a pas de prix. »

- « Je dirais plutôt, qu'à vingt euros, le coût en reste raisonnable.»

762 - Samedi 02 avril 2022

Devin

Ils se trouvaient au coeur d'une ville qu'ils ne connaissaient que de nom, dans un coin du pays dont ils savaient si peu qu'il leur paraissait étranger. Mais leur envie de maroilles était si démentiellement forte qu'ils en oublièrent toute circonspection, toute prudence. Ils partirent à l'aventure, se lançant dans l'inconnu, sans carte, sans boussole, sans azimut, mais avec le fol espoir de trouver une crémerie.

L'expédition se présentait sous un jour d'autant plus hasardeux et dangereux que la nuit s'approchait à grands pas. L'écho de leurs pas résonnait de proche en proche et sous le halo brumeux des lampadaires leurs ombres mouvantes se dessinaient sur les murs de briques aux fenêtres masquées par de lourds volets de bois. Ils marchèrent longuement, parcourant avenues, rues et ruelles, à ne plus en savoir le nombre. Tant et si bien qu'à la fin ils se perdirent. Heureusement, le destin miséricordieux se pencha avec bienveillance sur leur embarrassante situation. Elle amena un quidam à croiser leur errance. Ils l'interpelèrent espoir et politesse.

- « Bonsoir, monsieur, pourriez-vous, s'il vous plaît, nous indiquer où nous nous trouvons ? »

L'homme prit un long moment de réflexion avant de répondre.

- « Vous vous situez sur un trottoir. »

Et, sans plus de façon, il les planta là, sans ajouter un mot de plus.

- « Nous avons joué de malchance. Cet intéressant individu travaille dans un cabinet de conseil. »

- « Qu'est-ce qui te permet de te montrer aussi affirmatif à propos de cet anonyme accompli ? »

- « Eh bien, un particulier qui prend autant de temps pour te sortir avec un bel air supérieur quelque chose qui ne sert à rien ... Et encore, on a eu de la chance qu'il ne nous ait pas présenté de facture. »

 

763 - Dimanche 03 avril 2022

Histoire de famille

Amis de longue date, rien ne semblait plus exister autour d'eux, tant ils se trouvaient accaparés par leur discussion, dont le sujet semblait paraître assez ardu à l'un d'eux.

- « Ecoute-moi une petite minute, avec un peu d'attention. La situation n'est pas aussi compliquée que tu parais le penser. Au contraire, elle revêt un caractère que je qualifierais de simplissime. Donc, j'ai épousé une femme adorable plus âgée que moi. Elle a une fille que mon père, follement amoureux, a épousé. De ce fait, je suis tout naturellement devenu le beau-père de mon père, lui mon gendre et j'ai comme belle-mère ma belle-fille.

Ma conjointe et moi-même sommes parents d'un fils. Ce dernier est par conséquent le demi-frère de la femme de mon père, tout en étant le beau-frère de mon père et mon oncle, puisqu'il est le demi-frère de ma belle-mère. De l'union de mon père et de ma belle-fille est née une fille. Elle est ma soeur, attendu qu'elle est la fille de mon père, mais elle est aussi ma petite-fille, étant donné qu'elle est la fille de mon épouse. Ou si tu préfères, je suis le frère de ma petite-fille.

Voilà, je ne connais pas de situation généalogico-familiale plus limpide que la mienne. A présent, je pense qu'il ne doit plus exister dans ton esprit de confusion et que tout est d'une clarté cristalline.

Tu m'as l'air un peu sonné... Tu veux un morceau de maroilles ? »

- « Oui, bien volontiers, mais rassure-moi. Ton maroilles, il n'a aucun lien de parenté avec ta famille ? »

764 - Samedi 09 avril 2022

 

Touche pas à mon Histoire

 

Il s'était étranglé avec son maroilles en entendant, une fois de plus, un de ces médiacenaires traiter d'Histoire, alors qu'ils ne connaissent rien à la chose. En ce domaine, comme en bien d'autres, ces tristes échantillons de la race humaine ne possédaient pour toutes compétences qu'un salmigondis d'idées reçues, de lieux communs, de certitudes creuses et la haute idée qu'ils ont d'eux-

mêmes.

 

Pour l'heure, le fanfaronesque bavard qui lui avait meurtri les oreilles, parlait d'Histoire du futur et affirmait qu'il n'existait de véritable Histoire que d'Histoire finie. A l'évidence, cette pesante andouille, ignorait crassement le sens du terme oxymore et la définition d'Histoire.

 

L'Histoire est une Science Humaine se consacrant à la recherche, à la connaissance, à l'étude, à l'explication et à la narration, du passé ; DU-PA-SSE, sombre benêt ! Quant à l'Histoire finie... L'Histoire ne peut posséder de caractère définitif. Elle demeure intrinsèquement dépendante des découvertes de témoignages, de vestiges, des temps passés, qui l'obligent à se remettre régulièrement en question. Se remettre en question, certains devraient... Mais ne rêvons pas, pensa-t-il.

 

765 – Dimanche 10 avril 2022

 

kolossaler witz

 

- « Yvonniasse Choucrougnat, chiropracteur agricole, spécialisé dans le traitement de l'eibohphobie urticante, habitant Avesne les Aubert, serait fort aise de détruire une légende toujours fortement ancrée dans l'esprit des néophytes abusés par le colportage de vieux poncifs éculés. Yvoniasse tant que votre âme reste pure et vos intentions se veulent angéliques, détruisez, détruisez à fond les ballons. »

 

- « Je vous en suis bougrement reconnaissant. La blitzkrieg, ou guerre éclair en bon français bien de chez nous, est une doctrine opérationnelle reposant sur l'action combinée et concentrée de blindés et de l'aviation pour briser le front afin d'effectuer, avec l'infanterie, l'encerclement puis l'anéantissement de l'adversaire. Mais, je suis épuisé, exténué, éreinté, d'ouïr ça ! Je n'en peux plus, je n'en peux plus, mais vraiment plus ! Il n'a pas plus existé de doctrine de la blitzkrieg que de maroilles à bretelles. A aucun moment, rien de tel n'a jamais été théorisée par les stratèges allemands, qui par ailleurs n'usèrent jamais de ce terme. »

 

- « Mais comment cela est-il Dieu possible ? J'irais même jusqu'à dire, comment cela est-il Gott possible ? »

 

- « En réalité, la seule et véritable stratégie des Allemands consista à simplement mener des offensives à outrance et à exploiter les inexplicables impérities de l'état- major français. Mais là, c'est une autre histoire. »

 

- « Mais pourquoi faire ce périlleux choix de l'attaque sans borne, ni trêve ? »

 

- « Le but des nazis était d'obtenir la victoire le plus rapidement possible, parce qu'ils savaient que leurs réserves de pétrole et de matières premières ne leur permettaient pas de livrer une guerre au-delà de quelques mois. J'en profite pour ajouter à tout cela que l'armée d'Outre-Rhin était à 70% hippomobile et que ses chars ne se trouvaient pas en plus grand nombre que ceux de l'Armée française. De plus, ils leur étaient techniquement très inférieurs. »

 

 - « Mon cher Yvonniasse, il fallait en effet que tout cela soit dit. Sinon, que pensez-vous de la volonté actuelle de l'Allemagne de se doter d'une force militaire supérieure à celle de la France ?»

 

766 - Samedi 16 avril 2022

 

Réponse du berger à la bergère

 

Les rayons du soleil illuminaient d'une douce lumière la légère brume matinale qui enveloppait la fromagerie où Zénoride et Alphédius s'affairaient. Sachant combien l'opération revêtait un caractère primordial, pour ne pas dire sacré, ils veillaient très scrupuleusement et très précisément à la quantité du caillé de maroilles qu'ils mettaient en moules. Tout en effectuant minutieusement leur tâche, ils papotaient plaisamment de choses et d'autres.

 

- « Alphédius, sais-tu qu'un jour compara l'industrie informatique à celle de l'automobile ? »

 

- « Voudrais-tu, s'il te plaît, précisez davantage ton propos, Zénorid. »

 

- « Il affirma que si General Motors avait innové autant que le fit Microsoft, alors les voitures coûteraient 25$ (22,97€) seulement et ne consommeraient un quart de litre aux 100 kilomètres. »

 

- « Certes, mon bon Zénoride, mais connais-tu ce qui lui fut répliqué ? »

 

- « Nenni, Alphédius, mon ami »

 

- « Alors, écoute plutôt ceci. »

 

- « Furieusement captivé, j'ouïe »

 

- « Ainsi donc, en substance et en résumé, voici la réponse apportée et signée par le patron de General Motors, en personne. Si la fabrication des automobiles se faisait à l'identique des logiciels Microsoft, celles-ci connaitraient des pannes incompréhensibles deux fois par jour. Elles caleraient sans raison, vous obligeant à redémarrer. Sans savoir pourquoi, une manoeuvre habituelle pourrait causer l'arrêt du véhicule et entrainer le remplacement complet de son moteur. Si par malchance une collision survenait, un message demanderait : voulez-vous vraiment déclencher l'airbag ? Et à chaque nouveau modèle, les acquéreurs devraient réapprendre à conduire, parce que toutes les commandes, du volant au klaxon, auraient changé d'emplacement et de fonction. »

 

- « C'est pas faux et pour aller dans le sens de monsieur le patron de General Motors, je dirais que si monsieur Bill Gates s'était lancé dans l'industrie aéronotique, nous aurions dû prendre soin de toujours sortir muni d'un solide parapluie, parce qu'il aurait plu des avions tous les jours. »

 

767 - Dimanche 17 avril 2022

 

On est certain d'un truc et puis finalement...

 

Il resta les yeux écarquillés, la bouche bée, la mimine en l'air tenant délicatement un morceau de maroilles. Il n'en revenait absolument pas. Jamais il n'avait réprouvé un si cataclysmique étonnement. Il n'était plus que stupéfaction et ahurissement. Il venait de lire que l'univers ne serait peut-être pas ce que l'on croyait.

 

Il reprit sur la table la revue dans laquelle il venait de lire cette incroyable information. Il l'a relue, l'a rerelue, l'a rererelue, encore. Jusqu'ici, le monde scientifique et lui-même admettaient que l'univers était plat et illimité. Il avait énormément de difficulté à se représenter la chose. Pour tout dire, en fait, avec la meilleure volonté du monde, il n'y parvenait pas, mais il admettait.

 

Et voilà que des chercheurs, alors que personne ne leur demandait rien, ont décidé d'étudier les micro-ondes du fond diffus cosmologique qui correspond au rayonnement électromagnétique entre les étoiles et les galaxies. Après tout, pourquoi pas, pensa-t-il. Chacun s'amuse comme il peut. Ce faisant, ils ont constaté que les micro-ondes du fond diffus cosmologique, qui correspond au rayonnement électromagnétique entre les étoiles et les galaxies, se courbaient.

 

De prime abord, il n'y avait pas de quoi prendre un peigne neuf pour se changer la raie de côté. Grave erreur de jugement, parce que pour les astronomes, cette courbure serait due au fait que notre univers aurait la forme d'une sphère fermée ! D'accord, j'admets, se dit-il, mais avec la meilleure volonté du monde, je ne parviens pas à me représenter ce qu'il y a autour de cette sphère.

 

768 - Samedi 23 avril 2022

 

Roaring twenties lover

 

Il portait un costume trois pièces gris, à la coupe plutôt large. Le pantalon, retenu par une paire de bretelles à boutons, possédait des revers tombant sur des chaussures à lacets bicolores noires et blanches. La chemise d'un blanc immaculée s'ornait d'une cravate de soie piquée d'une perle véritable. La coiffure respirait le propre, le maîtrisé. Généreusement gominé, le cheveu était sévèrement plaqué et partagé par une raie médiane impécablement rectiligne. Un élégant fedora couvrait ce bel ordonnancement capillaire.

 

En un mot, il était la parfaite copie conforme du bootlegger des années vingt. Il faut dire que si le choix lui en avait été donné, il aurait vécu à l'époque des speakeasies. Ses idoles avaient pour noms Al Capone, Franck Nitti, Johnny Torrio, Frank Costello, Joe Masseria, Lucky Luciano, Vito Genovese, Albert Anastasia, Joe Adonis, Tommy Lucchese, Meyer Lansky, Bugsy Sieg, et consort.

 

Son rêve le plus cher aurait été de vivre comme ces derniers. D'ailleurs, il se tenait prêt à organiser le trafic dès que les autorités françaises décideraient la prohibition de la production et de la vente de la betterave sucrière.

 

Commentaire

What ? Le prohibition de le sugar beet ? But, c'est quoi cette histoire ?

Eliot Ness

 

Stay calm, Eliot. Pose ton Tommy Gun.

Nervien

 

769 - Dimanche 24 avril 2022

 

Trente-six ans d'ostracisme

 

Pom, pom, pom, pom, pom, pom1, chantonnait-il, tout en grignonant un morceau de maroilles d'une part et en feuilletant un magazine cinéphilique d'autre part, preuve, s'il en était besoin, de son tempérament polychrone. Soudain, il cessa passer rapidement d'une page à une autre pour s'arrêter sur un article concernant le film australien Mad Max. Sourcils levés, les lunettes en demi-lune sur le bout du nez, il s'y plongea avec une grande attention.

 

Il apprit que cette oeuvre cinématographique sortie en 1979, fut proscrite de France jusqu'en 1982, au motif d'incitation à la violence. En 1982, l'autorisation de projection sur les écrans de cinéma français se trouva cependant assortie d'une interdiction au moins de dix-huit ans et d'une coupure de six minutes, effectuée sans préavis et avis du réalisateur. En 1990, il est décidé qu'il sera possible de visionner Mad Max en salle à partir de 16 ans, puis de 12 ans, en 2015.

 

Je ne comprends pas que ce film ait eu à subir autant d'entraves, soliloqua-t-il. C'est à croire, qu'en France, on n'aime pas la poésie.

 

1: à ne pas confondre avec cet autre air musical : pom, pom, pom, pom, par ailleurs bien connu des mélomanes.

 

770 - Samedi 30 avril 2022

 

A la soupe !

Il pénétra à 20h00 précise dans ce restaurant tout en boiseries vernies, cuivres lustrés et lumières tamisées. Il était vêtu avec recherche, mais une recherche qui n'aurait pas abouti. Un serveur l'installa à une table couverte d'une nappe à carreaux rouge et blanc, sur laquelle se trouvaient une élégante lampe à pied en bois et abat-jour écru. Avant même que le garçon lui ait respectueusement présenté la carte, il savait que quoi qu'il arrive, il commanderait du maroilles. Pour le reste, il demanda hautainement :

 - « Dites-moi, jeune homme, sert-on du potage dans votre établissement ? »

- « Oui, monsieur, nous en possédons même un large choix. »

- « Attention, mon ami, je parle très précisément de potage. C'est-à-dire, d'une préparation culinaire liquide, claire ou liée, contenant des légumes mixés. A ne pas confondre avec le velouté dont les légumes sont moulinés. Quant au bouillon, nous sommes d'accord qu'il s'agit d'un jus de viande ou de légumes cuits, qui se peut réduire afin de le transformer en consommé. Et enfin, il y a la bisque, un coulis à base de crustacés. »

- « Oui, monsieur, nos potages correspondent en tous points à la définition que vous en donnez. Puis-je me permettre de vous demander si par hasard vous ne connaitriez pas également la définition et un exemple de " monsieur-je-sais-tout" qui étale sa science ? »

771- Dimanche 01 mai 2022

 

Misogynie mise à part

 

Ebregésile M se gara sur une aire de repos de la route départementale. Ombragée, déserte, elle se trouvait en bordure d'un petit ruisseau. L'endroit lui paru acceptablement convenable pour une pause maroilles. Son autoradio, demeurée allumée, diffusait une émission dont il n'aurait su dire si elle se voulait scientifique ou historique.

 

L'animateur expliquait qu'il y a une soixantaine d'années, un rapport, remis à la NASA, établissait que les femmes feraient de bien meilleures astronautes que les hommes. En effet, par rapport à eux, elles possédaient l'avantage d'être plus légères, moins consommatrices d'oxygène, moins sujettes aux crises cardiaques, de supporter mieux les espaces exigus et l'isolement prolongé. Mais, la NASA n'en tint aucun compte, parce que le président Dwight Eisenhower avait décidé que seuls des pilotes de chasse devaient être envoyés dans l'espace. Or, à l'époque, ce corps de métier n'était pas ouvert la gente féminine.

 

Cette histoire d'obligation d'être pilote de chasse, je n'y crois pas un seul minime instant, bougonna-t-il. Soyons objectivement réaliste et n'ayons pas peur de regarder la vérité en face. Il s'agit d'un prétexte aussi grossier qu'hypocrite. Honnêtement, les femmes au volant, on sait ce que ça donne, alors les laisser conduire une fusée, vous pensez bien que...

 

Commentaire

Ouh ! La! La ! J'entends déjà pleuvoir les récriminations sur mon angélique et délicate personne. Je tiens cependant, en toute sincérité, à officiellement et fermement préciser que je ne saurais être considéré comme responsable des bougonnements de monsieur Ebregésile M. Un gars que je ne connais tellement pas que je ne sais même pas qui c'est. Et puis, c'est moi qui parlais dans la radio.

 

772 - Samedi 07 mai 2022

 

Redde Caesari quae sunt Caesaris

- « Isidace de Asotemouton du Montfleury, loueur international de cabrette électrique au gaz de ville, résidant au Pont d'Erre, à Ramillies, n'imagine pas continuer vivre davantage s'il ne lui est pas donné le loisir de férocement dénoncer une abjecte usurpation d'identité. Cher Isidace, il ne sera pas dit que vous ne puissiez exprimer à bon droit votre noble et pétulant emportement. Or donc, dénoncer férocement, dénoncer férocement, preux Isidace.»

 

- « Nervien, cher camarade maroillophile, historiquement parlant, que savez-vous des origines de la ville de New York ? »

 

- « Eh bien, Henry Hudson, explorateur anglais, engagé par Compagnie néerlandaise des Indes orientales, entra dans la baie de New York, en 1609. La Compagnie néerlandaise des Indes orientale y installa un comptoir commercial, autour duquel se développa la cité de la Nouvelle-Amsterdam. »

 

- « Bon ! »

 

- « En 1664, les Anglais s'emparèrent de la Nouvelle-Amsterdam. Ils la renommèrent New York, en l'honneur de Jacques, duc d'York et frère du roi Charles II. »

 

- « Dacord ! Mais il y a un petit détail que tout le monde oublie un peu vite ! Le navigateur Giovanni da Verrazzano posa ses bottes à crevées sur le futur site de New York, quatre-vingt-cinq ans avant Henry Hudson. Il baptisa l'endroit, Nouvelle-Angoulême, pour honorer son commanditaire, François Ier, roi de France et comte d'Angoulême. Alors, je demande avec force que l'on exige officiellement des Etats-Unis d'Amérique que New York ne soit plus abusivement appelé New York, mais Nouvelle-Angoulême. »

 

Commentaire

Je me permets d'intervenir pour préciser que l'on ne sait si Giovanni da Verrazzano était un moussaillon d'origine italienne ou lyonnaise, tonnerre de Brest!

Capitaine Haddock

 

Mais, alors, du coup, au lieu de chanter « New York, New, New York », il va falloir que je chante « Nouvelle-Angoulême, Nouvelle-Angoulême ».

Franck Sinatra

 

773 - Dimanche 08 mai 2022

Giration

Sans tomber dans la métaphore édénique, il fallait bien avouer que le fait de se gaver de maroilles lui prodiguait une rare félicité. Or, cette béatitude gastronimico-fromagère vint à se trouver troublée. Comme tout un chacun, il savait que la vitesse de rotation de la Terre sur elle-même était de 1600 kilomètres/heure à l'équateur et de 1100 kilomètres/heure en Cambrésis.

Et voilà qu'il lisait, sur son ordinateur, que cette vitesse connaissait un ralentissement de quelques secondes par siècle. Ainsi, si aujourd'hui la Terre bouclait son tour sur elle-même en 24 heures, il y a 400 millions d'années, elle l'effectuait en 22 heures et elle l'exécutera en 25 heures dans 175 millions d’années et en 30 heures dans 600 millions d’années.

Selon lui, ce phénomène posait à l'Humanité toute entière deux questions vitales. Si nous passons à des journées de 25 ou 30 heures, comment pourrons-nous continuer à travailler en trois huit et par quel miracle se fait-il qu'en tournant à 1100 kilomètres/heure nous ne soyons pas décoiffés ?

Commentaire

Et en plus, mon p'tit gars, on tourne autour du soleil à 107 000 kilomètres/heure !

 

774 - Samedi 14 mai 2022

Par un bel après-midi

La lumière était douce, d'un blond pastel qui rehaussait doucement l'éclat de toutes les couleurs de ce tiède après-midi de printemps. D'un pas nonchalant, ils parvenaient au terme d'une promenade d'un kilomètre faisant un bon mille mètres.

Quelques minutes à peine après le commencement de leur déambulation, une pensée avait pris d'assaut son esprit. Il se garda bien de s'en ouvrir pour ne pas briser le charme de l'instant. Mais là, il arrivait au bout de ses facultés de résistance. Il lui fallait absolument s'exprimer.

- « Ma chère Aldebarde, tu me connais, je ne suis pas du genre à couper les morceaux de maroilles en quatre. Je suis le premier à apprécier les situations simples à partir du moment où elles ne sont pas compliquées. »

- « Puisque, tu le dis, mon cher Fernandeau. »

- « Il m'est venu une réflexion que je n'aurais jamais eue si je n'y avais pas pensée. »

- « Tiens donc... »

- « Voilà, un grain de sable tout seul ne forme pas un tas. Si on lui adjoint un autre grain de sable, cela ne constitue toujours pas un tas. »

- « Effectivement, toujours pas... »


- «Avec un troisième grain, on n'obtient pas non plus un tas. »

-« La puissance de ton don d'observation est telle que je suis prête de défaillir d'admiration. »

- « Alors, à partir de combien de grains obtient-on un tas ? »

- « Ecris au Marchand de Sable pour le lui demander. »

775- Dimanche 15 mai 2022

Les moyens de ses ambitions

Avec son quatre/quatre de plus de trois tonnes, consommant ses vingt-cinq litres au cent, il prit l'autoroute pour traverser la France du sud au nord. Puisamment préoccupé d'arriver prestement à destination, il ne se soucia nullement des indications de son compteur de vitesse qui, s'il l'avait pu, aurait hurlé d'indignation. Heureusement pour lui et la conservation de son permis, la chance, qui n'avait sans doute rien de plus pressé à faire, lui épargna de croiser les répressives ondes électromagnétiques d'un radar routier.

Il toucha au but de son voyage vers 22h36 et vingt-huit secondes. Comme il fallait bien qu'il fut 22h36 et vingt-huit secondes à un moment ou l'autre de la journée, la chose ne lui parut pas des plus notables. Enfin, il voyait de ses propres yeux, ce monumental édifice de béton, entièrement isolé à la laine de roche, dont les monceaux de chutes et d'emballages, non recyclables, jonchaient tous les alentours.

Ce bâtiment, aussi beau qu'un bunker désaffecté, connaîtrait bientôt le privilège d'abriter sa future imprimerie. Il avait déjà programmé l'abattage de centaines d'hectares d'arbres pour la fabrication du papier qui lui serait nécessaire. Des dizaines et des dizaines de poids lourds pourvoiraient à l'acheminement de ses tirages. Ainsi, le pays tout entier serait-il submergé par un flot d'opuscules alertant les populations inconscientes sur les mortels dangers de la pollution et sur la nécessité absolue de préserver l'environnement.

 

776- Samedi 21 mai 2022

La tête dans les étoiles

 

L'homme paraissait tellement déplaisant que tout individu à peu près normalement constitué aurait préféré avoir la main coincée dans un étau plutôt que de serrer la sienne. Les maroilles eux-mêmes se refusaient à figurer sur sa table. Une horde d'abominables Huns psychopates attirait davantage la sympathie que lui.

 

Jusque-là, il ne s'intéressait à rien ni au maroilles ni à personne et voilà qu'il semblait se passionner pour l'astronomie. Il paraissait désormais fasciné par les insondables immensités des espaces intersidéraux. Ainsi, depuis quelque temps, le voyait-on passer une grande partie de ses nuits l'oeil vissé à un puissant télescope, dont il avait fait l'emplette depuis peu.

 

Il faut dire qu'outre son tempérant malgracieux, il possédait également celui d'un fieffié soiffard. Or, il avait récemment appris que des astronomes britanniques avait découvert, dans la voie lactée, un nuage d'alcool de 463 milliards de kilomètres de large.

sa table. Une horde d'abominables Huns psychopates attirait davantage la sympathie que lui.

 

Jusque-là, il ne s'intéressait à rien ni à personne et voilà qu'il semblait se passionner pour l'astronomie. Il paraissait désormais fasciné par les insondables immensités des espaces intersidéraux. Ainsi, depuis quelque temps, le voyait-on passer une grande partie de ses nuits l'oeil vissé à un puissant télescope, dont il avait fait l'emplette depuis peu.

 

Il faut dire qu'outre son tempérant malgracieux, il possédait également celui d'un fieffié soiffard. Or, il avait récemment appris que des astronomes britanniques avait découvert, dans la voie lactée, un nuage d'alcool de 463 milliards de kilomètres de large.

 777- Dimanche 22 mai 2022

 

Cas de conscience

Il incarnait le plus furieux des spécimens de la race des maniaques pointilleux, catégorie cinéphile tatillon compulsif, spécifiquement focalisé sur le cinéma hollywoodien. Un véritable monomane à ce point obnubilé par son obsession cinématographique, qu'il en ignorait jusqu'à l'existence du maroilles.

 

Ainsi, notait-il très scrupuleusement tous les numéros de téléphone utilisés dans les films américains, pour ensuite les appeler. Entre deux coups de fil, il écrivait au réalisateur Alan Smithee. Mais pas plus que ses communications téléphoniques n'aboutissaient, ses lettres ne recevaient de réponse. Il n'en était pas accablé pour autant. Il persévérait sans se décourager.

 

On aurait pu lui faire remarquer que seuls les numéros de 555-0100 à 555-0199 étaient composés dans les oeuvres cinématographiques américaines. Numéros fictifs qui leur sont réservés afin d'éviter l'utilisation fortuite de celui d'un particulier qui pourrait s'en trouver importuné. Quant à Alan Smithee, il n'existait pas. Il s'agit d'un pseudonyme emprunté par les metteurs en scène ne souhaitant pas que leurs véritables noms figurent au générique, souvent à cause de désaccords avec leurs producteurs.

 

Alors, en effet, on aurait pu lui expliquer tout cela... Mais, franchement, devait-on se priver du plaisir de voir cette andouille continuer à se démener pour rien ?

778- Samedi 28 mai 2022

 

Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que fortuite

 

La fête de l'association sportive des joueurs de billon cambrésiens battait son plein dans une ambiance bon enfant. Alors, qu'il fendait la multitude en direction du buffet pour y quérir un sandwichs merguez, frites, maroilles, il entendit un billonesque athlète avouer qu'il avait été victime du syndrome de...

A cause des flonflons et du brouhaha de la foule, il n'avait pu distinctement entendre le nom dudit syndrome. Il lui sembla que le terme de "sandale" ou "grand sale" avait été prononcé, mais il en était bien moins que sûr. Aussi, une fois rentré chez lui, se mit-il fébrilement en quête d'informations cliniquo-médicales susceptibles d'éclairer sa lanterne.

Et il trouva la lumière. Il découvrit qu'il ne s'agissait pas du syndrome de "sandale" ou du "grand sale", mais du syndrome de Stendhal. Ce trouble touche les touristes submergés d'émotion à la vue de la beauté de certains sites ou oeuvres d'art. Il se manifeste par des vertiges, de la tachycardie, une perte du sens de l’orientation, des douleurs à la poitrine et parfois même par une dépression.

C'est fou, se dit-il, c'est exactement ce je que je ressens lorsque je me regarde dans un miroir !

779- Dimanche 29 mai 2022

 

Boum !

 

Ils se trouvaient dans l'estaminet auquel ils demeuraient fidèles depuis des années. Comme à leur habitude, ils s'étaient installés à la table qui était devenue la leur, au fond de la salle, aux murs de briques apparentes.

 

- « Margelain, figure-toi, qu'hier soir, j'ai regardé un film. »

 

- « Ah ! Mon cher Spirédon, si tu m'apprends également, qu'en même temps, tu as mangé du maroilles, je finirais par croire que tu mènes une véritable vie de dingue ! »

 

- « Merci beaucoup de te ficher aussi franchement de ma figure, mais je voulais te raconter que j'ai vu "Le salaire de la peur", d'Henri-Georges Clouzot, avec Yves Montand. Cette histoire de transport routier de nitroglycérine m'a fait dresser les cheveux sur la tête à un tel point que j'ai eu le plus grand mal à me recoiffer. »

 

- « Je ne comprends pas ce qui a pu provoquer cet anarchique hérissement capillaire. »

 

- « Quand même ! Ces gars ne charriaient pas des paquets de cotons démaquillant roses, mais de la ni-tro-gly-cé-ri-ne ! »

 

- « Et alors ? John H. Mallory remonterait du pouce son chapeau sur le haut du front et te murmurerait à l'oreille que la nitroglycérine est loin d'être aussi instable que le prétend sa réputation. Sa manipulation ne se révèle dangereuse que dans les cas où elle n'a pas été fabriquée dans les règles de l'art. Qui plus est, elle possède des propriétés vasodilatatrices et peut être prescrite pour soigner les angines de poitrine et les crises cardiaques. »

 

« Bon, ben, je vais me commander un bon demi. Et toi, tu prendras bien un petit verre de nitro ? »

 

778- Samedi 04 juin 2022

 

Champollion

- « Cher monsieur Mécléard Moutemoute, comme le disait machin, qui en a dit bien d'autres par ailleurs, vous faites partie de ces êtres dont tout porte à croire qu'ils possèdent des dons. Du reste, personne ne sait exactement lesquels, mais l'essentiel demeure que vous en ayez. Sinon comment expliquer que les spécialistes voient en vous le champion mondial des tailleurs d'aiguilles pour tricoteuses de gants de boxe en laine de gnous d'Anneux ? Présentement, vous aspirez à laisser exploser, sans retenue, une torrentueuse indignation. Mais faites comme chez vous, mon bon Mécléard, explosez, explosez, sans retenue. »

- « Je répondrai donc pertinemment et à propos : alors, allons-y, c'est parti mon kiki ! Je vous demande ex abrupto : le patronyme de Champollion évoque-t-il quelque chose pour vous ? »

- « Champollion, Jean-François ? Si fait, le nom de ce docteur ès lettres résonne à mes oreilles aussi familièrement que celui du maroilles. »

- « Entre nous et le premier venu, vous m'en voyez fort aise parce que, je vous le confesse, si vous m'aviez avoué une ignorance, vous m'auriez fait tristement pitié. »

- « Vous m'en auriez vu profondément mari, aimable Mécléard »

- « Avant Champollion, de l'Egypte ancienne, on ne savait globalement rien. En perçant, grâce à son seul génie et à douze ans de travail acharné, le mystère des hiéroglyphes, il rendit à l'Humanité plusieurs milliers d'années de son Histoire, que l'on croyait irrémédiablement perdues. Et quelle Histoire ! Reconnaissez, que ce n'est pas rien, tout même. »

- « Je reconnais, tout de même. »

- « Eh bien, plus de soixante-quatorze ans après sa mort, aucun ouvrage ne lui avait encore été consacré. Il fallut attendre qu'une enseignante, allemande, madame Hermine Hartleben, mette fin à ce scandal en publiant, en 1906, une biographie intitulée : "Jean-François Champollion sein leben und sein werk". Cette dernière ne fut traduite en français qu'en 1983 ! Que dites-vous de cela ? »

- « Comme le dit l'inscription portée au fronton de l'un des monuments parisiens les plus connus : "Aux grands hommes la patrie reconnaissante"... »

779- Dimanche 05 juin 2022

 

Circulation rotatoire

 

Il roulait paisiblement sur une petite et tranquille route de campagne ensoleillée. Tout en conduisant, il se laissait aller à des pensées philosophiques. A partir du moment où vous êtes né, songeait-il, vous ne pouvez y échapper, quoi que vous fassiez, il vous faut vivre votre vie. Et c'est heureux parce que l'on a déjà bien assez de sa vie à vivre sans avoir en plus à vivre celle d'un autre. Dans mon existence, qu'aime-je le plus ? Sans l'ombre d'un doute et d'une hésitation, les larmes aux yeux, je dirais : le maroilles.

 

Par contre, qu'exécrège-je avec une force sans pareille ? Les carrefours giratoires, communément appelés ronds-points, je leur voue une haine vindicative, ils me répugnent, je les abomine, les réprouve, les maudis. Soudain, il entendit une voix angélique lui susurrer :

 

« Mon bon, Vénonce, tu ne devrais pas entretenir un tel courroux. Autant que la Bêtise de Cambrai, le rond-point est une spécialité typique de notre pays. Sais-tu que leur nombre s'élève à 30 000, soit la moitié de la totalité de ceux existant dans le monde et que leur coût va de 100 000 à un million d'euros ? »

 

En entendant cela, Vénonce donna un grand coup de frein, provoquant ainsi l'emplâtrage de l'arrière de son automobile par le véhicule qui le suivait. St Christophe estima que l'incident était le signe qu'il n'était pas judicieux de poursuive plus avant son exposé sur les ronds-points et qu'il était préférable de filer à l'anglaise.

780 - Samedi 11 juin 2022

 

 

 

 

 

 

Il aimait l'idée que l'Escaut qui traversa autrefois Camaracum, arrosait aujourd'hui Cambrai. Il appréciait de musarder le long des rues cambrésiennes. Pour se faire, il se déplaçait en bicyclette. Le pédalier grinçait pire qu'une vielle girouette rouillée et les roues représentaient le plus bel exemple de voilage que l'on puisse imaginer. Mais, il n'en avait cure. Pourvu que la machine roule, se déplace, l'emmène avec elle, peu lui importait son antique état.

 

Eprouvant le plus vif intérêt pour les odonymes, il se plaisait à les répertorier, lors de ses pérégrinations urbanistico-vélicopédiques. Il savait qu'au Moyen-Age, les artères citadines ne comportaient pas de plaques permettant de les identifier. Et pour cause, vu le taux d'alphétisation de l'époque, elles ne s'imposaient pas, puisque bien peu de monde aurait pu les lire.

 

Pour autant, les voies de circulation des villes moyenâgeuses ne restaient pas anonymes. Les médiévaux les baptisaient bel et bien. Ils les appelaient en fonction d'un de leurs édifices caractéristiques, de leur orientation vers une commune proche, de  commerces y étant installés. Cela permettait de mémoriser plus facilement leurs noms. Si tel usage avait encore cours de nos jours, pensa-t-il, nous irions, par exemple, d'avenue Saint Maclou, en boulevard Apple, ou impasse Mac Do.

781 - Dimanche 12 juin 2022

 

Tatillon viticole

 

Ceux qui le connaissaient, ne le considéreraient pas comme n'importe qui. Ils allaient même jusqu'à estimer que c'était vraiment quelqu'un. L'homme se pouvait ranger dans la catégorie des doués mâtinés de pas sots. En un mot, avec lui, du niveau, il y en avait et pas qu'un peu.

 

Intellectuel d'avant-garde, il ne s'offusquait nullement de la poésie dont ses contemporains pouvaient parfois faire preuve. Néanmoins, il s'employait à toujours les ramener à une saine et solide logique. Aussi, agit-il de la sorte lorsque son ami Ursulin lui affirma, au cours de leur dernière conversation :

 

- « Hier, mon vieux, j'ai dégusté un fameux maroilles, arrosé d'un Château Pétrus 2018. »

 

- « Impossible »

 

- « Quoi, impossible ? Impossible que j'ai mangé du maroilles ? »

 

- « Non, mais impossible que tu aies bu du Château Pétrus 2018. »

 

- « Mais je t'assure que si. »

 

- « Ben non, parce qu'il faut parler de Pétrus, "tout court". Le Château Pétrus, cela n'existe pas. »

 

- « N'empêche que pour un vin qui n'existe pas, il était vachement bon ! »

782 - Samedi 18 juin 2022

 

J.B story

 

Ainsi fus-je abusé pendant tant et tant d'années ! S'indignait-il. Je ne peux m'y résoudre. La chose parait par trop invraisemblable. Le fait dépasse l'entendement. Mes sens me trahissent, ma raison se délite. Je suis la malheureuse victime du pire de cauchemars.

 

A quoi puis-je donc croire à présent ? Comment conserver la moindre certitude ? Tout un monde s'écroule autour de moi, comme un château de cartes soufflé par le courant d'air d'une fenêtre inconsidérément ouverte par un vandale claustrophobe.

 

Alors, comme ça, Justin Bridou, avec sa moustache bien de chez nous, avec son béret bien de chez, avec son saucisson bien de chez nous, ne serait qu'une personnalité fictive, inventée à des fins mercantiles ! Pire encore, derrière ce personnage factice se cache le groupe américain Smithfield, premier producteur et transformateur au monde, de viande de porc.

 

Furieusement scandalisé, il prit la décision irrévocable de ne plus consommer dorénavant que du chorizo espagnol, mais made in France, bien sûr !

 

Commentaire

Le maroilles, lui, c'est pas de l'inventé et c'est du 100% Ch'ti.

Antoine Bailleul

783 – Dimanche 19 juin 2022

 

Le génie humain est sans limites

 

Encore fondamentalement tourneboulé par le choc des épouvantables révélations sur Justin Bridou, il cherchait à retrouver son équilibre, tant psychique de physique, en s'efforçant de tourner son esprit vers d'autres pensées. Ainsi, se plongea-t-il dans l'étude exhaustive des innovations techniques, depuis l'Abbevillien jusqu'à la date de son prochain anniversaire. Certes, il leur trouva une utilité indéniable, mais néanmoins imprécise.

Une seule d'entre elles trouva grâce à ses yeux. Il considérait qu'elle représentait pour l'Humanité un progrès presque aussi important que le maroilles. Il s'agissait de la création d'un indice dont la mesure s'effectuait grâce à une caméra électronique à prises de vue automatique, couplée à une intelligence artificielle chargée d'analyser les photos de cette dernière. L'on devait ce bijou de technologique à la Haute école provinciale du Hainaut occidental, sise en Belgique.

L'indice portait le poétique nom de “fritabilité”. Il permettait de scientifiquement déterminer quelles pommes de terre méritaient l'honneur de se voir converties en frites. Il regrettait amèrement que cette fabuleuse invention ne fut pas française.

Commentaire

Oui, mais en France, on a inventé le verre apéro porte olives.

Albert Einstein

 

784 – Samedi 25 juin 2022

Vive la Sarthe, l'Yonne, la Corrèze, l'Aisne, la Vienne, libres !

Il n'en croyait pas ses oreilles qui pourtant, vous pouvez le croire, en avaient entendu bien d'autres et des plus sévères. N'avait-il donc tant vécu que pour cette iniquité ? Il ne pouvait concevoir qu'on laissât tolérer un pareil scandale dans le pays. Oser délibérément autoriser la manipuleation de particuliers, au plus grand mépris des principes notre République, voilà qui ne pouvait que susciter le déchaînement d'une furieuse colère en son coeur ardent de bel et noble humaniste.

Ainsi donc, les habitants du Mans, de Sens, de Chateau-Thierry, de Poitiers étaient soumis à un traitement auquel aucune autre population du pays ne se voyait assujetie, pas même les Cambrésiens ou les mangeurs de maroilles. Les marketiniards se servaient des braves Manceaux, Sénonais, Brivistes, Castrothéodoriciens, Pictaviens, pour tester leur camelote.

Allons, déclama-t-il, enfants de la Sarthe, de l'Yonne, de la Corrèze, de l'Aisne et de la Vienne, entendez-vous sévir dans vos campagnes ces vénales mercantis qui viennent jusque dans vos bras démarcher vos fils et vos compagnes. Fiers compatriotes de Bruno Lochet, de Brennus, du Maréchal Brune, de Jean de la Fontaine, de Phillipe V roi de France, vous n'êtes point des cobayes. Formez vos bataillons et marchez, marchez, en proclamant, comme aurait pu le faire notre sainte Jeanne : « Entrons hardiment dans les marketiniards ! », ou si vous préférez un langage plus contemporain : « On va leur rentrer dans le lard ! »

785 – Dimanche 26 juin 2022

 

Elles ne sont jamais contentes

Grand tort, il avait à se faire pardonner. Lorsqu'elle lui avait acerbement reproché d'avoir oublié la Saint-Valentin, il s'en était montré fort étonné. Ne comptant pas parmi ses connaissances de gars ainsi prénommé, il ne voyait pas pourquoi il aurait dû penser à cette fête. Il pouvait aller jusqu'à dire qu'il s'en fichait à un point dont-lui même ne se croyait pas capable jusque là.

Il haussa les épaules et alla se chercher un morceau de maroilles. Soudain, ce fut l'illumination. Oh ! La boulette du boulet ! Elle parlait de la fête des amoureux bien sûr ! Pour expier cet inexcusable impair, il offrit à sa dulcinée le plus magnifique des diamants, connu sous le doux et poétique nom de PSR J1719-1438.

Elle n'en eu cure. Bon d'accord, PSR J1719-1438 était en fait une planète entièrement constituée de diamant, située à 4000 années-lumière de la Terre. Mais, c'est l'intention qui compte, non ?

 

786 - Samedi 02 juillet 2022

Indignation sportivo-révolutionnaire

Pendant de longues et nombreuses années, la question l'avait gravement taraudé, pour ne pas dire hautement turlupiné, au point de lui gâcher le goût du maroilles. En 490 avant Jésus Christ, Philipidès courut 40 kilomètres pour annoncer aux Athéniens la victoire de Marathon. Alors pourquoi, non de non, l'épreuve contemporaine d'athlétisme, prétendant s'inspirer de cet antique exploit, oblige les coureurs à parcourir 42,195 kilomètres ?

Aujourd'hui, enfin, il connaissait la réponse. En 1908, lors des Jeux olympiques de Londres, la famille royale désira que la course parte du château de Windsor pour se terminer devant leur loge, au White City Stadium. Cela obligea à faire passer l'épreuve marathonienne de 40 kilomètres à 42,195 kilomètres. Cette distance fut ensuite conservée et cela jusqu'à nos jours.

Alors parce qu'on avait une couronne sur la tête et un trône sous les fesses, on ne doutait de rien, on se croyait tout permis, on ne se refusait rien, même d'exiger de pauvres types, qui ont déjà quarante kilomètres dans les pattes, à faire 2,195 kilomètres supplémentaires, s'enragea-t-il. Ah ! Les vauriens, les mufles, les goujats, les sagouins ! S'ils eussent été français et d'une autre époque, on aurait bien su leur montrer comment se traitait les caprices d'aristos, fulmina-t-il, en enfilant sa carmagnole.

787 - Dimanche 03 juillet 2022

Le futur ne manque pas d'avenir

Les mains nerveusement crispées sur son journal, il tomba de sa chaise. Demeurant assis sur le sol, il relut fébrilement les lignes anxiogènes qui venaient de le faire chuter de son siège. Or donc, le pays du salon international de l'agriculture du parc des expositions de la porte de Versailles voyait ses surfaces cultivables se réduire comme peau de chagrin.

La France, dont nous savons, depuis Sully, que labourage et pâturage sont ses deux mamelles, laissait dévorer ses terres nourricières par le béton des centres commerciaux, des plateformes de transports routiers et autres bases logistiques de la grande distribution ou du e.commerce. Ainsi, au cours des cinq dernières années, plus de 90 000 hectares de terres agricoles avaient-elles disparu.

Lui, si résistant, si solide, si costaud, si trapu, se sentit complétement anéanti par ce funeste phénomène. Si nous n'y prenions garde, si nous laissions faire, bientôt il n'existerait plus d'endroit pour la suave betterave sucrière, pour le succulent chicon et, cauchemar des cauchemars, pour l'herbe des vaches qui prodiguaient le lait généreux servant à la fabrication du sublime maroilles. Et sans maroilles, la vie ne valait pas la peine d'être vécue.

788 - Samedi 09 juillet 2022

Economidolâtre

Tous ses amis possédaient des passions exclusives et obsessionnelles. Pour celui-ci, il s'agissait du football, pour celui-là du canon de 105 sans recul, pour cet autre du point de croix. Il y avait également les férus de la bourrée auvergnate, du maroilles et de bien des choses encore non moins utiles, mais pas négligeables pour autant.

Le plus enflammé d'entre eux se prénomait Eunias. Lui, raffolait de l'économie. Ah, l'économie ! Il en était dingue, fondu, accro. Le jour, ce délirant, ce dément, économique, respirait économie, buvait économie, mangeait économie. La nuit, il rêvait économie, il ronflait économie, il somnambulait économie. "Les Echos" constituaient son unique lecture de chevet. Il ne jurait que par les économistes télévisés et radiodiffusés, diplômés de naissance, dont les avis possédaient plus de valeur que parole d'Evangile.

Comme eux, il n'ignorait rien du GINI, du PNB, du PIB, du NASDAQ, du Nikkei, du CAC 40, du Dow Jones, du DAX, de l'IDH, du PND et de l'indice Big Mac. Comme eux, il prenait très au sérieux tous ces indicateurs et en particulier celui du Big Mac. Pourtant, ce dernier n'est en réalité qu'un canular lancé par le magazine " The Economist", en 1986. Mais les économistes prétendus sérieux, le sont trop pour se préoccuper de ce genre de détail.

789 - Dimanche 10 juillet 2022

Un peu d'US History

- « Sosthène Podesausse, fabricant exclusif agréé de produits confus indéniablement fiables, garantis trois ans sans frais et distribués en circuit court mondial, vivant bourgeoisement à Baralle, se demande anxieusement s'il pourrait se faire qu'il glisse ici un petit mot. Mais, qu'à Dieu ne plaise, Sosthène, glissez, glissez donc. »

- « Avez-vous déjà entendu parler des agents spéciaux Dana Scully et Fox Mulder, cher Nervien, ambroisien comme un Cambrésien ? »

- « Ils ne me sont évidemment pas inconnus, cher Sosthène, pyrogène comme un Madrilène. »

- « Bien, donc, vous savez tout aussi bien à quelle agence ils appartiennent ? »

- « Le FBI, la chose est de notoriété publique. »

- « Oui, le "Federal Bureau of Investigation" et que connaissez-vous de son histoire ? »

- « J'en connais ce que vous allez m'en dire. »

- « Le 26 juillet 1908, est créé le "Bureau of Investigation". Composé d'agents recrutés au sein du "United States Secret Service1", il est chargé de la lutte contre le crime organisé. En 1935, il est rebaptisé Federal Bureau of Investigation. »

- « Présentement, je ne cacherai pas l'intérêt émerveillé que vous avez éveillé en moi, très cher Sosthène. »

- « Mais, je n'en ai pas encore terminé. »

- « Alors, poursuivez en toute liberté et légèreté. »

- « Généalogiquement parlant, il existe un lien indéniable entre la naissance du FBI et la France. »

- « Comment est-ce possible, tonnerre de maroilles ? »

- « Eh bien, le premier directeur du "Bureau of Investigation" s'appelait Charles Joseph Bonaparte Patterson. Son père était Jérôme Napoléon Bonaparte, fils du plus jeune frère de Napoléon Ier. Et cela est une vérité qui n'est pas ailleurs. »

1: service chargé de lutter contre la fausse monnaie, la fraude financière, mais aussi d'assurer, entre autres, la protection du président des Etats-Unis, de son vice-président, de leurs familles.

790 - Samedi 16 juillet 2022


Fête nationale

Pour être épaté, il l'était et sacrément. Une fête du 14 juillet se déroulant pendant quatre jours, 250 000 personnes participant aux festivités, voilà qui lui avait fait écarquiller les yeux et se dire : « Eh, ben dit donc, mon colon ! ». D'autant plus que la chose se passe aux Etats-Unis. Il s'agit des "Bastille days", organisés dans la ville de Milwaukee. Ce qui prouve que les Américains ne sont pas forcément des porteurs de flingues incultes, gorgés de coca cola et de mac do, comme on aimerait à nous le faire croire.

Nous, en France, pensa-t-il, pour notre Fête nationale, qui célèbre l'évènement majeur de notre Histoire - excusez du peu - nous sommes généreusement gratifiés d'un seul jour férié. A condition qu'il ne tombe pas durant un week-end et de ne pas travailler dans un supermarché ou un centre d'appel. On fait également suer au pas, sur les Champs Elysée, de malheureux clampins portant de mauvaises armes allemandes. Enfin, nous avons droit, si le temps le permet, à un feu d'artifices et à un bal.

Le tout, avec des officiels demeurant, pour la plupart, d'une grande discrétion sur le rappel des principes que nous sommes censés fêter : la Liberté, l'Egalité, la Fraternité, la fin des privilèges, le Droits de l'Homme et du Citoyens, le Pouvoir du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple. On ne sait jamais, tout cela pourrait lui donner des idées, au peuple.

 

Commentaire

La clef de la Bastille est conservée aux Etats-Unis, dans la maison de George Washington. Elle a été offerte à ce dernier par La Fayette.

Jeremiah Chubb

 

791- Dimanche 17 juillet 2022

Promenons-nous dans les bois

Cousins germains depuis leurs naissances, remontant à plus de soixante-cinq ans, ils se rendaient de concert chez leur mère-grand afin de lui apporter une tarte à la casonnade à gros bords et un petit pot de maroilles. Le bois, qu'ils traversaient, était plein de mélodieux chants d'oiseaux et respirait la quiétude des jours qui s'étirent loin de la veine effervescence de la vie moderne.

Tout en cheminant, ils débattaient affablement. Celui qui portait le panier dans lequel se trouvaient la tarte à la cassonade à gros bords et le petit pot de maroilles pour leur mère-grand, pensait que le pays allait vers des aurores resplendissantes, prometteuses de perspectives réjouissantes menant à un avenir radieux.

L'autre, qui tenait le SPAS 12 destiné à calmer les loups par trop familiers, se montrait plutôt persuadé que l'on devait s'attendre à des lendemains enchanteurs augurant de futurs rénovés que rien ne saurait freiner. Néanmoins, il estimait qu'une question restait posée :

- « Mais, qu'elle est donc cet étrange effet de mode qui veut que le cycliste en tête du Tour de France porte un maillot jaune, le meilleur sprinter, un maillot vert et le meilleur grimpeur, un maillot à pois ? »

- « Tu te méprends, mon bon et cher cousin, la mode n'a joué ici aucun rôle. Le jaune fut choisi par référence à la couleur des pages du journal "L'Auto", à qui nous devons la création du Tour de France. Le vert correspond au coloris du logo de la société " La Belle Jardinière", premier sponsor du maillot du meilleur grimpeur. Quant aux pois, ils furent adoptés en hommage au coureur Henri Lemoine, surnommé "P'tit Pois". »

- « Tiens, un loup... »

 

792- Samedi 23 juillet 2022

Si l'ami Pierrot savait ça

Saperlipopette, mais pourquoi donc lui avait-on donné cette information, se lamentait-il. Jusqu'alors, il menait une existence paisible, vivant dans une douce et tranquille inconscience. Mais, maintenant, impossible d'ignorer l'évidence. Inutile de se voiler la face, de masquer la vérité, de nier la réalité. Nous courrons à la catastrophe à grandes enjambées.

 

Le fait était scientifiquement attesté, astrophysiquement prouvé. La lune s'éloigne de la Terre et va finir par disparaître du ciel de nos nuits. La Lune qui crée les marées. La Lune dont les cycles régissent la vie de nombreux animaux et des loups garous. Mais pire encore, la Lune sans laquelle la rotation de notre planète pourrait se trouver ralenti, au point de perturber la stabilité de son axe. Ce cataclysmique phénomène pourrait entrainer la disparition de notre flore, de notre faune et de nous et du maroilles. Alors là : au secours ! Au feu ! A l'aide ! Sauve qui peu ! SOS ! Mayday ! Mayday !

 

Bon, oui, la Lune s'éloigne de notre Terre au rythme de 3,78 cm à 3,82 cm par an. Donc, pour l'instant, ça risque pas grand chose. D'accord, mais, enfin, quand même...

 

 

793 - Dimanche 24 juillet 2022

La faim justifie-t-elle toujours les moyens ?

Par quel mystérieux et tortueux cheminement de la pensée, le sujet fut-il mis sur la table.

- « Figurez-vous que, souventement, je me courrouce en constatant que le commun persiste à ne point faire de différenciation entre le cannibale et l'anthropophage, et réciproquement. »

- « Cher ami, Dieu merci, je ne fais point partie du commun. Cependant, et vous vous voudrez bien me pardonner, j'ignorais également qu'il existât une différence entre les deux. »

- « Cette défaillance ne porte aucunement préjudice à votre prestige, très cher, puisqu'il ne se peut reprocher à l'homme d'élite ce que l'on condamne chez le vulgaire »

- « Or donc, le cannibale consomme ses congénères, comme la mante religieuse qui, à l'occasion, dévore son mâle. L'anthropophage mange de l'humain, à l'instar du tigre de l'Uttar Pradesh. Il n'y a que l'Homme qui puisse être à la fois cannibale et anthropophage. Laissez-moi, à ce propos, vous parler du siège de la ville chinoise de Suiyang. »

- « Je vous accorde toute mon attention passionnée. »

- « L'encerclement de la cité est opéré en janvier 757. Au mois d'août, toutes ses ressources alimentaires sont épuisées, y compris les insectes, les feuilles des arbres, l'herbe et le dernier maroilles. Le général Zhang Xun, commandant la place, ordonne alors à ses soldats de taper dans les civils pour se nourrir. Afin de donner l'exemple, il tue sa propre concubine et oblige ses soldats à la manger. »

- « Avec des baguettes ? »

- « Croyez-vous qu'il soit galant pour le gentilhomme que vous êtes de poser ce genre de question ? »

- « Excusez-moi. »

- « Je vous accorde ma clémence. Pour revenir à notre sujet, finalement, en octobre, après que 20 000 à 30 000 personnes aient fini dans la gamelle des troupiers et que 9600 de ses 10 000 hommes soient morts, Zhang Xun se rend avec les 400 rescapés de son armée. Comme quoi, militairement parlant, l'obstination ne représente pas toujours la meilleure des stratégies. »

- « Sans compter, qu'il n'était ni raisonnable, ni bon pour la santé, de rester aussi longtemps sans cinq fruits et légumes, par jour. »

Commentaire

Sincèrement, je trouve cette histoire particulièrement indigeste.

Paul Bocuse

 

794 - Samedi 30 juillet 2022

Ben oui, pourquoi ?

Ce matin dominical là, son réveil, sa toilette, son habillage, son déjeuner, ne se distinguaient en rien de ceux qui les avaient jusqu'ici précédés. Donc, rien ne laissait présager l'évènement qui se produisit alors qu'il se lavait les dents avec son dentifrice bio au maroilles.

Au moment même où il entreprenait le brossage de sa troisième molaire inférieure gauche, en un éclair aveuglant faisant un "Z" qui veut dire Zorro, l'évidence le frappa comme la foudre. Comment, moi, noble et fier, figure altière, oeil méprisant, ai-je pu ne pas y songer plus tôt, pensa-t-il, moi, de nature, si tant philosophe, si tant curieux, en toute chose, et néanmoins incomparablement modeste.

Monsieur Philippe Geluck a indubitablement raison : « Au fond c'est un peu idiot : si les papillons de nuit aiment autant que ça la lumière, pourquoi ne vivent-ils pas le jour ? »

Commentaire                                                                                                                                                                                                                                          Parce qu'on fait comme on veut. Non, mais de quoi j'me mêle ? Question pour question, dites-moi pourquoi ne voit-on jamais les événements se dérouler à l'envers, alors que selon les lois de la physique, cela est pourtant tout à fait possible ?                                                                                                                        Hétérocère

 

795 - Dimanche 31 juillet 2022

 

Une fois n'est pas coutume, réclame

 

- « Monsieur Alane Decaux, empaqueteur de maroilles et professeur titulaire de la chaire de boustrophédon ch'ti, à la Faculté de Lettre de Sauchy Lestrée III, piaffe d'impatience de nous toucher deux mots. Si cela correspond à votre vocation profonde, Alan, touchez, touchez ! »

- « Grand merci, sieur Nervien, je me montrerai des plus compendieux. Voici à peine trente-deux minutes que j'eus incidemment une révélation qui se doit absolument d'être portée à la connaissance du grand public féru tant d'Histoire que d'humour. Mes bien chers frères, en vérité, je vous le dis, toutes affaires cessantes, abandonnez sur le champ vos présentes occupations physiques ou intellectuelles, pour ouvrir youtube, en quatrième vitesse, afin de vous rendre sur la chaîne : "CONFESSIONS D'HISTOIRE". Vous y découvrirez les interviews de, entre autre et en personne, César, Vécingétorix, Cléopâtre, Marc Antoine, Auguste, le frère de Godefroy de Bouillon : Baudouin Ier, Louis VII, Aliénor d'Aquitaine (dont je suis tombé follement fou amoureux), Philippe Auguste, Richard coeur de Lion, et bien d'autres. »

 

- « Et c'est là tout ce que vous aviez à nous dire ? »

 

- « Mais que faites-vous encore céans ? Au lieu de perdre votre temps à papoter vainement, allez plutôt vous abonner à "CONFESSIONS D'HISTOIRE" et liker les vidéos, sacrebleu ! »

https://www.youtube.com/c/ConfessionsdHistoire

796 - Samedi 06 août 2022

 

« Par nature, l'homme est un animal propre et délicat »

 

II ne faisait pas partie du commun adepte du sahaja yoga. Afin d'atteindre les chemins spirituels de la méditation, il préférait user d'une autre méthode, aussi différente que personnelle. Assis dans la position du lotus, sur la toile cirée imprimée couvrant la table de sa cuisine, religieusement, il mangeait du maroilles.

 

Présentement, son esprit s'imprégnait de ce qui permettait à l'Homme de se distinguer de la bête et lui conférait, par rapport à elle, un caractère de supériorité et de transcendance, à savoir l'imagination et la créativité. Et cela le fit penser à l'histoire de György Dózsa, chef de l'insurrection paysanne hongroise qui se déroua au XVIe siècle.

 

Capturé, il fut assis sur un trône de fer chauffé à blanc, fut coiffé d'une couronne de fer, elle aussi chauffée à blanc, dut prendre en main un sceptre, bien sûr chauffé à blanc, puis six de ses compagnons furent obligés de le dévorer vivant. Admirable exemple de la puisance imaginative et créative de l'homme, s'il en est fut. Non ?

 

Commentaire

Grimper jusqu'au sommet de l'échelle de l'évolution pour en arriver à ça ! Dieu, nous préserve d'avoir un jour l'envie de gravir les échelons de cette échelle.

Rintintin

797- Dimanche 07 août 2022

 

Déterminé

 

Les quidams qui eurent à les croiser sur le trottoir où ils marchaient, ne laissèrent pas de remarquer que l'un d'eux paraissait fort exalté, voire superexcité.

 

- « Non,Thimolas, il ne saurait être question que je me déjuge, que je me renie. Oncques, ne reviendrai-je sur ma décision. Je n'en démordrai pas, soyez en bien persuadé. »

 

- « Tiburce, je me refuse cependant à croire que la raison ne finisse par l'emporter et, quoi que vous en disiez, je conserve le ferme espoir de vous voir renoncer à votre fol projet. »

 

- « Détrompez-vous, je tiens absolument à me faire Québécois et je le ferai. »

 

- « Mais, est-ce donc que vous vous trouvâtes lassé de votre condition de Français et du maroilles, pour que vous vinsse une telle idée ? »

 

- « Que nenni, je souhaite prendre la citoyenneté de La Belle Province afin de pouvoir adhérer au Parti Rhinocéros. Son programme m'a positivement emballé. Jugez plutôt : abolition de la loi de la gravité, baisse de la vitesse de la lumière, envoi d'une goupille à l'île de la Grenade, enfin ne jamais tenir ses promesses. »

 

« Effectivement... Et comment s'y prend-on pour devenir Québécois ? »

 

Commentaire

Les gars, j'voudrais pas casser l'ambiance, mais le Parti Rhinocéros n'existe plus depuis 1993.

Robert Charlebois

798- Samedi 13 août 2022

 

Drogue dure

 

La chose lui semblait impossible. Elle ne devait s'expliquer que par la propagation d'une rumeur des plus malveillantes. Comment pouvait-il en aller autrement ? Impossibe de sérieusement penser qu'elle reposait sur une quelconque réalité tangible. Tout être un tant soit peu doué de raison ne pouvait que rationnellement en convenir.

 

Ainsi donc, au même titre que la drogue, l'alcool ou le tabac, il existerait un risque d'addiction au fromage. Cette accoutumance serait due à la caséine, une protéine présente dans tous les produits laitiers. Elle libèrerait de la casomorphine, une molécule qui possède le don d'activer les zones du cerveau reponsables du phénomène de dépendance.

 

Accroire en de telles balivernes et billevesées, reviendrait à considérer que lui, homme de bien décoré des palmes académiques et du mérite agricole, ne serait qu'un gros junky se camant jusqu'à l'os au maroilles. Non, mais ça va pas la tête !

799- Dimanche 14 août 2022

 

C'est celui qui dit qui y est

 

Il lui arrivait à l'occasion, de temps en temps, de ci de là, d'échanger quelques considérations avec lui-même sur ses qualités intrinsèques. Il ressortait de ses introspections intimes, plus ou moins périodiques, qu'il correspondait bien à l'idée qu'il se faisait de sa personne.

 

Il se trouvait d'un physique vraiment avenant et harmonieux. Son caractère lui paraissait des plus amènes, voire affables. Il ne se pensait pas simplement intelligent, mais d'une intelligence extrêmement supérieure à la moyenne. Il était persuadé posséder un niveau de capacités dépassant de loin celui de la plupart de ses contemporains.

 

Ces derniers portaient sur lui un regard plutôt différent. Ils ne lui reconnaissaient pas les qualités dont il se prévalait. Ils ne voyaient en lui que du classique, de l'habituel, du banal. Pour exprimer sans détours le fond de leur pensée, sans aller jusqu'à dire qu'il se prenait pour le grand monarque, incarnation de l'énergie du Christ cosmique, ils considéraient tout de même qu'il se surestimait quelque peu.

 

Il ne prêtait aucune attention à ces observations. Il ne reconnaissait pas à ces mangeurs de maroilles les compétences nécessaires pour le juger, et s'ils osaient le faire, c'est que, contrairement à lui, ils étaient victimes de l'effet Dunning-Kruger.

800 - Dimanche 20 août 2022

 

Altruistes spatiaux

 

Les yeux tournés vers le ciel, sans but et sans mobile, il marchait dans la nuit, tout seul et anonyme, sans témoins, sans personne, en oubliant les heures1. Et, il songeait à tous ceux qui, depuis l'aube de l'Humanité, avait, tout comme lui, dirigé leur regard vers les étoiles.

De tout temps, le maroilles et le cosmos ont fasciné l'Homme. Au fil des millénaires, l'Humain a pris conscience de la place infime qui est la sienne dans cette immensité infinie jusqu'au vertige. D'ailleurs, de nos jours, des milliardaires eux-mêmes se passionnent pour la Lune, sont captivés par la course des astéroïdes. Ils en deviennent lyriques, voire poètes. On en pleurerait tellement ils sont touchants

Bien sûr, des esprits suspicieux, des acariâtes sournois, des mécréants chafouins, ne manqueront pas de penser que le véritable rêve de ces nantis astrophiles consiste à défoncer la Lune, pour en extraire l'hélium 3. L'hélium 3 dont les réserves terriennes ne dépassent pas 500 kg, alors que les lunaires atteignent 100 000 tonnes. Et surtout, l'hélium 3 qui se vend un million de dollars le kilo. Ce n'est également que mauvais procès à vouloir prétendre qu'ils bavent à l'idée de pouvoir un jour de s'accaparer les astéroïdes. Pas pour qu'ils nous dévoilent les secrets de l'univers, mais parce que leur teneur en métaux précieux et rares leur donnent une valeur allant de plusieurs centaines de millions de dollars à plusieurs milliers de milliards de dollars.

 

Il décida de rentrer rapidement chez lui car, il n'aurait su dire pourquoi, il fut pris d'une impérieuse envie de relire Tintin « On a marché sur la Lune ».

 

1: voilà qui n'est pas sans me rappeler, je ne sais quel air bien connu...

Jean JacquesGoldman

 

800 - Dimanche 21 août 2022

 

 

Entre preux et pereux, il n'y a qu'un "e" de différence

 

Il possédait deux caractéristiques particulières, celle de préfèrer le maroilles aux tripoux de ragondin froid et celle de se vouloir comporter en preux. Aimable, badin, primesautier, d'une propeté irréprochable - il savait aussi bien prendre une douche qu'un bain de pieds - il affichait toujours une mise soignée, élégante mais sans aféterie.

 

Cependant, ce n'est point par ces manières policées que se manifestait son farouche tempérament chevaleresque. Il s'exprimait dans son tapageux désir d'héroïsme, d'honneur. Il se plaisait à se présenter comme le synonyme incarné de l'exemple parfait du brave, du vaillant, du valeureux, du courageux.

 

Or, il parvint jusqu'à ses nobles oreilles qu'on portât tantôt atteinte à son prestige. On clamait qu'à le connaître vraiment, on se trouvait d'abord décu, puis navré et que, bien qu'il ne fût nullement jardinier, il en n'était pas moins un sacré bêcheur. Avant bientôt, il apprit que l'offense venait d'un grand vilain pas beau très costaud de partout, au caractère plutôt pétardier, sentant pas bon des pieds.

 

Cet insolent méritait qu'il lui appliquât à la volée un double soufflet. Mais, il s'en garda bien, parce qu'un gentilhomme, tel que lui, ne pouvait s'abaisser à corriger un ordinaire de basse extaction, surtout s'il était très costaud de partout, avec un caractère plutôt pétardier.

 

 801 – Samedi 27 août 2022

 

Histoire de mots ou de maux ?

 

- « Le derme tout bruni et pailleté de sel marin, les yeux toujours brillants du bleu infini de "la mer qui danse le long des golfes clairs", le cheveu encore défait par le souffle du vent du large, monsieur Théogène Magnumgravis, natif et résident de Tilloy Lez Cambrai, rentre présentement de vacances et pense que c'est donc le moment ou jamais de nous glisser un petit mot à l'oreille. Mon bon Théogène, qu'il soit fait selon vos souhaits, glissez, glissez, selon votre bon plaisir. »

 

- « Je sais que, ne le niez pas, j'ai mes sources. Je sais, disais-je, que mon prestigieux et séduisant métier d'étymologiste tente une partie non négligeable et de plus en plus grandissante de la population française. Mais mâtin ! Pensent cette foule passionnée, cette profession doit demander une considérable et onéreuse formation. Ce n'est pas une raison pour brailler comme ça. »

 

- « Que signifie,Théogène ? Je m'insurge. Je nie toute manifestation sonore. Totalement coi, plus muet qu'une carpe aphone, je n'ai pipé la moindre syllabe. Je suis en limite du désappointement. »

 

- « Ah bon... Non, il m'avait semblé que... Bien, alors entrons sans plus tarder dans le vif du sujet. Généreux en diable, je vais, ici même, gracieusement prodiguer un cours pour les étymologidolâtres impécunieux. Rien n'obligeant à ce que le savoir soit pesant, et chauvin., n'hésitons pas à nous montrer badin, folâtre et international. Parlons, par exemple, de kidnapping. Ce vocable d'origine anglaise vient de l'agrégation de deux termes : kid, enfant en français, et "nap", variante de " Nab ", qui peut se traduire par cueillir. Ce mot apparait, au XVIIe siècle, pour désigner le vol d'enfants en Irlande, que l'on vendait ensuite comme esclaves dans les colonies américaines. Plus de 100 000 petits Irlandais furent ainsi victimes de la belle créativité mercantile des commerciaux jeunes et dynamiques de cette époque. »

802-Dimanche 28 août 2022

 

Présomptueux surréaliste

 

Le soir tombait. Pourtant, pas une gazelle craintive, pas un buffle taciturne, ne venaient se désaltérer au marigot étincelant de mille reflets dans la rougeoyante lumière du soleil couchant. Mais, fallait-il réellement s'en étonner, dans la mesure où il fallait honnêtement reconnaître, que Porte de Paris, en plein Cambrai, la gazelle, le buffle, le marigot, ne faisaient pas partie des habitués du lieu, songea-t-il, en mâchant pensivement son morceau de maroilles.

Posséder de la suite dans les idées ne constituant pas la moindre de ses qualités, il en vint à se dire que les autres devraient parfois se mettre à sa place. Non pas afin qu'ils le remplaçassent sur le siège du dentiste ou se substituassent à lui pour jeter les emballages et bouteilles usagés dans les conteneurs du tri sélectif, mais plutôt pour qu'ils vissent le monde à travers ses yeux. Ainsi, pourraient-ils ouvrir leurs esprits, faire preuve de davantage de sensibilité et accroître leur intelligence. En un mot, ils deviendraient meilleurs.

D'aucun aurait pu lui demander : qui es-tu donc pour te permettre une telle prétention ? Ben, je sais pas, répondrait-il, mais moi, une fois, j'ai vu une gazelle craintive, un buffle taciturne, venir se désaltérer au marigot étincelant de mille reflets dans la rougeoyante lumière rasante du soleil couchant, Porte de Paris, en plein Cambrai.

803 - Samedi 03 septembre 2022

 

Culte de la personalité historique

 

Quand on pense Histoire avec un grand « H », songeait-il, on pense, immédiatement et tout naturellement, Maroilles et personnages hors normes, dominant tant et tant leur époque de leur exceptionnelle stature que le temps ne peut effacer leur précieux souvenir de la mémoire des Hommes.

Au contraire, les années passant, leur image ne fait qu'embellir. Ils deviennent des êtres magnifiques parés de toutes les qualités, en particulier celle d'une inteligence exceptionnelle. Elle leur donne le don exaltant et rare d'atteindre une justesse de jugement d'un niveau surhumain, inaccessible au commun des mortels.

Voilà pourquoi, les pauvres ères, que nous sommes, leur vouons une admiration délirante aussi justifiée qu'illimitée. Et puis, un jour... Un beau, jour... L'Histoire ressort au grand jour un truc du genre les lignes de cette lettre datée du 23 juillet 1939 :

« Cher ami,                                                                                                                                                                    Il est assez clair que vous êtes aujourd’hui la seule personne au monde qui puisse empêcher le déclenchement d’une guerre pouvant réduire l’humanité à l’état sauvage. »

Le « cher ami » en question s'appelait Adolf Hitler et l'ami de ce « cher ami » qui a rédigé cette charmante missive n'était autre que Gandhi. Bien vu, mon gars ! Sans vouloir donner de leçon et critiquer, il faut tout de même un petit peu reconnaître que question lucidité et choix de ses copains, on peut faire mieux.

804 - Dimanche 04 septembre 2022

 

«Tu seras un homme, mon fils »

Son père lui avait dit un jour :

« Fils, approche, assieds-toi. Te voilà en âge d'écouter ce je que vais te dire. Garde le bien en mémoire et souviens-t'en quand un homme tu seras devenu, ce qui sera bientôt. Nous devons léguer à nos enfants et aux enfants de nos enfants, du maroilles de qualité et un monde propre et hospitalier. Il est également de notre devoir d'Homme de nous battre pour qu'ils vivent dans une société où le règne de la Liberté, de la Fraternité, de l'Egalité, ne soient pas qu'un espoir, mais une réalité. Lorsque pour toi sera venu temps de reprendre le flambeau, tu verras combien cette tâche est compliquée parce qu'entraver par des êtres pour qui l'égoïsme et la cupidité tiennent lieu de raison de vivre, des personnages représentant ce qui se fait de mieux en matière de répugnant tas de stupidité, des gens dont on dirait que le seul métier pour lequel ils soient doués, consiste à se comporter en parfait sa...pard. »

Et combien il avait raison, Papa.

 

 

805- Samedi 10 septembre 2022

 

Imposture


Il faillit mortellement s'en étrangler en mangeant son maroilles, tant un furieux courroux le prit tout de go et entier. Ainsi donc, la tromperie, la fourberie, la forfaiture, la félonie, frappaient insidieusement derechef. A nouveau, la vérité se trouvait travestie, la sincérité se voyait jeter à bas.

On dupait, on bernait, on leurrait, à l'envi, l'honnête et brave citoyen. On profitait de sa crédulité, on exploitait sa candeur. On foulait d'un pied malodorant la vérité, on la travestisssait sans vergogne. Morbleu ! A qui donc, désormais, pouvait-on se fier sans crainte ?

Voilà qu'après Justin Bridou (Cf : Bêtise n°782 ), il découvrait effaré que le chocolatier Jeff de Bruges semblait être ce qu'il était, alors qu'en réalité, il était ce qu'il ne paraissait pas être. En effet, non seulement ce personnage de nationalité française se permettait d'usurper celle des Belges, mais de plus s'appelait, en vérité, Philippe Jambon. Mais, avec un nom pareil, que ne s'était-il honnêtement investi dans la charcuterie, plutôt que dans la chocolaterie ?

806- Dimanche 11 septembre 2022

 

C'est pas facile pour tout le monde

 

Si en dehors du maroilles, ses préférences fromagères se situaient largement entre rien et pas grand-chose, il n'en allait certainement pas de même en ce qui concernait sa fibre sociale. Plus précisément, il se montrait en particulier des plus sensibles au sort d'une certaine catégorie de retraités.

Contrairement au commun des mortels, les pauvres hères en question, quel que soit le nombre de leurs trimestres de cotisations, ne touchent, dès l'âge de 60 ans, qu'une misérable pension mensuelle d'à peine 6 227,73 euros brut. Etant donné la modestie de ce revenu, ils bénéficient d'un humble appartement de plusieurs centaines de mètres carrés, meublé, équipé et dont le loyer, qu'ils ne payent pas, s'élève à plusieurs dizaines de milliers d'euros par mois. De plus, ils sont exonérés de la maintenance et des charges inhérentes à ce logement, y compris le téléphone.

Tout aussi gracieusement, quatorze personnes, au minimum, sont affectées à leur service, sans compter les deux chauffeurs pour la voiture mise à leur disposition, gratis. Si d'aventure les déplacements automobilistiques ne leur siéent pas , ils leur est, ainsi qu'à leur conjoint, accordé le minime avantage de voyager, aux frais de la princesse, en première classe, en train, en avion ou en bateau.

Malgré leurs longues vies de labeur, ils siègent au Conseil Constitutionnel. Heureusement, en compensation, ils reçoivent une modique rémunération de 12 000 euros, par mois.

Voilà, sans fard et dans toute sa rudesse, l'ingrat et misérable sort des anciens présidents de la République française, pensa-t-il, en ne pouvant retenir des larmes de compassion dans ses grands yeux apitoyés. Et avec quelle impatience ces malheureux devaient-ils attendre la revalorisation des retraites de 4%, avec effet rétroactif au 1er juillet.

 

807- Samedi 17 septembre 2022

 

Pas si Grave que ça

 

- « Salut à vous, salut à vous, brave et cher monsieur Ragnar Lodbrok. Depuis que vous vîntes au monde, vous êtes natif de votre lieu de naissance. Etourderie, inadvertance, inattention, distraction, de votre part, ô combien pardonnable, vous omîtes de nous instruire de votre activité professionnelle. Aussi, voulez-vous avoir la bonté de nous la dévoiler, ainsi que le veulent nos us et coutumes en vigueur. »

 

- « Bien volontiers et avec plaisir, donc, je travaille. »

 

- « Vous travaillez... Ah, mais c'est vraiment un beau métier ça. A présent, ne nous laissez pas grésiller d'impatience plus longtemps, dévoilez-nous, sans façon, l'objet de votre propos. »

 

- « Je viens m'ouvrir au grand jour d'un certain sentiment d'agacement. »

 

- « Eh, bien, allez, zou ! Ouvrez-vous, ouvrez-vous largement, Ragnar. »

 

- « Alors, le 8 juin 793, les Vikings1 viennent en voyage touristique dans le nord de l'Angleterre. Ils pillent un petit peu complètement l'abbaye de Lindisfare et, sans penser à mal, massacrent tous ses monastiques occupants. Et là, maousse consternation, balèze indignation, l'ensemble du monde chrétien haut-moyenâgeux pousse des cris d'ofraie pour crier au scandale. Au cours du IXeme siècle, les petits chahuteurs maritimes scandinaves font à Paris l'insigne honneur et rare plaisir de les recevoir, par trois fois. Le Parisien, la chose est bien connue, ne comprend rien à l'humour nordique et au comportement brut de décoffrage des gens du Grand Nord, aussi ne laissa-t-il pas de se plaindre de ces derniers. Puis-je effectuer pause maroilles ? »

 

- « Je vous en prie. »

 

- « Me voilà sustenté, je reprends. En l'an de grâce 881, Charles le Simple ne parvient pas à empêcher les Vikings de dévaster et réduire Cambrai en cendres, ainsi que de saccager le monastère Saint-Géry. Pour autant, avez-vous déjà croisé en la cité cambrésienne, des Cambrésiens aproférant le moindre propos désobligeant à l'égard des fidèles d'Odin et de Thor ? Non. Comme quoi les haut-moyennageux chrétiens et les Parisiens sont rien que des grosses chochottes. »

 

1: voir bêtise n°590

 

Commentaire

Dites, mon petit Nervien, avez-vous cherché à savoir qui est Ragnar Lodbrok?

LOUIS III

808 - Dimanche 18 septembre 2022

 

Amitié franco-américaine for ever

 

Une fois achevée son immuable quotidienne dégustation de maroilles, l'âme et l'estomac en paix, il aimait consacrer quelques instants à la collecte d'informations qui demeurent, généralement, ignorées du croquant de base. Il ne se croyait pas pour autant un être au statut particulier gravitant dans des sphères réservées à une élite sélectionnée. Simplement, de ses activités passées, il gardait un savoir très utile à la pratique de cette occupation.

Pour l'heure, il venait de retrouver la relation de l'exercice naval COMPTUEX, qui eut lieu pendant 10 jours, en 2015. Y participaient le sous-marin Saphir, de la Marine nationale, et le Carrier Strike Group 12, de l'US Navy, composé du porte-avions USS Theodore-Roosevelt et de son escorte de protection, comprenant l'USS Normandy, l'USS Winston S. Churchill, l'USS Forrest Sherman et l'USS Farragut.

Le compte rendu publié sur le site du Ministère de la Défense française et de la Marine nationale, à l'issue de cette manœuvre militaire, indiquait que : « Le Saphir s’est glissé discrètement au cœur de l’écran formé par les frégates américaines protégeant le porte-avions, tout en évitant la contre-détection des moyens aériens omniprésents. Au matin du dernier jour, l’ordre de feu était enfin donné, permettant au Saphir de couler fictivement le Theodore Roosevelt et la majeure partie de son escorte. »

De leur côté, ni les sites US, ni la page Facebook de l'USS Theodore-Roosevelt, ne mentionnèrent ces faits. Le compte rendu du Ministère de la Défense française et de la Marine nationale fut rapidement dépublié, afin de sauver les apparences et la dignité de nos amis américains.

Attention des plus élégantes, pensa-t-il, mais qui était sans doute le moins que l'on puisse faire pour des gens qui, eux aussi, lors de la seconde guerre contre l'Irak, avaient su faire preuve d'une si grande élégance et estime à notre égard, en nous traitant de singes capitulards, bouffeurs de fromage.

809 - Samedi 24 septembre 2022 

 

Don de persuasion naturel

 

- « Ubaldine, toi mon unique et précieuse bien aimée, je m'en voudrais mortellement de te gâcher le goût du maroilles et je me noierais de chagrin si tu venais, un seul instant, à penser qu'il puisse exister en moi la moindre parcelle de prétention. Débordant d'humilité, je n'ai jamais désiré me faire passer pour quelqu'un d'indispensable alors, qu'objectivement et sans forfanterie, je le suis.

 

Je sais que grâce à ta pratique de la méditation transcendantale, de l'ascèse corporelle et matérielle, tu possèdes, de longue date, des nerfs en acier trempé et une maîtrise de toi-même inoxydable. Tu traverses le cours tumultueux de la vie avec philosophie. Tu accueilles d'un même front serein aussi bien les coups chance que ceux du sort.»

 

Ainsi, suis-je tout persuadé que tu prendras avec un sensationel stoïcisme ma décision de t'annoncer ma détermination de revenir en arrière en changeant d'avis pour dire le contraire de ce que j'avais affirmé au début et cela quels qu'en soient les risques de critiques visqueuses, voire de sarcasmes gluants. Alors voilà, j'ai irrévocablement décidé de ne plus faire la vaisselle. »

 

- « COM-MENT ?! Mais, tu cherches la grosse baffe, le bourre pif du siècle, la raclée atomique, ou quoi?! »

 

- « Non, mais, finalement, je crois que je vais continuer à la laver, la vaisselle. Mais, je te préviens... »

 

- « QUOI, ENCORE ! »

 

- « Euh..., non, c'est juste que quand même je voudrais des gants de vaisselle... Quand mëme ... »

 

810 - Dimanche 25 septembre 2022

 

Bavards bellicistes

 

Si ceux à se prétendre spécialistes en maroilles se montraient gens fort discrets, il en allait autrement de ces singuliers personnages s'autorisant à traiter publiquement de la chose guerrière. La plupart de ces individus ne lui inspirait qu'un souverain mépris. Ils ne représentaient qu'un navrant aréopage de vains péroreurs. De façon générale, leur pédante cuistrerie n'avait d'égale que leur impressionnante ignorance.

 

Visiblement, bien peu savaient de quoi ils parlaient. La guerre, qu'en connaissaient-ils, en vérité ? Combien d'entre eux avaient-ils, un jour, entendu approcher un groupe de combat ? Vous savez alors que le moment est arrivé. L'adrénaline monte en vous et finit par vous envahir complètement. Vous avez la gorge et la bouche seiches. Votre pouls s'accèlère. Vous vous mettez à transpirer. Votre estomac se retourne au point de vous donner envie de vomir. La notion du temps disparait. La pression mentale et physique est intense.

 

Puis, soudain, tout se passe très vite. Alors... Mais, il ne voulait pas se souvenir davantage.

 

811 - Samedi 01 octobre 2022

 

Attitude critiquable, certes, mais néanmoins compréhensible

 

Dans la vie, il ne faisait rien en particulier, mais force était de reconnaître qu'il le faisait singulièrement bien. L'on devait tout de même à l'honnêteté de reconnaître qu'il ne se montrait pas véritablement totalement inactif. Il occupait une partie non négligeable de son temps, à se vouer un fol amour, une inimaginable adoration. Il s'y consacrait avec une telle force que cela dépassait tout entendement et vous laissait paralysé de stupéfaction.

 

Quand il n'était pas complètement inerte ou pâmé d'admiration devant lui-même, il passait le reste de son temps à agacer ses contemporains. Il prenait un malin plaisir à perfidement leur lancer des piques, sous couvert de saillies humoristiques. En un mot, un type bien, sous tous rapports, aussi délicieux et symphatique que les putois semi-aquatique des marigots fétides de l'ouest de de Tasmanie méridionale.

 

Voilà, pourquoi, lorsqu'il le rencontra, il s'exhorta à la sérénité, au relâchement de ces 150 000 kilomètres de nerfs, tout en s'invitant à se laisser aller à l'extatique et fraternel sentiment d'amour envers les tous hommes, ses frères, même ceux qui n'aiment pas le maroilles. Pourtant, malgré leur forte intensité, ces louables efforts ne purent l'empêcher de gratifier ce poussif et sournois égocentrique d'une beigne à lui en décoller la tête. Pas très zen comme geste, direz-vous, d'accord, mais quel pied !

 

812 - Dimanche 02 octobre 2022

 

Nos ancêtres les Gaulois

 

 - « Monsieur Tranquillin Robinette, pythagoréen portraitiste géométrier d'icosaèdres réguliers, habitant de Boussières en Cambrésis, sautille d'impatience, tel un Zébulon survolté. Et pourquoi sautille ainsi ? Eh, bien, parce qu'il veut lacérer maintenant, au plus vite, le voile opaque qui nous cache la vérité historique vraie. Nous ne vous laisserons pas davantage ronger sauvagement votre frein, Tranquillin. Allez en paix et lacérez, lacérez, tant que vous vous voudrez. »

- « Mon cher Nervien, l'homme moderne pense, en général, qu'après sa ballade touristique musclée de sept ans, Jules - César, pas Jules Crougnasse, patron du bistrot " Au p'tit vin blanc sec qui va bien et du p'tit rouge maison pas dégueux, réunis" - Jules, donc, réussit à se rendre maître de ce qu'il appela la Gaule. Quant aux conquis, sans rechigner, ils se seraient transformés, vite fait bien fait et gentiment, en Gallo-Romains. Mais, c'est du grand n'importe quoi ! »

- « Je vous en prie, Tranquillin, ne criez pas, s'il vous plaît, vous faites peur à mon maroilles. »

- « Excusez-moi. En réalité, après la fin de l'envahissant passage de ce frimeur de Jules, il fallut encore plus de trente ans aux Romains pour parvenir à complètement pacifier ceux qu'ils nommaient les Gaulois. Et en 68 après J.C (les lettres J.C ne correspondent pas aux initiales de Jules César ou de Jules Crougnasse, mais à celles de Jésus Christ), un soulèvement, soutenu par certaines légions, permit à nos ancêtres de se libérer de l'autorité de Rome. Un Empire des Gaules fut proclamé. Il ne dura malheureusement que trois ans, victime de la reprise de contrôle manu militari, lancée par l'empereur Vespasien. Non, il n'y eut pas qu'un seul village gaulois à résister encore et toujours à l'envahiseur et la vie ne fut pas facile que pour les légionnaires des camps retranchés de Babaorum, Aquarium, Laudanum et Petibonum. »

813 - Samedi 08 octobre 2022

 

Question de formation

 

Comme tout homme moderne dynamique, bien dans sa peau et dans son col roulé, il vivait benoîtement avec l'idée que les apiculteurs enfumaient sournoisement leurs abeilles pour les endormir à leur insu. Mais, nenni, en fait, pas du tout, ainsi que le lui apprit une personne de bien et de haute culture, s'il en fut, puisqu'il s'agissait de son fournisseur officiel de maroilles.

Les producteurs de miel plongent leurs essaims dans la fumée afin de faire croire à leurs occupantes que leur logement brûle. De cette manière, les rusés producteurs de miel créent la panique chez les malheureuses insectes, qui ne se préoccupent plus alors que de sauver tout ce qu'elles peuvent de leur abri, qu'elles pensent en flammes. Pendant ce temps, elles ne se préoccupent pas des enfumeurs mystificateurs, ce qui permet à ces derniers d'agir tranquillement et à loisir sur les ruches.

D'accord, considéra-t-il, le procédé manque d'élégance pour ne pas dire de loyauté, mais si en plus d'ouvrières, elles formaient également des pompiers, elles ne se feraient pas couillonner de la sorte.

814 – Dimanche 09 octobre 2022

 

Détail troublant   

Il tenait tant la discrétion pour qualité majeure, qu'il n'aurait su souffrir de se voir obligé à la moindre manifestation d'exubérance. Quiconque se serait risqué à tenter de le pousser au devant de la scène, aurait encouru son plus vif courroux et pris le risque de voir se concrétiser sa désapprobation par une rossée exemplaire.

Un tel souci de furtivité était tout à son honneur. Pourtant, l'homme aurait mérité de bénéficier d'une notoriété justifiée, en sa qualité de spécialiste chevronné du maroilles, mais également de personne d'une exquise serviabilité et d'une sympathique bonne humeur. Ainsi, se montrait-il toujours le premier à faire traverser la rue à de vieilles dames, même si elles ne souhaitaient pas le faire, ou gambadait-il de ci, de là, en chantant « Colchiques dans les prés ».

Donc, sachant tout ceci, est-ce à sa volonté d'anonymat que l'on dut le fait qu'il ne révéla jamais avoir vu un extraterrestre ou son silence résulta-t-il du doute qu'il ressentit, peut-être, en constatant que l'être interstellaire portait un béret basque ?

813 - Samedi 15 octobre 2022

 

Un grand coeur

 

Sans vouloir fouler d'un pied hautain plein d'orteils méprisants la réputation de ses contemporains, il considérait tout de même qu'ils ne pensaient principalement et surtout qu'à eux. Ils se montraient d'un égoïsme particulièrement remarquable de performance. Ces gros autocentrés ne s'occupaient que de leurs bouches, pour parler poliment. Ils méritaient de subir la même opprobre, le même dédain, dont sont justement l'objet ces abominables ignobles individus qui osent, sans vergogne, reconnaître qu'ils n'aimaient pas maroilles.

 

Heureusement, il existait quelques exceptions. Mais, elles se montraient aussi rares qu'une lueur de sympathie dans l'oeil du gars pour le type à cause de qui il s'est retrouvé en caleçon tout fumant et le cheveu roussi, parce que ce quidam, en essayant son désherbeur thermique, lui a cramé, par mégarde, son beau costume tout neuf du dimanche, qu'il mettait pour la première fois.

 

Lui, s'honorait de faire partie de ces grandes et belles âmes pour qui il ne pouvait exister d'homme digne de ce nom que dans l'altruisme. Il ne craignait point d'aller fraternellement vers l'autre, de partager généreusement avec lui, les valeurs humanistes. Selon certains - sans doute d'acariâtres impénitents médisants – en fait, son sens du partage se limitait scrupuleusement aux valeurs humanistes, pour le reste, fallait mieux s'adresser ailleurs.

 

813 - Dimanche 16 octobre 2022

 

En avoir le coeur net

 

Très franchement, il aurait fallu se montrer sacrément malhonnête pour affirmer qu'il était un vilain petit curieux. Non, simplement, il aimait savoir, voilà tout. Aussi, que l'on n'aille point s'étonner qu'il portât un vif et véritable intérêt au comportement de l'un de ses contemporains.

 

L'individu en question aurait attiré l'attention à moins. Il le devait moins à sa vision fort personnelle de l'élégance vestimentaire masculine qu'à sa propension à se répandre en propos qu'il voulait atypiques et percutants. Le fait n'avait rien à voir avec une quelconque démarche intellectuelle. Il adoptait cette posture afin de paraître un esprit supérieur. Il entendait ainsi épater ses contemporains. En fait, le besoin de flatter son écocentrique égo nécessitait qu'il se sentit admiré. Mais, ses palabres ne suscitaient, au mieux, que haussements d'épaules, au pire, des rabrouements agacés.

 

Un jour, notre avide de compréhension n'y tint plus. Il termina rapidement son dernier morceau de maroilles et alla poser à notre nombriliste m'a-tu-vu la question qui le taraudait :

 

« Dites moi, mon vieux, être aussi lourd que vous l'êtes, votre capacité exceptionelle à proférer des insanités et votre monumentale fatuité, c'est de naissance ou avez-vous pris des cours du soir ? »

 

813 - Samedi 22 octobre 2022

 

Bernadeau, le cerveau

 

Il n'avait guère le temps de consacrer un quelconque de ses moments, perdus ou non, à ouïr les échos de l'agitation du monde, qui lui faisait tellement froid dans le dos, qu'il en aurait porté un pull à col roulé, s'il en eut possédé un et aimé la laine qui gratte. Aujourd'hui, sa weltanschauung se limitait au maroilles et à son umwelt personnelle, comme aurait dit son kamerad Helmut. Car, pour lui, ce jour était un grand jour.

 

Il venait de permettre à la science d'effectuer un bond kangourouesque. Oncques, il n'eut d'incertitude sur ses capacités à réussir un tel exploit. Ce dernier ne venait que renforcer ses certitudes sur son phénoménal génie. Là, tout de go, son cerveau survolté avait donné naissance à l'idée du siècle.

 

Cette fois, Aldebarde, les mains jointes, le regard extasié, ne pourrait que le couvrir de compliments enthousiastes et admiratifs. Il n'en demandait pas davantage. Plus, aurait été de la flatterie.

 

- « Aldebarde ! Aldebarde ! Ma mie ! Aldebarde ! Aldebarde ! Ma mie ! »

 

- « Mais enfin, que se passe-t-il de si grave qui puisse bien me valoir une manifestation aussi bruyante qu'incongrue, de votre part, Bernardeau ? »

 

- « Aldebarde ! Aldebarde ! Ma mie ! »

 

- « Que diriez-vous, si je vous apprenais que je fus plus ingénieux que jamais ? »

 

- « Cela reviendrait à mentir de prétendre que la chose ne laisse pas de susciter mon plus vif désintérêt. Alors, quel bidule loufoque et improbable croyez-vous encore avoir inventé ? »

 

- « Mais rien... »

 

- « Plaît-il ? »

 

- « Mais rien... J'ai commis la découverte du principe le plus absolu de tous les temps. Ecoutez bien, vous n'allez pas en croire vos oreilles : se rendre compte qu'on est un imbécile est un signe d'intelligence. »

 

- « Mon bon Bernardeau, je n'ai jamais douté que vous ne soyez capable d'un grand signe d'intlligence. »

 

814 - Dimanche 23 octobre 2022

 

Grothendieck versus Taranis

Alors, qu'il entamait sereinement son quatrième maroilles de l'après-midi, il se dit : étant donné, d'une part, que depuis des temps immémoriaux, il est de coutume chez le son de se déplacer dans l'atmosphère terrestre à environ 340m/seconde - nous ne sommes pas à un centimètre près - et que, d'autre part, la lumière fonce comme une petite folle à 300 000 km/seconde, nous pouvons donc légitimement en déduire qu'entre un phénomène de type lumineux et la manifestion sonore pouvant l'accompagner, il se produira inévitablement un décalage. En clair, on verra le truc avant de l'ouïr.

Par conséquent, pour estimer approximativement à quelle distance - nous ne sommes pas à un centimètre près - on se trouve d'un orage, il suffit de compter le nombre de secondes entre un éclair et le tonnerre qui s'ensuit, puis de diviser le résultat ainsi obtenu par trois. Opération complexe, s'il en fut, mais il se pensait assez fin mathématicien pour parvenir à la résoudre. Et puis de toute façon, les calculatrices de smartphones n'étaient pas faites pour les chiens.

Ainsi, pour lui, le problème ne se situait pas là, mais dans son incapacité à effectuer le décompte des secondes. L'affaire se montrait plus ardue qu'il n'y paraissait. Ben oui, c'est pas facile d'arriver à recencer ces soixantièmes parties de la minute quand, à chaque fois qu'un éclair zèbre le ciel, on s'évanouit de frousse.

815 - Samedi 29 octobre 2022

 

Vocabulaire de plein-air

 

Selon les renseignements recueillis auprès d'un campagnard local, son ami Rigobert se trouvait, très précisément, dans la pâture des Cornette, située sur les bords du canal. Après avoir civilement remercié le rural informateur, il se dirigea vers les fluviales berges où, effectivement, il vit son petit camarade au beau mitan de la surface herbeuse indiquée.

 

La main droite pendante tenant un maroilles, le bras gauche tendu vers le ciel, il semblait... Oui, il semblait en pleine déclamation. La distance à laquelle il se trouvait lui rendait cette dernière inintelligible. Aussi s'approcha-t-il pour mieux ouïr et surtout comprendre l'étrange spectacle auquel il assistait.

 

- « Bonjour, Rigobert, comment ça va-t-y ? »

 

- « Chut... Boue, suie, glaise, magouilles, truand, mouton, bruyère, chêne, cailloux, galet, ardoise ! »

 

- « Oui, d'accord, mais... »

 

- « Tais-toi, s'il te paît. Ardoise, bâche, barque, béret, bouc, bille, benne, balai, brochet, charrue, chemise ! »

 

- « Ecoute Rigobert, quand même tu... »

 

- « Silence et mutisme, je te prie. Cheval, briser, glaive, gobelet, lance, talus, truite, lande, gaillard, arpent ! »

 

- « Rigobert, vas-tu finir par m'expliquer de quoi il retourne ? »

 

- « Mais, mon bon Philvodore, je rends hommage à notre patrimoine linguistique en récitant quelques uns des mots de gaulois qui sont parvenus jusqu'à nous. »

 

- « M... alors ! »

 

- « Philvodore, je t'en prie. »

 

- « Ben quoi, ça fait aussi partie de notre patrimoine linguistique. »

 

816 - Dimanche 30 octobre 2022

 

Qu'en aurait pensé Françoise Dolto

Assis sur son banc préféré du jardin public originellement conçu par le paysagiste Jean-Pierre Barillet-Deschamps, il dégustait à petites bouchées délicates son sandwch au maroilles. Une jeune maman qui charroyait son bébé dans un de ces petits véhicules adapté et dédié à la promenade des nouveaux-nés, survint.

De sa voix cristalline, elle chantait une comptine qui a bercé des générations d'enfants :

« Jean Petit qui danse... De son bras, il danse... De sa main, il danse... De son doigt, il danse... De son pied, il danse... De sa jambe, il danse... De son ventre, il danse... », etc...

Ce charmant tableau maternello-musical ne pouvait susciter que sympathie et attendrissement. Pourtant, il en fut profondément choqué. Comment osait-on obliger un innocent nourrisson à entendre une chanson relatant une mise à mort particulièrement horrible ?

Jean Petit était chirurgien à Villefranche de Rouergue et l'un des chefs de la révolte des croquants qui se déroula en 1642, sous la régence d'Anne d'Autriche et le ministériat Mazarin. Il fut condamné à la roue. Ce type d'exécution capitale consistait à attacher un homme1 sur une roue puis à lui rompre, à grands coups de barre de fer, toutes les articulations, les doigts, les mains, les bras, les jambes, les pieds. Les os fracturés transperçaient la peau du supplicié. Quand il ne restait plus rien à briser, le bourreau assénait à sa victime trois ou quatre coups de barre dans le ventre.

Bien sûr, songea-t-il, en ce temps-là, il fallait faire avec les moyens du bord. Pour mater les insurrections, on ne disposait pas, comme aujourd'hui, de GLI-F4, de GENL, ou de LBD.

1: à cette époque, l'égalité entre les sexes n'ayant pas encore droit de cité, la roue était interdite aux femmes. Elles n'avaient seulement droit qu'à la pendaison, la décapitation ou le bûcher.

 

817 - Samedi 05 novembre 2022

 

Si c'est demandé poliment, y'a pas de raison de pas répondre

 

Ce fut en sortant de son négociant de maroilles en gros, qu'il avait été abordé par une inconnue. Elle lui demanda s'il voulait bien accepter de lui consacrer quelques instants pour participer à un rapide sondage. La courtoisie de cette jeune fille, son air sérieux, sa discrète élégance, l'incitèrent à lui répondre par l'affirmative.

 

Il eut alors à effectuer un choix parmi les propositions suivantes :

 

a) Préféreriez-vous habiter dans un vieux morceau de carcasse rouillée d'une épave trouée de B17 et travailler comme esclave aux tréfonds d'une mine de sel perdue dans une jungle infestée d'indigènes à la machette hostile, ou vivre dans une HLM avec le SMIC ?

 

b) Préféreriez-vous être un citoyen dénutri dans un pays sous-développé pluvieux, dévasté par la peste bubonique et en plus dirigé par un sanguinaire dictateur nazi cannibale, ou vivre en France sous la bienveillante et parfaite gouvernance de notre président omniscient ?

 

Après cette expérience, il s'estima légitimement fondé à s'inscrire en faux contre l'idée que les questions sondagières puissent, parfois, être orientées. Ou alors, elles le sont si innocemment et si légèrement que cela ne saurait porter à conséquence.

 

818 - Dimanche 06 novembre 2022

 

Action psychologique sur le public afin de créer en lui des besoins à des fins commerciales

 

Son intention première consistait à quitter temporairement son douillet logis afin de s'en aller faire emplette des produits nécessaires à la reconstitution de ses réserves fromagères. Autrement dit, il devait sortir faire les commissions pour acheter du maroilles.

 

Mais en route, il se trouva détourné de son objectif initial par la muette et irrésistible invitation d'un avenant estaminet. Il franchit la porte de cet aimable établissement et ce fut par l'une de ses fenêtres qu'il aperçut un panneau publicitaire.

 

Ah, la publicité ! La publicité, protéiforme, omniprésente, intrusive, la publicité et ses 670 500 tonnes de prospectus par an, son coût de plusieurs centaines d'euros pour chaque consommateur, oui, la publicité, il ne la connaissait que trop bien. Dans une approche sémio-discursive, il avait étudié le discours manipulateur des publicistes, avant d’examiner leurs différentes stratégies discursives mises en œuvre aux niveaux icono-graphique, logico-linguistique, rhétorico-sémantique, textuel, interdiscursif et rhétorique.

 

La formulation conclusive de cette expertise renforca son sens de la négativité à l'égard de son sujet d'étude. Ou en français vernaculaire : rien à faire, la pub ça le gonfla toujours et encore, mais ça le gonflait à un point ! A n'en pas douter, il aurait eu grand plaisir à mettre en pièces détachées le premier publicitard qui lui tomberait sous le poing.

 

Cependant, s'il ne reniait point sa nature de violent prédateur, de féroce rapace et de gracieux félin, il n'en était pas moins un être doué de raison. Il se montrait conscient qu'un acte par trop impétueux de sa part, pourrait susciter une sévère réprobation des autorités judiciaires. Pour autant, il se refusait à l'inaction. Il menait le combat en tant que pub sniper d'élite en chef. Il repérait et éliminait impitoyablement de ses achats, tous les produits proposés par la publicité.

 

819 - Samedi 12 novembre 2022

 

« Pitié pour nos soldats qui sont morts ! Pitié pour nous vivants qui étions auprès d'eux, pour qui nous nous battrons demain, nous qui mourrons, nous qui souffrirons dans nos chairs mutilées ! Pitié pour nous, forçats de guerre qui n'avions pas voulu cela, pour nous tous qui étions des hommes, et qui désespérons de jamais le redevenir. »

Ceux de 14, Maurice Genevoix                                                                                                                                                 

 

820 - Dimanche 13 novembre 2022

 

Ils n'avaient pas les mêmes valeurs, ni les mêmes moyens

 

- « Monsieur Wilhelmus van Crommelynck de Wagemans du Demeulenaere, réparateur international de ravaudeuses industrielles de gants de vaisselle jaunes1, meure d'envie de tordre le cou à certaines affirmations encore largement propagées par nombre d'écrits ou de documentaires, au mieux, mal informés, au pire, fallacieux. Wilhelmus, je vous en prie, tordez, tordez. »

- « Cher Nervien, entre nous et qui vous voudrez, je rage, j'enrage, je peste, je trépigne d'exaspération. Si je vous demande à brûle-pourpoint : durant la seconde guerre mondiale, à quelle date Berlin fut-il bombardé pour la première fois et par qui ? »

 

- « Je rétorquerai du tac au tac et avec assurance, dans la nuit du 25 août 1940, par des avions de la Royal Air Force de sa gracieuse majesté britannique. »

 

- « Eh ben voilà ! Je l'aurais parié ! Vous aussi, vous plongez tête la première dans les eaux sombres de la bévue historique. Je devrais donc me fendre d'un rire sarcastique et vous écraser de mon mépris, mais je n'en ferai rien. Entre amateurs de maroilles, l'on se doit de se montrer fraternellement magnanimes et solidaires. »

 

- « Cher Wilhelmus, votre bonté et votre grandeur d'âme m'émeuvent jusqu'aux larmes. Je sanglote de gratitude. »

 

 

- « Voilons pudiquement nos émotions et revenons gaillardement à notre sujet. En réalité, la première attaque aérienne de la capitale allemande fut effectuée le 7 juin 1940, par un Farman NC.223 de l'Aéronavale française, baptisé Jules Vernes, avec pour équipage le capitaine de corvette Daillière, l’enseigne de vaisseau Comet (navigateur), le maître principal Yonnet (pilote), les maîtres Corneillet (mécanicien), Scour (radio) et le second-maître Deschamps (mitrailleur, bombardier). Leur mission consista à larguer 8 bombes explosives de 250 kg et 80 incendiaires de 10 kg, sur des objectifs exclusivement militaires. Leurs ordres étaient catégoriques : interdiction formelle de toucher des cibles civiles. Ce raid se voulait une réplique à celui mené par la Luftwaffe sur la banlieue parisienne, le 3 juin 1940. »

 

- « Il s'agissait, en quelque sorte, de la réponse du berger à la schäferin.»

 

- « Oui, sauf que les Allemands, eux, s'étaient pointés avec 640 bombardiers protégés par 460 chasseurs. Et les gars n'ont pas fait dans la dentelle. Ils ont joyeusement balancé plus d'un millier de bombes. A la fin de leur pilonnage, on dénombra 254 morts et 906 blessés. »

 

1: le réparateur international de ravaudeuses industrielles de gants de vaisselle roses est son frère,Wilfridiel.

 

821 - Samedi 19 novembre 2022

 

Question de relations humaines

 

Il s'estimait scintillant de grâce, de beauté et d'intelligence. Conscient de sa valeur, il n'acceptait-il pas de côtoyer le premier ordinaire venu, pas question de mélanger les torchons avec les serviettes ou le maroilles avec la mozzarella. Aussi, repoussait-il fermement celui ou celle - il militait activement pour l'égalité des sexes - qui osaient se montrer par trop familier, à son goût.

 

Bref, inutile de préciser que toute ressemblance entre lui et un sale type n'était certainement pas fortuite. Etant entendu, que personne n'usait ici à son propos du terme "type ", mais employait un mot de trois lettres beaucoup moins poli et édulcoré.

 

Or, un jour survint où il advint qu'un solide gaillard se sentit offusqué par les manières de ce cuistre. De ce fait, il administra une maîtresse gifle à ce dernier et dans la foulée, sans attendre qu'il lui tendit chrétiennement l'autre joue, il lui en colla une seconde de toute beauté.

 

« Monsieur, dit-il enfin, mon geste est assurément de ceux qui ne peuvent s'admettre de la part d'un gentilhomme. Je le reconnais de bonne grâce. Mais, il est des situations dans lesquelles il est du devoir d'un gentilhomme de se départir de son éthique et, présentement, ce devoir fut pour moi un réel plaisir. »

 

822 - Dimanche 20 novembre 2022

 

Tout, mais pas ça

 

Ce soir, tout en dinant légèrement d'une soupe d'asperges à la confiture de boudin aux châtaignes, de hots dogs/hamburgers au gras double et d'une petite livre de maroilles, il parcourait la liste des conséquences du réchauffement climatique.

 

Engloutissement des Philippines, de l'Indonésie, du Bangladesh, 10 000 à 20 000 îles, des villes côtières comme Miami, New York, Tokyo, Singapour, Amsterdam ou Rotterdam, bof... se dit-il d'un air détaché,

 

augmentation du nombre, de la durée, de la violence, des ouragans et des cyclones, bof, bof...

 

records de chaleur et épisodes de froid polaire, bof, bof, bof...

 

incendies plus fréquents et destructeurs, bof, bof, bof, bof...

 

explosion du nombre des réfugiés climatiques, bof, bof, bof, bof, bof...

 

recrudescence des maladies, bof, bof, bof, bof, bof, bof...

 

disparition d'une espèce animal sur six, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof...

 

disparition de la Grande Barrière de Corail, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof...

 

fin des vins de Bordeaux et de la vallée du Rhône, m'en fiche, je préfère le Bourgogne,

 

turbulences en avion plus fréquentes, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof...

 

disparition des glaciers, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof, bof...

 

Et enfin ...

 

Non, cela ne se pouvait ! Il n'en crut pas ses yeux exorbités de détresse. Le frisson glacé de la peur et de l'affolement lui tétanisa l'échine. Il dut se mordre le poing droit afin de réfréner un cri de désespoir. Nous allions vers un monde qui nous fera envier l'enfer. Le réchauffement climatique va causer une baisse de 89,5% de la production de cacao, donc nous allons connaître une pénurie dramatique de chocolat ! Il tomba à genoux et se mit à fougueusement prier Saint Diot et Saint Léonidas.

 

823 - Samedi 26 novembre 2022

Una storia di cavolo    

En ce samedi qui succédait à un vendredi, il faisait son marché à la halle couverte, en compagnie de son ami Randoulphe. Son aimée adorée et légitime jusqu'à ce que la mort les sépare, lui avait rédigé une liste de courses d'une précision dont elle seule détenait le secret.

 

- « Dis, Randoulphe, Platonide - ainsi se prénommait son aimée adorée et légitime jusqu'à ce que la mort les sépare - elle veut que je lui rapporte des broc... des broco... des brocolis. Tu sais à quoi ça correspond et si ça mord ? »

 

- « Quantor, cher vieux camarade, monsieur Gotlib aurait été mieux à même de te répondre que je ne le lui. Néanmoins, je possède quelques lumières sur le sujet. Le brocoli est un chou issu d'une espèce sauvage agronomiquement modifiée par les Romains. Ils le préparaient à l'huile d'olive, avec de l'ail et du vin blanc. En France, il fut introduit au XVIème siècle, par Catherine de Médicis, l'épouse italienne du roi Henri II. »

 

- « Si je comprends bien, le brocoli c'est de la verdure bricolée par les ancêtres d'Adriano Celentano et de Marcello Mastroianni. »

 

- « On peut voir les choses de cette manière. »

 

- « Rassure-moi. Les Romains, ils l'ont jamais trafiqué l'arbre qui donne des maroilles ? »

 

- « L'arbre qui donne des maroilles... Oui, bien sûr... Alors comment te dire... »

 

Commentaire

Je me permets d'ajouter que dans le calendrier révolutionnaire, brocoli était le 12ème jour du mois de pluviôse.

Robespierre

 

824 - Dimanche 27 novembre 2022

 

Carpe diem, quam minimum credula postero

 

N'aimant pas se trouver pris au dépourvu, il faisait toujours son possible pour connaître à l'avance le déroulement du cours des choses. Ainsi, bien que le mois de novembre ne se trouvât pas encore parvenu à son terme, il se préoccupait déjà de savoir si la prochaine année serait, ou non, bissextile. Afin de répondre à cette angoissante interrogation, il prit un morceau de maroilles et auprès des sources les plus sérieuses, s'informer, il s'en fut.

 

Or donc, avec notre calendrier grégorien, afin qu'elle soit bissextile, une année se doit d'être divisible par 4, mais non divisible par 100, ou être divisible par 400. Ce calcul se fonde sur une année durant 365,2425 jours, alors qu'en réalité, elle n'en fait que 365,2422. De ce fait, fort logiquement, tous les 125 ans, environ, une année qui aurait dû être bissextile ne l'est pas. De plus, tous les 3 200 ans, on se retrouve avec un jour en trop et 3, tous les 10 000 ans.

 

Bon, d'accord, conclut-il, soit j'essaie de vraiment comprendre ce charabia calendo-mathématuique et je m'offre un mal de crâne AOC qualité supérieure, soit j'attends jusqu'au mois de février prochain et je verrai bien comment ça se passe.

825 - Samedi 03 décembre 2022

 

American way of life again

 

L'évidence s'imposait de manière implacable, philosophait-il en se levant de table, repu et satisfait. La plus importante et la plus belle invention de l'Homme ne devait rien à l'action des Etats-Unis. Aucun des compatriotes de Buffalo Bill ou de Mikael Jackson ne se trouvèrent à l'origine de la création du maroilles.

 

Pour autant, cela ne dépréciait en rien la réelle puissance innovatrice de nos amis d'Outre Atlantique. Il ne fallait aucunement voir dans cette réflexion la manifestation d'une quelconque américanophilie de sa part, mais simplement une marque d'honnêteté intellectuelle. L'Histoire fourmillait d'exemples de citoyens américains à qui le monde devait de fabuleuses innovations.

 

Cependant, inexplicablement, l'une d'elles, et pas la moins géniale, ne franchit jamais les frontières étasuniennes : la spithouse. Il s'agissait d'une maison inesthétique, inhabitable, construite dans le seul et unique but d'enquiquiner ses voisins. Vraiment, quel dommage qu'une aussi excellente idée n'ait pu profiter à l'ensemble de l'Humanité.

Commentaire

Et en plus, des dispositions légales ont été prises afin d'interdire toute construction qui réduit la jouissance des lieux ou l'intimité des voisins.

John J. Raskob

 

La spithouse... Mais comment n'y ai-je pas pensé ?!                                                            Bernardeau

 

826 - Dimanche 04 décembre 2022

 

L'affaire du siècle

 

La météo affichait deux degrés et annonçait des averses éparses, mais ils continuaient à arpenter le mail Saint Martin sans s'en soucier, tant leur conversation animée les accaparait.

 

- « Je t'assure, Maixent, l'intérêt du produit ne souffre pas le doute. »

 

- « Landolphe, permets-moi, une fois encore, de me montrer d'un avis inébranlablement contraire. »

 

- « Tu commets là une dramatique erreur. On peut croire en cette marchandise comme au maroilles. »

 

- « Ah, je t'en prie, ne blasphème pas ! »

 

- « Oui, excuse-moi, je n'aurais pas dû pas me laisser aussi impétueusement emporter par mon fougueux engouement. Néanmoins, il s'agit tout de même d'une offre follement honnête, puisque faite sur youtube par un jeune homme parfaiment sympathique et bien mis. Te rends-tu bien compte de la chose ? Un véritable sabre laser, comme celui des jedis, avec lequel tu peourra vraiment découper en tranches fines n'importe quoi ou n'importe qui, fabriqué à Laguiole, au prix supérieurement alléchant de 2681,04€, hors taxe. Que veux-tu donc de plus ? »

 

- « Landolphe, cher et vieux immuable camarade, j'aimerais simplement connaître la longueur de la "lame" de cette arme aveyrono-galactique ? »

 

- « A la louche, au pif et approximativement, je dirais un bon mètre, environ. »

 

- « Sauf que, et j'en suis fort marri, aux dernières nouvelles, nous sommes piteusement incapables de contrôler la longueur d'un laser. Ensuite, pour faire fonctionner un sabre laser dans les règles de l'art, il faudrait, au minimum, lui donner une puissance d'un gigawatt, soit l'équivalent de la production d'une centrale nucléaire, en état de marche. »

 

« Alors ... »

 

« Alors, comme je ne suis qu'amour et douceur, je vais charitablement conseiller à ton escroc de jeune homme parfaitement sympathique et bien mis d'aller, au plus tôt, brûler force cierges dans l'église la plus proche de son domicile, afin que les instances divines lui accordent la grâce que ce soit Dark Vador qui lui tombe dessus plutôt que moi et mon FAMAS. »

 

827 - Samedi 10 décembre 2022

 

Bon à savoir

- « Monsieur Alfrédinore Angelot, surnommé le bulldozer de l'enfer, catcheur bio écoresponsable, entraîneur officiel de Conan le barbare, résidant à Cantaing sur Escaut, nous vient aujourd'hui en toute simplicité afin de rageusement fouler au pied une image d'Epinal qui défigure éhontément le virginal visage de la vérité historique. Alfrédinore, que dire d'un si noble dessein, sinon vas-y à fond, mon gars, foule, foule, tout ton saoul. »

 

- « Si sans façon, je vous dis : monsieur Abraham Lincoln, vous me répondez... »

 

- « Je vous réponds convivialement : président des Etats-Unis viscéralement hostile à l'esclavage. »

 

- « Ben oui, mais en fait carrément non. »

 

- « Comment cela ? Vous m'étonnez autant que vous m'intriguez, très cher. »

 

- « Prêtez-moi une oreille intéressée et écoutez-moi avec attention, gentil Nervien. »

 

- « Je suis intégralement tout ouïes. »

 

- « Or donc, oyez ceci. Au début de son discours d'investiture, Lincoln affirme qu'il n'a ni l'intention, ni même l'autorité constitutionnelle, d'interférer dans les pratiques esclavagistes des Etats du Sud. Il déclare également à propos d'un amendement à la Constitution protégeant l’esclavage, je le cite : Je n’ai aucune objection à ce qu’il soit immédiatement applicable et irrévocable. »

 

- « Ah la vache ! J'en suis à ce point ébaubi que le corpus de mes certitudes les plus ancrées tanguent dramatiquement, comme un trois mâts sous les furieux assauts des vagues assassines d'une tempête hystérique. »

 

- « Dans ce cas, accroche-toi au bastingage, mouisaillon, parce que ce qui suit va sans doute encore puisammant vous secouer. Alors que la guerre de sécession a éclaté le 12 avril 1861, il faut attendre le 1er janvier 1863 pour que ce bon Abraham proclame enfin l'abolition de l'esclavage. Mais cette dernière ne deviendra effective que le 8 décembre 1865. Entre parenthèses, la guerre était déjà terminée depuis le 9 avril 1865. »

 

- « Messieurs, excusez-moi de m'immiscer. Je m'appelle Landolphe et je viens de la bêtise 826. Si vous le permettez, je voudrais juste signaler à mon ami Maixent que je viens de voir sur YoutTube un truc fabuleusement sentationel. Une voyante archéologue, diplômée de l'université de Novi Vinodolski, vend des moufles qu'elle a découvertes dans un temple secret incas d'Amazonie. Non seulement, elles sont en laine d'hippopotame velu, mais aussi et surtout, elles captent naturellement l'énergie cosmique du rayonnement stellaire de la constellation du Burin. Cela leur donne le pouvoir chamanique de vous protéger de l'angine, l'hiver, et de vous faire bronzer plus facilement l'été. Pour cinquante paires achetées, elle offre un quart de maroilles Voilà, je vous remercie, excusez-moi une fois encore. Je ne vous dérange pas davantage. Je me retire, je disparais, je m'efface. »

 

- « Euh... Souhaitez-vous ajouter autre chose, Alfrédinore ? »

 

- « Je préfère les gants en toile de nappe cirée à carreaux rouges. »

 

828 - Dimanche 11 décembre 2022

 

Bel exemple d'optimisme

 

Il ne s'accordait pas le droit de qualifier de mauvaises ses relations avec son voisin le plus proche, puisque pour qu'il puisse en être ainsi, il eut fallu qu'elles existassent. Cette carence relationnelle ne tenait point à une quelconque diffuse animosité, pas plus qu'à une franche et massive hostilité. Simplement, l'idée de nouer des liens, même distendues, avec ce contigu résidant, ne suscitait en lui aucun enthousiasme. Les sentiments mitigés qu'il lui inspirait, empêchaient qu'il en aille autrement.

 

Il fallait reconnaître que la personnalité de ce voisinant citoyen n'engageait guère aux amicales accointances. Taillé comme le Géant de Manio de Carnac, mais en plus massif et plus poilu, la mine moins sympathique et souriante qu'un gourdin à clous, doté d'une ouverture d'esprit aux abonnés absents, aussi doué d'empathie qu'un piège à loup, plus prompt à l'empoignade bestiale qu'au débat philosophique, il possédait l'allure et le mental d'un lansquenet psychorigide. Un livreur de maroilles qui s'était matutinalement rendu chez lui, le vit déjeuner d'une monumentale tartine de steak tartatare de phacochère, trempée dans une grande jatte de kérosène au lait.

 

Alors forcément, l'homme intimidait ses contemporains et engendrait même l'apréhension chez les plus craintifs ou les plus embourgeoisés d'entre eux. Quoi qu'il en soit, ce rustique personnage, se disait-il, je me dois aujourd'hui, de le rencontrer. Je suis certain qu'en lui narrant jovialement la péripetie et en lui offrant un petit bouquet de fleur, il ne me tiendra pas rigueur d'avoir profondément entaillé, avec le guidon de ma trotinette éléctrique, la portière gauche de son hummer.

 

829 - Samedi 17 décembre 2022

 

Si vous savez que quoi parle le début de la chute de cette histoire, vous êtes trop fort, sinon cherchez dans une encyclopédie ou sur internet

 

Non, honnêtement, sans mentir, franchement, il pouvait même le jurer sur la tête de qui vous voudrez ou de quelqu'un d'autre, il existait peu d'êtres aussi aimables, aussi doux, aussi bienveillants, aussi pacifiques, que lui. Aimons-nous les uns les autres, se prendre par la main pour faire une grande ronde autour du monde, changer les cœurs avec des bouquets de fleurs, donner à tous son maroilles quotidien, etc , il n'y voyait assurément aucun inconvénient, bien au contraire. Il aimait sincèrement, en tout bien tout honneur, chacune de ses prochaines et chacun de ses prochains.

 

Exception faite, cependant, d'une catégorie de population dont le niveau perversité interdisait d'éprouver à leur égard un autre sentiment qu'une sauvage détestation. Il s'agissait de ces odieux qui, à la caisse du supermarché, répartissent tatillonement leurs achats entre une bonne douzaine de sacs. Ce genre de cuistres lui inspiraient une rage bestiale (voir la bêtise 524 du Samedi 23 novembre 20191).

 

Mais voici, qu'à cette espèce d'abjectes venait maintenant s'ajouter une autre race d'exécrables infects. Par deux ou trois, ces haïssables pignoufs bavassaient à la sortie de la caisse, bloquant ainsi sans vergogne les clients se trouvant sur leurs arrières. Alors là, que voulez-vous, quel que fût son haut potentiel de mansuétude, son ample aptitude au pardon, sa puissante capacité à l'indulgence, il ne put contenir la moutarde qui lui monta au nez. Il fallait qu'il donnât à ces butors une salvatrice leçon de civilité, de savoir-vivre. Vu le niveau d'impudence de ces déplorables individus, il ne voyait d'autre solution que de les traiter au tankgewehr M1918, tout en leur hurlant des insultes tellement abominables que même les épaisses oreilles boursoufflées du plus grossier des barbares mal dégrossis en eussent été violemment offusquées.

1: eh oui, comme l'temps passe, ma pauve dame.

830 - Dimanche 18 décembre 2022

 

Offre immobilière

 

Voilà un temps qui maintenant commençait à se faire long, qu'il tentait de vendre son manoir, sans le moindre succès. Pourtant, ce vénérable bâtiment pouvait, à bon droit, se prévaloir du titre illustre de demeure de prestige. Construite au XVIIIeme siècle, il présentait un état de conservation, à ce point remarquable, qu'il semblait dater de samedi dernier. Il occupait une situation dominante, au coeur d'un vaste parc, à l'orée de la forêt et à moins de dix minutes d'un marchand de maroilles particulièrement réputé. Alors comment pouvait-il se faire qu'aucun chaland ne succombât au charme irrésistible de cette aimable gentilhommière ? En fait, le mystère de cet incompréhensible insuccès commercial s'expliquait par la présence de Norbert.

 

Norbert, le fantôme qui hantait les lieux depuis moult générations. Il ne fallait cependant pas commettre l'erreur de croire que la présence de ce spectre représentait un inconvénient rédhibitoire pour les potentiels acheteurs. Au contraire, il offrait certains avantages. D'une nature débonnaire et généreuse, il continuait, gratuitement, à remplir les fonctions de gardien, qu'il assurait de son vivant. En particulier, il assurait une protection fort efficace contre les malfaisants et autres malandrins qui, à sa vue, battaient en retraite sans demander leur reste, les cheveux dressés sur la tête.

En fait, ce qui empêchait le bourgeois de se porter acquéreur : « C'est que... C'est pas qu'on soit... Au contraire... Mais, bon... Enfin, vous comprenez ce que l'on veut dire... C'est que votre Norbert... Il est... Il est Noir. ».

 

831- Samedi 24 décembre 2022

 

Comment voulez-vous ne pas être rancunier après un truc pareil ?

 

Ses modestes revenus lui interdisant de mener grand train aussi, fort logiquement, vivait-il chichement. Cependant, en cette festive période des réjouissances de fin d'année, il se préparait à effectuer un achat somptuaire. L'opération n'avait été rendue possible qu'à grands renforts d'économies, destinées à constituer l'épargne suffisante au financement de cette folle dépense. Pour accompagner son maroilles au soir du 24 décembre, il avait projet de faire emplette d'une bouteille de vin AOC ! Afin d'accomplir ce noble dessein, il se rendit jovialement, et fort logiquement, chez un caviste.

 

- « Holà ! Industrieux distributeur du sang de la vigne, l'interpella-t-il, me voici céans en ton échoppe dont je ne repartirai qu'en compagnie d'un de tes nectars. Alors, remplis promptement ton mercantile office. Baille-moi du bon et du meilleur, car ma bourse est généreusement approvisionnée et brûle de se dégarnir, autant que mon gosier à grand soif de s'humecter d'un de tes divins breuvages. »

 

- « Munificent consommateur, que Bacchus m'en soit témoin, je souscris à l'instant à votre impérieuse demande. Le grand cru que voilà comblera vos exigeants désirs oenologiques, au-delà de vos plus folles espérances. »

 

- « Mais dis-moi l'ami, ton litre de rouge indique ne contenir, en réalité, que 75 centilitres. Aurais-tu donc la téméraire prétention de vouloir bassement me truander, déloyal et fourbe mercanti ? »

 

- « Que Dyonisos m'en soit témoin, assurément point du tout, cher acheteur, objet de mes soins les plus attentionnés. Il s'agit tout bonnement de la contenance standard et cela depuis le XIXemesiècle. »

 

- « Et à quoi devons-nous l'existence de cette singulière et désagréable pratique ? »

 

- « A qui, devrait-on plutôt dire. En effet, à cette époque, l'Angleterre représentait l'un des plus importants marchés d'exportation pour les vins bien de chez nous. Pour transporter leurs vineuses cargaisons, les négociants anglais usaient de barriques d'une contenance de 50 gallons, soit 225 litres. De retour dans le royaume de sa gracieuse majesté, ils effectuaient la vente du jus de raisin fermenté made in France par lots de 6 bouteilles minimum. Or, une barrique de 225 litres divisée en lots de 6 bouteilles correspond, mathématiquement et fort logiquement, à 300 bouteilles. 225 litres répartis entre 300 bouteilles, nous donne une quantité de 0,75 l par bouteille. Pour des raisons obscures, qui restent encore à éclaircir, ce volume typiquement britannique fut, non seulement, adopté par notre beau pays, mais y devint également la norme. »

 

Esprit de Noël oblige, je veux bien, se raisonna-t-il, que nous fassions chevaleresquement grâce à messieurs les Anglais de la guerre de cent ans, de celle de la ligue de Cambrai, de Trafalgar et même d'avoir tenté de nous empêcher d'accéder à la demi-finale de la coupe du monde de football, mais ça ! Réduire nos litres de rouges, blancs et autres rosés, à 75 cl ! Une telle monstrueuse ignominie ne se peut pardonner. Crions vengeance ! Rebouchons le tunnel sous la Manche et rappelons messire Guillaume II, duc de Normandie, pour qu'il s'en aille à nouveau mettre à ces perfides Anglois une bonne grosse trempe !

 

Commentaire

Excusez-moi, je ne sais pas ce qui m'a pris d'écrire une bêtise aussi longue.

Nervien

 

 

   832 - Dimanche 25 Décembre 2022                   

 

 

Histoire d'homme à poils

 

Plein d'une fébrile impatience et d'une effervescente excitation, il ouvrit avec empressement le cadeau déposé au pied du sapin, par qui vous savez. Après qu'il l'eut ouvert, il explosa de joie : oh ! un gros maroilles tout neuf, merci Père Noël ! Etrangement en cet instant intensément festif, lui vint une étrange interrogation. Pourquoi l'hivernal distributeur de présents portait-il une barbe ? Par soucis d'élégance et volonté de suivre la mode ? A voir la mise excentrique du bonhomme, l'on pouvait légitimement en douter.

 

Afin de ne pas demeurer perdu dans le sombre labyrinthe des fâcheuses incertitudes et des vaines conjectures, sans perdre une minute, il se rendit dans sa bibliothèque, mieux achalandée que ne l'était celle de Louvain, avant le 25 août 1914. Après des recherches aussi longues qu'ardues, au bout d'un peu moins d'un quart d'heure, il découvrit la réponse à sa turlupinante interrogation dans une thèse de doctorat intitulée : « Un barbu, c'est un barbu, trois barbus, c'est pas forcément des barbouzes ». Voici ce qu'il put y lire :

 

« Une barbe réduit le danger représenté par les UV car elle bloque entre 90 à 95% de ces derniers. Elle constitue un filtre naturel pour les narines et permet ainsi de se trouver moins exposé aux allergies. Et en plus, elle rend beau ».

 

Eh ben voilà ! S'exclama-t-il. Faut pas chercher plus loin, c'est pour ça que le Père Noël garde le poil long au menton. Mais tout soudain, une injustice lui apparut en pleine face. Celle de la glabreté dont sont victimes les femmes et qui les empêchent, au même titre que les hommes, de profiter des avantages et bienfaits d'une jolie barbe.

 

Commentaire

Pour ma part, ce fut à la suite de la lettre envoyée par une petite fille de 11 ans, nommée Grace Bedell, dans laquelle elle me conseillait de porter la barbe pour gagner plus de votes, que je décidai de la laisser pousser.

Abraham Lincoln

 

Ben, heurement qu'elle t'a pas conseillé de te faire des couettes.

Calamity Jane

 

833 - Samedi 31 Décembre 2022

 

Orthographe, nom féminin

 

Il estimait incontestablement pertinent de penser que chaque langue possédait son génie propre et que parmi elles, aucune ne primaient sur les autres. Cependant, il ne pouvait se défendre d'éprouver une certaine inclinaison pour le français. L'origine de cette préférence trouvait, sans doute, son explication dans le fait que bien qu'étant Ch'ti, il n'en était pas moins Français à n'en plus pouvoir.

 

Grâce à l'entregent d'un sien camarade, lui échut le rare privilège et l'insigne honneur de pouvoir poser ses yeux extasiés sur les cahiers préparatoires au premier dictionnaire de l’Académie française. Ces pages historiques, rédigées en 1694, indiquaient que : « L’orthographe servira à distinguer les gens de lettres des ignorants et des simples femmes ».

 

Ces lignes allumèrent en son esprit le crépitement des multiples étincelles d'une éblouissante illumination intellectuelle. Eurêka, bon sang, mais c'est bien sûr, élémentaire mon cher Watson, exulta-t-il ! Il venait de comprendre la raison qui présida à l'avènement de l'écriture inclusive. Elle répondait à la volonté des féministes de démonter, aux machos du XVIIeme et à leurs successeurs contemporains, qu'elles se montraient à ce point capables de maîtriser l'orthographe, qu'elles n'hésitaient pas à le rendre encore plus compliqué qu'il ne l'était déjà.

 

Commentaire

Très chère présidente de l'Association Féminisme et Poliorcétique, je vous assure en toute bonne foi que, normalement, je ne suis pas du genre à colporter le style de propos tenus par l'individu dont il est question ci-dessus. Vous pensez bien que si je l'ai fait, il y a une bonne raison à cela. Le gars m'a fait une proposition que je n'ai pas pu refuser : 15 kilos de maroilles déposés sur un compte anonyme dans un paradis fiscal.

Nervien

834 - Dimanche 01 Janvier 2023


Plus sémanticien que susceptible

Il attendait de la nouvelle année qu'elle amenât de spectaculaires revirements. Malheureusement, ses voeux demeurèrent tristement sans suite. A l'instar de l'an qui venait de se terminer et de tous les autres avant lui, l'on persistait à le taxer de feignant. Il ne se désolait point du fait que les gens respectables et bien pensant usassent d'un tel qualificatif à son endroit, mais plutôt du mauvais emploi qu'ils en faisaient.

Un jour qu'il était assis à l'ombre d'un Ginkgo Biloba pour y boire une tasse de thé avec un muffin au maroilles, Confucius a dit en chinois :

                            « Choisis un travail que tu aimes, et tu n'auras pas à travailler un seul jour dans ta vie ».

Ce qui, en français, signifiait que travaillaient celui ou celle qui se trouvaient contraints d'exercer un emploi pour lequel ils n'éprouvaient aucune appétence. Refusant d'encourir le risque de se retrouver dans une aussi détestable situation, il avait opté pour l'oisiveté la plus absolue.

Or, le feignant feint de travailler - d'où le terme de feignant - et aussi minime soit-elle, cette simulation réprésentait tout de même une activité. Alors que lui ne faisait clairement strictement rien. Par conséquent, il souhaitait vivement être désigné par le terme adéquat, à savoir : fainéant (qui fait néant). Etait-ce vraiment trop demander ? Par ailleurs, il aimait à rappeler cette forte pensée du grand maître Pierre Dac qui, un jour qu'il était assis dans une brasserie pour y boire une pinte de bière accompagné d'une méga choucroute garnie, a dit :


« Le travailleur véritablement courageux est celui qui ne craint pas de se coucher à côté de son travail pour bien lui montrer qu'il n'a pas peur de lui ».

835 - Samedi 07 Janvier 2023

 

Taillandophile pratiquant

- « Monsieur Zozime Digrossbretzel, producteur de papier mâché recyclé aromatisé (vanille, chocolat, caramel, maroilles, ail fumé, etc) pour édentés temporaires, mais néanmoins papivores chroniques, exerçant professionnellement et résidant bourgeoisement à Séranvillers Forenville, aspire, de toutes ses forces et de tous ses poumons, à lever le voile sur un aspect méconnu de la personnalité d'une personnalité connue. Zozime, cher ami séranvillerois-sorenvillois, levez, levez, haut et en toute liberté. »

- « Figurez-vous que Clovis, bien connu pour sa manie de casser à coup de hache la tête de ceux qui lui cassaient les pieds et les vases, bien que Franc, se trouvait loin de l'être. »

- « Excusez-moi Zozime, sans vouloir vous offenser, j'avoue humblement avoir quelque peu de mal à vous suivre... »

- « Je veux dire, que c'était un Franc pas franc. »

- « Si je peux permettre, d'où vous vient une opinion aussi abrupte ? »

- « Elle arrive en droite ligne de notre Histoire. Je vous narre la chose et vous laisse juge. »

- « Je vous ouïs de mes deux oreilles éperdument attentives. »

- « En 486, ne supportant sans doute plus l'odeur du garum, Clovis décide de débarrasser la Gaule des derniers Romains qui y campent encore. Mais, tout décadents qu'ils soient, le Cloco ne se sent pas de les attaquer seul. Alors, il se met en quête de renforts. Avec un bel ensemble, ses alliés potentiels se défilent courageusement, sauf un : son cousin, Racagnaire, roi de Cambrai, qui accepte d'aller à la bagarre avec lui. »

- « Cambrai a eu un roi et il était cousin de Clovis ! »

- « Eh, oui, mon neveu ! A l'origine, le royaume du Cambrésis a été créé au Vemesiècle par un chef franc nommé Clodion le chevelu. Il eut pour fils Mérovée et pour petit-fils Clovis, en personne. »

- « Ben, mince alors ! »

- « Pour en revenir à Clovis lui même et à Racagnaire, ils écrasent gaiement Syagrius et sa XXVeme légion, prennent Senlis, Beauvais, Soissons avec son vase et enfin Paris. »

- « Ben, mince alors ! »

- « En 507, ou 510, parce qu'il se déclare horriblement choqué par les moeurs de son cousin cambrésien, dont il ne s'était pourtant point outré en 486, il lui déclare la guerre. Il s'empare de son royaume, le capture ainsi que son frère Riquier et leur défonce personnellement la tête d'un grand coup de hache. Quand je vous disais que c'était une manie. Pour rester dans la bienveillance et la convivialité familiale, il ordonne ensuite d'assassiner Renomer, le dernier frère de Ragnacaire. »

- « Ben, mince alors ! »

- « Et heureusement que Clovis était très chrétien depuis 496 ou 498 et copain comme cochon avec Saint Rémi, donc forcément adepte du "aimez-vous les uns les autres" et de "tu ne tueras point", sinon je n'ose imaginer à quelles autres hachantes exactions il se serait livré. »

836 - Dimanche 08 Janvier 2023

 

Quasiment SDF

Sans fausse modestie, il se considérait comme le parfait et vivant exemple que chez l'homme moderne, le goût pour la simplicité n'était pas inversement proportionnel à son niveau d'enrichissement. Il en voulait pour preuve sa présente recherche d'un nouveau logis. Il ne prétendait nullement à un manoir du XVIIIeme siècle, dans un état de conservation remarquable, occupant une situation dominante, au coeur d'un vaste parc, à l'orée de la forêt, avec ou sans fantôme, et à moins de dix minutes d'un marchand de maroilles particulièrement réputé.

Il s'était mis en quête du foyer de ses rêves d'Ecourt Saint Quentin à La Groise et de Somaing à Honnecourt sur Escaut. Las ! Cette longue périgrénation prospective n'avait donné aucun résultat. Sans aller jusqu'à vouloir une chaumine, ses desiderata s'avéraient-ils cependant trop modérés par rapport au niveau de prestations des offres proposées ? Ou alors, malgré tous ses efforts et sa bonne volonté, n'avait-il pas cherché ainsi qu'il l'aurait fallu ? En désespoir de cause, il prit la décision de recourir aux services d'une agence immobilière.

- « Effectivement, reconnut le courtier, le nombre de vos exigences n'a rien d'extravagant, monsieur. Deux critères impératifs, cela reste des plus raisonnables. Cela étant dit, une demeure avec des escaliers à double révolution permettant aux personnes qui montent de ne pas croiser celles qui descendent et avec 365 cheminées, pour qu'il y en ait autant que de jours dans une année non bissextile, ma foi, je ne vois qu'une possibilité. »

- « Ah, bon, laquelle ? »

- « Le château de Chambord, cher monsieur. »

- « Et il est disponible de suite ? »

 837 - Samedi 13 janvier 2023


Auteur à succès

Le futur génial écrivain du siècle reconnu de tous, il se considérait légitime à se penser ainsi. Corollaire de cette confiance en son talent, il possédait la solide conviction qu'il passerait à la postérité. Aussi, lui sembla-t-il de bon aloi de se préoccuper de la législation inhérente aux droits d'auteur post mortem.

Or donc, dans leur grande sagesse, les lois de notre doulce France prescrivent que les droits d'auteur reviennent à ses ayants droit pour une durée de 70 ans, après sa disparition. Cependant, s'il est tombé au Champ d'Honneur, cette période passe à 94 ans et 272 jours pour les oeuvres publiées avant le 1er janvier 1921, à 88 ans et 120 jours pour les ouvrages édités entre le 1er janvier 1921 et le 31 décembre 1947 inclus et à 80 ans pour ceux diffusés après le 31 décembre 1947.

N'ayant malheureusement pas été tué, ni en 14-18, ni en 39-45, ma descendance ne pourra s'acheter du maroilles sur mon compte que pendant 70 années, seulement, se dit-il.

Bon, ben, maintenant, il ne lui restait plus qu'à l'écrire ce bouquin. Il avait une histoire fabuleuse avec un titre incroyable : « Les trois mousquetaires ».

838 - Dimanche 15 janvier 2023


Argument imparable

Aux fastes du cadre sophistiqué et tamisé des établissements de luxe, ils préféraient l'ambiance chaleureuse et conviviale de leur estaminet habituel. Ils appréciaient ses tables à l'ancienne, ses chaises de bistrot, ses grandes assiétés de maroilles servies sans façon à foison. Ce jour-là, ils y débattaient amicalement, mais néanmoins avec passion, d'un sujet semblant, pour le moins, de la plus haute importance.

- « Mon bon et brave Bourbeau, la formule est certes séduisante et pleine de panache, j'en conviens bien volontiers, mais en dehors de cela, elle ne possède aucune valeur factuelle. »

- « Colbin, si je ne te connaissais pas depuis le temps où je t'ai connu, je me laisserais aller à croire que ta fibre patriotique s'est effilochée au point qu'il n'en reste à peine que quelques brins tout pelés. »

- « Je te rassure, mon patriotisme reste aussi robuste et éclatant qu'aux premiers jours. Simplement et sans vouloir porter ombrage à la mémoire de l'Empereur, je pense que l'affirmation napoléonienne : "Impossible n'est pas français !", ne correspond à aucune réalité factuelle. Lorsque qu'une chose se montre impossible, elle le demeure et le fait de posséder la nationalité française ne change rien à l'affaire. »

- « Alors, pourquoi seuls des Français furent-ils capables de mener et de gagner une bataille navale, à cheval ! »

- « Hein ?! »

Commentaire

Bon, comme je suis un gentil garçon et surtout parce que je vous aime beaucoup, je vais vous expliquer à quoi ce bon et brave Bourbeau fait allusion.

Le 21 janvier 1795, un escadron du 8e régiment de hussards charge sur la glace pour attaquer une flotte anglo-batave bloquée en mer de Frise complètement gelée. Ils s'emparent de plusieurs bateaux marchands et de 14 navires de guerre armés de 850 canons.

Ce bon et brave Bourbeau oublie ou ignore que chaque hussard avait en croupe un fantassin du 3e bataillon de tirailleurs belges. Donc, on peut également dire : " Impossible n'est pas belge !"

Nervien

 

839 - Samedi 21 Janvier 2023

 

« Il y a une femme à l'origine de toutes les grandes choses »

Il procéda à une vérification minutieuse de son dispositif et de son équipement. L'ajout d'une paire de coussins renforçaient le confort du canapé. Bières, chips et maroilles, se trouvaient à portée de main sur la table basse. Il portait le bonnet, le maillot, l'écharpe, les chaussettes, aux couleurs de l'équipe locale. L'heure H approchait. La diffusion télévisuelle de la rencontre footballistique allait débuter. Au moment même où il s'apprêtait à appuyer d'un doigt ferme et assuré sur le bouton de la télécommande du téléviseur, sa moité maritalement légitime vint lui demander fort à propos :

- « Fulbert, avez-vous pensé à réparer le dénoyauteur à cerises et à prunes, que vous avez malencontreusement brutalement endommagé ? »

- « Guldège, ma mie, je ne pense qu'à cela, je vous assure. Mais, il me faut vous confesser que je voue un respect quasi religieux aux décisions prises par nos dirigeants, tant actuels que passés. Or, me consacrer à l'accomplissement d'une telle tâche m'obligerait à contrevenir à la circulaire gourvernementale du 29 décembre 1956. Ce texte officiel, toujours en vigueur, interdit tout travail à la maison. Malgré l'affection et le respect que vous je porte ainsi que mon désir constant de vous être agréable, je ne saurais déroger à l'obligation de me conformer à cette directive.»

- « Vos scrupules vous honorent, Fulbert. Cependant et sans vouloir vous accabler, je pense que vous dûtes prendre connaissance de cette circulaire d'une façon quelque peu hâtive et superficielle. Celle-ci décrète que, étant donné leur " intérêt éducatif limité, aucun devoir écrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandé aux élèves du primaire hors de la classe". Donc, ni vous, ni la remise en état des dénoyauteurs familiaux, ne se trouvent concernés par cette mesure. Par conséquent, vous pouvez procéder à la réparation de ce dernier, sans que votre zèle civique à fleur de peau n'ait à en souffrir. Alors, au boulot, feignasse ! »

840 - Dimanche 22 Janvier 2023


Réaction tout en nuance et retenue

Assoiffé de vengeance (voir bêtise 831), il s'en fallut de peu pour qu'il ne ralliât la perfide Albion à la nage, avec un marteau entre les dents, afin de fracasser toutes les bouteilles en usage dans les ancestrales cités et vertes campagnes grandes-bretonnes. Mais, diantre, pourquoi ne passa-t-il donc pas à l'acte, vous demanderez-vous certainement ? Tout simplement, parce qu'il se refusait à pratiquer la brasse papillon en bonnet et maillot de bain passés de mode. Pour être vindicatif, il n'en était pas moins coquet.

 

Dès lors, par conséquent, il dut se contraindre à juguler ses élans dévastateurs. Or, alors même qu'il entamait une maroillothérapie en vue de s'engager sur la voie de l'apaisement intérieur, v'là t'y pas qu'il apprend les louches  agissements d'une espèce de conglomérat de Néo-Zélandais, Japonais et Américains. Plus exactement, il s'agissait d'un agrégat de producteurs qui avaient financé le film intitulé : « Le Dernier Samouraï ».

 

Cette oeuvre cinématographique se voulait inspirer de faits réels advenus au XIXeme siècle. A savoir, les aventures que vécut un officier de l'U.S cavalery, engagé par un conseiller de l'empereur du Japon, pour entraîner l'armée de ce dernier. Sauf qu'historiquement, cet officier était, en réalité, un lieutenannt d'artillerie français, nommé Jules Brunet, envoyé avec d'autres militaires au Pays du Soleil Levant, sur ordre de Napoléon III.

Alors, qu'il aspirait n'être plus qu'amour, ordre et beauté, luxe, calme et volupté, cette forfanterie lui fit monter la moutarde au nez. De quel droit ce ramassis d'escrocs néo-zélando-nippo-américains se permettait-il, sans vergogne, de piller et de travestir notre Histoire ? Il allait à leur enseigner les bonnes manières à grands coups d'octanitrocubane.

Commentaire

Dans le film « U-571 », les Américains s'attribuent la prise d'un sous-marin allemand et de sa machine enigma, en 1941. Mais la vérité est qu'ils ont été capturés par nos destroyers HMS Bulldog, HMS Broadway et notre corvette HMS Aubrietia. Nos députés ont clamé que Hollywood avait « passé les bornes de la décence » et Chris Smith, ministre de la Culture de l'époque, a protesté par écrit auprès des producteurs du film. Et, vous, quelles ont été les réactions officielles après la diffusion du Dernier Samouraï ?

 

Winston Churchill

 

841 - Samedi 28 Janvier 2023


Ambiance cocooning

De tous ses sens, le plus affuté d'entre eux était sans conteste celui de la justice. Il ne pouvait souffrir qu'on la malmenât. Et, lorsqu'il la voyait ignominieusement bafouée, il ne se contentait point de passivement s'en indigner à gros bouillons1. Il intervenait bravement, bille en tête, la main sur le coeur, le cheveu au vent, ne craignant aucunement d'exposer au danger son existence et son maroilles.

 

Ainsi, s'interposa-t-il fougueusement lorsqu'il entendit un banal quidam quelconque et ordinaire préremptoirement affirmer que les bêtes n'apportaient nulle attention à l'arrangement de son logis. Saisissant fermement au collet cet arrogant pontifiant, les yeux dans les yeux, il lui lança à la figure :

 

« Holà, monsieur le faquin ! De quel droit vous permettez-vous de faire fort injustement tort à la réputation de nos amis animaux ? Sachez, coquin, que le souci de l'aménagement de leur intérieur n'a certainement rien à envier au vôtre. En ce domaine, ils possèdent même un goût d'un raffinement et d'une délicatesse dont je gage qu'un gredin tel que vous puisse seulement se montrer un tantinet capable. Ainsi, par exemple, apprenez vilain, que des fourmis de Floride décorent leur nid avec les têtes des fourmis ennemies, décapitées par leurs soins. »

 

1: l'image est osée, j'en conviens

842 - Dimanche 29 Janvier 2023


Dans les règles de l'art

Les offres d'emplois étant ce qu'elles sont et la conjoncture étant ce qu'elle est devenue, pour gagner son maroilles quotidien, il décida de se lancer dans l'exaltante aventure de l'auto-entreprenariat. Ainsi, choisit-il de devenir Rambo indépendant. Son business plan reposait sur une offre de service de qualité, respectant les normes en vigueur dans son futur secteur d'activité. Pour maîtriser ces dernières, il se procura et compulsa le livret technique de base, intitulé : « On s’entretue mais on n’est pas des bêtes ». Voici ce qu'il y apprit.

A la guerre, il existe une liste d'armes interdites d'usage. En font partie : les gaz de combat, des innervants aux lacrymogènes ; les mines indétectables ; les armes biologiques, bactériologiques ; les armes aveuglantes, notamment les lasers ; les bombes, dites sales, générant des retombées radioactives.

Quant au lance-flammes, il ne doit pas s'utiliser au voisinage de civils. Tout comme le napalm qui ne peut se larguer sur les zones occupées par ces derniers. Pas de napalm non plus sur les forêts, sauf si des chars s'y cachent.

Certaines pratiques sont également prohibées : installer et camoufler des fosses garnies de pieux ; utiliser des cartouches à balles expansives ; humilier, torturer, exécuter, des prisonnniers; détruire des bâtiments civils sans justification ; tirer, avant qu'ils n'aient touché terre, sur un ou des parachutistes dont l'avion a été touché. Par contre, concernant les paras des troupes aéroportées, rien ne s'oppose à ce que vous les abattiez en plein vol, si le coeur vous en dit.

Bon, pensa-t-il, il ne me reste plus qu'à bien retenir toutes ces dispositions, parce que je ne tiens pas à avoir, un jour, des ennuis avec l'Inspection du Travail.

Commentaire

Etonnant que les gaz lacrymogènes, interdits à la guerre, soient utilisés contre les citoyens exerçant leur droit constitutionnel à manifester. C'est sans doute parce qu'ils sont beaucoup plus dangereux que ces soldats qui viennent jusque dans nos bras égorger nos fils et nos campagnes.                                                                                                              Adolphe Edouard Casimir Joseph Mortier

843 - Samedi 04 février 2023


Des verts de gris pas blanc-bleu

- « Monsieur Ardélien Van de Piedra Blanca de La Garenne Bezons, briologue éleveur de collemboles rampants, d'oribates poilus, de nématodes visqueux et exportateurs d'octobasses, à Ors, souhaiterait bondir sur l'occasion qui lui est ici donnée de nous édifier. Cher Van de, allez-y donc, bondissez, édifiez, autant que vous voulez. »

- « Tant émissions, vidéos et articles sont nombreux à son sujet, je ne vous infligerai pas l'offensante injure d'oser vous conter l'opération Walkyrie. »

- « Le maroilles fait l'objet de bien moins d'évocations, il est vrai. »

- « Cela étant dit, en général, les récits traitant de cette tentative d'assassinat sur la personne d'Adolf Hitler, présentent une version tronquée, voir déformée, des faits. Premièrement, dans les rangs des conjurés ne se trouvaient pas uniquement des officiers de la wehrmacht , mais également des hommes politiques, des diplomates, des policiers et même des SS. »

- « Que voilà un beau premièrement, mon bon Ardélien aussi, à présent, attendons-nous avec un fol empressement votre deuxièmement. »

- « Alors, deuxièmement, contrairement aux affirmations habituelles, ces gens ne voulaient pas se débarrasser de leur cher führer pour faire la paix. Leur plan consistait d'abord à mettre en place une dictature conservatrice avec, éventuellement, un rétablissement de la monarchie. Ensuite, ils prévoyaient de proposer une alliance aux Américains et aux Britanniques, pour continuer la guerre contre les Russes. Ils entendaient également réclamer que l'Allemagne conserve l'Alsace, la Lorraine, les Sudètes et une partie de la Pologne. Donc, ces gars étaient loin d'être de gentils boys scouts. »

844 - Dimanche 04 février 2023

 

Terminologie de groupe

 

Après avoir douillettement passé l'après-midi dans les moelleux fauteuils du confortable salon de leur club de maroilles, ils s'en retournaient tous deux vers leurs logis respectifs et leurs conjointes respectives. Comme ils passaient par le lac aux cygnes du jardin public, le lieu inspira une réflexion vocabulo-animalière à l'un de ces deux maroillophiles :

 

- « Sais-tu, Adélestin, qu'à chaque regroupement d'animaux correspond un vocable bien spécifique ? »

 

- « Plaît-il ? Pourrais-tu, je te prie, préciser ton propos, Adolbert ? »

 

- « Je précise de ce pas et avec plaisir. Par exemple, on parlera d'une meute pour les chiens, d'un banc pour les méduses, d'une harde pour les cerfs, d'un essaim pour les abeilles, d'une assemblée pour les babouins, d'une horde pour des loups, d'une compagnie pour les perdrix, d'une échouerie pour les phoques, d'une fierté pour des lions, d'une flamboyance pour les flamants, d'une foule pour les kangourous, d'une nichée pour les souris, d'un nœud pour les vipères, d'une nuée pour les papillons, d'un panier pour les crabes, d'un parlement pour les hiboux, d'une perchée pour les goglus, d'une volée pour les moineaux, d'une colonie pour les fourmis. »

 

- « Et pour les attroupements d'escrocs, y a-t-il des termes dédiés, selon qu'ils appartiennent à l'espèce politique, religieuse, financière et autres ? »

 

- « Non, pas particulièrement, quelque que soit leur nature, dans tous les cas, on utilise les termes de bande de sal...ards. »

845- Samedi 11 février 2023

 

Auto prospect

 

Son fournisseur de maroilles depuis douze générations ayant mis la clef sous la porte de sa crèmerie, pour des raisons économiques indépendantes de sa volonté, il se trouvait désormais dans l'obligation d'aller s'approvisionner en d'autres contrées que la sienne. L'éloignement de ces dernières le contraignit à renoncer au mode de déplacement pédestre pour la mobilité motorisée.

 

Non seulement, tint-il à acquérir un véhicule français, mais encore à uniquement effectuer son choix parmi les modèles d'une marque hexagonale souvent oubliée, voire ignorée, et pourtant prestigieuse : Buggati. Mais, il prit rapidement conscience que son profil ne s'accordait pas tout à fait avec celui du public auquel s'adressait ce constructeur automobile.

 

Ses moyens financiers ne lui permettaient de posséder qu'un vélocipède Alcyon, hérité de son arrière-grand-père, ainsi qu'un engin de déplacement personnel d'occasion, du type planche portée par deux roues, muni d'un guidon et propulsé par une poussée du pied sur le sol1. Or, il avait pris connaissance d'une étude de marché montrant que les acheteurs de Buggati possédaient, en moyenne 84 autos, 3 jets et un yacht2.

 

1: ouais, en clair, c'est une patinette des années 30 - Note de l'éditeur

2 : non, mais tout ça, ça veut rien dire. Par exemple, une Divo ne coûte seulement que 8 millions d'euros - Note de l'éditeur

846 - Dimanche 12  février 2023


Auto prospect II


L'acquisition d'une Bugatti étant devenue illusoire1, le problème de son approvisionnement en maroilles demeurait donc entier. Ne pouvant changer de profil, il lui apparut ne rester d'autre choix que de changer ses prétentions automobilistiques. Aussi reconsidéra-t-il ses critères initiaux.

Avant tout, il prit en compte l'aspect écologique des choses. Plus particulièrement, il se pencha sur la préoccupante question des émissions de particules fines, qui attaquent nos fragiles poumons et nos coeurs tendres. A son grand étonnement, il apprit, tout ébahi, qu'en la matière, les moteurs à essence se révélaient jusqu'à 2,6 fois plus nocifs que les diésels.

Mais plus fort encore fut son ahurissement lorsqu'il découvrit que la voiture électrique ne représentait pas la parade miracle contre ces funestes particules. En effet, 59 % de ces dernières provenaient de l’abrasion des freins et du contact des pneumatiques avec la chaussée.

Une conclusion s'imposait : abandonner l'idée de l'achat d'une voiture à essence, diésel, électrique, voire à pédales et acquérir un char d'assaut. Ses chenilles métalliques permettaient de s'exonérer des polluants inconvénients inhérents aux systèmes de freinage et de roulage automobiles. Pour autant, il n'oubliait pas le confort. Une option lui semblait même indispensable : le petit sapin qui sent bon à accrocher au rétroviseur.

1 : voir bêtise 845 - Note de l'éditeur 2

2 : non mais dit donc, monsieur l'éditeur, les lecteurs sont assez grands pour comprendre tout seul que cette bêtise 846 fait suite à la bêtise 845 - Note de Nervien

Commentaire

Mince alors, aller acheter son maroilles en char d'assaut, je n'y avais jamais pensé.                                                      Général Jean Estienne

847 - Samedi 18 février 2023


Stricto sensu

Il tenait positivement à clairement se distinguer de l'insignifiante masse du commun de ses contemporains. Il s'estimait membre d'une élite d'extraction supérieure et entendait qu'on remarquât la chose. Il refusait qu'il puisse se faire qu'on le confondît avec le premier vulgum pecus venu.

 

Aussi, se dissociait-il ostensiblement du langage, des usages, des goûts, du maroilles, de l'ordinaire. Pour résumer sommairement en un seul mot sa posture, il se voulait et se revendiquait snob. Mais, patatra, voilà t'y pas, qu'incidemment, il apprit la provenance du terme "snob". Il comprit alors que, à l'instar d'un Ludovico Della Combe, il avait vécu dans une fausse certitude. D'un seul coup, toute son existence d'impeccable cuistrerie s'effondra brutalement, comme un château de cartes de visite V.I.P.

 

Alors, qu'il croyait dur comme fer à l'ascendance aristocratique du terme dont il se prévalait fièrement, il découvrit, horrifié, que l'origine du mot " snob " était " s.nob ", abréviation latine de " sine nobilitate ", signifiant " sans noblesse ", dans le sens " qui n'appartient pas à la noblesse ". Donc, étymologiquement parlant, un snob n'était rien qu'un homme du peuple, voire un pauvre ! Mais comment allait-il pouvoir continuer à vivre avec une aussi abominable révélation ?

 

848- Dimanche 19 février 2023

« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis ! Quant à mes ennemis, je m'en charge »

Les offres d'emplois étant ce qu'elles sont et la conjoncture étant ce qu'elle est devenue, il abandonna l'idée de devenir Rambo indépendant1. Pour gagner son maroilles quotidien, il préféra finalement poser sa candidature à un poste dans l'armée américaine. Cependant, avant d'envoyer son C.V, il prit quelques renseignements sur cette boîte. Visiblement, elle possédait d'excellentes références. On la considérait comme la plus performante sur le marché, y compris sur le segment friendly fire. En ce domaine, trois actions se révélaient particulièrement emblématiques.

Le 15 août 1943, dans le cadre de l'opération Cottage, la 7eme division d'infanterie légère US effectue un débarquement sur l'île de Kiska, dans les Aléoutiennes. Il lui faut deux jours avant de se rendre compte que les gars qu'elle canarde copieusement sont leurs copains de la 13eme brigade d'infanterie canadienne, débarquée de l'autre côté de l'île. En fait, les troupes japonaises avaient évacué les lieux le 31 juillet. Ces tirs fratricides se soldent par un bilan de 22 tués et 174 blessés.

En Normandie, au cours de l'opération Cobra, les 24 et 25 juillet 1944, l'US Air Force bombarde joyeusement la 30eme division d'infanterie américaine, tuant 136 G.I et en blessant 515.

Le 14 avril 1994, près d'Erbil, dans le nord de l'Irak, deux avions de chasse F15 de l'USAF abattent, de manière très soignée, deux hélicoptères UH60 Blackhawk de l'US Army. Dans ces appareils se trouvent 26 personnes. Il s'agit bien sûr de militaires, mais aussi de civils, de nationalités américaine, britannique, française, turque et kurde. Aucune d'entre elles ne survivra à l'attaque.

Bon, se dit-il, je vais peut-être plutôt me mettre à la culture du génépi laineux.

1 : voir bêtise 842 - Note de l'éditeur

- « Une remarque, monsieur Nervien ? »

- « Non, monsieur l'éditeur, là, ça va. »

849 - Samedi 25 février 2023


Réjouissons-nous

Il possédait une nature d'un optimiste crânement immarcescible. Qu'ils y en aient qui revendiquent, qui contestent, qui protestent et qui manifestent, cela lui paraissait déplacé, pour ne pas dire choquant. Tant que les maîtres fromagers nous donnaient aujourd’hui notre maroilles de ce jour, il estimait qu'il n'y avait pas lieu de se plaindre de la conjoncture et que tout allait positivement bien dans le plus merveilleux des mondes modernes.

Aucune ombre au tableau ne pouvait venir assombrir sa joviale et pétulante positive attitude. Non seulement, il ne trouvait jamais matière à se contrister, mais il voyait toujours le bon côté des choses. S'il pleuvait, il se disait qu'il fallait mieux qu'il pleuve aujourd'hui qu'un jour où il faisait beau. Ainsi, dernièrement, il prit connaissance d'une information qui le mit dans un état de d'extrême ravissement.

Si d'aventure, il vous arrivait de tomber dans un flot de lave, vous ne couleriez pas, comme vous le feriez dans le grand bain de la piscine municipale du boulevard de la Liberté. Au contraire, vous flotteriez, parce que la densité du corps humain est cinq fois inférieure à celle de la lave. Alors d'accord, la chaleur de la lave transformera l'eau de votre corps en vapeur et fera fondre votre corps de l'extérieur vers l'intérieur. Mais, rassurez-vous, vous ne ressentirez rien car, auparavant, vous aurez perdu connaissance, à cause des émanations de gaz toxiques volcaniques. Alors, elle est pas belle la vie ?!

Commentaire

Le maroilles de ce jour, encore faut-il pouvoir se le payer.                                                                                      Jean Jaures

850 - Dimanche 26 février 2023

 

« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis ! Quant à mes ennemis, je m'en charge » version française

Les offres d'emplois étant ce qu'elles sont et la conjoncture étant ce qu'elle est devenue, pour gagner son maroilles quotidien, in fine, il oublia ses velléités d'intégrer les rangs des forces armées de l'Oncle Sam1.

En lieu et place, il préféra choisir une orientation professionnelle à caractère plus local. Pourquoi aller chercher ailleurs ce que l'on a la maison et en bien mieux ? Ben, oui, dans l'Armée française, on ne s'est jamais tiré pas les uns sur les autres.

Du moins, le crut-il, jusqu'à l'instant où, en se documentant, il découvrit, qu'entre 1914 et 1918, les autorités militaires n'hésitèrent pas à faire fusiller leurs propres soldats. Au total, elles firent passer par les armes pas moins de 953 hommes. Cela représente un record qu'aucune autre armée de ce conflit ne parvint à dépasser, ni même seulement à approcher.

Nous sommes aussi bons que les Américains, se dit-il, mais avec nos propres méthodes... la french touch, quoi.

1 : voir bêtise 848 - Note de l'éditeur

- « Euh, là, j'ai rien dit, monsieur l'éditeur. »

- « Mais, c'est très bien de votre part, monsieur Nervien. »

Commentaire

« L'armée française représente la meilleure armée alliée. Les assauts de son infanterie sont irrésistibles, malgré toute notre puissance de feu. Sur le plan défensif, le soldat français est d'une endurance exceptionnelle ».

Ernst Jünger

851 - Samedi 04 mars2023 


Agent 000

- « Monsieur Chlodovic Cradin Lagreloche, zythologue émérite et président honoraire de la ligue nordiste contre l'onychophagie, natif d'Hem-Lenglet, rêve de faire exploser la vérité sur un fait incroyable. Mais, mon bon Chlodovic, si telle est votre volonté, explosez, explosez, donc ! »

- « Je vous remercie, cher Nervien, alors, boum ! J'y vais. Bond, his name, is James Bond. Là, vous voyez à qui je fais subtilement allusion ? »

- « Of course, my dear, à l'évidence, vous n'évoquez, non point, le personnage d'OSS 117, créé en 1949, par l'auteur français, Jean Bruce, mais bien celui imaginé, en 1953, par l'auteur anglais, Ian Fleming. »

- « Eh, ben non, mon garçon, je veux parler de James Bond, l'espion de sa majesté qui a bel et bien existé. »

- « Chlodovic, excusez-moi, je vous prie, de m'exprimer ainsi, mais vous divaguez, vous délirez, à plein tube. Je vous assure, il faut cesser, sans tarder, de fumer le maroilles avec le papier d'emballage. »

- « Détrompez-vous, il n'existe pas plus mens sano in corpore sano que moi. Un agent britannique, s'appelant réellement James Bond, fut envoyé, le 18 février 1964, de l'autre côté du rideau de fer, en Pologne. »

- « Alors ça ! C'est fou ! La réalité dépasse la fiction ! »

- « Pas vraiment... Ce James Bond là, agissait sous couverture, en tant qu'archiviste de l'ambassade britannique. Son fort penchant pour les boissons alcoolisées et les aventures galantes, le firent rapidement repérer par les services du contre-espionnage polonais. Ses seules actions d'éclat consistèrent, en octobre et novembre 1964, à tenter de s'approcher des installations militaires de Bialystok et Olsztyn, situées à l’est de la Pologne, près de la frontière avec l’Union Soviétique. Le classant comme "agent de bas niveau", les Polonais se contentèrent de gentiment le surveiller. Quant au renseignement britannique, en 1965, il décida d'arrêter les frais et offrit à James un voyage retour au pays. »

- « Une seule conclusion s'impose : mon Dieu ! God save the king !

 

852 - Dimanche 05 mars202

Ascenseur social

Alors qu'il s'en allait faire emplette d'un franc kilo de jolie farine de bon froment pour préparer eune bel flamique au maroilles, il croisa son ami Exélien.

- « Bonjour, Exélien, comment va, quoi de neuf ? »

- « Fort bien, Flodorin, et je t'annonce que j'ai décidé de m'enrichir, parce que financièrement parlant, j'en suis au point que lorsque j'épluche un oignon, c'est lui qui pleure. »

- « Je ne voudrais pas me montrer follement indiscret, mais comment comptes-tu procéder ? »

- « J'ai pris en compte une récente étude de L'Organisation de Coopération et de Développement Economique. Elle montre qu'au Danemark, il faut 2 générations, en Finlande, en Norvège et en Suède, 3, pour passer de la pauvreté à la classe moyenne. Alors qu'en France, quand tu y parviens, il en faut 6. »

- « Excuse-moi, mais je ne vois pas bien le ... »

- « Eh bien, s'il s'avère nécessaire d'attendre 6 générations pour passer du statut de grand miséreux à celui de petit bourgeois, je me suis dit que les chances de devenir riche se situaient entre jamais et impossible. J'ai donc décidé de forcer le destin en abandonnant ma condition de planteur de chicons pour celle de chercheur d'or. »

- « Voyons, Exélien, aussi bien dans les mines de Lewarde que dans celles de Fresne, on a jamais trouvé que du charbon et dans l'Escaut, il n'y a que des brochets ou des bouvières. »

- « Aussi, n'est-ce point là que je me propose de prospecter le précieux métal. »

- « Alors, z'où ? »

- « Tout simplement, en moi, en toi, en nous, en eux, en tout le monde. »

- « Hein ? N'aurais-tu pas perdu la raison, pour ne pas dire pété les plombs, mon pauvre Exélien ? »

- « Je suis on ne peut plus sensé. Sache qu'un adulte de 70 kilogrammes contient, 0,2 milligramme d'or, qui se trouve essentiellement dans son sang. »

- « Mais enfin, te rends-tu compte du nombre d'individus dont tu auras besoin ne serait-ce que pour obtenir 10 grammes d'or ? »

- « Ecoute mon vieux, je veux faire orpailleur, pas prof de maths ! »

NON A LA FERMETURE DE LA SUCRERIE D'ESCAUDOEUVRES !

 

853 - Samedi 11 mars 2023

 

Do you speak french ?

A sa grande surprise, une paire d'individus jeunes et dynamiques entra soudainement dans la petite crèmerie, où il venait habituellement acheter son maroilles. Ils présentaient impeccablement bien. Coiffés à la dernière mode, ils portaient des costumes anthracite aux vestes doublement fendues à l'arrière. Leurs chemises blanches, à cols classiques, se trouvaient agrémentées de cravates slim bleu marine ajustées au niveau de leurs ceintures, d'un marron semblable à celui de leurs chaussures. Une telle similitude d'aspect l'amena à se demander s'il ne voyait pas double.

L'un de ces deux clones se mit à expliquer à sa réplique que son premier objectif, en tant que nouveau brand manager, serait de revisiter le growth hacking par un reboosting de la data management platform, pour maximiser le brand content à destination, aussi bien, du B to C que du B to B, sans pour autant exploser l'above the line. Encore un qui se la donne en baragouinant dans un simili anglais de pacotille, se dit-il.

Mais pauvre inculte, pensa-t-il, sais-tu que, au Parlement de Londres, à l'issue du vote de chaque loi, le speaker proclame à haute voix, in french, la formule rituelle : « Le Roi le veut » ou « La Reine le veut ». Chaque mot du fier cri de guerre des souverains britanniques sont, eux aussi, français à n'en plus pouvoir : « Dieu et mon droit ». De même, en 1348, le roi d'Angleterre, Edward III, usa de la langue française pour donner sa devise au très noble ordre des chevaliers de la Jarretière : « Honi soit qui mal y pense », avec un seul "n", ainsi qu'on l'écrivait à l'époque. « Honi soit qui mal y pense », « Dieu et mon droit », sont également inscrits sur les armoiries du Royaume-Uni. Alors, bonhomme, si tu veux vraiment avoir l'air stylé, fait comme nos amis d'Outre-Manche, parle tout simplement en français.

NON A LA FERMETURE DE LA SUCRERIE D'ESCAUDOEUVRES !

NON A LA FERMETURE DE LA SUCRERIE D'ESCAUDOEUVRES !

854 - Dimanche 12 mars 2023

« Mon Dieu, gardez-moi de mes amis ! Quant à mes ennemis, je m'en charge » version latine

Les offres d'emplois étant ce qu'elles sont et la conjoncture étant ce qu'elle est devenue, pour gagner son maroilles quotidien, après mûre réflexion, il prit la décision de ne point emprunter la dernière voie sur laquelle il avait projeté de s'engager1.

Loin de laisser la désillusion le pousser sur la pente du renoncement, sans perdre une minute, il se remit à l'ouvrage. Il partit en quête d'une profession susceptible de répondre à ses aspirations. Ainsi, découvrit-il le descriptif du poste de légionnaire romain sur gladius/info.SPQR. Il constata que celui-ci comportait un chapitre discipline plutôt substantiel.

L'écart de base, style caligae mal cirées, absence des trois plis réglementaires sur la tunica, picoler comme un trou, se solde par des corvées, des saisies sur solde, des amendes, des coups de bâtons ou de fouets. Quant au militaire se rendant coupable de vol, il se voit, ni plus ni moins, condamner à la strangulation.

En cas de manque de combativité, vous êtes envoyés bivouaquer en territoire hostile. Un revers face à l'ennemi entraîne deux sanctions possibles. La première consiste à rester debout devant la tente du général, toute la journée, voire toute la nuit, vêtu d'une tenue infamante, à savoir une tunique en haillons et pieds nus. Parfois, en prime, le port d'une charge est imposée. Avec la seconde, vous êtes renvoyés à l'attaque, avec le droit de ne revenir au camp que si vous avez vaincu.

A partir de l'effectif d'une cohorte (500 hommes), la fuite devant l'adversaire ou la mutinerie sont passibles de la décimation : un soldat sur dix, tiré au sort, est battu à mort, à coups de bâtons, par neuf de ses collègues. Donc, au total, pour une cohorte, cinquante légionnaires sont massacrés.

Concernant le déserteur, une large palette de châtiments lui est réservée. Il peut être forcé de s'ouvrir les veines et laisser couler son sang pendant un certain temps, ou avoir les jambes brisées, les mains coupées, être noyé, égorgé, décapité, crucifié, brûlé vif, mourir de faim et de soif, attaché à un cadavre.

En poussant plus avant ses recherches, il découvrit que l'exercitus romanus n'offrait plus d'offre d'emplois, parce qu'elle avait cessé son activité depuis un certain temps déjà. Comme quoi, il ne suffit pas de traverser la via pour trouver du boulot2.

1 : voir bêtise 850 - Bon, j'espère que c'est le dernier de la série, parce que j'ai des trucs plus intéressants à faire que des renvois de bas de page - Note de l'éditeur

2 : à une époque, un certain Mussolini a bien essayé de relancer le truc, mais ça n'a pas marché - Note de l'éditeur 

Dites, Monsieur l'éditeur, je croyais que vous aviez des choses plus intéressantes à faire qu'écrire des renvois de bas de page - Note de Nervien

Commentaire                                                                                                                                                              Ils sont fous ces Romains !                                                                                                                                                                    Obélix

NON A LA FERMETURE DE LA SUCRERIE D'ESCAUDOEUVRES !

855 - Samedi 18 mars 2023

 

Risque majeur

Quoi ? Comment ? Pardon ? Plaît-il ? Qu'entends-je ! Qu'ouïs-je ! Qu'apprends-je ! Que découvre-je ! Que m'affirme-t-on ! Que m'indique-t-on ! Que m'expose-t-on ! Que m'annonce-t-on ! Il n'en croyait pas ses oreilles abasourdies. La chose lui paraissait aussi incroyable que terrifiante. Jusque-là, chaque jour, y compris les fériés, en toute inocence, dans une douce quiétude, loin de toute crainte, il dégustait son maroilles. A l'instar de l'ensemble de la population, il vivait ingénument dans une candide ignorance de l'angoissante réalité.

La belle province d'Auvergne héberge en son sein généreux une Chaîne dite des Puys. Longue de 35 kilomètres, elle est constituée de 80 superbes volcans. L'existence de cette caractéristique géologique ne laissait pas de grandement l'inquiéter. Mais quand en sus, il sut que tous ces monts volcaniques n'étaient point éteints, alors là, il sentit monter en lui une irrépressible envie de hurler hystériquement : « Maman ! Au secours ! ».

Les volcanologues considèrent un volcan comme éteint à partir de 10 000 ans d’inactivité de sa part. Or, les dernières éruptions auvergnates remontent, à environ, à peine 6000 ou 7000 ans. Par conséquent, les volcans du Massif Central ne sont qu'en sommeil. Ce qui signifie qu'ils peuvent se réveiller, un jour. Certes, si jamais cela arrivait, il y avait davantage de chance que ce soit dans quelques milliers d'années plutôt que demain après-midi.

Cependant, on ne sait jamais et même si le corps humain flotte sur la lave1, on ne saurait se montrer trop prévoyant. Il fallait agir avant que la catastrophe ne se produise et pas seulement en poussant la chansonnette caritative ou en jouant les héros d'opérette en chemise blanche. Il s'agissait d'aller sur le terrain et d'y oeuvrer réellement. Aussi, n'hésita-t-il pas à physiquement s'impliquer. Il effectua, en urgence, l'aller-retour automobile entre le Cambrésis et l'Auvergne, afin de procéder à l'évacuation humanitaire d'un maximum de saint-nectaire, bleu, fourme d'Ambert, cantal, salers, jambons, saucissons, saucisses sèches, aligot, truffade, potée, chateldon et birlou.

1: voir bêtise 849 - Note de Nervien

Ben, oui, maintenant, je rédige moi-même les notes de bas de page parce que monsieur l'Editeur refuse désormais de le faire. Il ne comprend rien aux mystères de l'inspiration, à l'idée qui en entraîne une autre, aux bêtises qui se font écho, et tout ça.

856 - Dimanche 19 mars 2023

 

Dragueur international

Accoudés au comptoir de l'estaminet « La Clef des Champs », ils se racontaient les derniers évènements de leurs vies quotidiennes respectives.

- « Allez, Simone, remets-nous la même chose, s'il te plaît. »

 

- « Donc, tu me narrais que tu avais été gracieusement invité à une soirée du consulat britannique, en tant que second sous président honoraire de l'Anglo-Frenchie Conchyliologie Association. »

 

- « Tiens, chope ta chope. Oui, alors je me suis approché, avec mon petit four au maroilles à la main, le petit doigt levé, et d'une voix suavement romantique, je lui ai galamment dit : bonjour, très jolie robe, vraiment, elle vous va merveilleusement à ravir. Oooh, mais le bal commence. J'adore ce slow. Me ferez-vous l'honneur de m'accorder cette danse ? »

 

- « Quelle réponse obtins-tu, Don Juan ? »

 

- « Je me suis entendu fermement répliquer : non, monsieur, et cela, pour deux raisons. Premièrement, ce slow, comme vous dites, est à l'origine une musique qui a été composée, en 1686, par Jean-Baptiste Lully, maître de musique de Louis XIV. Haendel l'a reprise, en 1744, et en 1745, il la présenta au roi d'Angleterre Georges II. Ce dernier décida d'en faire l'hymne de son pays. Bref, en un mot, vous n'êtes rien moins que de tout bonnement m'inviter à danser lascivement sur le God save the king, et ce au beau milieu d'une assistance de notables se tenant respectueusement au garde-à-vous. »

 

- « Ah, ouais, là, quand même, tu as fait fort. Sinon, la seconde raison de ce refus de gambiller avec toi, c'était quoi au juste ? »

 

- « Au juste ? Ben, c'était que c'était pas une Anglaise, mais l'archevêque de Canterberry... »

 

Commentaire

Entre 1871 et 1918, cette außerordentlich oeuvre de Lully fut également l'hymne du IIe Reich, poétiquement et mélodieusement intitulé : « Heil dir im Siegerkranz ».

Guillaume II

 

857- Samedi 25 mars 2023


Leçon de français

En l'an de grâce 1694, les populations ne pouvaient pas encore jouir des divins bienfaits du pack trois en un : 49.3, coups de matraques et gaz lacrymo. En revanche, au cours de cette année-là, furent rédigés les cahiers préparatoires au premier dictionnaire de l’Académie française. Comme chacun sait, ils indiquaient sans vergogne que « L’orthographe servira à distinguer les gens de lettres des ignorants et des simples femmes »1. De ce fait, la manière d'écrire la langue de ce bon vieux Molière se trouva-t-elle complexifiée à plaisir.

S'il ne disconvenait pas de ce fait, néanmoins il n’acquiesçait pas totalement. Il existait, au moins, une autre raison responsable de cette complexification : les erreurs de copie. Ainsi, par exemple, afin d'abréger les mots finissant en "us", les moines utilisaient l'esperluette pour remplacer ces deux dernières lettres. Les copistes confondirent si souvent ce caractère avec un X, qu'il devint la norme. Et ce fut ainsi que bijou, caillou, chou, genou, hibou, joujou, pou, finirent par se retrouver obligés de prendre un X au pluriel.

En résumé, on pouvait donc considérer que l'on devait les règles orthographiques et grammaticales françaises à un ramassis d'adeptes de la discrimination sociale doublés de misogynes et à une bande de cénobites copieurs pas fichu faire leur boulot correctement.

1 : voir bêtise 833 - Note de Nervien

Commentaire                                                                                                                                                                                 Et pourquoi y-a-t-il un S à maroilles ?                                                                                                                      Belle des Champs

858 - Dimanche 26 mars 2023

 

La face cachée du masqué

- « Madame Althéode de la Vega, native d'Estourmel, contrôleuse des vols spatiaux à la NASA, épouse d'un cavalier qui signe son nom à la pointe de l'épée d'un Z qui veut dire... Mais, ce dernier souhaitant conserver l'anonymat, nous n'ajouterons pas un mot de plus. Donc, madame Althéode de la Vega demande à extérioriser son agacement eu égard à certaines affirmations. Très chère Althéode, je vous en prie, extériorisez, extériorisez, à plein pot. »

- « D'aucuns1 ont naguère laissé accroire que mon mari, adoré et légitime jusqu'à ce que la mort nous sépare, piquerait lui-même à la machine pour coudre ses masques et repriserait ses chaussettes. »

 

- « En effet, il m'a semblé lire quelque chose comme ça, quelque part... »

 

- « Mouais... Alors, je vous informe officiellement que tout cela n'est que simple légende, pure science-fiction. En revanche, il est vrai que mon époux se montre assurément très doué pour surgir hors de la nuit, courir vers l'aventure au galop, jouer au renard rusé qui fait sa loi et être vainqueur à chaque fois. »

 

- « A ce propos, permettez-moi, Althéode, de vous féliciter d'avoir choisi de convoler en justes noces avec un homme exerçant un si beau métier. »

 

- « Ah, ça, faut le voir grimper et courir sur les toits, sauter dans la cour de la caserne des lanciers, escrimer contre leur capitaine ou leur sergent, chevaucher à fond de train et j'en passe et des meilleurs. »

 

- « Voilà qui témoigne d'une excellente santé ainsi que d'admirables qualités professionnelles. »

 

- « Certes, mais quand après avoir joué les justiciers jusqu'au bout de la nuit, il revient à la maison au petit matin, il est complément crevé. Il lui reste à peine assez d'énergie pour chausser ses charentaises, manger un morceau de maroilles et aller se coucher. Ensuite, il dort toute la sainte journée. Et pendant qu'il ronfle, qui s'occupe de ses bottes, de sa cape, de sa chemise déchirées par des coups d'épées, de nettoyer les taches de boue et de sang ? »

 

- « Ce bon Bernardo, je suppose. »

 

- « Bernardo soigne Tornado. Pour le reste, tout le boulot, c'est pour Althéo. »

 

- « Et vous pouvez vous enorgueillir de cette besogne, très chère Althéode, parce que "Les tâches ménagères ne sont pas sans noblesse". »

 

- « Non, mais, vous me prenez pour une tata flingueuse, ou quoi ? »

 

1: voir bêtise 66 - Note de Nervien

 

Commentaire

En plus, les taches de sang, surtout s'il est séché, c'est tenace, c'est moi qui vous le dit.

La Mère Denis

 

859 - Samedi 01 avril 2023

 

Rapports d'expert

Son caractère substantiellement sérieux ne l'incitait pas à la facétie. Quand bien même la date du premier avril apparaissait sur l'agenda de son téléphone mobile, il ne se départissait pas pour autant de sa gravité habituelle. Ainsi, le poil à gratter ou le maroilles qui faisait pouët-pouët, n'éveillaient-ils en lui aucune réaction particulière.

Mathématicien de formation, il travaillait dans un grand cabinet international de conseil en stratégie gouvernementale. Il établissait de savants rapports d'un tel niveau d'intérêt et d'utilité publics, qu'ils justifiaient leur monnayage au prix fort.

Sa dernière expertise en date portait sur la corrélation entre le volume d'eau contenu dans l'ensemble des océans présents sur notre planète et le chiffre de la population humaine résidant sur cette dernière. Après des calculs, dont la complexité collerait des céphalées de cheval de trait à n'importe quel commun des mortels, il se trouvait en mesure de pouvoir affirmer que si les 8 milliards d'humains faisaient trempette en même temps dans les flots bleus océaniques, le niveau de l'Atlantique et du Pacifique n'augmenterait que de 0,006 mm. Ce qui représentait une épaisseur 5 fois moindre que celle d'un cheveu.

Ce constat imposait deux études supplémentaires, grassement rémunérées, bien entendu. La première afin de déterminer le tonnage de tissu éponge requis pour la confection des serviettes nécessaires à l'essuyage des 8 milliards de baigneurs. La seconde qui permettra de définir le kilométrage de fil de linge qu'il faudra prévoir en vue de l'étendage de tous ces draps de bain mouillés.

Commentaire

Et si une seule personne buvait la tasse, il se trouverait dans l'obligation de refaire ses calculs.

Mark Spitz

860 - Dimanche 02 avril 2023

 

Réflexion historico-sociale

Comme tout honnête homme qui se respecte, il possédait un noble et louable violon d'Ingres. Il collectionnait les papiers d'emballage des nombreux maroilles dont il se délectait régulièrement. En dehors de cet intéressant hobby, il se consacrait également à l'hyponomopomatophilie, mais aussi et surtout, il se passionnait pour la comparaison dynamique entre les événements passés et présents.

En un mot et pour faire court, il s'ingéniait à mettre en parallèle des éléments du temps jadis et d'aujourd'hui, afin de relever leurs points communs et leurs différences, pour en tirer des réflexions générales1. Ainsi, dernièrement, avait-il porté un intérêt tout particulier au phénomène antique de la secessio plebis, nom que les Romains donnaient à la grève.

La première eut lieu en 494 avant Jésus Christ. Une secessio plebis se déroulait de la manière suivante. La totalité du peuple quittait la ville de Rome pour aller joyeusement s'installer dans les collines environnantes, laissant l'oligarchie se débrouiller sans lui. Les soldats soutenaient et se joignaient souvent aux grévistes. Les dirigeants n'avaient alors d'autre issue que d'accepter la conciliation.

Il en conclut que, finalement, par rapport aux Romains, les Gaulois réfractaires, d'antan ou d'aujourd'hui, ne l'étaient pas autant que certains l'affirmaient.

1: à partir du moment où il ne gêne pas les voisins, chacun s'amuse comme il veut - Note de Nervie

861 - Samedi 08 avril 2023

 

Schönes wagen

 

En ce printanier vendredi matin, après avoir pieusement accompli l'achat de son maroilles dominical, il s'en retournait aussi guillerettement que pédestrement chez lui. En chemin, il aperçut un quidam qui, l'air fier comme un pou sur la tête d'un rasta, montait dans une superbe et rutilante porsche.

 

Porsche, se dit-il en son for intérieur, herr doktor Ferdinand Porsche, fondateur éponyme de la marque automobile mondialement connue, mais également de Mercedes-Benz. Il fit aussi partie des créateurs des premiers modèles d'Audi et de Volkswagen, notamment la célèbre Coccinelle.

 

Malgré toutes ces activités, ce bon herr doktor Porsche trouva néanmoins le temps pour devenir un membre éminent du parti nazi, de la SS et un proche de Hitler. Il joua un rôle central dans l’économie de guerre du IIIe reich. Il conçut et fabriqua à grande échelle des chars, des véhicules blindés et assura la coordination des industries militaires allemandes. Il s'occupa en outre de l'application de la politique de collaboration dans les usines Peugeot de Sochaux. Enfin, il promut activement le travail forcé des prisonniers de guerre et des détenus des camps de concentration.


Avoir sur le capot sa voiture le nom de ce douteux personnage, non, franchement, pensa-t-il, je préfère continuer à modestement marcher en souliers sans marque.

862 - Dimanche 09 avril 2023

 

Mais c'est quoi ce truc

 

Il enlevait tranquillement les premières feuilles des chicons qu'il projetait de cuisiner, lorsque que Gualbert, son ami de toujours depuis longtemps, débarqua chez lui, plus excité qu'un troupeau de shopaholics, le premier jour des soldes de printemps.

 

- « Ah, la, la ! Fugulin ! Fugulin ! Si tu savais ! Si tu savais ! Quelle histoire ! Quelle histoire ! J'en suis tout troublé, perturbé, ébranlé, secoué ! »

 

- « Hein ? Qui ? Que ? Quoi donc ? Comment ? Qu'est-ce qui se passe ? L'ONU a annoncé une pénurie planétaire de maroilles ? »

 

- « Non, je ne viens pas te parler de la fin du monde, mais d'un évènement explosif survenu en mer Baltique. »

- « S'il s'agit du sabotage d'un certain gazoduc russo-germano-franco-austro- anglo-néerlandais, survenu le 26 septembre 2022, sans vouloir te froisser, non seulement, il a déjà été porté à ma connaissance, mais également à celle d'une partie non négligeable de la population mondiale. »

 

- « Pas du tout, d'abord les faits, dont il est question, se déroulèrent en 2011 et ils n'ont rien à voir avec un courageux et héroïque attentat contre deux pauvres conduites de gaz sans défense. »

- « De quoi est-ce donc qu'il est-il alors question, cher compagnon ? »

- « Le groupe suédois Ocean X se présente comme une équipe de chercheurs de trésors et d'opérateurs de récupération, spécialisée dans la recherche sous-marine de "boissons alcoolisées anciennes haut de gamme et d'artefacts historiques". »


- « Je suis vraiment très content pour eux. Cela étant dit, je ne vois pas en quoi cela devrait me faire grimper aux rideaux. »

- « Ne tire pas de conclusions pour le moins hâtives, avant d'avoir prêté l'oreille à la suite. »

- « Bien, je ne tire pas et je prête. »

- « En juin 2011, au cours d'une de ses expéditions, menée en mer Baltique, cette joyeuse bande détecte au sonar, à une profondeur de 90 m, une forme de 60 mètres de diamètre ressemblant au Faucon Millénium de Star Wars. Selon les uns, il s'agirait des vestiges d'un vaisseau extraterrestre, pour les autres, d'une formation géologique atypique. »

- « Et à quelles conclusions ce débat a-t-il abouties ? »

- « A ce jour, il est toujours en cours. »

- « Franchement, je ne comprends pas. Il existe pourtant une solution des plus simples pour trancher la question. »

- « Comment cela ? »

- « Ben, suffit de demander à Han Solo à quel endroit il a l'habitude de garer sa caisse. »

863 - Samedi 15 avril 2023

 

Les damnés de l'amimétobie, les forçats de la dolce vita

 

Incidemment et par le plus pur des hasards, il apprit que les premiers propriétaires de rolls-royce ghost n'en furent point satisfaits comme ils étaient en droit de l'être. La raison de ce mécontentement ne trouvait pas sa légitime origine dans le prix de vente, somme toute modeste. Il ne fallait débourser que 410.000 € pour acquérir ce voyant étalage d'opulence sur roues. Le problème venait de sa conception.

L'isolation phonique de la ghost atteignait un tel niveau de perfection qu'aucun son de l'extérieur, moteur y compris, ne parvenait à s'insinuer à l'intérieur de l'habitacle. Cette particularité se révéla particulièrement perturbante pour les possesseurs de ce luxueux engin. Elle provoquait chez certains une espèce de mal des transports et occasionnait chez d'autres une gêne causée par les bruits de leurs propres mouvements ou respiration.

Heureusement, les ingénieurs britanniques vinrent au secours de ces malheureux. Ils permirent à la voiture de générer un bruit de fond rassurant. Mais, le traumatisme préalablement ressenti fut si important que plusieurs des victimes l'ayant subi refusèrent d'user à nouveau de leur automobile produite à Goodwood. Ces infortunés n'eurent alors d'autre choix que de se déplacer en Bentley, voire en Jaguar.

On ne se rend pas compte, médita-t-il, à quel point les conditions d'existence de ces gens sont difficiles et combien ce sont de petits être fragiles et craintifs. Alors que les pauvres, mal dégrossis, aux habits crasseux, cessent de les critiquer et de se plaindre.

Commentaire

Si ça peut rendre service à l'un de ces martyrs soumis au martyre de rouler en Rolls, j'ai un type H citroën de 1960 à vendre. Il a appartenu à un artisan transporteur de maroilles périmés. A part les amortisseurs fracassés, le pot d'échappement percé, les siège défoncés, il est de toute beauté. Question sensations acoustiques, physiques et même olfactives, y'a pas mieux.

Flaminio Bertoni

864 - Dimanche 16 avril 2023

 

Assurancio - sceptique

 

Les brutaux assauts d'une violente grêle avaient sauvagement brisé les vitres de sa petite serre et irrémédiablement gâté les quatre pieds de tomates et les cinq ou six salades qui y poussaient. Fort de son intrinsèque esprit d'entreprise, il dit à son épouse : « Lolotte (Lolottte étant l'affectueuse abréviation du prénom de sa conjointe : Liselotte), il suffit de nous lamenter sur notre mauvaise fortune. Je vais résolument passer à l'action ».

 

Pour ce faire, il avala tout d'abord une belle portion de maroilles, puis prit sa plus belle plume afin de demander à son assureur de bien vouloir l'indemniser du préjudice météorologique dont il avait pâti.

 

Le courtier informa son cher client qu'il se trouvait au regret de ne pouvoir favorablement faire suite à sa requête. Page 164, le renvoi n°36, relatif à l'annexe 15 de l'article 25 du contrat souscrit, indiquait que seuls les dégâts causés par la grêle de type mégacryométéore étaient couverts.

 

Suite à ce retour, il écrivit derechef à l'agent d'assurance, les lignes suivantes : « Les mégacryométéores sont des grêlons qui se forment par temps clair. Mesurant jusqu’à 2 mètres et pesant jusqu’à 50 kg, ils chutent à une vitesse de plus de 260 km/h. Sur toute la planète, il en tombe, en moyenne, deux par an. Donc, si je comprends bien, il eut donc fallu que je sois victime de la pachydermique malchance d'avoir le crâne explosé par l'un de ces icebergs volants, pour que vous consentiez à me dédommager. »

 

Il lui fut répondu : « Pour cela, il eut fallu que vous eussiez eu une assurance vie. Aussi trouverez-vous, ci-joint, un formulaire idoine qui vous permettra de contractrer cette dernière, grâce à une simple petite signature. »

 

865 - Samedi 22 avril 2023

 

Un maître du monde parmi d'autres

- « Monsieur Christobol Menubedou, n'est ni contrôleuse estourmeloise des vols spatiaux à la NASA, ni épouse d'un cavalier qui signe son nom à la pointe de l'épée1, mais informaticien indépendant assurant la maintenance du logiciel de la CEE gérant l'octroi de la nationalité française aux choux de Bruxelles. Il habite Escarmain, où il aime manger son maroilles sur les bords enchanteurs du Saint-Georges. Il nous fait aujourd'hui l'honneur de sa visite afin de concrétiser son aspiration à nous déciller les yeux sur certaines réalités. Bon, ben, alors, décillez, décillez, Christobol. »

- « Pour présider aux destinées de leur pays, les citoyens accordent leurs suffrages à une personne sérieuse, réfléchie et équilibrée, du moins en théorie. »

- « Pourquoi, cher et sympathique Christobol, éprouvez-vous l'étrange besoin de préciser : "en théorie" ? »

- « Parce que, si je peux m'exprimer ainsi, malheureusement, il y a souvent tromperie sur la marchandise. »

- « Pouvez-vous préciser votre pensée, je vous prie. »

- « Pour ce faire, plutôt qu'un long et ennuyeux discours, je vais vous donner un exemple que je crois assez parlant. Cependant, afin de ménager les susceptibilités, je prendrai ce dernier dans une époque et une contrée différentes des nôtres. Donc, projetons-nous dans le temps et l'espace. »

- « Nous nous projetons, nous nous projetons, cher Christobol. »

- « Le 2 août 1923, à l'âge de 51 ans, Calvin Coolidge devint le trentième président des Etats-Unis d'Amérique. Outre le fait que parmi les phares de la pensée, il fut loin d'être le plus lumineux, il fit preuve d'un comportement qui ne correspondit pas toujours à celui qui convenait à ses fonctions officielles. »

- « Seriez-vous assez aimable pour nous en dire davantage ? »

- « Bien volontiers, d'abord, il consacrait une bonne partie de son temps à dormir. Tant et si bien que ses périodes d'activités effectives, notamment présidentielles, s'en trouvaient notablement amenuisées. Ce penchant abusif pour les bras de Morphée l'entraina, également, à souvent manquer les repas officiels ou à les quitter très tôt, pour aller se coucher. En dehors de ces prédispositions à concurencer la Belle au bois dormant, ce bon Calvin possédait une marotte vraiment charmante. »

- « Soyez donc assez aimable pour nous dire en quoi elle consistait. »

- « Il adorait déclencher son alarme pour obliger les agents du Secret Service à se précipiter à son secours et à le chercher, parce qu'il se cachait sous son bureau. »

- « Ah, ouais, quand même... »

- « Je vous laisse imaginer ce qui eut pu arriver si, à l'époque, la bombe atomique avait existé et que ce type avait aimé jouer à appuyer sur des boutons. »

Commentaire

Coolidge représentait l'un des plus beaux spécimens de libéraux, partisans du grand laissez-faire, laisser-aller. Alors, pas étonnant qu'il passe son temps à pioncer ou à faire des blagues débiles : fallait bien qu'il s'occupe.

F.D Roosevelt

 

Ouais, mais moi, mon grand-père n'a pas fait fortune dans le trafic d'opium vers la Chine, et toc !

Calvin Coolidge

867- Samedi 29 avril 2023

 

A la porte du garage

 

De saisissement, il avait laissé choir sur le trottoir ses deux cabas emplis de maroilles. Pendant quelques instants, les bras ballants, il demeura planté là, comme une asperge dans sa motte de terre (sauf que les asperges n'ont pas de bras). Devant ses yeux médusés et derrière l'essui-glace gauche de sa deux chevaux, se trouvait le feuillet d'un procès-verbal.

 

Lorsqu'il lut le motif de la contravention, sa stupéfaction se transforma en une fumante indignation. Il se trouvait mis à l'amende pour stationnement interdit. Pourtant, son véhicule se trouvait parqué devant son garage, sur la porte duquel il avait eu soin d'apposer le double de la plaque d'immatriculation de sa valeureuse Citroën.

 

Le fait le rendit plus grognon que Grincheux se levant du pied gauche. Afin que lui fut rendu justice, il sollicita l'intervention d'un avocat. Le juriste l'informa, qu'en vertu de l'article R.417-10 du code de la route, il était formellement prohibé de garer son automobile devant son propre garage. Il reconnaissait volontiers que la chose n'était pas vraiment de notoriété publique, mais il n'en était pas moins vrai que nul n'était censé ignorer la loi.

868 - Dimanche 30 avril 2023

 

Question définitivement réglée

 

La publication de dossiers et vidéos classés se multipliaient. Ils venaient confirmer que le phénomène, si longtemps nié, était bel et bien réel.

 

Figurant parmi les membres du cercle informel des rationnels auto-proclamés, il faisait fi de ces informations. Il considérait, avec condescendance, qu'elles ne constituaient qu'un ramassis de billevesées et balivernes à destination des gogos et autres idiots de bas étage. Pour lui, un examen méthodique de n'importe quel phénomène OVNI permettait d'infailliblement de lui donner une explication logique excluant toute hypothèse extraterrestre.

 

Il suffisait de faire preuve d'un minimum d'intelligence, d'être honnête, sincère et de ne pas se laisser aller à interpréter les faits à sa manière. Il fallait les comprendre et enquêter, prendre la peine de se renseigner, avant de théoriser. Cela représentait un travail complexe qui demandait de l'investissement personnel et du temps. Savoir exigeait d'abord de comprendre puis de poser ensuite les bonnes questions.

 

Ainsi, par exemple avait-il étudié le cas des Lumières de Phoenix. Le 13 mars 1997, entre 19 h 30 et 22 h 30, en Arizona, au-dessus d'une région d'environ 480 km, comprenant la ville de Phoenix et une partie du désert de Sonora, des centaines de personnes observèrent un vaisseau-mère en forme de V, d'une longueur de 1,6 km. Or, la grammaire l'indiquait clairement et sans ambigüité : un vaisseau se rangeait intrinsèquement dans la catégorie des engins mâles. Par conséquent, il ne pouvait en aucun cas être mère. En clair, un vaisseau-mère, ça n'existait pas ! Donc cette histoire de Phoenix, c'était du grand n'importe quoi, C.Q.F.D

 

Commentaire

Alors, en fait, il s'agissait peut-être d'un vaisseau-père.

Herbert George Wells

 

Eh ben, moi, j'ai vu un truc que j'avais jamais vu. C'était carré, orange et ça avait environ 12,5 cm de côté.      Francois Vatel

Non, mais ça, c'était un maroilles, François.                                                                                                        NERVIEN

869 - Samedi 06 mai 2023

 

La vie du rail

 

- « En cette période post premier mai, monsieur Hadelin de Gardefeu Dubas de la Hauterive, technicien diéséliste confirmé, spécialisé dans l'entretien et la vidange des boîtes de sardines à huile, toutes marques, françaises ou étrangères, veut absolument et définitivement tordre le cou à un n'importe quoi trop souvent répétitif. Hadelin, tordez, tordez, comme il vous plaît. »

- « A chaque grève menée par les cheminots, certains journalistes, dont la base du métier consiste, si je ne m'abuse, à s'informer avant d'informer, nous ressortent, en toute objectivité, le scandale de la prétendue prime au charbon. »

- « Oseriez-vous, sous-entendre, à mi-mot, que ces gens manqueraient de conscience professionnelle, voire qu'ils se soucient de l'éthique de leur métier comme d'une guigne ? »

 

- « Non, je ne sous-entends rien de tel à mi-mot. Je l'affirme à mot entier. Je considère également, haut et fort, qu'ils en existent d'autres qui sont tendancieux. »

 

- « Que le grand maroilles me croque ! Comme dirait le capitaine Fauquet1. Vous n'y allez pas avec le dos de la cuillère à blâmer, mon cher Hadelin. »


- « Vous pouvez même parler de louche à baffer. Mais, revenons à nos wagons. Pardon, je voulais dire : à nos moutons. Or donc, cette fameuse prime au charbon a été supprimée lorsque la SNCF a abandonné la traction vapeur, soit en 1974. Elle ne concerna jamais que les mécaniciens et chauffeurs de locomotives. Les autres catégories de cheminots ne purent jamais y prétendre. »

 

- « Effectivement, ce sont là des propos fort différents de ceux que nous pouvons habituellement entendre ou lire sur ce sujet. J'en suis troublé comme un volume de pastis par cinq volumes d'eau. »

 

- « Alors, prenez un glaçon ou deux, parce que je continue. Cette prime était accordée aux équipes de conduite ayant réussi à effectuer une économie significative de charbon par rapport à la consommation prévue pour le trajet à effectuer. Il s’agissait donc d’une prime liée à la performance individuelle des salariés et à leur excellence. Elle ne possédait donc, en aucun cas, un caractère collectif et automatique. »

 

- « J'en suis baba. »

 

- « Au rhum, je suppose. Dernière chose à savoir : la prime était proportionnelle à l'économie réalisée et son paiement se faisait en... charbon. Aujourd'hui, les conducteurs de TGV, en utilisant l'erre2, sont capables de faire 1/3 du trajet Lyon-Paris sans utiliser les moteurs de leurs trains. Pour autant, ils n'ont droit à aucune prime et le prix de ton billet de train n'est pas moins cher pour ça. »

 

1: le capitaine Fauquet est le cousin du capitaine Haddock.

2 : vitesse résiduelle sans propulsion


Ce genre de chose aussi, ça n'existe plus.

Pierre Guinand

N'empêche qu'à l'époque, les trains partaient et arrivaient à l'heure.

César Ollivier

870 - Dimanche 07 mai 2023

 

Influents affluents

 

Voilà, pensait-il, vous êtes là, relax, pépère, à mâcher tranquillement votre maroilles et sans crier gare, la vie vient tout soudain faire vaciller vos plus puissantes certitudes. Alors, vous ne savez plus que croire, que penser, à quoi vous raccrochez, à qui vous fiez. En un mot, vous vous sentez taraudé par le doute comme un Cambrésien invité par ses héritiers à monter au sommet du beffroi (62,5 m de hauteur et inscrit au patrimoine de l'UNESCO) pour faire du saut à l'élastique, sans élastique.

 

Or donc, selon certains passionnés férus de potamologie, la Seine se jetterait dans l’Yonne et non l'inverse, étant donné qu'à leur point de jonction, le débit de la seconde serait supérieure à celui de la première. Ce qui signifie que la capitale française ne serait pas traversée par la Seine, mais par l'Yonne. En conséquence, le poète Guillaume Apollinaire aurait dû écrire : « Sous le pont Mirabeau coule l'Yonne ». Il aurait également fallu que monsieur Francis Lemarque fisse chanter à monsieur Yves Montand :

 

A Paris

Y'a l'Yonne
A n'importe quelle heure
Elle a ses visiteurs
Qui la regardent dans les yeux
Ce sont ses amoureux
A l'Yonne

 

 

Un problème identique se poserait au bec d'Ambès avec la Dordogne et la Garonne.

 

Heureusement, se dit-il, aucune question de ce genre ne se pose à propos de l'Escaut ( 355 km de long et non inscrit au patrimoine de l'UNESCO). Personne ne conteste qu'il se jette dans la Mer du Nord et certainement pas le contraire. Sauf que, songea-t-il, la marée le remonte sur plus de 160 km. Du coup, au bout du compte, en définitive, est-ce que l'on ne pourrait pas légitimement se demander si finalement, quelque part...

 

Commentaire

Escaut est un nom d'origine celtique signifiant : « rivière brillante » ou « belle rivière ». Mais, donc, pour vous autres, l'Escaut serait un fleuve.

Pline l'Ancien

871- Samedi 13 mai 2023


« On ne fait pas la guerre pour se débarrasser de la guerre »

 

Bien qu'il accordât aux média grand public toute l'attention qu'ils méritaient, c'est-à-dire aucun, le navrant écho de leurs pitoyables délires guerriers arrivait quand même jusqu'à ses oreilles affligées. Ces indigents discours ne l'étonnaient pas de la part de journalistes dont la suffisance n'avait d'égale que leur ignorance de re militari.

Par contre, il ne laissait pas de s'interroger sur ces généraux qui, dans ces mêmes organes dits d'information, tenaient les propos complètement lunaires de types qui auraient été secoués par l'explosion d'un maroilles piégé. Ces étoilés du képi semblaient avoir totalement oublié que le déroulement de la guerre moderne repose sur trois grands principes et sur la manière dont ils s'articulent les uns par rapport aux autres.

Sans entrer dans les détails, pour faire simple, le premier se nomme stratégie, le deuxième tactique, le troisième art opératif. Le rôle de la stratégie consiste à définir le but de la guerre. Il peut être de nature militaire, politique, économique ou deux ou trois à la fois. La tactique se charge de planifier et de mener les actions de combat qui permettront d'atteindre des objectifs fixés par la stratégie. L'art opératif détermine les moyens humains, matériels et leur répartition entre les différents échelons de l'armée, en fonction de la tactique choisie.

Pour comprendre et juger une situation militaire, il faut toujours tenir compte de ce cadre de réflexion. Par exemple, quand un Etat mène une offensive contre un pays, un peu plus grand que la France, en y envoyant      150 000 hommes et en s'y battant à 1 contre 3, sa stratégie ne peut être de vouloir envahir la totalité du territoire dudit pays. Si cela avait été le cas, opérativement, une telle action aurait nécessité d'engager, au bas mot, 700 000 hommes et de leur assurer sur le terrain, au minimum, une supériorité numérique de 5 contre 1.

Commentaires

Je me demande à quelle stratégie, à quelle tactique, à quel art opératoire, correspond l'armée format bonzaï censée défendre le pays. A part servir à organiser des cérémonies du 14 juillet, style parade de Mickey, je ne comprends pas bien le projet.

Général Buzard

872 - Dimanche 14 mai 2023

 

Juste une question de bon sens

 

Pour l'heure, il visionnait une vidéo consacrée à HD 139139, aussi appelée EPIC 249706694, mais également connu sous le patronyme du "transiteur aléatoire". Comme chacun sait, sous ses différentes et poétiques appellations se cache une étoile binaire - donc deux étoiles - située dans la constellation de la Balance, à ne pas confondre avec celle de l'Indic.

 

Elles possèdent la particularité particulière de présenter des baisses de luminosité inexplicables. Jusqu'à aujourd'hui, toutes les recherches effectuées afin de comprendre les raisons de ce phénomène sont demeurées vaines. Ainsi, à propos de ce lointain point de l'univers, Hugh Osborn, du Laboratoire d’astrophysique de Marseille, a-t-il déclaré au New Scientist : « Quelque chose de bizarre s’y passe ».

 

Se voulant, par nature, d'un esprit tolérant et ouvert, il ne se sentait pas porté à la critique de son prochain. Il se trouvait même à la limite de l'indifférence vis-à-vis du comportement de ses contemporains. Il se préoccupait de leurs faits et gestes autant qu'Attila se souciait des articles de la convention de Genève. Mais, là, face à cette impasse scientifique, non seulement il se sentit profondément concerné, mais également indigné et à un tel point qu'il tapa du poing sur la table où se trouvait posé son maroilles.

 

Bon sang ! Que fichent tous ces astrophysiciens, s'indigna-t-il ? Il faudrait peut-être qu'ils s'enlèvent les doigts du... du nez. Un de ces quatre matins, ils se verront remplacés par une intelligence artificielle et ils ne comprendront pas pourquoi. La chose était pourtant évidente, elle crevait les yeux. Cette histoire d'étoiles clignotantes, c'était tout simplement un Jacquouille la Fripouille extraterrestre qui jouait à " jour, nuit ".

873 - Samedi 20 mai 2023

 

Honneurs littéraires

Ils marchaient le long de l'avenue de la Victoire, non loin de la Porte de Paris. L'ambiance ne paraissait pas vraiment au beau fixe.

- « Mais arrête de te plaindre, comme ça devant tout le monde. Mais, tu sais que tu me fais honte, Barsanulphe, à geindre comme ça, bêtement devant tout le monde. »

- « Non, je suis un bon à rien, Dauphinias. »

- « Les gens se paient notre tête. Fichons le camp de ce trottoir, viens Barsanuphe, viens, on va allez manger un bout de maroilles. »

- « Non, je suis un bon à rien, je vaux moins qu'un petit lapin Duracell sans sa pile. »

- « Allez, arrête, mon p'tit lapin, euh pardon, je veux dire Barsanulphe, arrête de te mettre dans cet état. Et pourquoi, je te le demande ? »

 

- « Ben, j'ai râté le Goncourt, excuse-moi du peu ! »

 

- « Le Goncourt ! Le Goncourt ! Franchement, Barsanuphe, quand on connait les deux frères éponymes à l'origine de ce prix littéraire, je ne comprends pas que l'on puisse désirer obtenir ce dernier. »

 

- « Ben, pourquoi ? »

 

- « Parce que l'Edmond et le Jules Goncourt représentent ce qui se fait de mieux dans le genre têtes à claques. Ces braves garçons formèrent le plus beau duo d'antisémites, d'élitistes, de misogynes, du XIXe siècle. Ah, oui, j'allais oublier un dernier détail : ils professaient un souverain mépris pour la philanthropie et le peuple. »

 

- « Ah, mais je ne savais pas... »

 

- « Crois-moi, tu ferais mieux de te lancer dans l'écriture d'un recueil de recettes de moules frites en manga et de le proposer à Pif Gadget. »

 

Commentaire

Ce Barsanulphe, par moment, il me fait penser à mon copain Jef.

Jacques Brel

874 - Dimanche 21 mai 2023


Féministe, mais pas de prime abord

Beaucoup le disaient lourdement macho. Parmi eux, se trouvaient surtout des personnes dont le numéro de Sécurité Sociale commençait par 2. Pourtant, il ne pouvait lui être reproché d'avoir un jour contesté le principe officiellement affiché par les autorités compétentes, à savoir : « le développement de l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie personnelle et sociale et dans la vie professionnelle ». Projet louable, s'il en est, mais qui contenait intrinséquement l'aveu que ladite égalité se trouvait encore loin d'être effective.

De mauvais esprits, quelques râleurs professionnels, certains bougons patentés, n'hésitaient pas à prétendre, qu'en réalité, en haut-lieu, la condition féminine faisait l'objet de bien plus de paroles que d'actions concrètes. Il n'approuvait pas de tels griefs. Pour lui, le problème se situait ailleurs. Il affirmait fonder cette opinion sur une réflexion qu'il certifiait purement factuelle. Et quels étaient les faits ?

D'abord, il y a 6000 ans, au Néolithique, sur une période d'environ 2000 ans, la population compta 1 homme pour 17 femmes. Alors, même si Jojo le Préhisto était plutôt du genre grosse baraque velue à qui valait mieux pas chercher des poux dans la tignasse, il n'en demeurait pas moins que ces dames possédaient alors très largement l'avantage du nombre. Elles auraient pu profiter de la situation pour s'imposer. Eh ben, non, elles n'en tirèrent aucun parti. Elles continuèrent à laisser au mâle dominant le droit de prendre la plus grosse part de maroilles. Quant à aujourd’hui, en France, elles ne revendiquent que 50% des postes et fonctions, bien qu'elles représentent 53% de la population.

Tout ceci démontrait, à l'évidence, que les femmes ne souhaitaient nullement se libérer de la domination masculine et donc, à fortiori, obtenir « l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie personnelle et sociale et dans la vie professionnelle ». Il respectait complètement cette attitude, preuve que, contrairement à ce que la rumeur prétendait bassement, il était féministe jusqu'aux bouts des ongles, qu'il n'allait quand même pas jusqu'à vernir.

875 - Samedi 27 mai 2023

 

RITA, n'est pas celle que vous croyez

 

Waouh ! Ce scoop ! La vache ! Depuis ce jour béni où, émerveillé, il avait découvert le maroilles, il n'avait jamais connu une telle révélation. Cela étant dit, sur le chapitre fraîcheur, le scoop en question se trouvait plus près de la date limite de consommation que de celle du jour de la mise en boîte.

 

Pour tout dire, il remontait à la décennie 80. Mais, ainsi que le soulignait un éminent archéologue : « Bof, un truc vieux d'un peu plus de quarante ans, vraiment, ça ne me choque pas plus que ça. Il n'y a pas de quoi en faire un flan, fut-il périmé ».

 

Or donc, en ce temps-là, copieusement impressionnée par le caractère innovant et l'excellence technologique de notre Réseau Intégré de Transmissions Automatiques (RITA pour les intimes), l'armée américaine décida d'adopter ce système de communication.

 

Aujourd'hui, songea-t-il, nous ne sommes même plus fichus de fabriquer une simple cartouche. D'accord, mais il y a une quarantaine d'années, question mode capillaire, pour les gars, c'était coupe mulet et en plus les malheureux ne travaillaient que jusqu'à 60 ans .

 

Commentaire

Démographiquement parlant, les zones bleues correspondent de à des régions du monde où la longévité des habitants se situe très nettement au-dessus de la moyenne. Elles sont au nombre de cinq : la province de Nuoro en Sardaigne, l'île grecque d'Ikaria, l'île d'Okinawa, la péninsule de Nicoya au Costa Rica et Loma Linda, en Californie. Curieusement, la France, pays de la retraite à 64 ans, ne figure pas dans cette liste.                      Mathusalem

876 - Dimanche 28 mai 2023

 

Bravo et merci les filles

Ne nous voilons pas la face, ne nous cachons pas la vérité, n'ayons pas peur des mots, auprès de ceux qui le connaissaient de près ou de loin, il passait autant pour un macho de la pire espèce que pour une belle crevure. Il estimait ce jugement fort injuste, voir très blessant. Belle crevure, il admettait, mais macho, là, fallait pas exagérer ! Lui, qui avait toujours reconnu la place qu'occupaient les femmes dans la société et le rôle qu'elles y jouaient, même si ceux-ci s'avéraient parfaitement secondaires1.

 

Et là, le choc ! Le bouleversement ! La révolution Copernicienne ! Il subit un chamboulement mental et philosophique plus monumental que si il avait appris que le maroilles était d'origine pas-de-calésienne. Au détour de la page d'un ouvrage imprimé sur papier toilé de luxe doré à chaud, il lut un récit de notre passé extraordinairement incroyable. Il demeura pantois de stupéfaction au moins pendant guère plus mais pas moins. Il dut parcourir à nouveau le texte afin de s'assurer qu'il en avait correctement compris le sens exact.

 

Or donc, 4000 ans avant Jésus Christ, une innovation décisive fit passer l'homme de l'état de phacochère mal dégrossi à celui d'être policé et raffiné. En effet, ce fut en cette ère lointaine qu'apparut une soupe, d'abord baptisée "pain liquide", puis ensuite plus adéquatement et poétiquement : "bière". Et selon les Historiens, il n'existait aucun doute possible. Ils considéraient comme absolument indiscutablement incontestable acquis que l'homme à qui nous devions cette fabuleuse évolution, n'était autre qu'une femme. Le premier brasseur était une brasseuse, les gars ! Il en fut à ce point bouleversé et attendri que, les yeux baignés de larmes d'émotion, il courut plus vite que le TGV 150, pour aller quémander son inscription au M.L.F.

1: oui, oui, vous ne faites pas erreur, c'est bien le même (Bêtise 874)

 

Commentaire                                                                                                                                                                               Ah, ben, maintenant je comprends d'où que ça vient qu'on dit une blonde, une brune ou une rousse, quand c'est qu'on parle d'une bière.                                                                                                                                                             Bob Binouze

877 - Samedi 03 juin 2023

 

Y sont vraiment pas comme nous z'autres

Dire qu'il négligeait ses responsabilités de citoyen constituait un aimable et charmant euphémisme. Il préférait se consacrer à des activités qui ne risquaient pas d'entraîner une surexploitation de ses neurones. Neurones dont la nature l'avait, par ailleurs, chichement gratifié. Il représentait l'exemple le plus abouti de l'idiot, dans le sens grec ancien du terme, c'est-à-dire d'homme vulgaire, sans éducation, qui ne se donnne pas la peine de participer à la vie de la république.

Si la politique intérieure éveillait en lui un intérêt comparable à celui que pouvait éprouver une poule de Bourbourg pour l'apprentissage du trombone à coulisse, il n'en allait cependant pas de même concernant les relations internationales. Il possédait un avis bien tranché sur la question. Il croyait fermement au principe du choc des civilisations, ou plus précisément, avec une en particulier. Située au-delà des mers, sa population ne parlait pas le français et elle ne comptait pas parmi ses coutumes l'élégant port du béret ou le chaleureux chaussage de charentaises.

Bien pire encore, aux Etats-Unis, parce que c'était bien d'eux dont il s'agissait, les galettes des rois ne contenaient pas de fève ! En effet, l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux interdisait d'inclure un produit non comestible dans les aliments. Non, mais, sérieux, des galettes des rois sans fève, pour oser faire une chose pareille, fallait être à la limite de la bête sauvage. Entre nous et ces gens, il existait un fossé culturel sans fond, qui nous conduisait à une conflictualité irréductible mutuelle. Bon, il ne savait absolument pas ce que cela voulait dire, mais la formule lui avait plu parce qu'elle paraissait sérieuse et assez dans le ton.

Commentaires.                                                                                                                                                         Des galettes des rois sans fève ! Et pourquoi pas des esquimaux glacés sans bâton, tant qu'on y est !                 MIKO

Dans le maroilles, il n'y a pas de fève, alors peut-être qu'on pourrait en vendre, aux Américains.                  Guillaume de Rubrouck

878 - Dimanche 04 juin 2023


« Quand le vin est tiré, il faut boire, surtout s’il est bon »

Tout en s'adonnant à sa vespérale dégustation quotidienne de maroilles, il admirait le ciel du crépuscule en train de s'enrougeoyer, tandis que dans la frondaison un pouillot véloce1 chantait. La sonnerie du téléphone le tira brutalement de cette béatitude contemplativo-mélodico-gustative.

- « Allo, Brisimond à l'appareil, à qui ai-je l'honneur ? »

- « Salut, c'est Berthimé, je ne te dérange pas, Brisimond ? »

- « Apaise tes estimables scrupules, mon ami, tu ne te montres pas plus perturbant que l'arrivée d'un régiment de poulets au beau milieu d'un congrès d'alektorophobes. »

- « Ah ! Tu me rassures. Je t'appelle parce que je viens de prendre connaissance d'un truc fabuleux »

- « Aurais-tu appris que ce ne fut pas Christophe Colomb qui découvrit l'Amérique au XVe siècle, pas plus que les Scandinaves au VIIIe siècle, mais les Polynésiens, il y a mille ans ? »

- « Hein, quoi ? »

- « Ou alors, aurais-tu pris connaissance du fait que l'empire romain n'a pas disparu au Ve siècle, mais uniquement sa partie occidentale. En effet, me diras-tu, sa région orientale, appelée empire byzantin, perdura splendidement jusqu'au XVe siècle. »

- « Hein, quoi ? »

- « Non, mais, je te charrie. »

- « Hein, quoi ? »

- « Bon, allez, vas-y, raconte. »

- « Or donc, pour ouvrir une vieille bouteille de vin sans risquer que ce dernier soit gâté par l'effritement du bouchon, il existe une technique géniale. »

- « Tu m'en vois aussi ravi qu'un pyromane chez un marchand de lance-flammes, un jour de soldes. Alors, en quoi consiste ce prodigieux procédé ? »

- « Il faut enserrer le goulot avec une pince préalablement chauffée au rouge, attendre environ trente secondes, puis appliquer une serviette très froide. Le choc thermique coupe net le goulot et tu peux ensuite tranquillement le retirer avec le bouchon dedans. Super, non ? »

- « J'en reste pantois. Cependant, en toute honnêteté et sans vouloir t'offenser, même si je reconnais son grand intérêt technique et humanitaire, peu me chaut cette atypique méthode de débouchage. Je n'en aurais jamais l'utilité. Je ne laisse jamais à mes vins le temps d'atteindre l'âge où les bouchons de leurs bouteilles se fragilisent. Je ne suis pas du genre à laisser mes bouteilles atteindre l'âge de 64 ans. »

1 : d'aucuns pourraient invoquer le fait que le pouillot véloce chante le matin et ils auraient parfaitement raison, puisque c'est effectivement le cas. Mais ici, nous sommes en présence d'un pouillot véloce noctambule et picoleur, qui pousse la chansonnette en se préparant pour aller faire la tournée des bars. - Note de Nervien

879 - Samedi 10 juin 2023


Streng verboten

Après en avoir englouti un généreux morceau, il replia soigneusement le papier d'emballage sur le maroilles, puis il déplia, non moins soigneusement, Il corriere del chicon, la revue internationale de la cichoriumculture joyeuse. Il était abonné à ce prestigieux magazine de père en fils depuis, au moins, avant l'invention de l'imprimerie. Parmi tous les articles proposés à sa curiosité, il fit le choix de celui savamment rédigé par un certain Hans Gustaf Schneckenburger, professeur de flamenco bavarois1, à l'université Carl von Ossietzky, d'Oldenbourg, en Basse Saxe.

 

Ce docte personnage revenait sur les terribles épreuves de la première guerre mondiale. En France, écrivait-il, le minutieux ravage du Nord commis par l'armée allemande a été sérieusement documenté : destruction des villes et villages, saccage des terres agricoles, dévastation des mines et industries, pillage des ressources, exploitation de la population civile et exactions à son encontre. Mais, l'Allemagne eut à subir une tragédie bien plus dramatique, injustement passée sous silence. En effet, les autorités du IIe Reich furent contraintes de prendre une terrible mesure : interdire la fabrication de saucisses.

 

La raison en était que les boyaux de vaches entraient dans la préparation de ce produit charcutier. Or, il se trouve qu'ils constituaient aussi un matériau indispensable à l'industrie aéronautique militaire. Ils étaient utilisés dans la confection des enveloppes de zeppelins et chacune d'elle demandait l'utilisation de 250 000 intestins de bovins. Sachant que quatre-vingt-huit zeppelins furent construits pendant le conflit, il a fallu choisir entre la saucisse de Francfort et la saucisse volante.

 

Cela fait un total de 22 millions de vaches abattues, pensa-t-il. Eh ben, valait mieux être un soldat à casque à pointe dans les tranchées en France, qu'une ruminante à cornes dans les pâturages en Allemagne.

 

1 : le flamenco bavarois est quasiment semblable à son homologue andalou. Il s'en distingue seulement par des paroles en allemand, par le port du dirndl et de la lederhose, et par la présence d'une grosse caisse dans l'orchestre. Note de Nervien


Commentaire                                                                                                                                                                                   Les Allemands imposèrent également cette interdiction saucissière dans l'ensemble des territoires qu'ils occupaient.                                                                                                                                                       Georges Clémenceau

880 - Dimanche 11 juin 2023


« On choisit ses amis, mais pas sa famille »

- « Monsieur Alexinias Prunotto Inserbo de la Primavera est l'auteur d'une taxinomie sur les triglycérides à chaîne moyenne et fabricant de mitrailleuses calibre 30, gravées à votre nom ou à celui de qui vous voudrez et personnalisables avec la couleur, la photo, le texte, le logo, de votre choix1. Monsieur Prunotto Inserbo de la Primavera a momentanément quitté sa bonne commune de Villers Plouich, afin de venir enrichir nos connnaissances historico-biographiques. Alexinias, allez, zou ! Je vous en prie, enrichissez, enrichissez, généreusement. »

- « Si ceux qui s'intéressent passionnément à l'histoire de la prohibition connaissent assurément Eliot Ness, bien souvent, ils ignorent totalement l'existence de Richard James Hart, qui n'eut pourtant rien à envier au chef des Untouchables. »

 

- « A ce propos, si vous me le permettez, je m'autoriserai ici une incise personelle, je dirai même intime. De temps à autre, il m'arrive de faire un horrible cauchemar dans lequel le gouvernement français impose l'interdiction non pas de l'alcool, mais du maroilles. »

 

- « Terrifiant ! Or donc, pendant le premier conflit mondial, Richard James Hart s'engage dans l'armée américaine et part combattre en Françe. Il devient tireur d'élite et atteint le grade de lieutenant. Il reçoit la Croix du Service Distingué en raison de "son extraordinaire héroïsme en action". »

 

- « Ach so ! Pour les Allemands, valait mieux pas stationner dans le secteur quand ce gars-là s'y trouvait. »

 

- « Pour sûr, il était plutôt préférable pour eux d'aller manger leur apfelkuchen un

peu plus loin. Après la guerre, il occupe les fonctions de shérif, à Homer, dans le Nebraska. Dès le début de la mise en place de la prohibition, le FBI le recrute comme agent spécial2. Ses raids réussis contre les bootleggers lui valent une véritable notoriété, renforcée par sa tenue bien éloignée de celle prônée par J. Edgard Hoover. Il s'habille en cowboy, coiffé d'un stetson et chaussés de bottes. Les deux colts qu'il porte à la ceinture, dans des holsters, lui valent le surnom de "Two-gun Hart". Bien que possédant une automobile, il se déplace à cheval.

 

- « Pas le genre commissaire Maigret, quoi. »

 

- « Mais, ce n'est pas là le plus surprenant. »

 

- « Ah, bon ? »

 

- « Figurez-vous qu'avant la guerre, Hart Richard James Hart possédait une autre identité. Il s'appelait Vincenzo Capone. Il était le frère aîné d'Al. »

 

- « Ben, mince alors ! »

 

1: pour trois mitrailleuses achetées, la quatrième gratuite, réduction exceptionnelle de 15% pour la fête des mères. APIDLP S.A

2 : contrairement à ce que l'on croit en général, ce ne fut jamais le cas d'Eliot Ness. Il était agent fédéral du département du Trésor des États-Unis. Note de Nervien

881 - Samedi 17 juin 2023

 

Autres temps, autres heurts

Sa collation achevée, tout gavé de maroilles, il se plaisait à enrichir son esprit par d'inspirantes et édifiantes lectures. Pour ce faire, en cet après-midi-là, il se plongea dans les "Chroniques", rédigées par l'un des plus condisérables auteurs de l'époque médiévale : Jehan Froissart. Le personnage est également fort remarquable et estimable en cela qu'il eut l'insigne privilège de naître à Valenciennes, aux alentours de 1337, et le bièrophile bon goût de trépasser à Chimay, sans doute en 1410.

Se consacrer à l'écriture, comme il le fit, fut d'autant plus méritoire qu'il noircit ses parchemins durant la guerre de 100 ans. Durant cette période quelque peu teintée d'anglophobie, la littérature ne faisait pas vraiment partie des activités en vogue. La mode tournait davantage autour de la pratique des armes de taille, d'estoc et d'hast. Il valait mieux maîtriser le maniement de l'épée que celui de la plume et savoir nettoyer les taches de sang plutôt que celles d'encre.

Présentement, il parcourait une page consacrée à la relation du soulèvement populaire, de 1358, connue sous le nom de la « Grande Jacquerie » :

« Ils déclarèrent que tous les nobles du royaume de France, chevaliers et écuyers, haïssaient et trahissaient le royaume, et que cela serait grands biens que tous les détruisent. Lors se recueillirent et s'en allèrent sans autre conseil et sans nulle armure, seulement armés des bâtons ferrés et de couteaux, en premier à la maison d'un chevalier qui près de là demeurait. Si brisèrent la maison et tuèrent le chevalier, la dame et les enfants, petits et grands, et brûlèrent la maison. Ils tuèrent un autre chevalier et boutèrent en un hâtier1 et le tournèrent au feu, et le rôtirent devant la dame et ses enfants. »

Eh, ben, se dit-il, au XIVeme siècle, lorsqu'ils se mettaient en pétard, y rigolaient pas les prolos. Quand je pense qu'aujourd'hui, certaines et certains indignés hurlent au terrorisme et se trouvent près de s'évanouir d'horreur à la vue d'un ballon décoré d'un ministériel portrait et à celle de mécontents lançant des lazzi ou tapant sur des casseroles...

1 : « et boutèrent en un hâtier : et le sortir sur un hâtier. » « hâtier » : grand chenet de cuisine garni de plusieurs crochets superposés sur lesquels s'appuient les broches que l'on fait tourner. Note de Nervien

882 - Dimanche 18 juin 2023


Jurassic park VII

Les fleurs parfumaient, les ombrages ombrageaient, les z'oziaux gazouillaient et l'azur azurait. Eux, après leur partie de billon, ils rentraient de conserve en conversant.

- « Guy de Maupassant affirmait que " De toutes les passions, la seule vraiment respectable me paraît être la gourmandise." »

- « C'est pas faux. »

- « Je ne te le fais pas dire, Arzélir, toi, dont l'affection débordante pour le maroilles n'a d'égale que la mienne. Cependant, je dois à la vérité et à notre amitié de te confier qu'il n'est pas que le maroilles dans la vie. »

- « Ah, bon, Amphion ? »

- « Parfaitement et j'en suis la vivante preuve. En effet, en sus de ma vive inclinaison pour ce fameux et savoureux fromage maroillais, je m'honore d'éprouvrer un intense penchant pour la paléontologie, que je pratique en amateur éclairé. »

- « Si je comprends bien, dans un certain sens, tu es donc une sorte de docteur Alan Grant. »

- « C'est ça, mais, en plus intelligent, plus sensible, plus intuitif et physiquement, en plus charpenté, plus irrésistible, plus allucinant. »

- « Et en plus modeste, aussi. »

- « Oui, effectivement. Pour l'heure, je suis à fond sur la piste du diplodocus militaris. »

- « Je pense qu'il y a peu de chance que tu puisses un jour trouver un fossile de ce genre de bestiole. »

« Qu'est-ce qui te permet d'émettre une prophétie aussi défavorable ? »

« Eh bien, tout comme toi, je possède un second centre d'intérêt : les blindés. »

- « Fort bien, chacun s'amuse comme il peut, mon vieux. Mais, je ne vois pas bien le rapport avec mes dinosaures. »

- « Diplodocus militaris est en fait le surnom donné à l'appareil Boirault, ancêtre du char d'assaut, conçu en 1914 et construit en 1915. Il pesait 30 tonnes et ressemblait un peu à une espèce de cage thoracique géante1. Il étai prévu pour écraser les réseaux de fils barbelés et franchir les tranchées. En fin de compte, il ne connut jamais le champ de bataille. Si par hasard, tu entends parler de l'orchis militaris, t'excite pas, c'est juste une fleur. »

1: Si vous voulez voir à quoi ressemblait ce bidule et comment il fonctionnait, utilisez le lien suivant :

https ://www.youtube.com/watch?v=3i43QuILX68

Note de Nervien

Toutes mes excuses pour cette interruption des bêtises, indépendante de ma volonté. On m'annonce une résolution des problèmes techniques responsables d'ici une semaine à quinze jours. Je vous tiendrai au courant dès que j'aurai de nouvelles infos. A très bientôt et surtout prenez bien soin de vous.

Nervien

 

83- Samedi 08 juillet 2023

Encore une fois, toutes mes excuses et merci pour votre patience, vous êtes formidables. Si, si, je vous assure, vous l'êtes vraiment.

La flûte de la honte

Selon lui, opposer exercice physique et intellectuel représentait un insensé non-sens. S'il prenait un exemple tout a fait au hasard : le sien, eh bien durant ses séances quotidiennes de callisthéfromagie1, le muscle travaillait de conserve avec l'esprit. Ainsi donc, lors de la dernière avait-il médité sur le rapport qu'entretenaient les Bataves avec les musiciens. 

Or donc, il semblerait, qu'au Moyen Age, le natif des futurs Pays-Bas se montrait  particulièrement pointilleux sur la qualité de ces derniers. En présence d'un mauvais instrumentiste, il ne prenait pas son mal en patience et n'applaudissait pas poliment à la fin de sa déplorable prestation. Le cacophonique individu se voyait infliger un humiliant et douloureux châtiment. Il devait porter attachée au cou une lourde flûte en fer sur laquelle ses doigts se trouvaient entravés par une barre2. Ainsi harnaché, il était obligé de défiler par les rues de la ville, avant d'être exposé en place publique. Il subissait les lazzi et insultes de la foule, qui ne manquait pas de le gratifier de moult jets de fruits et légumes, pourris bien évidemment.  

Aujourd'hui, songea-t-il, le jour de la fête de la musique, il ne manque pas de virtuoses du tintamarre orchestral, de prodiges du massacre mélodique, qui nous font plus que jamais amèrement regretter les apaisantes vertus du silence. Afin de lutter contre ces fléaux musicaux, ne pourrait-on pas remettre à l'honneur cette moyenâgeuse pratique néerlandaise ? 

1: la callisthéfromagie consiste à alternativement effectuer appuis faciaux tendus et consommation de maroilles. Concrètement, on fait une pompe et hop ! on mange un morceau de maroilles et hop ! une pompe, et hop ! un morceau de maroilles, et hop ! une pompe ! Etc... jusqu'à épuisement du maroilles ou de vous-même - Note de Nervien

2 : si vous êtes sages, demain je vous mets une illustration de l'instrument. Note de Nervien

883 bis - Dimanche 09 juillet 2023

Comme vous avez été très sages, vous avez droit à deux illustrations de la flûte de la honte.

 

883 Ter - Dimanche 09 juillet 2023

884 - Dimanche 09 Juillet 2023


Il est de retour, youpie

L'émotion leur serrait la gorge. Ils n'en croyaient pas leur yeux baignés de larmes de bonheur. Voici que le temps du bonheur de vivre renaissait : il était revenu. Ils avaient immédiatement reconnu sa rugueuse silhouette de bison sauvage alpha, à la peau très douce fleurant bon la papaye, l'hibiscus et le pneu de moissonneuse-batteuse. Il était beau comme un maroilles1 .

- « Garde à vous ! Repos ! Garde à vous ! Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

- « Merci sergent, repos messieurs. Messieurs, les plus observateurs d'entre vous n'ont certainement pas manqué de judicieusement remarquer ma légère absence. En fait, je me trouvais sous des cieux où la gravité de la situation imposait ma martiale présence. J'opérais secrètement sur les rudes et hostiles terres du Vatican. J'avais reçu la périlleuse mission d'initier les hommes de la Pontificia Cohors Helvetica au maniement du couteau suisse. »

- « Oh, la, la ! Vous êtes trop fort, mon adjudant. »

- « Je sais, caporal. Bon, maintenant, parlons peu, mais parlons bien. Vous savez tous que sur l'échelle de l'amour de notre pays, je me situe par-delà le dernier échelon le plus élevé. Au-dessus de moi, il n'est que le soleil en son zénith. D'ailleurs, les fols qui eurent l'absurde hardiesse d'essayer de me surpasser y sacrifièrent leurs vies, parce que plus patriote que moi, tu meurs. »

- « Oh, la, la ! Vous êtes trop fort, mon adjudant. »

- « Je sais, caporal. Mais, aussi fort fussent-ils, les liens serrés m'attachant à notre Nation ne m'empêchent nullement de jeter, de temps à autre, un œil curieux sur les contrées étrangères. Il m'arrive de ne point dédaigner m'intéresser à leurs coutumes exotiques. »

- « Oh, la, la ! Vous êtes trop fo...»

- « Oui, je sais, caporal. Ainsi donc, dernièrement, je fus infiniment séduit par une charmante tradition de la petite ville mexicaine de San Juan de la Vega. »

- « Oh, la, la ! Vous êtes... »

- « Oui, oui, je sais, je sais, caporal. Durant le Mardi Gras, en l'honneur de San Juanito, les individus mâles de cette localité scotchent un mélange détonant de chlorate de potassium et de sodium sur la tête de masses de forgeron. Ensuite, avec cet outil ainsi équipé, ils cognent joyeusement sur des pièces de bois, ce qui déclenche de tonitruantes et plaisantes explosions. Je me suis génialement plu à penser que nous pourrions transposer et intégrer cette ludique pratique aux réjouissances de notre 14 juillet national. »

- « Mais, mais, mon adjudant, un truc pareil, au mieux, c'est un coup à finir sourdingue comme un pot et au pire à se faire salement sauter quelques doigts, voir une main toute entière, sans compter les gaz irritants pour les voies respiratoires. »

- « Vraiment caporal, vous n'avez pas la fibre festive. Je suis très déçu. »

1 : je suis absolument désolé, mais pour des raisons réglementaires de sécurité, je ne peux vous montrer une photo de l'adjudant. Alors, si vous êtes sage, demain, je vous mettrai celle d'un maroilles. Note de Nervien

 

884 bis - Lundi 10 juillet 2023

 

Comme vous avez été très, très, sage, voici la photo d'un maroilles beau comme mon adjudant et réciproquement :

 

 

885 - Samedi 15 juillet 2023

To speak, spoke, spoken

Après une intense séance de callisthéfromagie1, afin de reconstituer son potentiel physique et intellectuel, il s'accorda un morceau de maroilles2 et un moment de réflexion.

Ainsi se mit-il, sans façon, à cogiter sur le droit à la parole de la gent féminine, en Angleterre et Ecosse, aux XVIeme et XVIIeme siècles. En ce temps-là, la Justice de ces deux countries prévoyait que les femmes accusées de bavardages excessifs encouraient les foudres de loi. Et ils n'y allaient pas avec le dos de la spoon.

Les condamnées se voyaient astreintes au port de la bride-bavarde ou bride-mégère3. Cet appareillage pénal ne possède rien de commun avec notre actuel bracelet électronique. Il s'agissait d'une sorte de muselière de fer empêchant de parler. Les modèles haut de gamme étaient équipées de pics dirigés vers la langue. Affublées de cet élégant attirail et parfois tirée par une chaîne, les délinquantes devaient défiler dans les rues et sur les places de marché. Ainsi se trouvaient-elles exposées à la dérision de tous, pendant plusieurs heures, voir plusieurs jours.

Heureusement, se dit-il, tout comme l'usage de la touillette en plastique, ces pratiques appartiennent maintenant à un lointain passé. A l'instar de moi-même, l'Anglais et l'Ecossais (même si ce dernier a abandonné le port de la jupe), font aujourd'hui pleinement partie de la communauté des braves types qui défendent le droit des femmes. Bon, d'accord, il avait bien été jeter un coup d’œil sur amazon et sur le bon coin pour voir si, par hasard, on pouvait y trouver des brides-bavardes. Mais, c'était juste comme ça ... par simple curiosité...

1: voir bêtise 883 - Note de Nervien

2 : voir bêtise 884 bis - Note de Nervien

3: si vous continuez à être bien sages, demain je vous mets une illustration du machin. - Note de Nervien

385 bis - Dimanche 16 juillet 2023

 

On est demain, donc, comme promis :                                                                                                                                                   

 

385 ter - Dimanche 16 juillet 2023

 

 

 

886 - Dimanche 16 juillet 2023

Maîtrise du budget

Le fait qu'il s'appelât Harpagon et qu'il adorât la pièce de théâtre : " L'avare", ne signifiait pas qu'il fît partie des pingres, des radins, des avaricieux, des ladres, patentés. Pour autant, il eut été erroné de le prendre pour un dépensier viscéral jetant l'argent par les fenêtres.

Néanmoins, point n'était question qu'il eut à se priver de l'indispensable, comme le maroilles. A l'opposé, il proscrivait tout frais superfétatoire. Par exemple, le fait que les phares de sa voiture ne fonctionnassent qu'avec la portière arrière gauche ouverte, ne l'incitait guère à payer l'intervention d'un garagiste. Il estimait qu'une telle dépense ne s'imposait nullement, puisque cette légère anomalie mécanique n'empêchait aucunement son véhicule de se mouvoir.

Mais, bien plus que de ses deniers, il se préoccupait davantage encore de ceux de la Nation. Et en ce domaine, il considérait que nous pourrions tirer grand profit à nous inspirer des pratiques du passé de naguère. Ainsi, au Moyen Age, selon la formule bien connue, le bourreau pendait les malandrins haut et court. Haut, car l'exécution devait s'effectuer aux vues et aux sus de tous. Court, parce qu'il convenait d'utiliser le moins de corde possible par souci d'économie. Cela d'autant plus que l'on considérait que la vie des condamnés possédait moins de valeur que le prix du cordage destiné à les suspendre par le col.

Et que l'on ne vienne pas me raconter, se disait-il, que ces histoires de cordes ne représentaient que des économies de bouts de ficelle.

Commentaire

Ben, s'ils voulaient vraiment faire des économies, fallait carrément abolir la pendaison.                                        Antoine Monchrestien de Watteville

 

887- Samedi 22 juillet 2023

 

« Il faut que la presse paraisse, surtout pas qu'elle paresse ! »

Adepte du doute méthodique de Descartes, il procéda à un long et méticuleux examen avant de se forger une opinion sur le maroilles, d'une part, et sur les grands médias, d'autre part. Au premier, il octroya une estime franche et massive. Quant aux seconds, il ne leur accorda que mépris et dédain. Il s'offusqua en particulier de la manière dont ils abordaient l'information.

Ainsi, en 2005, journalistiquement parlant, se produisit l'ignominie des ignominies, un scandale encore plus choquant qu'une chope sans bière, voir qu'une bière sans mousse. Aucune chaîne de télévision ou de radiodiffusion, aucun quotidien ou hebdomadaire, ne fit état d'un événement majeur, d'une intensité et d'une violence rarement atteinte. A savoir, un conflit qui se déroula, en 2005, sur le sol de la France elle-même. Eh, oui ! Une guerre ! Celle de l'endive.

Le 23 mai, sur Wikipédia, un contributeur modifie le titre de l'article intitulé " Endive ". Il le renomme " Chicon ". Un débat passionné éclate alors entre les partisans des deux différentes dénominations. Afin d'apaiser les esprits, le 24 mai, un Wikipédien organise un vote destiné à démocratiquement trancher cette épineuse question. La majorité se prononce en faveur de "Endive". Malgré ce résultat, l’appellation "Chicon" est conservée. Cela relance des tensions qui entraînent de tumultueuses discussions. La controverse fait rage pendant plusieurs semaines. Il faut attendre le 30 juillet pour que l'affaire connaisse enfin son épilogue1.

1 : quel  épilogue ? Allez voir l'article concerné sur Wikipédia. Note de Nervien

Commentaire

C'est par eil pour la guerre du petit pain au chocolat et de la chocolatine ! Elle sévit depuis des années et pourtant on ne la retrouve nulle part à la une.
Joseph Kessel

888 - Dimanche 23 juillet 2023

 

« Errare humanum est, sed perseverare diabolicum »

- « Monsieur Christophède Christodoulidou, ex diadoque, fabrique à la main des carburateurs double-corps pour trottinettes électriques blindées de combat d'infanterie. Il exerce cette délicate et poétique activité sur la toile cirée fleurie de sa table de cuisine. Il est implanté dans la Silicone Vallée de Saulzoir. Christophède ne considère pas, comme d'aucuns, que le jour où il plut de la stupidité, rares furent ses contemporains qui ouvrirent leurs parapluies. Simplement, il les croit victimes de certaines conceptions erronées qui leur sont inculquées à l'insu de leur plein gré. Aussi tient-il à rayer de la liste des idées reçues l'une de plus répandues. Christophède, mon tout bon, vous savez quoi ? Eh bien, allez-y franchement. Rayez, rayez, sans vous enrayer. »

 

- « Avant toutes choses, je tiens à préciser que je n'ai rien contre le n'importe quoi, je le pratique volontiers moi-même, de temps à autres. Mais là, c'est la goutte de bière qui fait déborder la chope. Alors voilà, moi, en dehors du maroilles et des carburateurs, je m'intéresse avec ferveur à l'empire romain en général et aux jeux du cirque, en particulier. »

 

- « Ah, je vois : genre Bouglione et Grock. »

 

- « Non, je dirais plutôt genre Circus Maximus et Spartacus. »

 

- « D'accord... Vous faites, comme qui dirait, dans le "Ave Caesar, morituri te salutant". »

 

- « Précisément - le hasard fait terriblement bien les choses - ce dont je voulais vous parler concerne cette phrase latine que vous venez d'énoncer. »

 

- « Mais, est-ce réellement un hasard, Christophède ? Je ne crois pas, Christophède. La vérité est ailleurs, Christophède. »

 

- « Ecoutez, je vais y réfléchir et je vous envoie une réponse en recommandé avec accusé de réception, d'ici Noël. Or donc, contrairement à la croyance commune, "Ave caesar morituri te salutant"1 ne fut jamais rituellement déclamé par les gladiateurs avant qu'ils ne se défoncent joyeusement la tronche. L'historien Caius Suetonius Tranquillus (70-140) a écrit que ces mots ne furent prononcés qu'une seule fois, en l'an 52. Elles furent lancés par plusieurs milliers de légionnaires rebelles pour défier l'empereur Claude, qui les avait condamnés à s'entre-tuer, au cours d'une naumachie2 sur le lac Fucin3. »

 

- « Y'a pas à dire, la civilisation romaine possédait un sens du spectacle fabuleux. Ce ne sont pas ces barbares de Gaulois qui auraient eu l'idée de faire des trucs pareils. »

 

1: en français : "Ave César, ceux qui vont mourir te saluent" - Note de Nervien

2 : reconstitution de bataille navale - Note de Nervien

3 : situé à l'est de Rome, il fut complètement asséché en 1859 - Note de Nervien

4 : ça fait beaucoup ne notes, non ? - Note de Nervien

 

Commentaire                                                                                                                                                                  Vraiment Nervien, vous n'avez pas la fibre festive. Je suis très déçu.                                                                   Claude

889- Samedi 29 juillet 2023


Mais euh... C'est pas moi qu'a commencé

Si certains possédaient du courage à revendre, mais n'en étaient point vendeurs, tel n'était pas son cas. Lui, au contraire, ne se dérobait jamais devant le risque, même si le péril se présentait sous la forme d'un fâcheux taille XXL. Pourtant, il ne se trouvait en lui rien d’irascible ou de belliqueux. En fait, il était aussi paisible et pacifique qu'un Maroilles.

Simplement, il tenait à sa tranquillité et l'incommoder garantissait à l'incommodant l'assurance de voir son état physique connaître un certain nombre de douloureuses dégradations. Cette nécessité où, de temps à autre, il se trouvait dans l'obligation de s'occuper vigoureusement d'un importun, l'avait amené à réfléchir sur la notion légale d'agresseur et d'agressé.

Ainsi, si l'on prenait le cas de la seconde guerre mondiale, la France déclare la guerre à l'Allemagne le 03 septembre 1939. Le 07 septembre 1939, l'armée française pénètre en territoire allemand.

Selon la logique de la loi internationale, ayant été l'objet d'une déclaration de guerre et d'une violation militaire de leur frontière, les malheureux nazis ont été agressés et leurs méchants agresseurs étaient les méchants Français,

En somme, pensa-t-il, à vue de nez, se réclamer du droit international pour se prévaloir du statut de victime, c'est un peu court, jeune homme ! Comme dirait Cyrano.

890- Dimanche 30 juillet 2023


Le gars des villes et les gars des champs

En entrant dans l'âge de raison, allez savoir pourquoi, il se prit d'une indéfectible sympathie pour les agriculteurs. Depuis, ce sentiment n'avait fait que croître et embellir. Il admirait plus que jamais ces damnés de la campagne qui, à la sueur de leurs fronts burinés, faisaient donner à la terre ce qu'elle possédait de meilleur. Il les imaginait les deux sabots dans la glaise, derrière leurs charrues et leurs chevaux de trait, retournant des hectares et des hectares de terroir arable, n'interrompant leur harassante besogne que le temps de joindre leurs mains à l'appel de la prière, comme dans «L'angélus», de Millet.

Et pour toute récompense de ce dur labeur, ils ne pouvaient prétendre qu'à une existence de privations et de sacrifices. Lorsqu'il y pensait, le maroilles avait du mal à passer tant sa gorge se serrait et ses yeux s'embuaient de larmes comme s'ils eussent été exposés à la vindicte d'un régiment d'oignons épluchés.

Pourtant, un jour, vint l'heure où ses idoles agraires tombèrent de haut du piédestal sur lequel il les avait juchés. Alors qu'il les croyait gens vivant chichement de peu, il apprit que ces arnaqueurs de pécores, ces escrocs de nabus, se baguenaudaient sans vergogne en Lamborghini. Mais, de qui se moquaient-ils, à la fin ?!

Commentaire

Ma, je répondrai à ce disgraziato inculte que les paysans ne se moquent de personne. Manifestement, cette espèce d'asino ignore, qu'en 1948, j'ai commencé dans l'industrie mécanique par la production de tracteurs agricoles, que je fabrique toujours et ils sont fort appréciés des agricoltori. Il ne sait certainement pas non plus que je possédais plusieurs Ferrari que je trouvais bruyantes, peu confortables, dotées d'un intérieur peu attrayant et équipées d'un embrayage déficient. J'en fis directement la remarque à Enzo Ferrari, en personne. Mais, Il Commendatore m'a répondu : « Tu sais conduire un tracteur, mais tu ne sais pas conduire une Ferrari ». Porca miseria, là, j'ai compris que le seul moyen d'avoir une voiture vraiment parfaite était de la faire moi-même. Alors, santa madonnina, j'ai créé Automobili Lamborghini, en 1963. Par contre, cette année-là, Porsche abandonna la construction de ses tracteurs. Allez, ciao ragazzi !            Ferruccio Lamborghini


Les Français sont des passionnés d'automobile, les Italiens en sont amoureux.       Marquis Jules Philippe Félix Albert de Dion Wandonne de Malfiance

891- Samedi 05 août 2023


Sociabilité d'hier et d'aujourd'hui

Les murs de la pièce étaient couverts de livres alignés sur des étagères en chêne. Sur un grand tapis, un bureau du même bois baignait dans la discrète lumière d'une lampe à abat-jour jaune posée devant un sous-main en cuir noir. A ce bureau, un homme se tenait assis dans un fauteuil gainsborough. Vêtu d'une veste d'intérieur bordeaux, d'un pantalon de flanelle écru, un foulard de soie blanche noué autour du cou façon Ascot, il dégustait nonchalamment un morceau de maroilles, laissant vagabonder son esprit.

Il pensa d'abord à cette dame distinguée, à l'allure et à la démarche guindées, qu'il avait croisée ce matin dans le jardin public. Elle tenait au bout d'une interminable laisse un chien si minuscule, qu'il s'était demandé si elle n'en avait pas oublié un bout chez elle. Puis, sans transition, il songea à l'évolution des us et coutumes. Au fil du temps, l'homme, de grande brute féroce, toute velue et mal élevée, passa à l'état de gentille créature rasée de près et tout plein de courtoisie. Ainsi, des gestes nés de sentiments de crainte, de défiance, se sont-ils transformés en marque de sympathie ou de cordialité.

Prenons, par exemple, le fait de trinquer avec ses commensaux. Cette pratique remonte au Moyen Age. Les buveurs médiévaux cognaient de bon cœur leurs chopes de bière et autres gobelets de vin, les uns contre les autres. Il ne s'agissait là aucunement d'une bonne grosse manifestation de virile convivialité. Ce choc entre godets possédait une tout autre raison. Il devait permettre que quelques centilitres de chaque breuvage soient projetés d'un récipient dans l'autre. Ainsi, obteniez-vous l'assurance que votre compagnon de boisson ne pouvait se risquer à vous empoisonner, à moins qu'il ne possédât des tendances de kamikazes suicidaires.

A la même époque, apparut également l'usage de la poignée de mains droites. Les chevaliers se tendaient ces mains pour ostensiblement montrer à leurs vis-à-vis qu'ils n'étaient pas dans leurs intentions de dégainer leurs épées pour les découper en rondelles plus ou moins fines. Personnellement, se dit-il, aussi poli que je sois, il en est à qui je mettrais volontiers ma main ailleurs que dans la leur. Mais, je possède une excuse : je ne suis pas chevalier.

Commentaire

Ben oui, mais alors comment qui faisaient les chevaliers gauchers ?

JoJo Orchidoclaste

On formait les gauchers pour que toujours ils manient l'épée et se battent de la main droite.

Du Guesclin

893 - Samedi 12 août 2023

Economistes distingués

Ayant achevé d'apprendre par cœur la recette de l'omelette norvégienne au maroilles, proposée par son magazine préféré : « Le Chicon Enragé », il poussa un discret soupir de contentement et passa à la rubrique économique. Il se plongea dans un reportage consacré à l'Organisation Mondiale du Commerce. Il faut dire qu'il s’intéressait particulièrement aux organisations et les respectait religieusement, surtout les mondiales et encore plus quand elles étaient du commerce.

Le papier en question faisait le compte rendu précis et circonstancié de trois conférences doctement données par messieurs Andy Bichlbaum et Mike Bonanno, au siège de ce fabuleux organisme international, à Genève. La première préconisait la monétisation et l'ouverture au marché des élections. La deuxième présentait les énormes avantages financiers de l'esclavage par rapport aux délocalisations. La troisième promouvait la résolution des problèmes de la faim dans le Tiers-Monde en nourrissant les populations concernées avec des excréments recyclés. Chacun de ces exposés suscita de très sérieux remerciements et de chaleureux applaudissements de la part de leurs auditoires.

Cependant, l'article se terminait en dévoilant qu'Andy Bichlbaum et Mike Bonanno n'étaient que de vils imposteurs. Ils s'appelaient en réalité Jacques Servin et Igor Vamos. Activistes opposés au libéralisme économique, ils le dénonçaient par la mise en œuvre de canulars des plus réussis.

Cette dernière révélation le troubla profondément parce que, à l'instar des spécialistes qui les avaient écoutés, il trouvait les discours de ces deux garçons d'un réalisme et d'un pragmatisme positivement fort réconfortants.

894 - Dimanche 13 août 2023

Made in France


Il marchait vers eux à la vitesse réglementaire de 3,6 km/h. Ils contemplaient avec admiration sa démarche chaloupée qui lui donnait la belle allure virilo-majestueuse d'un Clint Eastwood matinée de John Wayne, ou d'un tatou à trois bandes. Son large sourire carnassier et l'insigne doré de son béret étincelaient au soleil d'un même éclat. Aussi intelligent que charmant, aussi spirituel qu'attachant, il sentait bon l'huile, le gazole et le jambon avec couenne. Plus, ils le regardaient, plus leurs yeux n'en croyaient pas ce qu'ils voyaient.

- « Garde à vous ! Repos ! Garde à vous ! Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

- « Merci chef, repos ! Messieurs, je voudrais d'abord vous dire que l'assurance de votre attention me serait d'un grand prix car je veux ici déclarer que vous êtes mes gentils féaux et je suis votre loyal dux bellorum. Moult estime je vous baille. En un de vous comme de tous, je sais haute valeur et force courage. Je porte grand honneur de guérrièrement vous mener et en cette tâche je m'y octroie volontiers et la veux faire avec honneur et maroilles. »

- « HEIN??!!!»

- « Non, mais, ne vous affolez pas, les gars. C'est juste du moyenâgeux. Ça signifie simplement que vous êtes exemplaires et que je suis exceptionnel. En résumé, que nous sommes sensationnels. Sinon, le chef m'a rendu compte que vous souhaitâtes, qu'en votre nom, il me posât quelques questions. Bien, chef, je vous écoute, je suis tout ouïe. »

- « Mon adjudant, nos rangers sont bien fabriquées en Tunisie et en Slovénie ? »

- « Affirmatif, chef. »

 « Et nos baïonnettes, nos fusils, sont allemands. »

- « Affirmatif, chef. »

- « Nos pistolets, eux, sont autrichiens. »

- « Affirmatif, chef. »

- « Nos mitrailleuses sont d'origine belge et américaine. »

- « Pour nos fusils de précision, ils sont également belges, mais aussi allemands. »

- « Affirmatif, chef. »

- « Nos lance-grenades sont américains et allemands, nos mortiers légers et lance-roquettes, suédois, c'est bien ça ? »

- « Affirmatif, chef. »

- « Quant à nos munitions, elles sont fournies par les Etats-Unis, le Royaume-Uni, Israël et l'Arabie Saoudite. »

- « Affirmatif, chef. »

- « Alors, mon adjudant, à part vous et nous, que reste-t-il de français dans l'Armée Française ? »

895 - Samedi 19 août 2023

On est les champions

D'aussi loin qu'il s'en souvienne, il n'avait jamais eu lieu de ne point se féliciter d'être fils de France. Pour rien au monde, il n'eut accepté une quelconque autre nationalité, fut-elle monégasque. Dans ces veines ne coulait pas un sang rouge, mais bleu, blanc, rouge.

Il pensait aussi sincèrement qu'en toute innocence, que la France avait poussé son génie jusqu'à des sommets que nul autre pays n'a jamais atteints. Elle était la patrie du Maroilles, de l'art de porter le béret et de jouer à la belote, avec ou sans annonce !

Logiquement, il en déduisait et croyait fermement que les Français constituaient un peuple sans égal situé au plus haut degré sur l'échelle de l'évolution. Pour eux, en quelques domaines que ce fût, il n'existait qu'une place possible : la première. Aussi, se sentit-il percé jusques au fond du cœur d'une atteinte imprévue aussi bien que mortelle lorsqu'il apprit la terrible réalité.

Lui et ses compatriotes se trouvait largement surclassés par leurs voisins germaniques dans une discipline dont la maîtrise était indispensable pour assurer son prestige et son rang dans le concert des nations. L'Allemand boit, en moyenne, environ 115 litres de bière par an, alors que le Français n'en consomme péniblement que 34 litres. Ah, misère ! Pouvait-on connaître pire humiliation que celle-là !

896 - Dimanche 20 août 2023

Voir l'invisible

Il ne passait pas pour être le genre galette de tofu, trottinette électrique et lait cru d’ânesse. Il se classait plutôt dans la catégorie entrecôte de mammouth, Berliet T1 et bière bien fraîche. Il ne le niait aucunement. Il s'en félicitait même, tout comme le fait de posséder les deux pieds solidement ancrés sur terre et celui de bénéficier d'un bon gros sens bien basique.

Tout ce qui errait hors des sentiers battus de la pensée simple, commune et ordinaire, ne suscitait en lui aucun intérêt. Il méprisait les idées, les histoires, échappant à la pensée standard. Pour lui, elle aboutissait toujours et immanquablement au même résultat : perdre bêtement son temps à se faire d'inutiles nœuds au cerveau. Il laissait cette sorte d'exercice stérile aux doux rêveurs, aux gentils naïfs, aux gentils crédules et autres délicieux farfelus. Inutile de compter sur lui pour donner dans les récits de sciences occultes, d'énigmes ésotériques, du style mystères des pyramides ou devinettes à la Léonard de Vinci.

Mais un beau jour, vendredi dernier pour être exact, alors qu'il se trouvait chez son ophtalmologue, la stupeur faillit le faire tomber de son siège. Là, devant ses yeux sidérés, se trouvait l'un ces fameux messages cachés. Il le découvrit dissimulé dans le tableau optométrique, ce panneau couvert de lettres que le médecin vous fait déchiffrer afin d'évaluer votre acuité visuelle. En lisant verticalement de bas en haut les lignes, respectivement situées sur le côté gauche et droit de ce visuel, apparaissaient le prénom « Ferdinand » et le nom « Monoyer », soit l'identité du physicien et ophtalmologue français, inventeur du tableau optométrique.

Cette révélation l'ébranla tant et si fortement, que rentré chez lui, tout de Bure1, il s'habilla, qu'un bâton de pèlerin dans son porte-manteau bistrot en acajou de Cuba, il se tailla et par les chemins, sans souci des ornières, s'en fut en pèlerinage à l'église de l'abbé Saunière.

1 : il ne faut pas confondre les vêtements de bure, grosse étoffe de laine de coloration brune, et ceux de Bure, grand couturier parisien d'Achiet-le-Petit dont les créations sont mondialement connues dans le Pas-de-Calais. De même, il convient de ne pas faire la confusion entre maroilles, le savoureux fromage bien connu des esthètes gastronomes, et Ma Roile, la cousine germaine thiérachienne de Ma Dalton.

897 - Samedi 26 août 2023

Trop injuste

Bien que l'après-midi pluvieux de cet été de sécheresse ne s'y prêtât positivement pas, ils se rendaient, pedibus cum jambis, à une exposition consacrée au traitement du maroilles dans la peinture cubiste germanopratine des années folles. Assurément, un événement culturel majeur à ne manquer sous aucun prétexte. Pour l'intellectuel distingué ne point s'y montrer constituait une faute de goût dont les gens de qualité eussent été en droit de s'offusquer. Chemin faisant, ils échangeaient des propos, de haute tenue, bien évidemment.

- « Mon cher Waldebert, savez-vous que vivent parmi nous des êtres bien singuliers ? »

- « Sur quels faits s'appuie votre affirmation, mon bon Thimoléon ? »

- « Eh bien, ils existent des créatures qui, comparées à nous, résistent mieux aux microbes, disposent d'un cerveau plus développé, possèdent davantage de capacité de mémorisation, ressentent moins la douleur, perçoivent mieux les couleurs et vivent significativement plus longtemps. »

- « Diantre! Extraterrestres, mages ou bien encore chats, de qui s'agit-il donc, exactement ? »

- « Je veux tout bonnement parler des femmes. »

- « Hein ? Les... Non... Vous vous gaussez, vous galéjez, que dis-je, vous sombrez dans la blague potache, mon ami. »

- « Que non point, la chose est le plus sérieusement du monde scientifiquement reconnue, approuvé et garantie sur facture. »

- « Mais alors, l'égalité des sexes, ce n'est point à elles de la réclamer, mais à nous ! »

898 - Dimanche 27 août 2023

Poli et polyglotte

Il tenait la pratique de la politesse pour une haute marque de civilisation. Il possédait l'intime conviction qu'elle donnait aux rapports humains un caractère pacifique et élégant.

Par exemple, un soir, d'un pied distrait vous écrasez massivement les fragiles orteils d'un anodin mais néanmoins musculeux quidam. Vous avez alors l'exquise courtoisie de lui dire : « Bonsoir monsieur, je suis fort marri de vous avoir meurtri le peton de la sorte et vous prie d'avoir la bonté d'accepter toutes mes excuses. Je vous souhaite une bonne soirée ». Une telle marque de savoir-vivre ne manquera pas d'émouvoir l'anodin mais néanmoins musculeux quidam et évitera ainsi qu'il ne vous dévissât la tête illico presto.

De la même manière, le 11 mai 1745, à la bataille de Fontenoy, le comte d'Anterroches, lieutenant des grenadiers, lança poliment à l'adversaire : « Messieurs les Anglais, tirez les premiers. »1. Cette attitude relevait d'une grande classe. Classe qu'elle n'eut point eu, s'il eut préféré claironner : « Allez, sales gros enf...rés de rosbeefs, défouraillez les preums ! »

Voilà pourquoi il appréciait toujours un : « merci » quand il offrait un morceau maroilles, ou lors d'une rencontre ne serait-ce qu'un simple « Bonjour, au revoir » et bien « au revoir », pas « ciao !». Cette prévention ne relevait pas d'une quelconque italianophobie. En dehors de la française, de toutes les nationalités, la plus désirable lui avait toujours paru être l'italienne.

Cependant, il ne pouvait oublier que ce « ciao ! » correspondait à la forme dégradée du vénitien « sciavo », qui signifie « esclave ». Les citoyens de la Sérénissime usaient de ce terme dans la formule leur servant à prendre congé : « Je suis votre esclave ». Or son orgueil et sa défense des principes républicains de Liberté, d'Egalité et de Fraternité, l'empêchaient, catégoriquement, de se déclarer esclave de qui que ce fut.

1 : ceci est la version racontée par ce cher Voltaire, mais la vérité historique est un peu différente. En fait, le capitaine anglais lord Hays a crié aux Français : « Messieurs des gardes françaises, tirez ! ». Le comte d’Anterroches lui a répondu : « Tirez vous-mêmes, messieurs les Anglais, nous ne tirons jamais les premiers » - Note de Nervien

899 - Samedi 02 septembre 2023

Le train ne sifflera plus trois fois

(Pour l'ambiance, permettez-moi de vous conseiller de mettre en musique de fond le thème de X files. Vous comprendrez pourquoi en fin de lecture.)

Après en avoir consommé la majeure partie, il rangea le maroilles dans son havresac de randonnée isotherme, à pains de glace autoréfrigérés intégrés. Cette opération effectuée, d'un revers de bras, il essuya la sueur qui perlait sur son front, puis il saisit son smartphone dans la poche sécurisée spéciale mobile, ergonomiquement placée sur le côté avant gauche de son short de safari pro, traité anti UV.

Sans quitter ses Ray-Ban aux verres de masque de soudage, il chercha sur le web, pour le relire, le dernier discours sur la politique des transports, prononcé par madame le premier ministre. Madame le premier ministre affirmait fermement que :

« Nous faisons donc le choix d’investir en priorité dans les infrastructures qui nous permettront de réussir la transition écologique, à commencer par le ferroviaire, qui est la colonne vertébrale des mobilités. Concrètement, cela signifie que l’État souhaite s’engager, aux côtés de la SNCF, de l’Union européenne et des collectivités locales, pour réussir une Nouvelle donne ferroviaire ».

Tout comme la première fois, il trouva cette déclaration de toute beauté. Elle était belle comme un clair de lune à Maubeuge, comme le soleil de Tourcoing, comme une croisière sur la Meuse. N'eut été la volonté de préserver une virile dignité, d'émotion, il se serait laissé aller à pleurer comme une madeleine. Le train allait donc rouler sur la voie qui le mènerait vers les lumineux horizons du paradis des radieux des lendemains qui chantent.

Alors, se demanda-t-il, comment expliquer, qu'en cet instant très précis, il me soit possible de me tenir sur le quai d'une gare tout récemment fermée et qui bientôt se verra même privée de ses rails ? Serait-elle le triste témoignage que les paroles ne se trouvaient point suivies d'effet, que l'on se moquait copieusement du monde ? Pour oser une telle félonie, il eut fallu posséder un sens moral inférieur à celui d'une hyène dépravée. Il pensait inenvisageable qu'un être gouvernemental puisse se comporter aussi bassement. Croire le contraire relevait de l'absurde, Restons donc réaliste, se raisonna-t-il. Une seule explication plausible s'imposait : à l'évidence, cette gare désaffectée se trouvait dans la quatrième dimension.

Commentaire

« Pleurer comme une madeleine », je trouve cette expression parfaitement absurde puisque, sauf erreur de ma part, personne n'a jamais vu ce genre de pâtisserie verser la moindre larme.

Toto El Estupido

Absurde toi-même, Toto ! Cette expression ne renvoie aucunement à de quelconques intempestives manifestations lacrymales auxquels s'adonnerait ce moelleux petit gâteau. Elle fait référence à cette pauvre Marie-Madeleine qui noya de ses pleurs les pieds du Christ.

Marcel Proust

900 - Dimanche 03 septembre 2023

Des foules d'explications plus une

- « Son statut d'unique et exclusif traducteur mondial du répertoire théâtral sélénien lui permettant de bénéficier d'un nombre non négligeable d'instants de liberté, monsieur Zébulon Babbibelle nous accorde l'immense honneur de sacrifier l'un d'eux à notre profit. Délaissant sa coquette maisonnette de Sauchy Lestrée et son maroilles, il est aimablement venu braquer les projecteurs sur un épisode de jadis, afin de le mettre en pleine lumière et ainsi le tirer de l'ombre dans laquelle il demeure trop souvent plongé. Très bien, braquez, braquez, à fond, mon bon Zébulon. »

- « Alors, je vais vous dire deux mots sur la défaite de Waterloo. »

- « Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine !
Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons. »

- « D'accord Victor, pardon, je voulais dire Nervien, mais Waterloo morne plaine, pourquoi ? »

- « Mon cher Zébulon, je ne vous apprendrai certainement rien en vous répondant que les raisons en sont multiples et diverses : le retard de Grouchy, les erreurs de Ney, le sol bourbeux qui empêcha les boulets d'effectuer leurs rebonds dévastateurs habituels, on a même évoqué une crise hémorroïdaire de l'empereur, etc. J'en passe et des meilleures. »

- « Justement, parmi les meilleures se trouvent celle que l'on omet régulièrement. A savoir, que non content de passer à l'ennemi, le jour de la bataille, le général français Louis Auguste Victor de Ghaisne de Bourmont apporta à l'Anglais les plans de Napoléon. »

- « Zébulon, cher et grand ami, je ne vous ferai pas l'affront de vous rappeler que Wellington démentit que Bourmont lui ait fourni le moindre renseignement. Assertion confirmée, au XXeme siècle, par les thèses de Gustave Gautherot, Docteur ès lettres, professeur d'Histoire à l'Institut catholique et spécialiste de la Révolution française. »

- « Pour vous donner une idée de la personnalité de brave Wellington, je vous dirais qu'il considérait que, je cite : la guerre est une partie de chasse entre aristocrates. Alors, pensez-vous sérieusement,  qu'un tel personnage aurait accepté de ternir l'éclat de ses mérites et de sa plus grande victoire, en avouant qu'elle était, en grande partie, due à l'aide inespérée d'un traître ? »

- « Ben...»

- « Ben, oui, comme vous dites : ben... Quant à notre excellent monsieur Gautherot, ses fameux travaux sur la Révolution française sont bien connus pour leur parti pris royaliste et clérical. Elu sénateur, il vota, en 1941, les pleins pouvoirs à Pétain. Du fait de son attitude sous l'occupation, à Libération, il se vit condamné à l'inéligibilité. Donc, en ce qui me concerne, pour ne point porter atteinte au bon goût, à la décence et aux bonnes mœurs, je m'abstiendrai de vous décrire ce que je fais des affirmations de ce genre de triste individu.

901- Samedi 09 septembre 2023

« Passer pour une idiote aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet »1

Il avait acheté un maroilles au Marché Couvert. Avant de de rejoindre son vélomoteur Raphaël Géminiani, modèle 1956 Grand Luxe, équipé de sacoche en PVC sauvage, il s’arrêta devant une affiche de film placardée sur l'une des façades du cinéma Le Palace.

Sans qu'il ne se l'expliquât, elle le fit songer aux temps de naguère. A une époque que les moins de vingt ans ne pouvaient pas connaître. Une ère durant laquelle scénaristes et réalisateurs cinématographiques donnaient souvent aux artistes féminines des rôles de ravissantes idiotes2. Ces dernières possédaient tant de talent, qu'une bonne part du public les prenait réellement pour telles. Ces sagaces spectatrices et clairvoyants spectateurs considéraient que les actrices et leurs escarpins à talon aiguille possédaient en commun le niveau de leurs quotients intellectuels. En fait, bon nombre d'entre elles pouvaient se prévaloir de capacités cérébrales bien supérieures à celles de cette foule de ricanants dédaigneux présomptueux.

Par exemple, au cours de la seconde mondiale, mademoiselle Hedy Lamarr créa, conjointement avec le compositeur Gerorge Antheil, un système de codage des transmissions pour le radio-guidage des torpilles américaines. Des années plus tard, le principe de cette invention fut à l'origine du GPSE, de certaines fonctions du WIFI et est aujourd'hui utilisé dans pratiquement tous les téléphones mobiles. Pas mal, pour une danseuse des Folies Ziegfeld2, se dit-il en reprenant son chemin, le sourire aux lèvres.

1 : la citation a été féminisée pour les besoins du texte - Note de Nervien

2 : non, non, les cinéphiles, ce n'est pas un hasard, il y a bien là un clin d’œil messieurs Edouard Molinaro et Robert Z.Leonard vous le confirmeront. - Re-note de  Nervien

Commentaire

Le quotient intellectuel d'Albert Einstein s'élevait à 160, celui de Marylin Monroe était de 168.

William Stern

902- Dimanche 10 septembre 2023

Mission très spéciale

Des yeux qui se plantent dans les leurs, un ordre qui se perd sur sa bouche, voilà le portrait sans retouche de l'homme qui vers eux s'en vient. Le niveau de ses qualités anatomiques et intellectuelles dépassaient celui de tout individu lambda ayant jamais vécu sur cette planète. Sa force, sa vitesse, son endurance, son agilité, ses réflexes et sa coordination, aussi bien physiques que mentales, dépassaient le maximum des facultés de la condition humaine. Voilà pourquoi, ils se conformaient et obtempéraient aveuglément à chacun de ses ordres. Donc rien à voir, comme l'insinuaient quelques détracteurs chafouins, avec le fait que s'ils ne filaient pas droit, il pouvait les envoyer au trou plus vite qu'il n'en faut à une balle pour en faire un1.

- « Garde à vous ! Repos ! Garde à vous ! Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

- « Merci sergent, repos messieurs ! Messieurs, il y a peu, autant que se pouvait faire eu égard au secret défense, j'ai évoqué mon action en service commandé auprès de la Pontificia Cohors Helvetica2. A cette occasion, il m'a été donné de discrètement collecter quelques renseignements que je vais vous livrer de ce pas - et le premier qui ajoute : de Calais ou cadencé, je lui enfonce son béret jusqu'aux genoux. Reçu ? »

- « RECU, MON ADJUDANT ! »

- « Ecoutez attentivement ce qui suit. L'existence des gardes suisses pontificaux remonte au XVIeme siècle. Or, à cette époque, depuis longtemps déjà, il existait dans la cité vaticane une unité militaire composée de Corses. Ils furent tous scandaleusement remerciés comme des malpropres, au XVIIeme siècle. Cette injustice m'a profondément ému. Etant homme d'action, je ne pouvais rester sans vouloir la réparer. Aussi, ai-je décidé d'une action commando, nom de code: habemus corsicam. »

- « OUAIS! TAÏAUT ! TAÏAUT ! »

- « Je n'en attendais pas moins de vous, mes fiers féaux. Chef, à moi ! Bon, tu vois avec l'ordinaire puis le fourrier ou le secrétariat de la compagnie et tu fais percevoir à chaque homme, une feuille de papier à lettre, un crayon, une enveloppe, un timbre et une double ration de maroilles. »

- « Euh... Le maroilles, pour une opération commando, d'accord, mon adjudant, mais pour le reste, ne pensez-vous pas qu'il serait plus judicieux de... »

- « Chef, fidèle et cher frère d'armes, étant donné les titanesques moyens que l'on continue de mettre à la disposition de nos Armées, le maximum que nous puissions entreprendre est d'expédier une missive au successeur de Saint Pierre, afin de demander que nos compatriotes corses retrouvent, au sein des saints du Saint-Siège, la place qui était la leur. »

- « Bon, ben, à vos ordres, mon adjudant.»

- « Messieurs, avant de vous laisser, tels de furieux fauves, bondir à l'assaut de cette épistolaire mission, je me permets d'humblement vous rappeler qu'un courrier adressé au Pape débute par :

Très Saint-Père

et pas par

Alors mon pote, ça farte ?

De même, la formule de politesse finale revêt la forme suivante :

Que Votre Sainteté daigne agréer l'assurance de la très respectueuse considération avec laquelle j'ai l'honneur d'être, de Votre Sainteté, le très humble et très obéissant serviteur.

Donc, s'il vous plaît, faites-moi le plaisir d'éviter les trucs du genre :

Allez, gars ! A plus et la bise à ta femme et tes enfants. »

1 : ne cherchez pas malice là où il n'y en a pas, bande de malhonnêtes - Note de Nervien

2 : voir bêtise 894 - Note de Nervien

903 - Samedi 16 septembre 2023

On a beau être non violent, il y a quand même des fois où l'on se dit qu'il y a des baffes qui se perdent

Il était assis sur son fauteuil pliant d'extérieur, à l’intérieur de sa tente F1, plantée sur le terrain du camping « River of no return », à Plourin-lès-Gouesnou. Ainsi confortablement installé, il grignotait, avec le petit doigt levé, les tranches de maroilles disposées dans une assiette posée sur la table valise installée à ses côtés. Tout en maroillant1, il se consacrait tranquillement à la lecture des archives de l'Autorité de l'Aviation Civile de la République Démocratique du Congo.

Le 25 août 2010, un biturbopropulseur Let L-140 Turbolet, décolle, avec 21 personnes à son bord, pour un vol intérieur de 300km, entre Ndolo et Bandundu, en République Démocratique du Congo. Parvenu à 2 km de la piste de Bandundu, l'avion s'écrase sur une maison.

Si on ne déplore aucune victime dans l'habitation, par contre, on ne compte qu'un seul rescapé parmi les occupants de l'aéronef. Grâce à lui, on apprend les circonstances exactes de l'accident. Un crocodile s'est échappé du sac d'un des voyageurs. A la vue de l'animal, les passagers sont pris de panique et se ruent tous vers l'avant de la cabine. Massés à cet endroit, ils entraînent un brusque déséquilibre de l'appareil qui entraîne son décrochage.

Pour être très précis, il y eut en fait deux autres survivants. Le premier décéda à l'hôpital. Le second, qui n'était autre que le crocodile, un maître coup de machette le fit instantanément passer de vie à trépas, peu après le crash.

Franchement, pensa-t-il, embarquer avec soi un crocodile dans un avion de ligne, faut oser. Il est vrai que comme le disait monsieur Fernand Naudin : « Les cons, ça osent tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît ».

1 : maroillant de maroiller, action de manger du maroilles - Note de Nervien

 

904 - Dimanche 17 septembre 2023


Prenons exemple

D'un garçon qui aimait tant le maroilles, il ne se pouvait dire qu'il fut méchant. Sa nature profonde le conduisait tout naturellement à ne point incommoder son prochain et il attendait qu'en retour ce dernier lui assurât la réciproque. Aussi, ne goûtait-il guère que l'on vint lui chercher des poux dans la tête, cela d'autant plus que son style capillaire s'apparentait en tous points à celui de Yul Brynner. Ainsi, n'hésitait-il jamais à dire son fait à l'audacieux qui se risquait à l'ennuyer. Il apostrophait le téméraire avec une véhémence pleine et entière parce que, n'appréciant pas la demi-mesure, il ne faisait jamais les choses à moité.

Ce solide trait de caractère expliquait également pourquoi, en revanche, il éprouvait de francs sentiments de sympathie envers ceux qui ne transigeaient jamais. A ce titre, l'attitude de monsieur Charlie Chaplin, lors du tournage de « La ruée vers l'or », lui paraissait un modèle du genre.

Dans le scénario, tenaillé par la faim, son personnage se trouvait réduit à manger une chaussure. Evidemment, il ne s'agissait pas d'un véritable soulier, mais d'une réplique composée d'un mélange de réglisse et de gâteau. Par souci de perfection, l'Artiste prit trois jours et effectua soixante- trois prises pour cette scène. Le nombre de bottines que cela l'obligea à ingurgiter, lui causa un choc insulinique qui obligea à l'hospitaliser.

Ce gars-là, se disait-il, quand il réalisait un film, il y allait à fond, il ne faisait pas semblant, il ne faisait pas du cinéma, quoi.                                                                                                                                                                       

904  bis - Dimanche 17 septembre 2023

 

 

905 - Samedi 23 septembre 2023

Bad faith

Sportifs dans l'âme, ils s'affrontaient dans une amicale, mais néanmoins acharnée, partie de dames maroillées1. Cette rencontre au sommet se déroulait dans leur estaminet habituel. Sans quitter le damier des yeux et se départir de la concentration qu'exigeait le jeu, ils conversaient aimablement.

- « Obélien, ne pensez-vous pas que l'Anglais, et c'est pour cette raison que nous l'apprécions tant, a toujours possédé une forte propension à se comporter de manière originale ? »

- « Bof »

- « Comment, ça, Bof ? Très, loin de moi l'idée de vous prendre pour la dernière des truffes moisies, mais enfin, tout de même. Pour ma part, je trouve que nos voisins d’Outre-Manche pratiquent la tendance à se singulariser avec un tel sérieux, une telle élégance, qu'ils ont hissée la chose au rang d'un véritable art. »

- « Moi, vous savez... »

- « Non, mais vous êtes incroyable. Il ne vous semble vraiment pas que ces gens n'agissent en rien comme les autres ? Ils roulent à gauche, ils se mesurent avec des pieds, en Normandie, face aux mitrailleuses allemandes, ils débarquent cornemuse en tête, ils ne laissent pas d'espace avant les signes de ponctuation doubles et ils boivent des pintes au lieu de demis. Même leurs délinquants font dans l'extravagance. »

- « Comment cela ? »

- « Eh bien, par exemple, le 08 août 1963, seize outlaws détachent en douceur la locomotive et les deux fourgons de tête du train postal Glasgow-Londres. Ensuite, ils font gentiment arrêter le tout sur un pont. Là, ils délestent tranquillement la seconde voiture des deux millions et demi de livres sterling, soit cinquante millions d’euros, qu'elle transportait. Qu'en dites-vous ? »

- « En effet, ce n'est pas mal, mon cher Lavizius, mais le pont, eux, les Indiens, ils l'ont carrément volé. Du moins, en avril 2022, un pont d'acier de 500 tonnes qui se situait dans l'Etat de Bihar. »

- « Oui, bon, d'accord, mais l'Inde est une ancienne colonie anglaise, alors quelque part, ils sont un petit peu Anglais. »

- « Au même titre que, parce que Cambrai appartint un temps à l'Espagne, nous autres Cambrésiens sommes tous, par nature, de grands danseurs de flamenco. »

1: les règles des dames maroillées sont semblables à celles des dames classiques. La seule différence consiste en la consommation d'un maroilles, à chaque fois que vous prenez un pion de l'adversaire et de deux lorsqu'il s'agit d'une dame. Autant dire qu'il faut avoir de l'estomac, sinon vaut mieux aller jouer à la marelle - Note de Nervien

Commentaire

En plus, avant d'être colonisées par les Anglais, les Indes le furent par les Français.

Joseph François Dupleix

Le vol du train postal Glasgow-Londres inspira le scénario du film « Le cerveau », avec Silvia Monti, Bourvil, Belmondo, David Niven, Eli Wallach. Vous pouvez y voir une scène où Bourvil et Belmondo se cachent derrière un panneau indicateur donnant la direction de Cambrai. Etonnant, non ?

Abel Gance                                                                                                                                                                        

907 - Samedi 30 septembre 2023

Au pied de la lettre

Il rentrait chez lui d'un bon pas, avec à la main un sac en papier kraft marron contenant un maroilles et « Le Petit Larousse », édition 1937. Son bouquiniste le lui avait cédé - le dictionnaire, pas le maroilles - à un prix si raisonnable qu'il frôlait la frontière du ridicule. Etant parfaitement polychrone, penser tout en marchant ne lui posait aucun problème.

Ainsi, tout en posant alternativement un pied devant l'autre, méditait-il sur l'évolution de langue française. Il songeait qu'elle avait passablement perdu de son élégance. Par exemple, de nos jours, d'un professionnel particulièrement doué, on dira :

« P...n ! Comment qu'il est grave fort dans son taf ».

Au XVIIIeme siècle, ont eu parlé en ces termes :

« Par ma foi, il se montre fort habile en son art ».

De même, avons-nous souvent perdu la saveur de nos expressions de langage. Nous en usons sans réellement connaître le lien existant entre leur contenu et la signification que nous leur donnons, comme « trier sur le volet », par exemple. Quel rapport existe-t-il entre un vantail de fenêtre et le fait d'effectuer un choix rigoureux ? Absolument aucun, me direz-vous ma bonne dame. Sauf si nous remontons au Moyen-Age. A cette époque, pour sélectionner les plus beaux pois, les plus belles fèves et autres graines, les paysans utilisaient un voile de toile fine appelé volet. Et là, tout s'éclaire, ma bonne dame.

Pareillement, en quoi « tomber dans le panneau » peut-il signifier avoir été piégé. Et tout d'abord, a-t-on déjà vu quelqu'un tomber dans un panneau ? S'y cogner, passer au travers, d'accord, mais tomber dedans, la chose est matériellement impossible. Certes, néanmoins, contrairement aux apparences, il n'y a rien d'absurde dans cette phrase. Au XVIIeme siècle, les chasseurs piégeait le gibier en le faisant tomber dans un filet qui portait le nom de panneau.

Il en va des mots et des expressions comme des êtres, pour bien les comprendre, il faut se pencher sur leur passé.

Commentaire

Alors, « au pied de la lettre » ne renvoie pas à l'alphabet, mais à la deuxième lettre aux Corinthiens. Il y est fait référence à un passage de la Bible illustrant la différence existant entre interprétation littérale et esprit, ou autrement dit entre le sens premier des mots et ce qu'ils expriment réellement.

Alain Rey

908 - Dimanche 01 octobre 2023

Est-ce que par hasard on ne nous prendrait pas pour ce que nous ne sommes pas

Il passait par le canal pour rentrer chez lui. Dans un bruissement de mécanique bien réglée, un cycliste le doubla sur sa droite et un autre sur sa gauche. Ah ! La bicyclette électrique, pensa-t-il, l'harmonie parfaite entre l'énergie musculaire de l'homme moderne et les deux plus grandes inventions de l'humanité après le parcmètre : la roue et la fée électricité. Sans compter, qu'en dehors de jambes prolongées de pieds, elle représentait le plus écologique des moyens de déplacement. Quoique... se ravisa-t-il.

Question émission gaz à effet serre, la petite reine électrifiée était moins vertueuse qu'elle ne le paraissait. La fabrication de 28% des éléments la constituant ne s'effectuait pas sans l'émission d'une bonne quantité de ces gaz nocifs. Oui, mais pour faire tourner ses roues, elle n'usait que d'électricité, une énergie décarbonée, propre, fraîche et joyeuse. Sauf que cette dernière était produite par des centrales thermiques dont il valait mieux consulter le bilan comptable que le bilan carbone.

Sans doute, cependant tel n'était pas le cas concernant le nucléaire et maintenant de l'éolien. Le nucléaire ne présentait aucun danger écologique, les habitants de Three Mile Island, Tchernobyl et Fukushima, pouvaient en témoigner. Cela étant dit, il est vrai qu'il obligeait au stockage de centaines de tonnes de déchets demeurant dangereusement mortels durant des milliers d'années.

Pour les éoliennes, les balais de camions, les déluges de béton présidant à leur construction, l'impossibilité de recycler leurs constituants, sans parler de leur manière très personnelle d'agrémenter les paysages, ne concordaient pas vraiment avec leur statut d'égérie de l'écologie.

Malgré tout, pensa-t-il, l'honnêteté et l'objectivité obligeaient à reconnaître, même de la part des plus sceptiques, que les batteries des vélocipède éléctro-assistés consommaient peu d'énergie. Certes, mais l'honnêteté et l'objectivité obligeaient également à évoquer le cobalt entrant dans leur composition. L'extraction de cet élément métallique naturel, majoritairement effectuée en République Démocratique du Congo, polluait les terres et l'eau de ce pays. De plus, dans les mines le fournissant, travaillaient 40 000 enfants, exploités dans des conditions déplorables.

Il restait tout de même que faire du vélo était chose bénéfique pour la santé. Cela au moins ne pouvait faire l'objet de la moindre critique. Eh, ben non, même pas, parce que le pédaleur urbain respirait goulûment trois fois plus de particules fines que la ou le conducteur moelleusement engoncés dans sa tonne huit de SUV.

L'enfer est pavé de bonnes intentions, conclut-il, et sur ces pavés se tiennent toujours ceux qui savent profiter de la naïveté des hommes de bonne volonté.

 

909 - Samedi 07 octobre 2023

Qui va croire un truc pareil

Il aimait bien sa crémière. Il n'éprouvait pas cette sympathie uniquement parce qu'elle vendait son maroilles à un tarif défiant outrageusement toute concurrence et lui en gardait toujours un en réserve. Il l'appréciait aussi pour la générosité intellectuelle dont elle faisait preuve. Cette citoyenne se plaisait à largement partager avec autrui sa passion pour l'Histoire.

Tout en emballant et pesant leurs achats, elle contait aux chalands mille et un captivants récits sur le déroulement d’événements ou sur la vie de personnages d'antan. Ses propos se révélaient d'autant plus intéressants, qu'elle se montrait particulièrement pointilleuse sur le respect de la vérité historique. Alors, qu'elle ne fut pas sa surprise de l'entendre émettre des paroles qui lui parurent complètement lunaires.

Elle lui avait parlé d'un certain Ambroise Croizat, un ancien ouvrier qui, parait-il, devint ministre du Travail. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, dans une France détruite et ruinée, il aurait créé le régime général de la Sécurité Sociale, amélioré le système des retraites et le statut des mineurs1. Il aurait également réglementé les heures supplémentaires et décrété une augmentation de 50% de leur rémunération, ainsi que la suppression de l’abattement de 10 % sur les salaires des femmes. Il aurait favorisé le droit du travail en donnant davantage de pouvoirs aux comités d'entreprise. Enfin, il aurait promu le rôle de la médecine du travail en la généralisant et en renforça son organisation.

Cette chère commerçante a déraillé plus gravement que l'express n°56 Granville-Paris, se dit-il. Où avait-on vu un responsable gouvernemental s'employer à améliorer la condition des classes laborieuses ? Non, ma brave et honnête marchande se sera laissé innocemment abuser par des écrits affabulatoires du niveau des Protocoles des Sages de Sion. En fait, cet Ambroise possédait moins de réalité que celui du manège enchanté.

1 : ici, il s'agit des gars qui descendaient au fond de la mine, pas des enfants. Note de Nervien

 

910 - Dimanche 08 octobre 2023

Herbivore suspect

Il appréciait les longues balades en forêt pour leur calme, leur air pur, leurs parfums sylvicoles. Aussi, supportait-il difficilement les envahissements de vététistes, les pétarades des motocrossistes, les pestilences des quatre-quatrequadristes. Sans parler des chasseurs qui, de septembre à février, pouvaient, sans crier gare, vous faire passer des sentiers sylvestres escarpés aux planes plaines du repos éternel. De plus, dans sa contrée, cela faisait des lustres qu'en guise de grands espaces forestiers ne subsistaient que de rares bois anecdotiques.

De ce fait, au total, il préférait demeurer en sa demeure, à tranquillement admirer sa collection de maroilles. Certes, ses possibilités de communion avec la nature s'en trouvaient grandement restreinte. Pour tout dire, ces dernières se limitaient au visionnement épisodique de la vidéo publicitaire d'un particulier, mi Indiana Jones, mi chercheur de champignons du dimanche.

Posant dans un cadre champêtre, sur le ton du vieux sage campagnard, l'individu proposait de partager son savoir traditionnel sur la cueillette des plantes sauvages. Bien qu'il demandât rémunération de ses services, il assurait ne posséder d'autre motivation que de faite profiter son prochain des ineffables bienfaits économico-nutritivo-médicalo-psychologico-gustatif des végétaux naturels.

L'affaire sentait si puissamment à plein nez la grosse arnaque de vieux renard moisi, qu'elle le faisait doucement rigoler. Le plus drôle restait cependant que la première dupe de cette supercherie serait sans doute, son auteur lui-même. 81,51% de la population française vivaient dans des villes dont les rues, les trottoirs, les parkings, goudronnés, étaient peu propices au développement et à la récolte de l'ail de l'ours, du gaillet gratteron ou la capselle bourse-à-pasteur. En conséquence, cet aigrefin risquait fort de rencontrer quelques difficultés à trouver preneur.

Pour ma part, se félicita-t-il, ce n'est certainement pas ce genre de zigoto qui pourra me convaincre d'arrêter de manger des patates pour aller brouter du foin sauvage.

911- Samedi 14 octobre 2023

A table

Il tirait grande fierté de sa condition de gars du Nord et de Cambrésien. Néanmoins, il ne croyait pas qu'elle lui conférait une quelconque supériorité sur ceux qui ne bénéficiaient pas d'une telle chance. Il se pensait même parfaitement critiquable en de nombreux domaines.

Pour autant, il ne supportait pas, qu'au-delà des frontières sud du Cambrésis, d'aucuns se choquassent qu'il trempât ses tartines de maroilles dans son café au lait à la chicorée. Pas plus qu'il n'appréciait pas que les mêmes s'étonnassent, avec un petit sourire narquois, qu'il déjeune, dîne et soupe, au lieu de prendre un petit déjeuner, de déjeuner et de dîner.

Je pourrais considérer que peu me chaut leur attitude, se disait-il, mais dans le Nord, nous sommes gens de coeur qui ne sauraient laisser de malheureux incultes croupir dans leur pauvreté intellectuelo-culturelle. Aussi, se devait-il de leur faire charitablement l'aumône des menus connaissances dont ils semblaient cruellement manquer.

Le terme « déjeuner » apparaît à la fin du XIIeme siècle. Il se compose du préfixe privatif « dé » et de la racine « jeuner », dérivée du verbe « jeûner ». Littéralement, il signifie donc : « arrêter le jeûne » et plus précisément celui imposé par notre sommeil nocturne quotidien. Ici, le qualificatif « petit » indique que la rupture matutinale de ce jeune est partielle. Chose qui ne possède aucun sens puisque, par définition, un jeûne ne peut-être que total. Dès lors qu'il se trouve rompu, même de manière minime, il n'est plus.

Parler de « déjeuner » à midi, alors que le jeûne a déjà été brisé le matin, ne revêt également aucune signification. « Dîner »,  vient du latin « desinere », qui se traduit par : « interrompre son travail ». le Romain laborieux employait « Desinere » pour parler de la pause qu'il prenait à la mi-journée afin de se sustenter. Donc, user du vocable « dîner » pour désigner un repas pris à 20h00, constitue une parfaite incongruité, étymologiquement parlant.

Enfin le nom « souper » date de la fin du Xeme siècle. Il est issu de « soupe». Soupe qui constituait l'aliment principal du repas du soir et non des ripailles effectuées à une heure avancée de la nuit.

Alors quoi que puissent prétentieusement en dire les donneurs de leçons de savoir-vivre et de bon usage de la langue, tout comme le faisait Molière, il déjeunerait le matin, dinerait le midi et souperait le soir. Du moins, tant qu'il pourrait avoir les moyens de manger trois fois par jour.

912 - Dimanche 15 octobre 2023

« Il naquit au milieu des fourrés, dans l'une de ces petites chambres cachées de la forêt qui semblent ouvertes de toutes parts et qui pourtant sont protégées de tous cotés. »

Il était sagement assis sur l'une des chaises alignées contre l'un des murs du petit salon de coiffure. L'endroit avait admirablement conservé la façade et l'intérieur qui étaient les siens au jour de son ouverture, en 1960. Il s'y rendait à chaque fois que lui paraissait excessive la longueur de ses cheveux et qu'il commençait à en trouver un peu trop souvent dans le maroilles.

En attendant que vint son tour de laisser le coiffeur officier sur sa chevelure échevelée, il décida de feuilleter une des revues étalées sur la table base, placée en face de lui. Il prit, au hasard, un magazine de cinéma. Entre deux pleines pages de publicité, un article attira son attention. Il évoquait les films d'animation que Disney reprenait pour les tourner en prises de vues réelles. L'auteur de cet écrit relatait que ces transmutations s'accompagnaient de sévères atteintes au respect de l'intégrité des œuvres adaptées.

Ce journaliste, pensa-t-il, semblait ignorant de certains faits. Pour les studios Disney, l'altération du contenu et du sens des contes ou romans qu'ils adaptaient, relevait quasiment de la tradition, pour ne pas dire de la marque de fabrique. Par exemple, en 1942, Walt mettait à l'écran son cinquième dessin animé long métrage : « Bambi ».

Cette production cinématographique possédait d'indéniables qualités artistiques, mais occultait complètement le thème principal du livre dont elle était tirée. Ecrit par l'auteur austro-hongrois Felix Salten, de son vrai nom Siegmund Salzmannv, et paru en 1923, l'ouvrage constituait en fait une allégorie dénonçant l'inquiétante montée du nazisme. D'ailleurs, il finit brûlé, avec des milliers d'autres tomes, lors de l'immense autodafé organisé par les nazis, en 1933.

Ainsi, pensa-t-il, grâce au monde merveilleux de Disney, pour le commun des mortels, « Bambi » demeurera seulement et à jamais que la gentille et touchante histoire d'un courageux petit faon qui devient un cerf majestueux.

Néanmoins, ne nous montrons pas trop sévère envers Walt, se tempéra-t-il. Mettons-nous, un instant, à la place de ce brave homme. En 1942, qui aurait pu prédire les dangers du nazisme ? Et puis restons optimiste. Gageons que ses successeurs auront à cœur que la nouvelle version de « Bambi », qu'ils nous promettent pour 2025, sera bien conforme à l'histoire originale.

913 - Samedi 21 octobre 2023

Arrêtons de mégoter

L'air décidé, il frappa dans ses mains et dit à haute voix :

« Bon, maintenant, allons-y, regardons cela de plus près. »

De fait, il souhaitait se pencher sur la politique de protection des populations contre le réchauffement climatique estivale généralisé.

Se soucier de cette question au mois de novembre, ne constituait pas la marque d'un grand sens de l'à-propos, s'autocritica-t-il. Certes, si je prends en considération l'été de cette année, j'accuse un certain retard dans l'action. En revanche, si je me positionne par rapport à celui de l'an prochain, je possède une avance considérable, s'autodédouana-t-il. Or donc, le ministère idoine, compétent et souverain donnait aux citoyens une dizaine de bons conseils. Trois d'entre eux attirèrent plus particulièrement son attention.

Le premier concernait l'alimentation. Les autorités gouvernementales recommandaient une alimentation fractionnée. Oui, réfléchit-il, pour cela, il suffira simplement de ne pas oublier de gentiment demander aux employeurs d'accorder aux employés une pause repas, toutes les quatre-vingt-trois minutes.

Le second préconisait de passer du temps dans un endroit rafraîchi, comme par exemple un supermarché. J'aurais grand plaisir, rêvassa-t-il, à voir la tête du chef de rayon fromages, si je venais à passer mes après-midi près de ses maroilles, assis sur un pliant à faire des mots croisés.

Le troisième prescrivait de mouiller son corps. Alors là, je dis non ! Se révolta-t-il. Les concours de t-shirts mouillés, très peu pour moi.

Bref, en conclut-il, nous ne nous voyions proposer qu'une insipide liste de quelques anodines recommandations, en lieu et place de la radicale mesure qu'imposait les effets calorigènes du réchauffement climatique : décréter pour la totalité de la population, sans aucune exception, l'obligation de pratiquer l'estivation.

Tiens, continua-t-il sur sa lancée, et tant que nous y sommes, pour économiser l'électricité, l'hiver, passons à l'hibernation.

Commentaire

Comme chacun sait, exception faite de monsieur Nervien, l'estivation est un phénomène estival analogue à celui de l'hibernation, état au cours duquel les sujets la pratiquant tombent en léthargie.                                                    

Winnie l'Ourson

 

914 - Dimanche 22 octobre 2023

Pater penicillium

- « Aldage Cochonousque exerce l'honorable profession de chirurgien esthétique autodidacte, spécialiste de la greffe de brins pour brosses à dents calvitiées. Aldage exerce dans la salle de bain-bloc-opératoire de son pavillon-clinique de Lagnicourt-Marcel. Il appelle de ses vœux de pouvoir redresser le tort qui laissa dans l'anonymat un homme qui n'aurait jamais dû y demeurer. Mon petit Alda, faites comme chez vous, redressez, redressez, sans dévier »

- « Nous lisons, nous entendons, nous voyons, partout et ailleurs, que sir Alexander Fleming découvrit, en 1929, les pouvoirs de la pénicilline, autrement dit des antibioques. »

- « La chose ne me semble en rien surprenante. Il s'agit tout de même de l’une des plus grandes découvertes du XXeme siècle. Aussi, que l'on célèbre son inventeur paraît pour le moins normal. Donc, si vous me permettez cette expression imagée mais néanmoins fort à propos, il n'y a pas quoi en faire un maroilles. »

- « Le fait que cette découverte représente l'une des plus grandes avancées du XXeme siècle, j'y souscris, par contre concernant sir Alexander Fleming, je m'inscris en faux, »

- « Croyez bien qu'au grand jamais ne me viendrait à l'esprit l'idée de concevoir le moindre doute sur vos facultés intellectuelles. Cependant, l'inanité de votre déni m'amène à me demander si vous possédez toujours la lumière à tous les étages, cher Aldage ? »

- « Je vous rassure, cher copain Nervien, de corps et d'esprit, je suis parfaitement sain. »

- « Alors, argumentez, sage Aldage. »

- « Le 17 décembre 1897, le pharmalogue médecin militaire français Ernest Duchesne présenta une thèse traitant des propriétés thérapeutiques des antibiotiques. Elle obtint la note de 20, les félicitations du jury, la mention “très bien” et une citation à l'ordre du Service de Santé Militaire. Malheureusement et incompréhensiblement, aussitôt après, Duchesne et sa thèse sombrèrent dans l'oubli. »

- « Ben mince alors ! »

- « En 1946, la revue Le Progrès Médical publia un article rappelant l'antériorité des travaux de Duschesne sur ceux de Fleming. L'Académie Nationale de Médecine reconnaît officiellement le fait, en 1949. Pourtant, Fleming continue d'occuper le devant de la scène et Duchesne reste un illustre inconnu. »

- « Quelle histoire ! Heureusement qu'elle relève de l'exceptionnel. »

- « Pas vraiment, par exemple, renseignez-vous sur Einstein et Poincaré. »

915 - Samedi 28 octobre 2023

Joyeux anniversaire

Lors de la quotidienne consultation matinale de son agenda, il releva que la date de l'anniversaire de Gaétan-Parsifal approchait à grands pas. Il convenait donc de ne plus tarder à se préoccuper du cadeau que requérait cet événement. Si le projet allait de soi, sa mise à exécution, elle, ne coulait pas de source.

Le choix ne pouvait s'effectuer au hasard. Il exigeait une longue et mûre réflexion. Le présent sélectionné devait parfaitement s'accorder au récipiendaire, comme la couleur de votre cravate se marie à celle de votre chemise. Ainsi, et ainsi seulement, possédait-on la certitude de proscrire toute faute de goût, voir l'impair. Par exemple, il eût été inadéquat d'apporter « Le guide culinaire », du regretté Auguste Escoffier, à un malheureux tentant désespérément de respecter un régime alimentaire draconien, ou offrir un séjour de quinze jours, en pension complète, dans une centrale nucléaire, à un rescapé de Hiroshima.

Faire présent d'un maroilles représentait la solution parfaite pour Gaétan-Parsifal. Cependant, il y recourait tous les ans et cette année il entendait faire preuve d'originalité. Il lui sembla que la carte-cadeau représentait une bonne alternative. N'ayant jamais eu affaire de près où de loin avec le procédé, il décida de s'enquérir sur sa nature et son usage. Pour ce faire, il consulta avec attention divers sites internets. Une information le frappa en particulier. Une carte-cadeau sur cinq demeurait inutilisée. Il en résultait un pactole d'un milliard d'euros pour les vendeurs, car ces derniers ne procédaient à aucun remboursement.

Si la pratique n'enfreignait aucune loi, elle lui parut d'une moralité des plus douteuses. Aussi décida-t-il d'abandonner cette idée Si tout simplement, se dit-il, pour Gaétan-Parsifal, j'achetais une baballe. Une baballe, c'est pas mal, pour un caniche royal.

916 - Dimanche 29 octobre 2023

A chacun son style

Plus jeune que Clotaire II le Jeune, plus simple que Charles III le Simple, plus pieux que Robert II le Pieux, plus auguste que Philippe II Auguste, plus hardi que Philippe II le Hardi, plus bel que Philippe IV le Bel, plus long que Philippe V le Long, plus sage que Charles V le Sage, plus victorieux que Charles VII le Victorieux, plus affable que CharlesVIII l'Affable, plus bien-aimé que Louis XV le Bien-Aimé, plus maroilles qu'Henri LIX le Maroilles1, il arborait un béret parfaitement repassé et des rangers dont l'albédo était supérieur à celui de la planète Vénus. Tel était leur adjudant. Devant un être aussi fabuleusement merveilleux comment ne pas béer d'admiration ? Alors, ils béaient d'admiration.

- « Garde à vous ! Repos ! Garde à vous ! Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

- « Merci sergent, repos messieurs ! Messieurs, vous ferais-je l'affront de vous demander si vous connaissez la boucle O.O.D.A2 du colonel U.S John Richard Boyd ? Ne possédant aucun doute sur le niveau de votre culture militaire, je ne vois pas de raison pour agir de la sorte. Cependant, je ne briserai pas là pour autant. Je m'en voudrais de vous priver si brutalement du bonheur d'entendre le son mélodieux, mais néanmoins viril, de ma voix. Aussi, vais-je quand même vous entretenir de cette boucle. Ah, là, là ! Qu'est-ce que je ne ferais pas pour vous, bande de canailloux. »

- « Votre bonté nous anéantit de reconnaissance, mon adjudant. »

- « En effet, caporal, je ne suis que bonté et altruisme. Or donc, en résumé, selon Boyd, pour affronter avec succès un adversaire, il convient d'agir en quatre temps : observer, s'orienter, décider, agir. Je reconnais que la manip ne manque pas d'intérêt, mais si vous voulez que je vous donne le fond de ma pensée... »

- « OH, OUI, MON ADJUDANT ! DONNEZ-NOUS LE FOND ! »

- « Alors, j'ai envie de dire, O.O.D.A ? Pourquoi pas, c'est un style comme un autre. Personnellement, mon côté guerre en dentelle et ami de la poésie me fait préférer la méthode O.F.E.O.L.D. Tu souhaites intervenir, caporal ? »

- « Oui, si vous me le permettez, mon adjudant. Cela consiste exactement en quoi la méthode O.F.E.O.L.D. ? »

- « Simple : On Fonce Et On Les Défonce. Questions, problèmes, états d'âme ? »

1 - Petit jeu gratuit : deux intrus se sont glissés dans cette liste de rois de France. Saurez-vous les démasquer ?

2 : Observe, Orient, Decide, Act - Note de  Nervien

917 - Samedi 04 novembre 2023

A la tienne, Etienne

Bien qu'il ne fît aucun doute qu'il fût un homme résolument moderne, aussi étrange que cela puisse paraître, il n'avait jamais goûté une goutte de coca cola. Il me faut mettre un terme à cette anomalie pour le moins incongrue, se morigéna-t-il. Cependant, tout homme moderne qu'il fût, oncques il ne se lançait dans une aventure sans s'y préparer au préalable. Aussi, avant d'affronter la présente, entreprit-il de recueillir quelques renseignements sur ce soda.

Or donc, il découvrit que, selon The Coca-Cola Company, entre Coca-Cola et la France, il s'agissait d'une histoire d'amour qui durait depuis le printemps 1919. Le Coca-Cola nous accompagnait dans chaque moment de notre vie en s'adaptant toujours mieux aux envies de chacun. Non contente d'être délicieux et rafraîchissant, il permettait de se réhydrater efficacement, apportait force et énergie à notre organisme. Il aidait également à compenser le manque de calories lié au déficit d'apport nutritionnel. Et tout cela, en nous rappelant que pour notre santé, il fallait éviter de manger trop gras, trop sucré, trop salé.

Comment ai-je osé me passer d'un produit aussi bénéfique, s'accusa-t-il ? La vérité lui apparaissait dans sa nue et cruelle réalité. En ostracisant de son verre ce merveilleux breuvage, il n'avait pas commis qu'un regrettable impair, mais s'était bel et bien rendu coupable d'une impardonnable faute. Afin de corriger cette impéritie, il décida de se gorger, au plus tôt, de cet admirable boisson. Etant donné la nature de cette dernière, il lui parut évident qu'elle devait se consommer par voie intraveineuse. Il se mit donc en quête d'écrits médicaux pouvant lui expliquer comment effectuer une perfusion. Ce fut lors de cette recherche qu'il prit incidemment connaissance de deux autres informations.

Pour parvenir à écouler sa production dans les pays européens aux niveaux de vie modestes, The Coca-Cola Company réduisait ses prix en remplaçant le sucre par de l'isoglucose. Outre son nom poétique, cet édulcorant possédait l’intéressante propriété de favoriser le diabète. Cela étant dit, qu'il fût sucré ou isoglucosé, dans tous les cas, consommer plus de 33cl de coca par jour, augmentait de 30% le risque de contracter une stéatose hépatique non alcoolique.

S'il n'ignorait rien du diabète, par contre, il ne savait pas en quoi consistait une stéatose hépatique non alcoolique, mais ce truc ne lui semblait pas représenter le meilleur moyen de s'assurer une situation d'avenir. Cependant, sans coca, il n'était point d'homme moderne digne de ce nom. Alors, tant pis, se dit-il, je me dérobe, je m'esquive, je sombre dans la déchéance : je renonce à la condition d'homme résolument moderne. Toute honte bue jusqu'à la lie, il se fonderait piteusement dans la masse triviale des individus ordinaires et communs, qui se désaltèraient d'une bière ou d'un petit rosé bien frais

Réponse du petit jeu gratuit de la bêtise 916

Philippe II le Hardi était duc de Bourgogne et non roi de France, contrairement à tous les autres surnommés cités dans cette bêtise et, aussi incroyable que cela puisse paraître, selon certains historiens, Henri LIX le Maroilles n'aurait jamais existé.

918 - Dimanche 05 novembre 2023

Trop forts les kameraden

Dès que l’expérience de l'âge lui donna la maturité nécessaire pour bien juger des choses, il apprécia le Maroilles et l'Allemand. Il apprécia ce dernier pour sa terrine au boudin noir, ses musiciens, ses écrivains, ses poètes, ses dramaturges, ses cinéastes et pour Marlene Dietrich. En sus et bien plus encore, il admirait chez lui son pragmatisme, son inventivité, son sens inné du travail bien fait.

Il y a plus de cent ans, la première guerre mondiale nous donnait déjà quelques exemples concrets des fruits de toutes ces qualités. Entre 1914 et 1918, d'Outre-Rhin, nous vinrent le sniper, l'emploi massif de l'artillerie et de la mitrailleuse, l'usage du lance-flammes, des gaz de combat, l'application du principe de la bataille d'attrition, le bombardement aériens des civils, sans oublier la modernisation et l'industrialisation de l'art du coup en traître.

Ainsi, en 1914, le paquebot Cap Trafalgar, appartenant à la compagnie Hamburg Süd, fut-il entièrement transformé par la Kaiserliche Marine, afin de devenir l'exacte réplique du croiseur auxiliaire Carmania de la Royal Navy. Ce camouflage de première classe devait permettre au Cap Trafalgar d'approcher et d'attaquer facilement les bateaux marchands britanniques. Une fois ce bel ouvrage deutsche qualität terminé, le Carmania made in Germany s'en alla joyeusement faire ce pour quoi il avait été fait. Le premier navire sur lequel le faux Carmania tomba, fut le vrai Carmania, lequel l'engagea sur le champ et le coula. Comme quoi, les Anglais ont beau posséder un grand sens de l'humour, il est des cas où, avec eux, ça ne rigole pas.

Oui, se dit-il, Allemand ou pas, pour réussir, suffit pas d'être bon, faut aussi avoir de la chance.

919 - Samedi 11 novembre 2023

« Vous les morts nous vous serons fidèles
Dormez en paix dans vos tombeaux »

- « Garde à vous ! Repos ! Garde à vous ! Section rassemblée, à vos ordres, mon adjudant ! »

- « Merci sergent, repos ! Soldats, en ce jour du 11 novembre, nous allons rendre les Honneurs militaires à nos Anciens de 14-18, dont un million cinq mille furent tués par les Allemands, un million et demi furent rendus invalides par les Allemands et trois cent mille furent mutilés par les Allemands.

Pour leur rendre les Honneurs, nous présenterons les armes avec des Heckler & Koch 416 F, allemands. Comme vous, sans doute, je pense que, somme toute, la chose constitue un sacré manque de décence à l'égard de la mémoire de ces Anciens. Mais, à part ceux pour qui le respect n'est pas qu'un mot creux, qui s'en soucie ?

Bon, c'est l'heure. Allez, on y va, les gars.

Garde à vous ! A droite, droite ! Portez, armes ! Direction droit devant, au pas cadencé, en avant, marche ! »

920 - Dimanche 12 novembre 2023

Vestis militaris

- « Monsieur, Athénard Dac Monald est le génial fabricant et distributeur exclusif de « Péplum », le détachant épatant qui nettoie, fait briller et rend l'éclat du neuf à votre lorica segmentata et à vos dents. Il réside en paix et en lisière de Boussière-en-Cambrésis. Cher Athénard, vous ambitionnez de vous inscrire en faux contre un mythe défigurant odieusement le visage virginal de la vérité historique. Voilà un noble et sain dessein, Athénard. Alors, inscrivez, inscrivez sans retard. »

- « D'aucuns nous décrivent le guerrier gaulois pratiquant l'hoplomachie sans aucun ornements, dans le simple appareil d'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil. »

- « Hein ? »

- « C'est juste une manière élégante pour dire qu'ils allaient à la baston à poil. »

- « Ah... d'accord... Comme : le délice le plus fabuleux de la gastronomie, poésie et bouquet de nos repas, sans lequel la vie ne vaut pas d'être vécue. »

- « Hein ? »

- « C'est juste une manière élégante pour dire maroilles. »

- « Ah... d'accord... Mais revenons au sujet de mon intervention sans prétention, mais non dénuée de passion. Non, non, et non, les troufions de Vercingétorix ne se promenaient pas en tenue d'Adam. Et c'est même d'eux que venait une partie de la tenue des légionnaires romains. Ils leur empruntèrent la cotte de mailles, les braies et les casques. »

- « Donc, le casque romain était en fait un casque d'origine gauloise. »

- « Exactement et pas plus qu'il ne portait de longs cheveux et de grandes moustaches tombantes, le Gaulois ne s'est jamais collé sur la tête ces ferrailleries emplumées ou encornées dont on l'affuble habituellement. Avant de vous laisser vaquer à vos occupations, je souhaiterai, si vous le permettez, faire un aparté. »

- « Je vous en prie, Athénard, apartez, apartez, donc. »

- « Contrairement au sentiment commun, Jules César ne plia pas la guerre des Gaules en deux temps trois mouvements. Il lui fallut pas moins de huit ans afin d'en venir à bout. Pour y parvenir, lui et ses SPQR boys ne firent pas dans la dentelle. Ils réduisirent en cendre plus de 800 villes et villages, massacrèrent, selon les estimations, de un à trois millions de Gaulois, femmes et enfants compris. Sans parler des un à deux millions qu'ils réduisirent en esclavage. Alors quand je vois que certain se prenne fièrement pour le dieu en chef de ces gars-là, je me dis que soit ce type est une sacrée bille en Histoire, soit que l'on a du souci à se faire. »

Commentaire

La guerre des Gaules ne se termina pas à Alésia. Elle prit fin deux ans plus tard.

Dumnacos

921- Samedi 18 novembre 2023

« Au volant, la vue c'est la vie

Il avait ouï des Anciens raconter que, naguère, les automobiles et camions éclairaient leur route en usant de phares jaunes. Dès lors, une question occupa son esprit : pourquoi en allait-il ainsi autrefois ? Fallait-il y voir un effet de mode, le résultat d'une décision officielle purement arbitraire ou un discret hommage à l'or des armoiries cambrésiennes ? Afin de connaître la vérité, il décida de se mettre en quête d'une réponse.

En premier lieu, étant donné l'effort physique et intellectuel que requérait une telle recherche, il s'assura d'une conséquente réserve de protéines en faisant provision d'une grande quantité de maroilles. Cette précaution nutritive prise, il se lança sur les tortueux méandres des chemins de l'Histoire.

Or donc, en 1934, l’Académie des Sciences publia une étude établissant que les phares jaunes offraient un triple avantage. Le premier résidait dans le fait de limiter l’éblouissement des conducteurs, lorsqu'ils leur advenaient de croiser nuitamment un véhicule venant dans le sens inverse du leur. Le second permettait, qu'après ce croisement, l'œil se réadaptât plus vite à la vision nocturne . Enfin, le troisième atout était que, par temps de pluie ou de brouillard, ils possédaient pour effet d’augmenter les contrastes, donc d’améliorer la visibilité.

De son côté, à la même époque, l'Armée réclamait aux autorités gouvernementales d'imposer les phares jaunes. Les militaires souhaitaient ainsi pouvoir facilement différencier les véhicules français de ceux des Allemands, équipés d'éclairages blancs

Au bout du compte, le 5 novembre 1936, un arrêté du Ministère des Travaux Publics rendit obligatoire les phares jaunes pour les automobiles et camions immatriculés à partir d’avril 1937. Sous la pression des instances européennes, le décret n° 92- 494, du 4 juin 1992, abrogea cet arrêté et ratifia le retour aux phares blancs.

Que fallait-il conclure de cette évolution, s'interrogea-t-il ? Tout simplement que le décret n° 92-494, du 4 juin 1992, actait le fait que le conducteur français avait connu une mutation oculaire. A partir de 1992, il était devenu capable de résister aux effets éblouissants des phares blancs et de voir au travers des brouillards ou des rideaux de pluie, les plus épais.

Cela étant dit, le rôle du phare jaune dans le combat contre l'envahisseur germanique avait fortement frappé son esprit. De ce fait, il ne voyait pas comment il eut pu continuer à user d'un éclairage automobile blanc, sans que ne lui vint la désagréable sensation de se comporter comme le premier collabo venu.

Aussi, prit-il la ferme résolution de ne plus rouler la nuit que tous feux éteints.

922- Dimanche 19 novembre 2023

Ah, oui, mais non

En ce cinquante-neuvième jour après la sainte Barsimée de La-Mothe-Beuvron, ils avaient provisoirement abandonné femmes et maroilles, afin d'effectuer de concert leurs quinze minutes trimestrielles de course à pied lente. Pour les spécialistes de la discipline, la fréquence et la durée de cet athlétique exploit pouvaient paraître des plus parcimonieuses. Pour leur part, ils estimaient qu'en sport, comme en toute activité, il fallait savoir demeurer humble et ne point abuser des bonnes choses. Au-delà de ces sages principes, ils en respectaient toujours scrupuleusement un troisième : après l'effort, l'homme fort se doit au réconfort. Pour ce faire, présentement, ils se revigoraient en buvant un grand demi bien frais, dans un coquet estaminet. En reposant sa chope, l'un des deux coureurs demanda à son comparse :

- « Dis-moi mon bon Célinois, quel moyen de transport utilises-tu pour te rendre au taf ? »

- « Quelle étrange question. Ne possédant pas de raison d'y aller, je n'en use d'aucun, mon cher Brunin. »

- « Oh, excuse-moi. Je suis vraiment désolé pour toi, mon vieux, j'ignorais que... »

- « Ne t'attriste donc pas. Je vis très bien la chose. Je me passe très bien d'avoir à me rendre en Terres Australes et Antarctiques Françaises. »

- « Ah, oui, mais non, par taf, je n'entendais pas TAAF, je parlais du taf, du boulot. »

- « Je comprends. Il y eut méprise. Une erreur de compréhension me conduisit à l 'incompréhension. »

- « Tu fus effectivement la malheureuse victime de deux insidieux homophones. »

- « Il n'en fut rien. Le malentendu ne trouve pas son origine dans un quelconque quiproquo phonique. Sans vouloir d'accabler, la cause de la confusion réside uniquement dans ta formulation. »

- « Hein ? »

- « Comment pouvais-je saisir qu'en parlant de taf, tu faisais allusion à mon emploi ? »

- « Mais enfin, tout le monde sait que taf signifie boulot, job, turbin. »

- « Eh bien, contrairement à ce que toi et tout le monde croyez, non, taf ne signifie pas boulot, job, turbin. Taf est l'acronyme de travail à faire. Je devrais te tenir rigueur de faire preuve d'une telle incurie linguistique. Cependant, comme je suis un être noble et bon, je n'en ferai rien. Va, je ne te hais point. Nous demeurons deux amis. »

- « Et par amis, tu veux dire copains, pas ami 6 ou 8 ? »

923 - Samedi 25 novembre 2023

Rigolade sans frontière

Quand il songeait à ce qu'il aimait et à ce qu'il le courrouçait, d'un côté se trouvait le maroilles et de l'autre ceux qui dépréciaient nos voisins d'Outre-Quiévrain. Que parmi eux se trouvassent feus messieurs Baudelaire et Coluche, ne laissait pas de l'étonner, parce que le poète aussi bien que l'humoriste étaient indubitablement hommes de talent.

On ne pouvait, d'aucune manière, en dire autant des grasseyants lourdingues qui se pensaient irrésistiblement drôles en donnant crassement dans la blague belge. A leur contact, il éprouvait une furieuse envie de replier sur eux- même les doigts de sa main droite et de la projeter sauvagement sur leurs misérables museaux.

Néanmoins, comme il souscrivait au saint commandement enjoignant de nous aimer les uns les autres, il refrénait cette pulsion pugilistique. Et plutôt que de céder aveuglément à ses penchants sanguinaires, il goûtait à la joie, simple et pure, d'élargir l'horizon humoristico-intellectuel de ces tristes pitres. Il leur offrait fraternellement de découvrir les histoires que leurs alter ego étrangers racontaient sur les Français :

Quelle est la différence entre Dieu et un Français ?  Dieu, lui, ne se prend pas pour un Français.

Quelle est la différence entre un touriste français poli et une licorne?  Il n’y en a pas, ni l’un ni l'autre n’existent.

Quelle est la différence entre Nelson Mandela et un membre du gouvernement français ? Nelson Mandela a été en prison, avant, d’être élu.

Un Français prend un train pour la Suisse. Arrivé à destination, en sortant de la gare, il voit un débit de boisson ayant pour enseigne « Le café de la marine ». Il avise alors un passant et lui demande :
- « Comment se fait-il que vous ayez un café de la marine ? Vous n’avez ni de mer, ni d’océan . »
- « Et alors, en France vous avez bien des maisons de la culture. »

Après avoir créé la France, Dieu se rendit compte qu'il était le plus beau pays du monde. Il se dit que cela allait rendre jaloux les autres. Alors, pour rétablir l’équilibre, il fit les Français.

Bizarrement, ce genre d'humour ne provoquait pas une franche hilarité chez les joyeux lurons si prompts à se gausser des sujets du roi Philippe et de la reine Mathilde. Lui, il ne se sentait pas concerné par les histoires sur les Français. Il était Cambrésien.

924 - Dimanche 26 novembre 2023

Alors, ça, faut pas lui en parler

Etant espiègle et mutin, aucune thématique ne le rebutait. Il se montrait toujours ouvert à n'importe quelle discussion avec n'importe qui. Il existait cependant un terrain sur lequel il ne valait mieux pas l'entraîner, celui du chauvinisme. Le seul fait d'entendre le mot, hérissait l'ensemble de son système pileux. Le sujet le crispait encore plus que le souvenir de la sortie d'Harald Schumacher sur Patrick Batiston, en 1982. C'est dire la vigueur du sentiment.

L'irritation que provoquait en lui cette question s'expliquait par le fait qu'il considérait qu'elle était sans objet. Se trouver obliger de sempiternellement le démontrer, l'horripilait encore bien davantage. Cependant, il se pliait à l'exercice à chaque fois qu'il s'y trouvait confronté. Il débutait toujours son propos de la même manière.

Savez-vous d'où vient le terme chauvinisme, questionait-il ? Il dérive d'un patronyme. Celui de Nicolas Chauvin, qui naquit à Rochefort, au XVIIIeme siècle. Il servit dans l'armée révolutionnaire puis napoléonienne. Il devint célèbre grâce à son amour incomparable pour la patrie. La force de cette passion finit par paraître excessive aux yeux de ses contemporains et Chauvin devint un objet de moquerie.

Ayant délivré cette information historique, il poursuivait en demandant : comment peut-il se faire que l'on puisse trop aimer, que ce soit sa patrie, un être cher, ou l'agruminvelopapyrophilie ? Avec quelle unité de mesure la chose s'évaluait-elle : le kilo, le mètre, le litre, le parsec ? Quoi qu'il en soit, bien des années plus tard, Nicolas Chauvin eut l'honneur de faire partie des personnages que Pierre Larousse inscrivit dans les pages de son dictionnaire.

Sauf que, en 1993, précisait-il, la thèse de monsieur Gérard de Puymège démontra que Nicolas Chauvin était un personnage purement imaginaire. Par conséquent, concluait-il, si pas de Chauvin, pas de chauvinisme, CQFD.

Commentaire

Je tiens à mentioner que le terme métabolisme n'a rien à voir avec Nicolas Métabol, humaniste et fournisseur attitré de maroilles des Armées révolutionnaires et napoléoniennes.

Maître Capello

925 - Samedi 02 décembre 2023

Bêtes de guerre

- « Monsieur Brunulphe Truslugru, président créateur de l'A.D.P.C.H.C.F (Association pour la Défense et la Prise en Charge Hospitalière des Crèmes Fouettées), décoré de la croix de l'Apfelkuchen de Rothenburg ob der Tauber et habitant de Ribecourt-la-Tour, tient à rageusement déboulonner de leurs piédestals deux gars d'autrefois. Brunulphe, mon bon, nous nous en voudrions de vous brider, alors déboulonnez, déboulonnez, à souhait. 

- « Je souhaite avant toute chose exprimer ma profonde indignation de constater, qu'en plein XXIeme siècle, des crèmes innocentes sont encore fouettées par des cuisinières et des cuisiniers inhumains, amoraux et sans pitié. Aussi, je vous engage vivement à rejoindre l'A.D.P.C.H.C.F, afin que cesse cet inacceptable et flagellant scandale. »

- « Nous n'y manquerons pas, soyez en assuré, cher Brunulphe. D'ailleurs, la SNCM (Société Nationale des Consommateurs de Maroilles) me signale qu'elle vous apporte son soutien plein et entier. Sinon, qui est-ce qui donc que vous voulez dévisser à la clef de 12 ? »

- « Je commencerai par le feldmarechal Erwin Rommel. »

- « Ah, le fameux renard du désert ! »

- « Le blaireau, voulez-vous dire. »

- « Brunulphe, le fait que Rommel ait pris Cambrai, en mai 1940, ne vous incite sans doute pas à éprouver pour sa personne une sympathie débordante. Cependant, eu égard au remarquable tacticien qu'il fut, il ne mérite point que vous le qualifiez de la sorte. »

- « Si je reconnais le caractère plutôt leste de l'épithète dont je l'ai gratifié, en revanche je n'en nie aucunement la justesse. Et puisque vous l'évoquez, revenons un instant sur la prise de Cambrai. »

- « Bien qu'il s'agisse là d'un douloureux et déchirant souvenir, nous vous écoutons. »

- « Rommel s'empara de Cambrai sans véritables combats. Les troupes chargées de défendre la ville ne possédaient ni les effectifs, ni les moyens nécessaires. Pour le faire. »

- « Oui, bon d'accord, mais dans les déserts de Lybie, d'Egypte puis en Tunisie, reconnaissez tout de même qu'il a assuré. »

- « Oui, aussi longtemps qu'il conserva la supériorité matérielle et numérique. Encore que... A Bir Hakeim, il fut mis en échec par la 1ere Brigade Française Libre, bien que ses forces aient été dix fois plus importantes. »

- « Oui, bon d'accord, mais ensuite... »

- « Ensuite, lorsque que le rapport des forces s'inversa, il prit une dérouillée pire que celle subie par ses collègues de Stalingrad. Par ailleurs, le fait qu'il se soucia fort peu des questions de logistique et de renforcement de ses troupes, n'arrangea pas ses affaires. Plus tard, il reçut pour mission d'empêcher le débarquement allié en France. Inutile, je pense, de vous rappeler avec quel succès il s'acquitta de cette tâche. »

- « Pardonnez-moi de vous couper la parole aussi insolemment, Brunulphe, mais l'heure du maroilles va bientôt sonner. Aussi auriez-vous la bonté de bien vouloir vous interrompre et de poursuivre prochainement ? »

- « J'y consens volontiers. Je m'en voudrais de maroilles vous priver. »

- « Soyez en remercier. »

926 - Dimanche 03 décembre 2023

Bêtes de guerre (suite et fin de la bêtise 925 ?)

- « Brunulphe, nous vous sommes follement reconnaissants de reprendre votre brillant déboulonnage. »

- « Tout le plaisir est positivement pour moi. »

- « Vous nous montrâtes, avec un talent inouï, que la réputation d'excellence militaire de Rommel était, pour le moins, surfaite. Bon d'accord, mais il n'en demeure pas moins à son crédit qu'il n'adhéra pas au nazisme. »

- « Pour vous exprimer mon opinion sur ce sujet, je vous soumets deux brèves citations, tirées de lettres qu'il écrivit à Lucia Maria, son épouse : « Le Führer sait ce qui est bon pour nous ! N’est-il pas merveilleux que nous ayons un tel homme ?». « Le Führer me donne l'impression de posséder un pouvoir magnétique, voire hypnotique, qui découle de sa foi absolue en une mission qui lui aurait été confiée par Dieu ou par la Providence afin de conduire le peuple allemand jusqu’au soleil. »

- « Bon d'accord, mais il participa à l'opération Walkyrie. Si mes souvenirs sont exacts, le projet consistait à offrir un aller simple vers l'au-delà à Adolf. »

- « Sur ce sujet, je me permets de vous renvoyer aux propos de monsieur Ardélien Van de Piedra Blanca de La Garenne Bezons1. Pour ma part, je me contenterai de rappeler, premièrement, que Rommel et ses petits copains n'entendaient nullement abolir le régime nazi, mais seulement en changer les dirigeants. Deuxièmement, ils souhaitaient proposer une alliance aux Anglo-Américains, afin de déclencher avec eux une troisème guerre mondiale, contre les Soviétiques. »

- « Alors, comment puisse-t-il se faire que Rommel jouisse d'une si flatteuse réputation ?

- « Pardonnez-moi, je me dois de vous faire amicalement remarquer que l'heure du maroilles va, à nouveau, bientôt sonner. Aussi, vais-je m'interrompre. »

- « Nous ferez-vous tout même la grâce d'apporter une réponse à ma question ultérieurement ? »

- « J'y consens volontiers. »

- « Soyez en remercié. »

1 : voir bêtise 843 - Note de  Nervien

927 - Samedi 09 décembre 2023

Bêtes de guerre (suite et fin des bêtises 925 et 926, c'est promis, parce que je ferais pas ça tous les jours, comme dirais Marie-Pierre Casey. https://www.youtube.com/watch?v=0qNhrJ6WTCk)

- « Cher Brunulphe, la semaine dernière, lorsque vous suspendites votre éblouissant exposé, vous en étiez à l'instant où nous vous interrogions sur l'origine de la flatteuse réputation de Rommel. Alors, que comment est-ce que par quoi donc s'explique ladite flatteuse réputation. »

- « Par la propagande, cher Nervien, celle de ce bon docteur Goebbels. Il transfigura Rommel en  dieu de la guerre. Ce bon Erwin bénéficia également de la propagande des Britanniques. D'ailleurs, ce furent eux qui lui donnèrent son surnom de renard du désert. »

- « Les Britanniques ?! Why ? Ne puis-je m'empêcher de vous demander. »

- « Même si la chose peut vous paraître incohérente, afin de vous répondre, je vais maintenant vous parler de celui qui battit Rommel, en Afrique. »

- « De toute évidence, vous évoquez, ici, Bernard Montgommery, une sacrée pointure, le gars. »

- « Disons, une pointure fillette. Grâce au travail de décryptage des services de renseignement, il connait, à l'avance, tous les plans de Rommel. Il dispose de 220 000 remarquables combattants, contre 163 000 pour Erwin. Il aligne 1029 chars face aux 565 du feldmarechal et je vous fait grâce du décompte des pièces d'artillerie. Montgomery bénéficia également de l'incapacité de Rommel à s'occuper correctement de la logistique et du recomplètement de ses troupes. En résumé, pour ne point gagner, il eût fallu que Montgommery le fit exprès ou qu'il tombât sur Napoléon. Vous saisissez maintenant la stratégie de la propagande britannique ? »

- « Ben oui, comme A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, pour le prestige de Montgommery, il fallait faire de Rommel un ennemi redoutable et propre sur lui. »

- « Exactement, vous avez parfaitement compris la manœuvre. »

- « Bon d'accord, mais je suppose que Montgomery ne se limita pas à une campagne militaire contre Rommel. »

- « Effectivement, ensuite on l'envoie à la conquête de la Sicile. Il s'y fait damer le pion par son collègue américain Patton. Puis, dans le cadre du débarquement de Normandie, il reçoit la tâche, primordiale, de prendre Caen. Cette prise doit se dérouler en une journée, le jour même du débarquement. En fin de compte, Montgomery met six semaines pour s'emparer de la ville. Auparavant, il la soumet à un bombardement aérien qui ne causa pas le moindre dommage aux Allemands, mais entraîna la mort de 1972 Caennais. Il ne semble par avoir été particulièrement ému par ce massacre puisqu'il n'exprima jamais de regret et ne présenta aucune excuse. »

- « Je présume qu'après un si bel exploit, il se trouva mis sur la touche. »

- « Absolument pas, en septembre 1944, malgré l'opposition des généraux U.S Bradley et Patton et celle du général polonais Sosabowski, il lance sur les Pays-Bas l'opération Market Garden, la plus vaste offensive aéroportée que le monde ait jamais connu. L'attaque se solde par l'un des plus grands et des plus sanglants fiascos de l'Histoire militaire. »

- « Avez-vous autre chose à ajouter, Brunulphe ? »- 

- « Cest par où le maroilles que vous m'avez promis, tout à l'heure ? J'espère que ce n'était pas de la propagande. »

Commentaire

Les deux véritables cracks de la seconde guerre mondiale furent indubitablement le général Patton et le maréchal Leclerc. Pourtant, ces deux chefs militaires possédaient des traits de caractères fort différents. Entre autres, Leclerc se montrait toujours soucieux de la vie de ses hommes, tandis que Patton était surnommé old blood and guts (le vieux sang et tripes) par ses G.I, ce qui veut tout dire

Carl von Clausewitz

En effet, par exemple, Leclerc, fut scandalisé par l'ampleur des pertes humaines, subies lors de la bataille de Metz. Il alla trouver le responsable de cette hécatombe : le général de Lattre de Tassigny. Furieux, il le saisit brutalement par les revers de son uniforme et lui passa une véritable, excusez-moi du terme, engueulade. L'histoire ne serait cependant pas complète si je ne précisais pas que de Lattre de Tassigny était alors le supérieur hiérarchique de Leclerc. Quant à Patton, il possédait effectivement une autre vision des choses. Il considérait que, je cite : « Il est stupide et mauvais de pleurer les hommes qui sont morts. Nous devrions plutôt remercier Dieu que ces hommes aient vécu. »

Sun Tzu

 928 - Dimanche 10 décembre 2023

Logique journalistique

Assis côté couloir dans le TER Saint-Quentin/Cambrai, de 15h24, il parcourait distraitement les pages d'un journal. Il l'avait trouvé sur le quai, abandonné sur un banc. Cela faisait bien longtemps qu'il ne s'était adonné à ce genre de lecture. L'inintérêt grandissant que lui inspirait la presse, l'avait conduit à réinvestir le temps et les deniers qu'il lui consacrait dans des choses bien plus alléchantes, comme le maroilles, par exemple.

Il parvint à la rubrique des faits divers au moment où le train commençait à rouler. Le premier article relatait un accident survenu en 1928. Sans doute, n'est-il jamais trop tard pour bien faire, pensa-t-il charitablement.

Dans les années 20, le troisième homme le plus riche du monde se nommait Alfred Loewenstein. Le 4 juillet 1928,   il effectua un plongeon mortel dans la Manche. L'homme avait confondu la porte de sortie de son Fokker avec celle des toilettes. Cette méprise se solda par une chute dans le vide qui se termina de manière tragique dans la mer, 1200m plus bas.

L'histoire lui parut vraiment incroyable, non du fait de sa singularité, mais plutôt à cause de ses incohérences.

En 1928, tout comme aujourd'hui, rien ne ressemblait moins à la porte de sortie d'un aéroplane que celle de ses toilettes. Alors, comment Loewenstein avait-il pu ne pas faire la différence entre les deux ? Une telle confusion ne pouvait s'admettre que si Loewenstein se montrait à ce point distrait ou peu physionomiste, qu'il eût été capable de prendre un vieux vélo rouillé pour un camion de pompiers.Ensuite, vu la configuration de l'avion, le valet, le secrétaire, les deux sténo-dactylos, qui l'accompagnaient,  ont forcément vu l'erreur qu'il commettait. Pourquoi ne sont-ils donc pas intervenus ?  Enfin, pour ouvrir en plein vol la porte de sortie d'un Fokker, même de quelques centimètres, il fallait posséder des biceps surdimensionnés. Or, Loewenstein était milliardaire, pas adjudant.

Le journaliste, auteur de ce papier, tirait de cette dramatiqude histoire une judicieuse et vertueuse concluion. Selon lui, elle démontrait, s'il en était encore besoin, à quel point l'avion représentait un moyen de transport particulièrement mortel pour ... l'équilibre écologique de la planète. Aussi, recommandait-il fermement, de limiter son usage aux cas de force majeure, à savoir les voyages présidentiels ou ministériels, les vols de jets privés et les bombardements aériens.

Commentaire

Ne tournons pas autour du pot et posons la question franchement. Alfred Loewenstein a-t-il été victime d'un assassinat. Dans ce cas, qui aurait pu souhaiter sa dispartion ? Alfred Loewenstein était un type pas très net. Il a bâti sa fortune à force d'intrigues et en lésant de nombreuses personnes. Il a même été condamné pour avoir fait du marché noir avec l'Angleterre, durant la première guerre mondiale. Il a courtisé la fille du conseiller privé du roi des Belges Léopold II. Etant donné son pédigrée, la chose pas ne fut pas vu d'un très bon œil par les autorités royales. Au moment de sa disparition, Loewenstein devait d'importantes sommes d'argent à des créanciers et ses rapports avec son épouse étaient loin d'être au beau fixe. Il ne manquait donc pas de monde possédant quelques raisons de lui en vouloir, à mort.


Harry Bosch

 

 

Le présent site se trouvant atteint de problèmes techniques apparemment insolubles, mon aimable hébergeur m'a aimablement conseillé d'en ouvrir un second. Or donc, les Bêtises de nervien se voient dans l'obligatoire obligation de déménager vers un nouveau site très poétiquement et originalement intitulé : BETISSES ED NERVIEN  ( https://betisses-ed-cambrai.mywebselfsite.net/ ) .

 

929 - Samedi 16 décembre 2023

Fauteur de guerre

Ils avaient convenu d'aller acheter leurs maroilles quotidiens ensemble, puis d'amener leurs billons au contrôle technique bisannuel obligatoire. Voilà pourquoi, au mitan de cette matinée du cinquante-neuvième jour avant la saint Zébulon du Rigodon, ils se dirigeaient résolument et de conserve vers l'établissement officiellement accrédité pour vérifier la fiabilité de leurs massettes en bois de charme. Chemin faisant, ils s'offraient l'agrément de s'adonner au convial plaisir de l'échange verbal.

- « Ta femme, tes enfants, ça va, Nathalas ? »

- « Oui, ça va, Napolidore. Et toi, ta femme, tes enfants, ça va ? »

- « Oui, ça va. Ton billon, tu l'a fait réviser ? »

- « Oui, je le fais toujours, parce que je n'ai pas envie de payer une contre-visite .»

- « Moi, c'est pareil. Sinon, que penses-tu des gens qui ne connaissent pas le billon et de ceux qui affirment que, dans toute l'Histoire, il n'existât point de plus sanguinaire belliciste que Napoléon ? 

- « Aux premiers, j'adresserai l'expression de ma plus sincère et profonde compassion. »

- « Quant aux seconds ? »

- « Rien »

- « Comment cela, rien ? »

- « Ce sera pour moi un sujet éternel de regret que nos deux nations qui, pour de nombreuses raisons devraient être amis, ait été conduites dans une querelle si peu justifiée. »

- « Hein ? »

- « N'avons-nous pas fait tuer assez de gens et provoqué suffisamment de misère ? Pour moi, si les offres que j'ai l'honneur de vous faire pouvaient sauver la vie d'un seul homme, je m'en considérerai plus fier que de la gloire triste que peut procurer une victoire militaire. »

- « Hein ? »

- « Rassure-toi, Nathalas, je ne divague point. Je citai simplement, mais néanmoins brillamment, des extraits de lettres écrites par Napoléon au roi de Prusse et à l'archiduc d'Autriche. Et toi, dis-moi, finalement, que penses-tu de ceux qui affirment que, dans toute l'Histoire, il n'existât point de plus sanguinaire belliciste que Napoléon . »

- « Rien »

930 - Dimanche 17 décembre 2023

Scandale sanitaire

Tandis qu'il attendait son TUC1, il sentit soudain poindre en lui l'ombre angoissante d'un doute. Il se mit alors en devoir de vérifier le contenu de son panier. Il devait recéler une galette, un petit pot de beurre et un maroilles, destinés à sa mère-grand. Son contrôle confirma que rien n'avait été oublié. Il en ressentit une intense satisfaction et une profonde paix intérieure.

Ses craintes se trouvant apaisées, il tourna ses pensées vers d'autres horizons. La vie, songea-t-il, se complait à nous faire accomplir maintes choses semblables et pourtant si différentes. Ainsi, par exemple, ma matinée et mon après-midi de ce jour sont tous deux consacrés à des visites. Cependant, l'une ne se peut en rien comparer à l'autre. Si la seconde, que je m'apprête présentement à effectuer, est de courtoisie, puisque dévolue à ma mère-grand, la première fut médicale, attendu que je la fis à mon médecin.

Ce praticien, aussi compétent que dévoué et sympathique, lui avait délivré une réfllexion qui lui avait donné matière à réflexion.

« Cher patient et néanmoins ami, lui avait-il déclaré, vous tenez une forme insolemment mathusalemmienne. Sachez qu'il s'agit là d'un état beaucoup plus rare que vous semblez le croire. Le lot commun consiste à se trouver affligé de la rate qui se dilate, à avoir le foie qui n'est pas droit, le ventre qui se rentre, le pylore qui se colore, etc... etc. En effet, 95,7% des personnes souffrent au moins d'une des trois-cent-une maladies, atteintes physiques, aussi bien chroniques que passagères, ou d'une des deux-mille-trois-cent-trente-sept séquelles invalidantes, répertoriées à ce jour. Seuls 4,3% de la population sont parfaitement saines et ne souffrent d’aucun mal d’aucune sorte.

Il quitta le cabinet du médecin en s'interrogeant dubitativement. Les gens n'avaient-ils donc rien de mieux à faire que de passer leur temps à tomber malade ?

1 : à l'intention de nos amis apéritophiles dijonnais, roannais, voir sarladais, qui sans doute et à bon droit l'ignorent, précisons qu'ici « TUC » ne désigne pas le délectable petit gâteau salé originaire d'Anvers, mais les Transports Urbains du Cambrésis, qui permettent aux populations de se déplacer en bus dans l'agglomération cambrésienne et ses alentours.

931- Samedi 23 décembre 2023

Conte de Noël

Atrabilaire par nature, chicaneur par vocation et enquiquineur par ailleurs, il considérait que toute chose représentait une source potentielle de critique. Il ne vivait que pour se répandre en ergotages, désapprobations, aversions. Ces antipathiques penchants le poussaient à ne point montrer de considération envers quoi que ce soit et donc à ne s'investir en rien, pas même dans les festivités majeures. Cependant, cette année, il consentit à faire une exception. Il sacrifia à l'une des grandes traditions liées aux célébrations du 25 décembre : écrire une lettre au Père Noël. Ou du moins un mail, parce qu'aujourd'hui plus personne ne s'adonnait à l'art épistolaire.

Monsieur Noël

D'abord et avant tout, je me demande à quel genre de parents appartenaient votre maman et votre papa pour vous avoir affublé d'un prénom aussi saugrenu que « Père ». En bonne justice, une telle indignité parentale aurait dû leur valoir le retrait de votre garde et votre placement dans une famille d'accueil, dûment agrée par les services accréditeurs, bien entendu. Mais, enfin bref, passons et venons-en au cœur de mon propos.

Je vous rappelle que, si sur le territoire de la République Française, la violation de domicile ne permet, malheureusement, pas l'application de la stand-your-ground law, elle entraîne cependant celle de l'article 226-4 du Code pénal. Celui-ci prévoit que ce délit « est puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ».

Aussi, je ne saurais trop vous déconseiller de passer subrepticement par la cheminée pour vous introduire frauduleusement dans mon logis. Je vous invite fermement à mettre vos pratiques en conformité avec les lois en vigueur. Pour ce faire, vous voudrez bien déposer mes cadeaux sur le pas de ma porte, sans esprit de dissimulation ou de fourberie.

Afin que vous puissiez atteindre mon huis sans encombre, le 24 décembre au soir, je désactiverai les alarmes ainsi que les pièges protégeant ma résidence et garderai à l'intérieur mes quatre doberman, entre 19h00 et 19h10.

J'ajoute, à l'intention de Tornade, Danseur, Furie, Fringant, Comète, Cupidon, Tonnerre, Éclair, Rudolph, que je suis détenteur d'un permis de chasse et donc, jusqu'au 29 février prochain, je suis en droit de les abattre sans sommation, comme bon me semble.

Joyeux vous

P.S: ma liste de cadeaux est en pièce jointe

Commentaire

Est-ce que l'on peut se prévaloir de la stand-your-ground law dans le cas où un foie jaune essaye de venir voler votre maroilles dans votre salle à manger ?

Stephen Fuller Austin

 

932- Dimanche 24 décembre 2023

 

Ça coûte rien de vérifier

Il n'en croyait pas ses yeux qui se trouvaient presque au bord des larmes. Il souhaitait voir la chose se réaliser depuis si longtemps et aujourd'hui son rêve devenait réalité. Il appela immédiatement son épouse.

- « Aldebarde ! Aldebarde ! Aldebarde ! Ma Mie ! »

Sortie de son sommeil en sursaut, elle interrogea, glacée d'angoisse :

- « Hein, que, quoi, que se passe-t-il ? Il pleut ? Il y a le feu ? Tu as encore eu une idée de génie1 ? J'ai oublié d'acheter du maroilles ? »

- « Non, viens voir, le Père Noël est passé . »

- « Quoi ! Ça ne pouvait pas attendre ?! Il est deux heures du matin, Fernandeau ! »

- « Allez, cesse de râler et rejoins-moi vite. »

Elle se leva, enfila son élégante robe de chambre en pilou-pilou du Nunavut et chaussa ses coquettes mules d'intérieures, en velours matelassé, dessus, et fourrées pure laine de yak soyeux, dedans. Elle quitta la chambre conjugale en maugréant :

- « J'aurais dû épouser un pilote de ligne. Comme, il occupe les trois quarts de ses journées en l'air, il ne passe pas son temps à vous le pomper. »

En entrant dans la bibliothèque où ils avaient dressé le traditionnel sapin décoré, elle trouva son Fernandeau de mari assis derrière le bureau. Sur ce dernier trônait un truc étrange ressemblant en tous points à un bidule bizarre. Devançant la question de son épouse, il l'informa d'un ton extasié :

- « C'est un Voight-Kampff. »

- « Enchanté, et, sans indiscrétion, c'est quoi, un Voight-Kampff ? »

- « Il s'agit d'une sorte de détecteur de mensonge dont se servent les blade runners1 pour démasquer les androïdes. Assieds-toi bien en face du Voight-Kampff, je vais vérifier que tu es bien humaine et non pas un robot. »

- « Ça va pas ! T'es pas bien ! Tu trouves que j'ai une tête de D2R2 ? »

- « Non, absolument pas, tu ressemles plutôt à la princesse Leyla, mais il ne faut jamais se fier aux apparences.

- « Je le crois pas... Allez, vas-y, amusons-nous un brin, voight-kampffe moi. »

- « Détends-toi et vide ton esprit. Je vais te proposer de réagir rapidement et brièvement à un certain nombre de situations. Le Voight-Kampff s'occupera du reste. Ne t'inquiète pas, l'exercice ne présente aucun danger et se montre totalement indolore. »

- « Encore heureux ! Manquerait plus que toi et ton machin Kampff, vous mordiez. Et si tu découvres que je suis un robot, que comptes-tu faire de moi ? Me vendre à la férraille ? »

- « Fichtre, non ! Je tiens beaucoup trop à toi ! Je te garderai et je te convertirai en vélo d'appartement électrique. »

- « Je suppose que je devrais être profondément émue et pétrie de reconnaissance ? »

- « Bien évidemment, bon, je commence. On te donne un bol de café à la chicorée au lait et une tartine de maroilles. »

- « Je mange la tartine de maroilles en la trempant dans le café à la chicorée au lait. »

- « Tu es en voiture. Tu ressens soudain le besoin d'un peu d'air frais. 

- « Je baisse le carreau. »

- « Nous sommes dimanche. Tu as envie de faire un tour de manège. »

- « Je vais à la ducasse. »

- « Deux fois dix égalent ? »

- « Vinte »

- « Il drache. »

- « Je prends mon parapluie. »

- « Tu prépares de la crème brûlée. »

- « J'utilise de la cassonade pour la caraméliser. »

- « Tu vois de l'eau sur le carrelage. »

- « Je l'éponge avec une wassingue. »

- « On te demande le nom des meilleurs acteurs du monde de tous les temps.»

- « Philippe Noiret, Pierre Richard »

- « Tu as une belle portion de frites dans ton assiette. »

- « Je les assaisonne généreusement avec du vinaigre. »

- « Cafougnette, 14 ans, discute avec son grand-père, âgé de 75 ans. L'aïeul lui explique : mon petit, quand j'avais ton âge, je travaillais déjà. »

- « Et moi, lui répond Cafougnette, quand j'aurai le tien, je travaillerai encore. »

- « Tu as besoin d'un clou pour y accrocher au mur le cadre dans lequel se trouve mon magnifique portrait photographique, en couleur. »

- « Avant, j'aurais été en acheter un à La Cave, mais maintenant... »

- « Voilà, j'en ai terminé, merci. »

- « Alors, satisfait ? Suis-je ou ne suis-je pas une androïde ? »

- « Ben, honnêtement, je ne saurai le dire. En revanche, ce dont je suis à présent intimement et définitivement convaincu, c'est que tu es une véritable Cambrésienne. »

1 : voir bêtises 580, 593, 645, 694 - Note de Nervien

2 : pour ceux qui souhaitent en savoir plus sur le sujet, vous pouvez lire le livre et voir le film « Blade Runner », celui de 1982. L'histoire du second ne reflète pas tout à fait le premier, mais est néanmoins très bien. Note de Rick Deckard

932 bis - Dimanche 24 décembre 2023

Le gars, là, sur la photo, c'est un blade runner et le machin posé devant lui, sur la table, c'est un Voight-Kampff. Le Voight-Kampff n'est pas livré avec un blade runner et réciproquement.

Petit jeu gratuit pour les cinéphiles : quel point commun existe-il entre ce blade runner et D2R2 ?

 

933 - Samedi 30 décembre 2023

De la science et des chemins de la gloire

Il se montrait de plus en plus convaincu que, de toutes les qualités, le bon sens se trouvait devenir la moins bien mise à profit par ses contemporains. Le manque de jugeote triomphait toujours davantage. Il allait bientôt totalement nous encercler et nous réduire à sa merci. Il en avait encore reçu un vivant exemple dernièrement.

Un de ses amis de quatorze ans et trois mois était venu lui faire part de l'état d'indignation dans lequel il se trouvait. Il s'offensait de voir nos scientifiques ne point bénéficier de la reconnaissance à laquelle ils pouvaient légitimement prétendre. Leurs remarquables découvertes leur donnaient trop peu souvent la possibilité de sortir de l'anonymat et de pouvoir ainsi bénéficier de la gratitude des foules admiratives.

Il en voulait pour preuve ces chercheurs de l'Université technologique de Compiègne qui avaient réussi à mettre au point l'eau en poudre. Ces insignes savants étaient parvenus à ce résultat en enfermant chaque goutte d'eau dans une coquille d'anti-agglomérant. Ils obtinrent ainsi une poudre qu'il suffisait de piler pour avoir de l'eau liquide. Bien qu'elle datât de 2018, qui avait jamais eu connaissance de cette fabuleuse invention ?

Il assura son ami de quatorze ans et trois mois qu'il comprenait et s'associait à sa juste consternation. Cependant, en son for intérieur, il pensait de toute autre manière. Fallait-il vraiment s'étonner d'une telle situation ? Si ces chercheurs avaient possédé un peu de bon sens, ils n'auraient pas conçu l'eau en poudre, mais plutôt la bière en poudre. Et là, nul doute que l'on se fût intéressé à leur découverte et qu'on les eût célébrés et portés aux nues.

Solution du petit jeu gratuit pour les cinéphiles

Ce blade runner est Harris Ford, en personne. Lui et D2R2 ont joué dans La guerre des étoiles. Bravo, à ceux qui ont trouvé.

934 - Dimanche 31 décembre 2023

Mise en perspective chronologique

La photo sur son calendrier de la Poste représentait des petits zoziaux picorant des miettes de maroilles dans une assiette en porcelaine de Saint-Amand-les-Eaux. En y jetant un coup d'œil machinal, il songea qu'une année se finissait. L'univers allait prendre un an de plus, si tant est qu'il ait vu le jour le lendemain de la Saint-Sylvestre. Lorsque que vous êtes déjà âgé de plusieurs milliards d'années, cela ne devait revêtir que peu d'importance.

A la suite de cette réflexion, dont il ne se sentit pas peu fier, il lui revint à la mémoire une image, l'image de son premier professeur d'Histoire. Souvenir d'un temps, aussi mélancolique que lointain, que les moins de vingt ans ne pouvaient pas connaître, un temps où les profs d'Histoire ne se faisaient pas décapiter. Pour faire comprendre à ses élèves ce que représentait l'ancienneté de l'Homme au regard de celle de l'univers, l'enseignant leur avait fait, craie blanche en main, la démonstration suivante.

Réduisons l'évolution de l'univers à l'échelle d'une année, leur avait-il dit. L'univers se crée le 1er janvier, à 00h00. Trois semaines plus tard, les premières étoiles commencent à briller. Les galaxies se forment durant le mois de février.

Le 09 septembre, notre soleil s'allume et des planètes s'agrègent dans son orbite. Le 13 septembre, à 6h00 du matin, la Terre prend sa place parmi ces dernières Le lendemain, la Lune vient tourner autour d'elle.

Vers le 25 septembre, les bactéries. apparaissent. L'atmosphère, composée d'azote et d'oxygène, se met en place entre octobre et début décembre. Le 19 décembre, les poissons montrent le bout de leurs nez. Le 20, les plantes terrestres éclosent. Le 21, les animaux peuplent les continents. Le 23, les arbres s'élèvent vers le ciel. Le 25, les dinosaures arrivent, le 26, ce sont les oiseaux, le 27, les fleurs, le 28 les fruits et le 30, les dinosaures disparaissent.

Le 31 décembre, aux alentours de 15h00, des primates décident de quitter leurs arbres pour vivre sur le sol. A 22h30, ils se mettent à marcher debout : l'Homme. était né. A 23h45, il invente le feu. Il peint les grottes de Lascaux à minuit moins trente-trois secondes, bâtit les pyramides à minuit moins dix secondes. Il se lance dans la conquête spatiale à deux centièmes de seconde avant minuit.

En revenant au temps présent, il se rendit compte que sa montre s'était arrêtée.

935 - Samedi 06 janvier 2024

« Les corps et les caractères, tout autant que le paysage, sont façonnés par la Burle, ce terrible vent hivernal qui glace jusqu’aux os »

Souventes fois, il oyait d'aucuns tenir des discours qui l'ébaubissaient vigoureusement. Au premier rang de ces quidams se trouvaient les contempteurs du maroilles. Puis venaient ces frustrés qui se désolaient que les « trucs badass, style le triangle des Bermudes, ils étaient pas dans la France, mais toujours dans l'étranger ».

En premier lieu, l'anglicisme argotique « badass », à l'étymologie aussi disgracieuse que sa sonorité, lui écorchait les tympans, qu'il avait fragiles, il est vrai. Ensuite, il s'offusquait qu'il se puisse proférer une telle affirmation. Elle attestait que, d'une part, ses auteurs ignoraient crassement qu'un hexagone peut se diviser en six triangles et que, d'autre part, dans l'Hexagone, il existait celui de la Burle.

Cette lacune lui paraissait d'autant moins excusable que trouver ce triangle relevait du jeu d'enfant. En effet, il se situait tout simplement à 45° 02′ 39″ de latitude nord, 3° 53′ 09″ de longitude est, 44° 54′ 40″ de latitude nord, 4° 11′ 42″ de longitude est et 45° 23′ 00″ de latitude nord, 4° 34′ 20″ longitude est. Ou en d'autres termes, pour ceux qui montreraient des tendances à la complication, il s'agit d'une zone localisée à l'est du Massif Central, entre le Puy-en-Velay, en Haute-Loire, le mont Mézenc, en Ardèche et le massif du Pilat, dans la Loire.

De 1944 à nos jours, plus de 80 catastrophes aériennes se sont produites à l'intérieur de ce triangle. Le 13 mai 1948, l'une d'elle causa la mort de Kathleen Kennedy, soeur cadette du futur président américain John Fitzgerald Kennedy. Le 21 janvier 1971, une autre, décapita la totalité de l'élite du nucléaire français, en tuant le directeur du Commissariat à l’Energie Atomique et 13 savants atomistes.

A cette longue série de drames, il fallait ajouter deux évènements des plus singuliers Le 18 décembre 1980, la gendarmerie déclencha une opération de sauvetage suite au crash d'un avion. Parvenus sur les lieux de l'accident, les gendarmes ne trouvèrent aucune trace de l'appareil. Des faits similaires se produisirent deux mois plus tard.

Comme quoi, nous n'avons rien à envier aux Bermudes et à son triangle, disait-il. Mais devait-on vraiment s'en féliciter, lui répondait-on ?

936 - Dimanche 07 janvier 202

Fait trop chaud

La prévenance pour le futur de planète représentant désormais la préoccupation la plus furieusement tendance, les hommes modernes ne pouvaient que s'y intéresser. Se reconnaissant comme l'un d'eux, il se sentait tout naturellement astreint à afficher clairement son intérêt pour cette cause.

Il soutenait publiquement toutes les directives, les lois, décrétant la décarbonation obligatoire. Il suivait assidument les bulletins météos, s'alarmant bruyamment au moindre degré centigrade excédentaire. Il baissait, éteignait, décalait, avec enthousiasme, au vu et au su de tous. Il affichait son investissement dans la réduction de l'élevage bovin en ne proposant plus de maroilles à ses invités. Enfin, il se montrait, par les rues et les routes, au volant d'un véhicule automobile aussi électrique que criar

Mais voici qu'un copain vint à lui offrir un bouquin commis par un professeur universitaire émérite, directeur de laboratoire au CNRS. Dans son ouvrage, ce docte et savant personnage livrait les résultats de l'étude mathématique qu'il avait menée sur la pertinence des mesures contre le réchauffement climatique. Ce qu'il y découvrit, le laissa comme deux ronds de flancs bringuebalants,

L'Europe produisait moins de 10% des gaz à effet serre émis dans le monde. Dans ces 10%, la part de la France ne comptait que pour 1%. Un million de véhicules à moteur thermique, expulsant chacun 100gr de dioxyde de carbone au kilomètre et parcourant chacun un million de kilomètres, n'entraînaient une hausse de la température planétaire de seulement deux milionième de degré centigrade. La totalité des rejets de dioxyde de carbone causait un réchauffement annuel de l'atmosphère de sept millionièmes de degré. Par ailleurs, une trop forte réduction du dioxyde de carbone mettraient en danger l'existence de l'humanité parce qu'il se révèle indispensable à 94% des espèces végétales cultivées. Quant au méthane, son incidence était négligeable et bien moins importante que celle de la vapeur d'eau naturellement présente dans l'air.

Il en demeura longuement bouche largement bée, se sentant plus désorienté qu'un porteur de lunettes de soleil, perdu dans l'épaisse obscurité des galeries d'une mine privée d'éclairage durant une nuit sans lune. Fallait-il donc prendre pour billevesées et coquecigrues tous les discours moralo-accusatoires que lui tenaient journaux, radios et télés ? En allait-il les raisons réelles du réchauffement climatique comme de la vérité ? Etaient-elles ailleurs ?

937 - Samedi 14 janvier 2024

Histoire de visionaires

- « Monsieur Dufaël Ducracelle, humble habitant de Saint Python et grandiose vendeur par correspondance de sirop contre la toux sèche et de gouttes nasales pour berserkers hypocondriaques, appelle de ses vœux de pouvoir s'exprimer sur deux idées dont il se fait fort de démontrer inexactitude. Dufaël, c'est la moindre des choses et un grand plaisir que de vous laisser le loisir de démontrer fort.

- « Soyez-en remercié jusqu'à la cinquantième génération. Bien qu'inébranlement déterminé, je ne monterai pas dans les tours, mais j'en parlerai, en l'occurrence, de celle dite d'Eiffel. »

- « Monument qui possède une notoriété presque aussi universelle que celle du maroilles. »

- « Si le maroilles porte bien et légitimement son nom, il ne se peut affirmer la même chose à propos de la tour Eiffel. »

- « Est-ce à dire que vous soupçonneriez une usurpation d'identité, sensasionnel Dufaël ? »

- « Vous me voyez abasourdi d'admiration devant la puissance de vos capacités de déduction, aérien Nervien. Malheureusement, la Justice ne peut sévir. D'une part, parce que, eu égard à leur ancienneté, les faits bénéficient du délai de prescription et parce que le coupable a été retiré à l'affection des commerçants de son quartier, le 27 décembre 1923, d'autre part. Néanmoins, je tiens à vous exposer les éléments constitutifs du délit. »

- « Constituez, constituez, fraternel Dufaël. »

- « En mai 1884, l'ingénieur franco-suisse Maurice Koechlin occupe les fonctions de chef du bureau d'étude de la société Eiffel et Emile Nouguier, ingénieur franco-français, celle de responsable des études techniques et des montages dans la même entreprise. Ils imaginent ensemble une très haute tour métallique afin de « donner de l'attrait » à l'exposition universelle, qui se tiendra à Paris, en 1889. Ils présentent leur idée et leurs plans à Gustave Eiffel, mais ce dernier ne se montre guère emballé. »

- « Oh, le débile profond ! 

- « Non, profond, non, puisqu'il laisse ses deux employés poursuivre leur projet. Leur collègue architecte, Stephen Sauvestre, les rejoint pour les aider à peaufiner leur ouvrage. Les trois compères proposent le résultat de leur travail à leur patron, en septembre 1884. Cette fois, le Gustave est partant à 100% et dépose un brevet aux noms d'Eiffel, Nouguier et Koechlin. »

- « Et ensuite, il présenta la tour aux responsables de l’Exposition Universelle de Paris. 

- « Pas du tout, il trouve plus génial de la proposer à la municipalité de Barcelone pour son exposition universelle de 1888. Le maire de la ville, Francesc de Paula Rius i Taulet, refuse. Il trouve le prix demandé excessif, mais surtout que le monument ne possède aucun intérêt et que, de toute manière, sa construction est techniquement impossible. »

 - « Oh, el profundamente estúpido ! »

 - « Alors, là, Eiffel s'adressa à Paris. Donc, en résumé, premièrement, la tour Eiffel devrait s'appeler Koechlin-Nouguier-Sauvestre. Deuxièmement, les Parisiens ne doivent sa présence sur leur sol qu'au fait que le señor Francesc de Paula Rius i Taulet a eu autant de pif que le gars qui pensait pouvoir mettre l'économie russe à genoux, en quinze jours chrono. »

- « Non, mais, là, c'est pas pareil. C'est que l'économie russe, elle a de l'arthrose, du coup, elle peut pas plier les genoux. »

938 – Dimanche 15 janvier 2024

Deux plus deux égalent quatre, ou pas

Chacun s'accordait à le trouver affable, à le considérer comme un bon gars, le genre pas méchant pour un sou. En sus de ces sympathiques qualités, personne ne doutait qu'il dût certainement en posséder beaucoup d'autres. Un garçon aussi poli, aussi propre sur lui, ne pouvait posséder qu'un bon fond et avoir bien du mérite, ma bonne dame.

Cependant, sans que cela ne diminua en eux l'estime qu'ils lui vouaient, ses concitoyens s'étonnaient tout de même qu'il tînt tant à la CRS. Pourtant, qui avait-il d'étonnant à cela de sa part ? En effet, il était le fondateur, le directeur, le seul membre et l'unique sympathisant de la Centrale Ruvignoise de Statistiques.

A l'origine de la création de cette prestigieuse et célèbre institution se trouvait sa passion pour l'étude des chiffres. Plus précisément, il montrait un intérêt enthousiaste à observer leur capacité à influencer notre perception des choses.

Ainsi, expliquait-il, si l'on prenait le cas d'un quidam qui déclare une augmentation de 60% de son ingestion mensuelle de tome de Cambrai et une diminution de 50% de celle de maroilles. Ce bouleversement nutritionnel ne signifiait pas obligatoirement que ce fromageophile mangeait désormais plus de tome de Cambrai que de maroilles. Si sa consommation de tome grimpait de 100 à 160 gr, il n'en restait pas moins qu'elle demeurait inférieure à sa dégustation de maroilles, puisque la réduction de cette dernière le faisait passer d'une quantité de 10 à 5 kg.

Il prenait également pour autre exemple, beaucoup moins gastronomique mais plus macabre, celui de notre estimation de l'importance des pertes militaires subies lors d'un conflit. La guerre du Vietnam, en un peu plus de huit ans, coûta à l'armée des Etats-Unis 58 000 tués. Ce sanglant bilan nous semblait, à raison, très lourd. Mais, en demeurerions-nous convaincus si nous savions, qu'en 1945, la prise de Berlin, qui dura trente jours, entraina le décès de 85 000 soldats soviétiques ?

Sinon, ce qu'il aimait avec les chiffres, c'est qu'ils lui permettaient de vérifier qu'il ne se faisait pas arnaquer quand on lui rendait la monnaie.

Le présent site se trouvant atteint de problèmes techniques apparemment insolubles, mon aimable hébergeur m'a aimablement conseillé d'en ouvrir un second. Or donc, les Bêtises de nervien se voient dans l'obligatoire obligation de déménager vers un nouveau site très poétiquement et originalement intitulé : BETISSES ED NERVIEN  ( https://betisses-ed-cambrai.mywebselfsite.net/ ) .